Copy
Des nouvelles de delibere
Ouvrir dans votre navigateur

Tous à Tromelin ! 

22 février 2017

 

Puisque l’actualité est folle, et la planète déraisonnable, soyons-le aussi, au moins pour une semaine. Délibéré desserre les sangles de sa camisole et s’en va errer de la Maison Blanche jusqu’à l’île de Tromelin.

Le cauchemar Trump ? Il n’y a que les mots de Jarry pour en rendre vraiment compte. Par l’intermédiaire de Gilles Pétel, voici le début des aventures de Père Ubu à la Maison Blanche. Où l’on verra que Donald n’est pas le meilleur pataphysicien que l’on ait connu, mais tout de même un excellent maître de l’ordre de la Gidouille.

Manuel Valls n’est plus roi, ni même grand vizir, que déjà Christophe Giudicelli rêve de l’expédier sur quelque île lointaine. Cela tombe bien : il y a encore en librairie l’excellent Atlas des îles abandonnées de Judith Schalansky, que cette nouvelle Ordonnance littéraire entreprend de compulser fiévreusement. Tromelin pourrait être la meilleure destination pour oublier Matignon, tout en faisant comme si on y était encore : “Ses rivages permettraient de mettre à l’épreuve l’intransigeance d’une politique de surveillance nécessaire des frontières et de placer en garde-à-vue prolongée les tortues marines extra-communautaires débarquant par milliers pour pondre leurs œufs dans le vain espoir de voir leur descendance devenir française et profiter des avantages de la République que le monde entier nous envie”.

Denise Laroutis, elle, a choisi un divan pour libérer sa parole de traductrice. Dans Le coin des traîtres, elle se confesse, se repent, se flagelle… mais peut-être pas tant que ça dans le fond. “J’ai bouffé le texte ! Disparu ! Consumé. Transmué. Laminé. Raplati. Moulu. Il est mort, je l’ai tué, c’est un meurtre, un meurtre d’amour, mais un meurtre quand même”. Une serial killeuse en liberté. Que n’a-t-elle choisi Tromelin !

Sur l’île de Tromelin, pas d’arbitre, pas d’autorité. Pas d’habitants non plus, hormis quelques tortues et bientôt peut-être un ancien Premier ministre. Et absolument aucun terrain de foot au bord duquel crier crier “Aux chiottes l’arbitre!”. Si elle ne mesurait pas son bonheur, la faune locale aurait tout intérêt à lire la dernière chronique Footbologies de Sébastien Rutés, toute entière consacrée aux hommes en noir (qui ne le sont plus guère d’ailleurs).

Pas de meilleur endroit non plus que Tromelin pour réfléchir à la transcendance ainsi qu’à cet énoncé de Yannick Cras, déposé dans sa nouvelle chronique du Nombre imaginaire : “Si, en tant qu’athée convaincu, j’accorde une probabilité strictement nulle à l’existence de Dieu, alors multiplier zéro par l’infini pour calculer mon espérance de gain au Pari de Pascal ne me donne… rien du tout. C’est ce que l’on appelle une forme indéterminée”. Où il sera question de Dieu, de logique et assez peu de football.

Autre bon sujet de réflexion insulaire :  comment crée-t-on un musée du parfum, matière volatile s’il en est ? Comment mettre en scène le parfum comme un médiateur qui renvoie à d’autres sens, à une image, à un souvenir, à un son ? Réponse d’Anne-Marie Fèvre, qui s’en est allée visiter le Grand Musée du Parfum dont les portes viennent de s’ouvrir à Paris : en convoquant tous les champs du design -architecture intérieure, décoration, scénographie, design d’objets, graphisme- pour faire surgir tout un monde de cette non-matière.

Marcel Proust a d’autres réponses à cette question, plus littéraires, et cela tombe bien puisque, de l’auteur de la Recherche, il est question dans la nouvelle chronique hugolienne 2017, Année terrible. Victor Hugo a en effet visionné le fameux film tourné lors d’un mariage à Paris en 1904, récemment exhumé par un chercheur, qui contiendrait les seules images animées existantes de Proust. Hugo en a profité pour regarder aussi regarder la vidéo que François Fillon vient de transmettre au Parquet national financier : on y verrait son épouse Penelope travailler pour lui. Aucun autre document n’en avait attesté jusqu’alors ! Vive le cinématographe !

Pendant ces projections, Marie-Christine Vernay se rendait à Avignon pour assister au festival Les Hivernales, où l’on danse rarement en rond. Le  spectacle La Mécanique des ombres, de NaïF Production, lui a particulièrement tapé dans l’oeil, et aucunement sur le système.

Terminons en passant de Jarry à Beckett, et de la comédie au drame (ou l’inverse). “J’ai souvent pensé, alors que je débutais un cours après une mauvaise nuit, nous confie Gilles Pétel dans Diogène en banlieue, à cette pièce de Beckett intitulée Comédie où l’on voit les trois protagonistes prendre tour à tour la parole sitôt qu’un projecteur éclaire l’un d’entre eux et se taire quand la lumière s’éteint. Pendant toute la durée d’un cours les élèves possèdent la même puissance que les projecteurs de Comédie : ils nous forcent à parler”. Et après avoir beaucoup parlé, le prof de philo raconte.

C'est tout pour cette semaine, mais ce n'est pas la fin des Haricots pour Hito et Higushi.

Twitter
Facebook
Pinterest
Website
© 2017 délibéré


Vous pouvez modifier vos préférences d'abonnement ou vous désabonner de cette liste

Email Marketing Powered by Mailchimp