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Des nouvelles de delibere
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Des mots sur les choses
et des noms sur les gens

8 février 2017
 
Cette semaine, délibéré vous aide à mettre des mots sur les choses – tâche nécessaire, puisque les mots nous commandent plus encore que nous ne les commandons – et des noms sur les gens – chose plus nécessaire encore, sans laquelle l’espèce humaine ne serait qu’une vague brume.

Commençons par Donald Trump. “De quel film Trump est-il le nom ?” s’interroge Thomas Gayrard dans notre nouvelle série “délibérément … Trump”.  Faut-il ranger le nouveau président américain dans les clowns de cartoons ? Notre chroniqueur est parti fouiller dans les images pour élaborer un début d’iconographie du trumpisme. Il en est revenu avec les preuves que le Donald avait déjà une place toute chaude parmi les clowns, au rayon maléfiques.
Pour cette même série, Anne-Marie Fèvre s’en est allée, elle, compulser le rayon Esthétique. Avec en particulier une visite de la Trump Tower de Manhattan, grand podium du roi de la télé-réalité. Elle nous apprend par ailleurs que, pour illustrer l’horreur et l’absurdité du mur anti-immigration à la frontière américano-mexicaine, le cabinet d’architecture Estudio 3.14, basé à Guadalajara, a réalisé de façon virtuelle un “Prison Wall”, critique acide de ce projet fou sous forme d’une frontière-prison où les immigrants illégaux seraient détenus pour financer le mur. Le cabinet New World Design Ltd a pris une initiative du même genre en concevant une installation où des porcs d’or flottent devant la façade de la Trump Tower de Chicago, dissimulant un nom devenu trop envahissant.

Même les maths s’y mettent ! Depuis l’élection de Donald Trump, les rangs du mouvement indépendantiste californien se sont enrichis de nombreux adhérents, et l’option du Calexit (qui sera soumise au vote l’an prochain) a gagné 3 points dans les sondages, rapporte Yannick Cras. Pas insignifiant puisque la Californie est la sixième économie du monde et, de ce point de vue le premier État des États-Unis loin devant le Texas et New York. Mais au fait, quel sens y a-t-il à comparer la Californie à l’ensemble des États-Unis en y incluant sa propre contribution? Nous voilà revenus aux maths, et à l’art difficile de faire des comparaisons.

Des mots sur les choses, et des noms sur les gens, nos frères. Pendant plus de quatre mois, le photographe Gilles Walusinski a suivi au jour le jour l’errance des treize familles Roms chassées et harcelées quotidiennement à Montreuil dans la banlieue parisienne. Il témoigne et s’interroge dans “Roms, ville fermée” : “Le photographe qui se met en situation de faire partager le quotidien de quarante personnes en détresse ne peut distinguer son travail de son engagement solidaire. Comment choisir entre le plaisir de satisfaire le désir des enfants, la fierté des parents devant l’appareil et le souci permanent de lier les photographies à cette situation insupportable ?”. Une des réponses de Walusinki est de mettre des noms sur  les gens : ils s’appellent ici Constantin, Jasmine, Meda, Luminista, Leo.

Autre banlieue, autres problèmes, autre mot : respect. “Le respect est un mot à la mode et notre époque reproche souvent aux jeunes d’en manquer. Mais à l’égard de qui ou de quoi ?” se demande  Gilles Pétel dans sa chronique Diogène en banlieue. Respect à l’égard des profs ? “L’image glorieuse de l’instructeur de la troisième République a laissé place à celle d’un perroquet quelque peu déplumé et atteint de psittacisme” constate-t-il en tout cas.

Le respect, c’est aussi ce à quoi sont tenus les traducteurs vis-à-vis des textes. Oui, mais la fidélité exige parfois de ne pas prendre les mots au pied de la lettre : dans Le coin des traîtres, Christilla Vasserot prend cette semaine l’exemple de la traduction théâtrale. “Traduire un spectacle vivant, écrit-elle, c’est traduire du mouvant, ce qui n’est pas figé sur la page d’un livre, ce qui est autorisé à se métamorphoser chaque soir, au fil des représentations.” D'autant plus quand le metteur en scène se trouve être aussi l’auteur de la pièce.

Les traducteurs ne sont pas les seuls à avoir des cas de conscience. Les footballeurs y sont parfois confrontés, eux qui se veulent fidèles (non pas au texte mais au club). “
Dans le monde du football où le respect de la parole donnée reste un concept flou et où la langue de bois règne en maître, les supporteurs rappellent que les mots engagent celui qui les prononce. Certains hommes politiques feraient bien de s’en inspirer…”. Dixit Sébastien Rutés.

Marie-Christine Vernay s'est rendue à Genève pour assister aux Journées de danse contemporaine suisse, dont elle tire un bilan peu enthousiaste. Mais heureusement, elle y a croisé une Espagnole, La Ribot, somptueuse, le regard fixé dans les yeux de ses partenaires sur scène, l'un blanc, l'autre noir, “avec tout ce que cela suppose dans l’imaginaire et l’imagerie occidentale qui en prend un coup”.

Qu’y a-t-il derrière la couverture d’un livre et le désir subit de l’acheter ?, s’interroge pour sa part Lionel Besnier dans Le genre idéal. Peut-être là aussi une forme d’engagement solidaire. Le livre s’appelle Terre des affranchis, il est paru chez Gaïa en 2009 et vient d’être réédité. Son auteur, Liliane Lazar, est d’origine roumaine. Ce polar historique et fantastique n’a en apparence que peu de liens avec l’actualité. Sauf que, à l’heure où des centaines de milliers de Roumains sont dans la rue pour dénoncer la corruption de leurs dirigeants, il met aussi à sa façon des mots sur la révolte.

Et qu’y a-t-il derrière la lettre F ? Une fée bien sûr, avec une baguette magique, et des acteurs qui ont pour nom Fernand, Fanny et Fifine, dont les activités, révélées dans L’abécédaire de Pierre Teboul, n’ont pas grand-chose à voir avec celles de François Fillon. (Encore que…)

Terminons avec un cocorico avec plumes, goudron et bec : délibéré révèle en exclusivité le contenu de l’audition de Penelope Fillon par le parquet national financier, le 30 janvier. On y apprend entre autres que l’assistante parlementaire malgré elle avait été chargée par son mari de relire tout Victor Hugo afin de lui faire des notes de lectures. Exemple pêché par Edouard Launet pour sa chronique 2017, Année terrible : “Choses Vues est un bien drôle de livre, mon petit François. Ce sont des petites notes sur tout et n’importe quoi. On dirait notre cuisinière quand elle fait ses listes de courses. Mais bon, Maria n’a jamais écrit sur Louis-Philippe que je sache. Il faudrait déjà qu’elle sache faire une quiche lorraine comestible !” Et le reste à l’avenant. Cet art de la synthèse méritait bien salaire.
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