... pour en distinguer précisément les contours. Cela dit, les images parlent d’elles-mêmes. En bas de l’écran défile le récit d’autres catastrophes qui n’ont pas de lien avec les images diffusées. Dans le même temps, une double dose de drames s’imprime sur ma rétine.
Sous ma peau, un mouvement. Un petit pied déforme mon ventre, ou peut-être était-ce une main ? Tu te réveilles… Tu t’étires… Une vague d’émerveillement m’envahit. Je caresse tendrement ce ventre qui te protège, ma fille, du monde extérieur. Ce contact rassurant me ramène à ma réalité, celle d’une jeune femme qui a eu l’immense chance de choisir. Choix de vie, choix de carrière, choix d’amour, choix de combats… Une explosion télévisuelle détourne soudain mon attention. L’oreille dressée, le cerveau en alerte, je guette le mouvement saccadé de l’image, hypnotique et oppressante. La salle d’attente ne cesse de se remplir. Les infirmières sont débordées. Une heure passe… L'impatience commence à se faire sentir. En fond sonore, la voix du présentateur annonce pour la 3
e fois un attentat à Jérusalem, et sa collègue à la mine de circonstance, enchaîne sur l’annonce de… de quoi ? Je n’entends plus. Malaise. Pas de fenêtre dans cette salle d’attente coupée du monde. Le temps s’est arrêté. Mais un sentiment gluant d’insécurité s’immisce par la lucarne luminescente accrochée au mur.
La majorité des femmes qui m’entourent, préparent dans l’intimité de leur coeur, de leur esprit et de leurs entrailles, l’accueil d’une nouvelle âme sur terre. Et l’écran qui me fait face, seul témoin du monde extérieur, rapporte des images de mort, de guerre, de haine, les images d’un monde à feu et à sang !
Une colère sourde gronde en moi : Ça fait maintenant deux heures que j’attends, et le mot «
VIE » n’a pas été prononcé une seule fois par les présentateurs !!!
Pourquoi n’évoquent-ils pas la joyeuse initiative du chauffeur de tram nantais qui redonne
le sourire à ses passagers ? Pourquoi ne parlent-ils pas des grandes surfaces qui
se mobilisent contre le gaspillage ? Pourquoi ne filment ils pas
le sourire de ce petit garçon de 6 ans qui a dessiné et reçu une
prothèse de main fabriquée par une imprimante 3D? De ce prof de maths qui invente « le cours inversé » pour
gérer ses classes surchargées ?
Puisque près des 2 tiers des français réclament de
l'info positive, pourquoi cette dernière reste-t-elle anecdotique ?
«
Il y a une sorte de schizophrénie entre les aspirations du public pour des nouvelles positives et le fait qu'il aille vers le gore, le spectaculaire ou le sinistre »
, répond Pierre Haski, Cofondateur du site d'informations Rue89 à « l’
Express ».
Et s’il s’agissait là encore d’une habitude ?
Vous souvenez vous de
la pyramide de safran à la surface de laquelle une goutte d’eau se fraye un chemin? Lorsqu’un sillon est creusé par le passage régulier des gouttes d’eau, il faut du temps et de la persévérance pour en creuser un nouveau.
«
Nous n'allons pas faire le journal des bonnes nouvelles. Nous donnons l'actualité telle qu'elle existe », argue Christopher Baldelli, patron de RTL.
Depuis des décennies, les journaux télévisés relayent les guerres, les drames domestiques, les faits divers sanglants, et c’est bien leur mission d’informer chacun de ce qui se passe ici et ailleurs. Mais les initiatives enthousiasmantes, les actions quotidiennes qui participent à faire évoluer le monde, « les trains qui arrivent à l’heure » ne font-ils pas également partie de « l’actualité telle qu’elle existe » ?
En septembre dernier, j’assistais à la présentation de «
l'Impact Journalism Day » lors du
Forum Convergences qui se tenait au Palais de la Bourse à Paris. Quel joie de constater alors l’immense énergie consacrée à changer la vision de notre monde !
Car il s’agit bien là d’un paradigme : Regardez le paysage depuis la même vitre sale pendant des années et vous finirez par croire que le paysage est terne. Nettoyez un beau jour cette vitre et vous redécouvrirez l’intensité des couleurs qui le composent !
Bien sûr il y a du noir, du gris, du sombre… mais il y a aussi le doré d’un rayon de soleil qui éclaire le vert d’une pelouse qui elle-même borde une rivière turquoise dans laquelle filent des poissons argentés…
Nettoyer une vitre encrassée depuis des années par la pollution, les embruns, la pluie et les fientes, demande un véritable courage ! Si nous n’avons pas le temps, l’énergie ou le produit adéquat pour opérer cette révolution ménagère, mais que nous aspirons tout de même à retrouver les vraies couleurs du paysage, une solution toute simple s’offre à nous :
Nettoyer chaque jour un petit coin de notre vitre.
Au bout de quelques temps, nous l’aurons entièrement nettoyée et nous n’aurons plus qu’à l’entretenir à l’aide d’un coup de chiffon quotidien !
Ma fille, tu arrives dans un monde qui se réveille d’un lendemain de cuite. Un monde qui a mal à la tête, mal au corps de s’être cogné à tous les murs de la maison, un monde un peu honteux de n’avoir pas su « s’arrêter à temps »… Un monde qui a tout de même bon coeur et qui semble prêt à sortir de l’adolescence pour se construire différemment. Ses habitants, les tous jeunes notamment, ont les yeux grands ouverts, des épaules musclées et, visiblement, ce n’est pas une vitre sale qui les arrêtera !
Ma fille, tu arrives dans un monde où tout est possible, à condition d’ouvrir en grand les fenêtres pour voir toutes les nuances de l’arc en ciel, et de persévérer à creuser un nouveau sillon d’optimisme et d'enthousiasme dans la pyramide des consciences…