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COP21 : quels fondements philosophiques ?

A l’ouverture de la COP21, le Président de la République, soucieux d’aboutir à un accord mondial pour le climat, a déclaré (sans grande surprise) que « les pays développés doivent assumer leur responsabilité historique ». Mais quelle est donc cette « responsabilité » dont tout le monde nous parle ?
 
L’idée de responsabilité, et avec elle la morale, n’ont longtemps concerné que l’individu. Être responsable, c’est assumer nos actes ou nos paroles (qui, en droit, nous sont imputables).
 
Or, avec l’émergence d’une conscience environnementale, s’est imposée sous la plume de Hans Jonas l’idée d’une responsabilité pour : pour l’Autre dans sa vulnérabilité, pour l’Avenir dans son imprévisibilité, pour la Nature dans sa fragilité ; une responsabilité absolue, non réciproque, comme celle des parents devant le nouveau-né. D’où une nouvelle formulation de l’impératif moral : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre. »
 
Le point de départ métaphysique de Jonas, c’est que l’être vaut mieux que le néant, et que l’humanité doit préserver son essence par-delà les générations. De cette morale naît une méthode, que Jonas nomme « heuristique de la peur » : il faut penser le pire. Si la technologie nous place « en danger permanent d’auto-destruction collective », nous devons en anticiper les conséquences et nous garder de tout risque inconsidéré. Notre moteur ne sera plus la passion du progrès, mais « l’enthousiasme de la modération ».

Ce nouveau principe de responsabilité a eu des répercussions gigantesques, à la fois sur le plan légal (où ont émergé les notions de « crimes sans victimes » ou de « patrimoine commun de l’humanité ») et politique (le « principe de précaution » en étant la déclinaison la plus célèbre).
 
Il n’est pourtant pas incontestable. Tout d’abord, Jonas s’en remet à une semi-dictature de l’élite éclairée pour « prendre des mesures autoritaires et impopulaires qui s’imposent », ce qui pose toute la question de l’écologie punitive. Surtout, un sociologue tel que Gérald Bronner oppose à Jonas la certitude scientifique de l’apocalypse, à mesure que le soleil vieillit (dans un milliard d’années, notre compte est bon). Mieux vaut donc prendre le risque de l’innovation technologique, que de condamner l’humanité à une mort certaine, et on ne peut plus « naturelle »…
 
Voici comment Bronner reformule l’impératif moral : « prends garde à ce que ton action et ton inaction ne prennent le risque de l’extinction de la vie sur Terre »… Chiche, François Hollande ?

Hans Jonas (1903 - 1993)

Historien et philosophe allemand. C'est avec son éthique pour l'âge technologique, développée dans son œuvre principale, Le Principe responsabilité (1979), qu'il s'est fait connaître du grand public. En savoir plus.

Gérald Bronner (né en 1969)

Sociologue français, membre de l’Institut universitaire de France. Ses travaux portent en particulier sur les croyances collectives. Dernier essai paru : La planète des hommes. Réenchanter le risque (PUF, 2014). En savoir plus.
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