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"Notre société ouverte"

Quelques heures après les attentats de Bruxelles, les 28 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union Européenne ont signé un communiqué commun – fait rare - pour dénoncer une attaque contre "notre société ouverte et démocratique". Démocratique, soit. Mais que signifie “ouverte” ? Ouverte à la différence ? Ouverte comme une table ouverte ? Ouverte aux quatre vents ?
 
Reconnaissons à Henri Bergson d’avoir été le premier à opposer “société ouverte” à “société close, dans Les deux sources de la morale et de la religion. Dans une société close, “les membres se tiennent entre eux, indifférents au reste des hommes, toujours prêts à attaquer ou à se défendre, astreints enfin à une attitude de combat. Telle est la société humaine quand elle sort des mains de la nature” : une sorte de fourmilière, où l’obligation sociale, socle de la cohésion, correspond à la pression que le groupe exerce sur l’individu. L’originalité est bannie. La société close est lourde, hiérarchique, unidimensionnelle. Elle obéit à une religion “statique” : l’Etat islamique, par exemple ?

A l’inverse, une société ouverte embrasse d’emblée l’humanité entière. Que les formules se remplissent de matière et que la matière s'anime - c'est une vie nouvelle qui s'annonce ; nous comprenons, nous sentons qu'une autre morale survient. Des personnalités de génie, incarnant l’élan vital cher à Bergson, transcendent les pesanteurs des habitudes et des instincts, créant des fraternités inattendues. Mais après chacun de ces moments “se referme le cercle momentanément ouvert. Une partie du nouveau s'est coulée dans le moule de l'ancien ; l'aspiration individuelle est devenue pression sociale ; l'obligation couvre le tout.Ainsi progresse notre monde, par ouverture et fermeture successives. Mais où trouver aujourd’hui ces héros de la morale ? Sans doute pas au Conseil européen…
 
La société ouverte de Bergson repose encore sur une conception mystique de la morale. Karl Popper lui donnera, dans le contexte de la seconde guerre mondiale, un sens plus politique. La société close (“closed society”) regroupe tous les modèles “collectivistes, définissant un bien commun pour l’ensemble du groupe, et divisant ses membres en castes ; au contraire, la société ouverte (“open society”) est essentiellement individualiste, permettant à chacun de déterminer ses propres choix de vie, et donnant toute sa place au débat rationnel pour forger les lois communes. Pour Popper, c’est tout le mérite des Grecs du Ve siècle avant notre ère, Périclès et Socrate en tête, d’avoir opéré une telle transformation, posant les fondements de la civilisation occidentale.
 
La société ouverte s’oppose à une vision déterministe de l’histoire, que Popper critiquait chez Platon comme chez Marx.Bien que l’histoire n’ait pas de sens, nous pouvons lui en donner un.” Il nous reviendrait donc aujourd’hui, sans céder aux mauvais augures, de nous battre pour préserver les vertus millénaires de cette “société ouverte”…

Henri Bergson (1859 - 1941)

Philosophe français et prix Nobel de Littérature 1927. Il développa une œuvre philosophique très dense dont on retient traditionnellement quatre principaux ouvrages : Essai sur les données immédiates de la conscience (1889), Matière et mémoire (1896), L'Évolution créatrice (1907), et enfin Les Deux Sources de la morale et de la religion (1932). En savoir plus.
Karl Popper (1902 - 1994)

Philosophe et épistémologue britannique. Rejetant la métaphysique en tant que système irréfutable , il souligne la nécessité de fonder les recherches scientifiques sur des « programmes de recherche métaphysique » et inscrit son travail dans le cadre de l'épistémologie évolutionniste. En savoir plus.
Time To Philo est illustré par Daniel Maja.
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