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L'actualité la plus récente du droit de la concurrence
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Hebdo n° 10/2017
6 mars 2017
SOMMAIRE

JURISPRUDENCE AIDE D'ÉTAT : Le Tribunal de l'Union impose aux États membres qui entendent établir un SIEG de démontrer au préalable qu'il existe un besoin réel de service public, rendu nécessaire par une carence de l’initiative privée et confirme l’obligation faite à la France de récupérer l’aide de 220 millions d’euros accordée à la SNCM pour assurer la desserte maritime de la Corse à partir de Marseille

JURISPRUDENCE : La Cour de cassation rejette le pourvoi du groupe Amaury dans l'affaire de la riposte à l'entrée sur le marché de la presse sportive du quotidien Le 10Sport.com, à l'aune d'un test de rationalité

 
DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF, RÉFÉRÉ, MOYEN DE DÉFENSE ET SPÉCIALISATION : La Cour d’appel de Paris admet que l’invocation de la règle sur le déséquilibre significatif dans une procédure de référé peut constituer une contestation sérieuse dont l’appréciation relève du juge du fond [Commentaire de Muriel Chagny]

RUPTURE BRUTALE DE RELATIONS COMMERCIALES ÉTABLIES : La Cour d’appel de Paris rappelle que la démonstration de la faute constituée par la brutalité de la rupture incombe à celui qui invoque la violation de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce [Commentaire de Muriel Chagny]

INFOS : L'Autorité de la concurrence rend un non-lieu dans l'affaire de la location de voitures, en l'absence d'échanges d'informations stratégiques et de preuve d'une concertation pour la mise en place d’une « surcharge gare »


INFOS : Stanislas Martin, nouveau rapporteur général de l'Autorité de la concurrence

ANNONCE COLLOQUE : « Journée d’études de l’AFEC 2017 : L’actualité 2016 du droit européen et français de la concurrence », Paris - 14 mars 2017 [message de Martina Isola]


ANNONCE COLLOQUE : « Gun Jumping : les limites à ne pas franchir », Paris - 23 mars 2017 [message de Coralie Anadon]


JURISPRUDENCE AIDE D'ÉTAT : Le Tribunal de l'Union impose aux États membres qui entendent établir un SIEG de démontrer au préalable qu'il existe un besoin réel de service public, rendu nécessaire par une carence de l’initiative privée et confirme l’obligation faite à la France de récupérer l’aide de 220 millions d’euros accordée à la SNCM pour assurer la desserte maritime de la Corse à partir de Marseille


On ne dira jamais assez la contribution qu'a apportée le cabotage maritime à la construction des règles de concurrence... C'est vrai sur le terrain de l'abus de position dominante — on songe ici à la saga des vedettes vendéennes — ; c'est tout aussi vrai en matière d'aides d'État, comme le confirme les deux arrêts rendus le 1er mars 2017 par le Tribunal de l'Union européenne dans l'affaire des compensations de service public accordées à la SNCM et la CMN pour la desserte maritime de la Corse à partir du port de Marseille.
 
Il s'agit des affaires T-366/13 (France contre Commission européenne) et T-454/13 (SNCM contre Commission européenne).

Au-delà de la solution adoptée par le Tribunal — lequel confirme en tous points la décision de la Commission et, partant, l’obligation pour la France de récupérer l’aide de 220 millions d’euros auprès de la SNCM —, on retiendra essentiellement des deux arrêts rendus l'énonciation par le Tribunal d'un principe, qui pourrait dépasser la situation spécifique du cabotage maritime découlant de l'existence d'un règlement particulier qui organise ce secteur d'activité. Cette règle vise à faire peser sur les États membres, dont on pouvait penser qu'ils disposaient d’un large pouvoir d’appréciation quant à la détermination de ce qu’ils considèrent comme un SIEG, une obligation de démontrer à suffisance de droit que le champ du service public est nécessaire et proportionné à un besoin réel de service public (aff. T-366/13, pt. 105), étant entendu que la démonstration de l’existence d’un besoin réel de service public est liée à celle de l’existence d’une carence de l’initiative privée (aff. T-366/13, pt. 104). À défaut, l'État membre commettrait une erreur manifeste d’appréciation que la Commission serait tenue de relever. En clair, si la demande est déjà satisfaite par les forces du marché, un besoin réel de service public ne saurait exister. Par suite, l'État membre ne pourrait établir un SIEG (aff. T-366/13, pt. 123). Et c’est incontestablement à l’État membre concerné, et non à la Commission, qu’il incombe d’effectuer la démonstration contraire en trois étapes selon laquelle : i) il existe une demande des usagers pour tout ou partie des services entrant dans le périmètre du service public ; ii) la demande des usagers n'est pas déjà susceptible d’être satisfaite par les opérateurs du marché en l’absence d’obligation en ce sens fixée par les pouvoirs publics ; iii) l’approche retenue par les autorités nationales est celle qui porte le moins atteinte aux libertés essentielles au bon fonctionnement du marché intérieur (aff. T-454/13, pts. 133-134). Sur ce dernier point, le Tribunal relève que s’agissant du secteur du cabotage maritime, l’imposition d’obligations de service public (OSP) applicables à tous les transporteurs désireux d’offrir leurs services sur une liaison donnée et ne donnant pas nécessairement lieu à une compensation financière entraîne des restrictions moins importantes de la libre prestation des services que l’octroi d’une compensation financière à un transporteur déterminé ou à un nombre limité de transporteurs dans le cadre d’une DSP. Et le Tribunal d'ajouter que la démonstration d'un besoin réel de service public n’est pas particulièrement difficile à apporter, les besoins de service public pouvant, en effet, être aisément évalués par le biais, notamment, d’études de marché, de consultations publiques ou d’appels à projets, ce qui n’a nullement été réalisé en l’espèce par les autorités françaises avant d’approuver le principe du renouvellement d’une DSP de la desserte maritime de la Corse (aff. T-454/13, pt. 135).

S'il est vrai que le Tribunal insiste sur la spécificité du cabotage maritime découlant de l'existence d'un règlement ad hoc, on ne voit pas au nom de quoi l'appréciation par les États membres pourrait être diamétralement différente en l'absence de règles spécifiques du droit de l’Union qui encadrent la définition du contenu et du périmètre du SIEG et qui lient l’appréciation des États membres, conformément au point 46 de la communication de la Commission relative à l’application des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de services d’intérêt économique général (aff. T-366/13, pt. 94). Ainsi que le rappelle le tribunal, le pouvoir de définition des SIEG par l’État membre n’est pas illimité et ne peut être exercé de manière arbitraire aux seules fins de faire échapper un secteur particulier à l’application des règles de concurrence (aff. T-366/13, pt. 93). L'existence de règles spécifiques du droit de l’Union qui encadrent la définition du contenu et du périmètre du SIEG vient assurément renforcer l'encadrement des prérogatives des États membres en la matière. Mais l'absence de telles règles ne signifie pas que l’État membre peut, en dehors des secteurs comme le cabotage maritime régis par des règles spécifiques, se contenter d’invoquer l’existence d’un « intérêt général au sens très large » (aff. T-454/13, pt. 133). Et quand bien même cela serait le cas, les arrêts rendus dans le présente affaire constituerait une puissante incitation pour la Commission à multiplier, sinon à généraliser, les règles spécifiques du droit de l’Union venant encadrer la définition du contenu et du périmètre du SIEG. Quoi qu'il en soit, les États membres seraient bien inspirés à l'avenir, avant d'instaurer un SIEG, de suivre le raisonnement en trois étapes préconisé par la Commission et validé par le Tribunal.

Finalement, on devrait se réjouir que les outils du droit de la concurrence — demande non satisfaite par les forces du marché, test de marché, mais aussi délimitation du marché via la substituabilité entre les ports — soient ici sollicités pour déterminer si l'on est en présence d'une intervention étatique relevant de la seule compensation d'obligations de service public, ne créant pas du chef de l’entreprise sur laquelle pèse cette OSP un avantage économique qu'elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché et n’ayant donc pas pour effet de placer ladite entreprise dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises concurrentes. Il ne faudrait pas en revanche que le recours à ces outils du droit de la concurrence soit cantonner à la seule définition des SIEG. Il serait bon à cet égard qu'ils soient davantage utilisés dans la mise en œuvre de l'article 107, paragraphe 1, TFUE et notamment pour s'assurer que la troisième conditions posées par le texte, celle tenant au point de savoir si la mesure en cause emporte l'octroi d’un avantage à son bénéficiaire, est effectivement remplie...

On relèvera également, à propos de la mise en œuvre de la 4e condition posée par l'arrêt Altmark Trans exigeant que le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’OSP soit effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir les services en cause au moindre coût pour la collectivité, ou, à défaut, sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations, que le Tribunal conclut que la procédure d’appel d’offres suivie dans le cas de la SNCM n’a manifestement pas entraîné une concurrence réelle et ouverte suffisante pour permettre de sélectionner le candidat capable de fournir les services de transport maritime en cause au moindre coût pour la collectivité (aff. T-366/13, pt. 180). Tout d'abord, une procédure négociée avec publication, qui confère une large marge d’appréciation au pouvoir adjudicateur et peut restreindre la participation des opérateurs intéressés, ne peut donc être considérée comme suffisante pour satisfaire au quatrième des critères Altmark que dans des cas exceptionnels (aff. T-366/13, pt. 181). En outre, et alors que le groupement SNCM-CMN disposait d’un important avantage concurrentiel du fait de sa position d’opérateur historique sur la liaison Marseille-Corse disposant déjà des navires adaptés aux spécifications du cahier des charges de la CDSP, la brièveté des délais imposés dans le cadre de la procédure de passation de la CDSP a nécessairement eu un effet d’éviction sur les opérateurs qui n’étaient pas déjà présents sur la liaison Marseille-Corse, en ne leur permettant pas de déployer leurs navires à partir d’autres liaisons ou d’acquérir d’autres navires remplissant les prescriptions du cahier des charges (aff. T-366/13, pts. 184-185). De sorte que l’offre de Corsica Ferries, qui était donc l’unique offre concurrente de celle du groupement SNCM-CMN, a été rejetée sur la base de critères de sélection, et non de critères d’attribution, c’est-à-dire sans même qu’intervienne une comparaison des mérites propres des offres en présence pour retenir celle qui était économiquement la plus avantageuse (aff. T-366/13, pt. 190).
 
On se souvient qu'aux termes de la décision du 2 mai 2013, la Commission avait, afin de déterminer si les compensations octroyées à la SNCM et à la CMN dans le cadre de la délégation de service publique au titre des services de transport maritime fournis entre Marseille et la Corse pour les années 2007-2013 constituaient une aide d’État, examiné si les critères fixés par la Cour de justice dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747) étaient remplis en l’espèce. Ce faisant, elle avait constaté que le service de base, fourni par la SNCM et la CMN, répondait à un besoin réel de service public, tandis que le service complémentaire, fourni par la seule SNCM, n’était ni nécessaire ni proportionné à la satisfaction d’un tel besoin, pour en conclure que seul le service de base remplissait le premier des critères Altmark. Ensuite, estimant que les conditions de l’appel d’offres n’avaient pas permis de sélectionner le candidat capable de fournir les services en cause au moindre coût pour la collectivité et que les autorités françaises ne lui avaient fourni aucun élément d’information susceptible de démontrer que les compensations étaient calculées sur le modèle d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée, elle a considéré que le quatrième des critères Altmark n’était rempli pour aucun des deux services en cause. Selon la Commission, les compensations en cause constituaient donc des aides d’État. S'agissant de la compatibilité des aides en cause avec le marché intérieur, la Commission n'avait en conséquence déclaré compatible avec le marché intérieur que les compensations versées à la SNCM et à la CMN au titre du service de base, qualifiant alors d’incompatibles avec le marché intérieur les compensations versées à la seule SNCM au titre du service complémentaire. La Commission avait alors ordonné la cessation immédiate du versement des compensations relatives au service complémentaire et la récupération, auprès du bénéficiaire, des aides déjà versées à cette fin – dont le montant s’élève à environ 220 millions d’euros.

La République française et la SNCM ont chacune introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité. À l’appui de leur recours, elles faisaient principalement valoir que la Commission avait violé la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en considérant que les compensations versées à la SNCM et à la CMN dans le cadre de la CDSP procuraient à leurs bénéficiaires un avantage sélectif et en qualifiant ces compensations d’aides d’État au sens de cette disposition. Plus précisément, elles contestaient que le service complémentaire puisse ne pas être considéré comme un service d’intérêt économique général et, partant, que les compensations versées à la SNCM à ce titre constituent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.


JURISPRUDENCE : La Cour de cassation rejette le pourvoi du groupe Amaury dans l'affaire de la riposte à l'entrée sur le marché de la presse sportive du quotidien Le 10Sport.com, à l'aune d'un test de rationalité


Le 2 mars 2017, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne un arrêt rendu le 1er mars 2017 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans l'affaire de la riposte à l'entrée sur le marché de la presse sportive du quotidien Le 10Sport.com. Elle y rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 mai 2015, à la faveur duquel cette dernière avait rejeté le recours formé contre la décision n° 14-D-02 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la presse d'information sportive.

On se souvient que le 20 février 2014, l'Autorité de la concurrence avait rendu sa décision sur le fond dans l'affaire de la riposte du groupe Amaury à l'entrée sur le marché de la presse sportive en 2008 du quotidien Le 10Sport.com et avait sanctionné la société mère du Groupe Amaury, à la manœuvre dans cette affaire, pour avoir adopté, parmi les trois stratégies de riposte possibles — l'absence de riposte, l'amélioration du quotidien l'Équipe et le lancement d'une réplique de 10Sport.com — la stratégie la plus dommageable et la plus coûteuse pour l’entrant (Le 10Sport.com), que ce soit en termes de lectorat ou en termes financiers, même si, avait étrangement ajouté l'Autorité, ce choix n’était pas rationnel d’un point de vue économique puisqu’il générait pour le journal L'équipe un sacrifice financier par rapport à l’un des scénarios envisagés (l’absence de riposte).

À l'époque, on s'était demandé si la stratégie adoptée par la société Éditions Philippe Amaury, même si elle n'était peut-être pas rationnel en termes purement financiers sur le court ou le moyen terme, ne pouvait pas le devenir sur le plus long terme, par la préservation du monopole quasiment continu depuis plus de cinquante ans du quotidien l'Équipe sur le marché du lectorat de la presse quotidienne nationale d’information sportive. À cet égard on s'était étonné qu'il ne soit question à aucun moment dans la décision, sinon d'une prédation — puisqu'aussi bien l'Autorité considérait que la pratique d'éviction imputée au groupe Amaury ne pouvait être réduite à sa dimension tarifaire —, du moins d'une pratique d'éviction par construction d'une réputation, qui avait été retenue, avec le succès que l'on sait, par le Conseil de la concurrence dans l'affaire GSK, alors même que le grief notifié l'y invitait en retenant que, « outre l'éviction réussie du 10Sport.com, cette pratique a eu pour effet probable de discipliner les futurs entrants potentiels sur le marché de la presse quotidienne d'information sportive ». En effet, même si cette stratégie qui, visiblement, a rapidement porté ses fruits, s'est avérée dans un premier temps coûteuse pour le groupe Amaury, par cette riposte particulièrement agressive, l'initiateur de la pratique n'en a-t-il pas aussi tiré profit sur le long terme en adressant un message à peine voilée à d'éventuels candidats à l'entrée sur le marché du lectorat de la presse quotidienne nationale d’information sportive, en vertu duquel il était prêt à défendre pied à pied, et quoiqu'il en coûte, son monopole ?

Dans son pourvoi, la société Éditions Philippe Amaury avançait trois moyens, le premier tiré d'une mauvaise délimitation du marché pertinent, le deuxième tiré d'une absence de caractérisation d'un abus et le troisième tiré du caractère disproportionnée de la sanction au regard de la nouveauté de l'infraction et du dommage modéré à l'économie.

Sur le premier moyen concernant la délimitation du marché pertinent, la société Éditions Philippe Amaury reprochait en substance à la Cour de Paris d'avoir à la suite de l'Autorité identifier un marché du lectorat de la presse écrite quotidienne nationale d'information sportive, distinct des autres médias gratuits, essentiellement l'internet, confirmant l'absence de substituabilité du côté de la demande avec les sites en ligne d'information sportive, mais aussi avec la télévision ou les chaînes sportives en continu ou encore avec la presse quotidienne régionale (PQR), jugés plus complémentaires que substituables à la presse écrite quotidienne nationale d'information sportive. Ainsi la Cour d'appel de Paris avait observé qu'alors qu'existaient déjà en 2008, par le biais de la télévision, de la radio ou d'Internet de nombreux moyens d'accès, plus ou moins gratuits à une information sportive actualisée en temps réel, le quotidien l'Équipe avait continué à se vendre, sans avoir à réduire son prix et sans connaître de diminution notable de son lectorat. Sur ce point, la Chambre commerciale de la Cour de cassation s'abrite pour dire le moyen non fondé sur l'appréciation souveraine des juges du fond.

S'agissant à présent du deuxième moyen tiré d'une absence de caractérisation d'un abus, la société Éditions Philippe Amaury soutenait d'abord qu'en soi la poursuite d'un objectif tendant à l'éviction des concurrents étant le but même du jeu de la concurrence, la mise en place d'une stratégie d'éviction, fût-elle le fait d'une entreprise dominante, n'est pas de nature à caractériser à elle seule un abus de position dominante. Elle dénonçait par ailleurs la constatation opérée par la Cour d'appel selon laquelle la société EPA avait fait le choix d'une riposte qui était économiquement la moins rationnelle et la plus coûteuse, estimant que le juge ne pouvait sanctionner une entreprise pour avoir fait un choix économiquement non rationnel et que, ce faisant, elle avait violé le principe de liberté d'entreprendre, ensemble les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE. Ce faisant, l'auteur de la pratique contestait la mise en œuvre par l'Autorité de la concurrence, avec la bénédiction de la Cour d'appel de Paris, du test de rationalité.

En vertu de ce test, l'abus découlerait de la constatation de l’absence de justification économique autre que la seule propension à éliminer ou restreindre la concurrence. Par suite et au cas d'espèce, des trois stratégies possibles — l'absence de riposte, l'amélioration du quotidien l'Équipe et le lancement d'une réplique de 10Sport.com —, le groupe Amaury aurait choisi la solution économiquement la moins rationnelle, non pas au sens commun du terme, mais au sens qu'il convient de retenir pour la mise en œuvre de ce test de rationalité. Autrement dit, l'option retenue par le groupe Amaury — la riposte — serait celle pour laquelle la justification économique autre que la volonté d'éviction du nouvel entrant serait la plus faible, voire serait inexistante.

Juste quelques observations à propos de ce test de rationalité. On peut se demander s'il est d'une réelle utilité dans les affaires dans lesquelles, comme au cas d'espèce, l'entreprise dominante défend ses parts de marché. En effet, en pareil cas, et dès lors que l'on admet, ainsi que le soutenait dans son pourvoi le groupe Amaury, que l'objet même de la concurrence est de façon ultime l'élimination de la concurrence, il est pour le moins délicat de faire le départ entre la défense légitime des parts de marché et la constatation de l’absence de justification économique autre que la propension à éliminer ou restreindre la concurrence. Dès l'instant où il n'est pas anticoncurrentiel en soi pour une entreprise dominante de défendre ses parts de marché, et donc, potentiellement, d'éliminer la concurrence, comment isoler cette seule propension à éliminer ou à restreindre la concurrence au point que la pratique en cause perde toute justification économique de nature à la rendre rationnelle ? À l'évidence, le fait que des trois stratégies possibles — l'absence de riposte, l'amélioration du quotidien l'Équipe et le lancement d'une réplique de 10Sport.com —, celle qui a finalement été choisie — la riposte — s'avère être la plus coûteuse, pour l'entreprise qui la met en œuvre (comme pour l'entreprise qui la subit) ne saurait suffire à ôter toute rationalité à la pratique et donc pour permettre de considérer qu'au sens du test de rationalité, cette pratique n'aurait aucune justification économique autre que la propension à éliminer ou restreindre la concurrence. En fait, il nous semble que l'absence de rationalité de la pratique ne découle pas de la comparaison des différentes stratégies possibles et de leurs coûts respectifs, dès lors qu'aucune de ces stratégies n'est, en soi, irrationnelle, au sens du test de rationalité, et a fortiori illégale. Au vrai, ce qui permet à l'Autorité, puis à la Cour d'appel et à la Cour de cassation de conclure au caractère irrationnelle du comportement du groupe Amaury, c'est la manière dont cette défense des parts de marché a été mise en œuvre par celui-ci. À cet égard, le fait que le groupe Amaury ait choisi la concurrence frontale avec le nouvel entrant en proposant un produit très proche, n'est pas, de notre point de vue, de nature à constituer l'abus (V. dans le même sens, D. Bosco, Contrats Concurrence Consommation n° 4, Avril 2014, comm. 95). À quoi bon en effet admettre qu'une entreprise en position dominante puisse défendre ses parts de marché si on lui interdit de réagir sur le terrain même où elle est attaquée ? Ce qui, me semble-t-il, a contribué à forger la conviction de l'Autorité, de la Cour d'appel et aujourd'hui de la Cour de cassation, c'est bien davantage la constatation que l'Équipe n'a pas lancé son titre pour s'installer de façon pérenne sur un segment de marché jusqu'à alors inoccupé, mais seulement, à la faveur d'une espèce d'opération commando impliquant que l'on se retire dès que le but de l'opération était atteint, pour empêcher son concurrent immédiat de s'y installer et ses concurrents potentiels de songer même à s'y installer. Autrement dit, si le groupe Amaury avait laissé vivre son titre après la déconfiture du quotidien Le 10Sport.com et avait essayé d'exploiter ce segment de marché pour le développer à moyen terme, l'appréciation de la rationalité économique de l'opération aurait pu être tout autre. À l'inverse, la manière dont on s'y est pris démontre que le but réel du monopoleur était d'exclure toute concurrence par tous les moyens et donc sans égard pour les mérites de chacun. Certes, au bout du compte, sourd l'absence de justification économique autre que l'élimination de la concurrence. Toutefois, et si l'on partage les réserves émises par la doctrine (V. D. Bosco, op. cit.) qui met au jour les travers, sinon les dangers d'un dispositif dans lequel une autorité administrative se fait juge de la bonne ou de la mauvaise gestion d'une entreprise, on demeure surtout dubitatif sur l'utilité réelle d'un tel test.

Finalement, la Chambre commerciale de la Cour de cassation estime que la Cour d'appel a pu déduire que la société EPA avait mis en œuvre une pratique qui ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une concurrence par les mérites et qui excédait ce qu'autorise le droit de riposte d'une entreprise en position dominante et qu'elle avait ainsi abusé de cette position. On ne saurait mieux dire...

Enfin, à propos du troisième moyen tiré du caractère disproportionnée de la sanction au regard de la nouveauté de l'infraction et du dommage modéré à l'économie, la Cour de cassation commence par répondre que la Cour d'appel n'était pas tenue de rechercher si l'infraction retenue à l'encontre de la société Éditions Philippe Amaury était nouvelle, et, partant, qu'elle a pu écarter la demande de la société EPA d'application d'une sanction minime du fait du caractère prétendument nouveau de l'infraction qui lui était reprochée. Quant au dommage à l'économie, la demanderesse au pourvoi dénonçait en quelque sorte un défaut de motivation de la Cour d'appel, qui se serait contentée d'affirmer qu'en l'absence de riposte du groupe Amaury, l'entrée du journal Le 10Sport.com sur un segment de marché jusqu'à alors inoccupé aurait pu être pérenne. Sur quoi, la Cour de cassation estime que la Cour d'appel a apprécié l'importance du dommage à l'économie dont elle a caractérisé l'existence, et, ce faisant, n'a pas inversé la charge de la preuve et a légalement justifié sa décision.


DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF, RÉFÉRÉ, MOYEN DE DÉFENSE ET SPÉCIALISATION : La Cour d’appel de Paris admet que l’invocation de la règle sur le déséquilibre significatif dans une procédure de référé peut constituer une contestation sérieuse dont l’appréciation relève du juge du fond [Commentaire de Muriel Chagny]


Nul doute que l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, le 22 février 2017, dans une affaire opposant une entreprise de travail temporaire à une société lui réclamant en référé, devant le tribunal de commerce de Nanterre, le paiement de plusieurs factures retiendra l’intérêt des praticiens au-delà des spécialistes du droit de la concurrence. Le débiteur mis en cause avait invoqué, à titre de moyen de défense, une contestation sérieuse tenant à l’existence d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce entrainant la nullité du contrat de référencement dont l’exécution était demandée.

Condamnée par le juge des référés au versement d’une provision, l’entreprise de travail temporaire a interjeté appel, dans un premier temps devant la Cour de Versailles, puis devant celle de Paris.

Le créancier développait devant cette dernière plusieurs arguments tendant à faire constater l’irrecevabilité de ce recours au motif, tout à la fois, de sa tardiveté et de l’incompétence de la juridiction Parisienne.

Les critiques ainsi articulées conduisent la Chambre 5-4 à revenir sur la question délicate de la spécialisation et de l’office du juge non spécialisé en pareil cas. Elle affirme de la façon la plus nette que « lorsque le droit des pratiques restrictives de concurrence est invoqué comme moyen de défense, le juge territorialement compétent pour connaître de la demande en paiement principale doit d'office constater qu'il est dépourvu du pouvoir juridictionnel pour statuer sur cette défense, sans examiner le bien fondé de cette défense » (rappr. Cass.com. 31 mars 2015, n° 14-10016). À partir du moment où l’acte de signification de l’ordonnance de référé indiquait de façon erronée que le recours devait être exercé devant la Cour d’appel de Versailles, au lieu de la Cour d’appel de Paris, investie  en vertu de l’article D. 442-3 du code de commerce « du pouvoir exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 » du même code, le délai de recours n’a pu courir, de sorte que l’appel n’est pas tardif.

Puis, la Cour d’appel de Paris, faisant droit à la demande du débiteur précédemment condamné, prononce la nullité de l’ordonnance de référé, celle-ci ayant été rendue par une juridiction ne figurant pas dans la liste (trop ?) limitée des juridictions spécialisées.

Pour ce faire, elle écarte sans surprise l’argument tiré de l’existence d’une clause attributive de compétence contenue dans la convention des parties et désignant la juridiction saisie : « à raison du caractère d’ordre public de l’article D. 442-3 du code de commerce, la clause attributive de compétence contenue est inapplicable ».

Elle réitère ensuite la solution déjà affirmée dans sa décision, selon laquelle obligation est faite au juge de « soulever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée de l'évocation en défense » d’une disposition faisant l’objet de la mesure de spécialisation. Faute de l’avoir fait, celui-ci a « méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel », de sorte que sa décision est frappée de nullité.

La Cour d’appel évoque alors, comme ses pouvoirs l’y autorisent, la contestation opposée par le défendeur à l’action en référé et tirée de l’article L. 442-6-I-2° du code de commerce. Elle estime à ce propos que l’analyse du contenu du contrat ainsi que de différentes pièces destinées à établir l’existence ou non d’une négociation entre les parties, de même que l’examen du grief tiré de l’absence de réciprocité dans les obligations et droits ou bien encore de la commutativité du contrat, relèvent « des pouvoirs du seul juge du fond ».

Elle rappelle alors qu’un contractant, s’estimant victime d’une pratique restrictive de concurrence contraire à l’article L. 442-6, a la faculté de demander la nullité de la clause ou du contrat contrevenant à cette disposition, cette nullité étant absolue. Or, la nullité du contrat, si elle était prononcée par une juridiction statuant au fond, priverait de cause les sommes dont le paiement est réclamé. Il y a là, estime la Cour d’appel de Paris, « une contestation sérieuse dont l’appréciation ne relève pas du juge des référés » et qui la conduit à rejeter la demande de paiement en référé.

Par delà une confirmation de ce que la règle sur le déséquilibre significatif n’est pas cantonnée aux seules relations entre grande distribution et fournisseurs, l’affaire en cause illustre surtout les attraits et méfaits (c’est selon !) que peut présenter l’utilisation (l’instrumentalisation diraient certains) de la règle sur le déséquilibre significatif à titre de moyen de défense face à une demande d’exécution d’un contrat.


RUPTURE BRUTALE DE RELATIONS COMMERCIALES ÉTABLIES : La Cour d’appel de Paris rappelle que la démonstration de la faute constituée par la brutalité de la rupture incombe à celui qui invoque la violation de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce [Commentaire de Muriel Chagny]

 


Ce qui n’est pas prouvé, n’est pas ! Tel est en substance l’enseignement majeur qui se dégage de l’arrêt rendu le 22 février 2017 par la Cour d’appel de Paris à l’attention de ceux qui entendent se prévaloir de la désormais bien connue (et tout aussi décriée) règle de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce appréhendant la rupture brutale d’une relation commerciale établie. Comme le rappelle la Chambre 5-4 dans sa décision, il en va de cette disposition comme de n’importe quelle violation d’une règle légale donnant lieu à engagement de la responsabilité civile ; il incombe à celui qui s’en prétend victime de rapporter la preuve de la faute. Ainsi, à défaut de démontrer « à suffisance de droit avoir été victime d'une rupture brutale des relations commerciales de la part de (son client) », le fournisseur est débouté de l’intégralité de sa demande en appel, comme il l’avait déjà été en première instance.

Cependant, dans l’affaire en cause, ce n’était pas à proprement parler la brutalité de la rupture qui n’était pas prouvée, mais plutôt, en amont, «  l'imputabilité même de la rupture » au client mis en cause. Selon les éléments contenus dans la décision, le demandeur à l’action échouait à produire tout élément de nature à établir un déréférencement de la part de son cocontractant. Si le fournisseur faisait valoir que les échanges s’effectuaient « essentiellement par oral » et invoquait le déséquilibre des rapports de force entre lui et le grand distributeur, la Cour estime cependant que cela « ne peut justifier l’absence de toute protestation prenant la forme d’un écrit ».  Il est vrai qu’en l’occurrence, le fournisseur avait mis près de deux ans à se plaindre de la rupture des relations, délai qui pouvait sembler assez tardif.

Par où il est rappelé que l’absence de tout préavis n’entraine pas systématiquement reconnaissance d’une rupture brutale. Outre que l’article L. 442-6-I-5° prévoit lui-même sa mise à l’écart en cas de manquement par l’autre partie de ses obligations ou de force majeure, il faut aussi en amont que la rupture soit imputable à celui dont la responsabilité civile est recherchée. Dès lors, il importe d’anticiper sur le plan probatoire un éventuel contentieux de ce chef en se ménageant des preuves au soutien de sa prétention. Gageons que les praticiens feront leur miel de cet enseignement.

 


INFOS : L'Autorité de la concurrence rend un non-lieu dans l'affaire de la location de voitures, en l'absence d'échanges d'informations stratégiques et de preuve d'une concertation pour la mise en place d’une « surcharge gare »


C'est une bien intéressante décision que vient de rendre l'Autorité de la concurrence le 27 février 2017 dans l'affaire des échanges d'informations relevées dans le secteur de la location de voitures, laquelle décision donnera assurément du baume au cœur à ceux — nombreux — qui s'interrogent dans les entreprises sur les informations qu'il est possible d'échanger avec des concurrents, sans qu'un tel échange d'informations ne soit considéré comme restrictif de concurrence. Les conclusions — très didactiques — adoptées par le collège de l'Autorité sont d'autant plus remarquables que la DGCCRF, qui a réalisé l'enquête sur la base de documents recueillis à l'occasion de plusieurs opérations de visites et saisies auprès des principaux loueurs et de la CNPA, et les services d'instructions concluaient de conserve non seulement à l'existence d'une pratique d'échanges d'informations entre aéroports et loueurs de voitures de nature anticoncurrentielle, mais également à l'existence d'une pratique concertée à l'occasion de l'introduction d’une surcharge gare par les loueurs de voitures. Deux griefs distincts avaient du reste été notifiés aux loueurs et autres gestionnaires d'aéroport (ADP, chambres de commerce et d'industrie) pour le premiers d'entre eux.

Aux termes de la décision n° 17-D-03 du 27 février 2017, l’Autorité prononce sur le fondement de l'article L. 464-6 du code de commerce un non-lieu à poursuivre la procédure pour les deux pratiques dénoncées.

Le premier grief notifié concernait une pratique concertée relative à un système d’échange d’informations confidentielles, précises et individualisées sur l’activité des loueurs de voitures dans douze aéroports français. Afin de permettre aux aéroports de calculer le montant de la redevance due en application de la convention d’occupation du domaine public, les sociétés de location de voitures étaient tenues de communiquer leurs statistiques d’activité à l’aéroport afin que ce dernier puisse gérer équitablement les espaces commerciaux. En retour, et visiblement pour permettre aux loueurs de contrôler le montant de la redevance et les réallocations d’espace éventuelles, des informations étaient fournies mensuellement par les sociétés gestionnaires d’aéroport et portaient notamment sur le chiffre d’affaires et le nombre de contrats réalisés par chaque opérateur le mois précédent et la valeur moyenne d’un contrat.

S'agissant donc d'« échange d’informations » entre concurrents portant sur des comportements passés (pt. 109), le Collège de l'Autorité s'est donc interrogé sur le point de savoir  si les échanges d’informations mis en place entre les aéroports et les loueurs ont eu un effet anticoncurrentiel, en conduisant à diminuer l’incertitude stratégique sur le marché et à réduire l'autonomie de comportement des entreprises et leur incitation à se livrer concurrence. Constatant à cet égard que le marché de la location de voitures, s’il est concentré, a connu des évolutions notables dans chaque aéroport durant la période examinée (pt. 126) et rappelant que l’analyse de la structure du marché ne suffit pas pour se prononcer sur l’effet anticoncurrentiel des échanges poursuivis (pt. 129), l'Autorité s'attache surtout à rechercher le caractère stratégique des informations échangées.
 
Or, si les loueurs pouvaient calculer, à partir des données transmises par les aéroports, les parts de marché, la valeur moyenne des contrats, le taux de pénétration par rapport aux passagers arrivant, le taux de progression du nombre des contrats et du chiffre d’affaires par rapport au même mois de l’année précédente (pt. 134), pour autant, ces données étaient-elles, en l'espèce, de nature à réduire de manière suffisante l’incertitude sur le marché de sorte que chaque loueur impliqué dans cet échange était en mesure d’appréhender les stratégies tarifaires et commerciales de ses concurrents avec suffisamment de précision pour adapter son comportement en conséquence (pt. 135). En fait, il s'agissait d'informations présentées sous une forme agrégée, ce qui ne leur permettait pas de distinguer, au sein d’un chiffre d’affaires mensuel global et d’un nombre total de contrats réalisés par chaque concurrent, la part revenant aux clients « diffus » et la part réalisée avec les clients « grands comptes » (pt. 137). Or, s'agissant des locations aux particuliers, au-delà de la transparence naturelle des prix qui caractérise le marché des clients « diffus », les informations transmises par les aéroport ne permettent pas aux loueurs d’établir un lien précis entre les tarifs pratiqués par leurs concurrents et les parts de marché obtenues. En effet, cette connaissance des tarifs ne permet pas de déduire l’efficacité de la stratégie commerciale mise en place par chaque concurrent à partir du chiffre d’affaires mensuel et du revenu moyen par dossier diffusés par les aéroports (pt. 138). Il en va de même des locations aux professionnels, pour lesquels le marché des « grands comptes » est plus opaque que le marché « diffus » en ce qui concerne les prix.

L’Autorité a considéré que ces données ne permettaient pas, en raison des spécificités de l’activité de location de voitures en aéroports, de réduire l’autonomie commerciale des loueurs en leur révélant la stratégie commerciale de leurs concurrents sur le marché des « grands comptes », sur le marché « diffus » ou sur ces deux marchés considérés ensemble (pt. 143). En outre, aucune pièce du dossier n’établit l’existence d’une situation concrète dans laquelle les informations mensuelles émanant des aéroports auraient fourni à un loueur une connaissance précise de la stratégie à court terme de ses concurrents qui l’aurait conduit à infléchir son propre comportement sur le marché (pt. 144).

Le second grief notifié concernait une concertation entre les trois principaux loueurs de voitures relative à la mise en place d’une « surcharge gare », à la fin de l’année 2005 et au début de l’année 2006, à la suite de l'adoption par la SNCF et  EFFIA de nouvelles conditions d'exploitation en gare qui ont engendré une hausse significative des coûts d'exploitation pour les loueurs de voitures. Ici, la question qui se posait relevait plutôt de la valeur probatoire des éléments figurant  au dossier. En l'occurrence, les griefs notifiés reposaient principalement sur un tableau, à jour au 25 novembre 2005, et intitulé « SUPPLEMENT GARE », qui avait été saisi dans les locaux de Hertz. Le document comportaient deux dates aux côtés des noms des trois principaux loueurs — Hertz, Avis et Europcar. La DGCCRF et les services d'instruction avaient cru détenir là la preuve que les loueurs de voitures s'étaient concertés avant de décider d'appliquer à leurs clients la « surcharge gare ». L’élaboration d’un tel tableau prévisionnel de mise en œuvre n’a de sens que si le principe de cette tarification nouvelle par les trois concurrents est déjà connu par eux. Les loueurs avançaient une explication alternative : les deux dates correspondaient d'abord à une estimation, basée sur des informations en provenance de la clientèle, de la période à laquelle les concurrents introduiraient cette surcharge locale (pt. 97). La lecture faite par le collège de l'Autorité est un peu différente : selon elle, pour chaque loueur, la première de ces dates correspond à la date d’annonce de la surcharge gare aux clients envisagée par chaque opérateur et la deuxième à la date prévisionnelle de l’application de cette surcharge (pt. 152).

Mais surtout, l'Autorité se montre sensible à l'explication alternative proposé par les loueurs : ce document, qui est daté du jour de la première annonce de la surcharge par Hertz, montre que les clients « grands comptes » n’ont pas hésité à transmettre des informations sur les pratiques tarifaires des concurrents, lorsqu’ils utilisaient les services de plusieurs loueurs. En somme, alors que l’hypothèse d’une entente sur la mise en place d’une surcharge gare implique qu'il y ait eu des contacts antérieurs au 25 novembre 2005, date de création du tableau saisi lors des OVS, entre les quatre loueurs, Avis, Hertz, Europcar et National Citer, certains éléments versés au dossier après la transmission du rapport, montrent qu’il est possible qu’une circulation d’informations entre certains clients et plusieurs loueurs permette d’expliquer que la mise en place d’une surcharge en gare à la fin du mois de décembre 2005 ait été connue d’une partie du marché dès la mi-novembre 2005. Par conséquent, le tableau retenu par la notification de griefs ne permet pas de démontrer, à lui seul, l’existence d’une entente sur une stratégie préalablement établie relative à la mise en place de la surcharge gare. Les autres indices présents au dossier ne sont pas de nature à remettre en cause cette explication (pt. 162). Bref, selon cette explication alternative, la décision première de Hertz de mettre en place une « surcharge gare », communiquée à ses clients le 8 novembre 2005, aurait pu être transmise aux concurrents de Hertz par certains clients utilisant les services de plusieurs loueurs, de sorte que la décision prise par les autres loueurs individuellement de mettre à leur tour en œuvre une « surcharge gare » ne résulterait pas d'une pratique concertée mais d'un simple parallélisme de comportements (pt. 163).

Au final, l’Autorité a considéré que les éléments présents au dossier n’étaient pas suffisants pour démontrer l’existence d’une entente sur une stratégie préalablement établie relative à la mise en place de cette surcharge.



INFOS : Stanislas Martin, nouveau rapporteur général de l'Autorité de la concurrence


Ce n'est guère une surprise tant son nom bruissait dans les conversations depuis des semaines... comme une évidence : Stanislas Martin, fin et subtile connaisseur de la matière, doté d'une solide expérience, tant française qu'européenne, dans tous les domaines du droit de la concurrence (concentrations, PAC, aides d'État), acquise du côté des autorités de la concurrence, mais aussi, dans une moindre mesure, au soutien des entreprises, devient donc rapporteur général de l'Autorité de la concurrence. Il a été nommé par arrêté du ministre de l'économie et des finances en date du 3 mars 2017. Il prendra ses fonctions le 6 mars 2017, pour une durée de quatre ans.

Il remplace Virginie Beaumeunier, nommée, le 2 mars 2017, chef du service de la stratégie, du pilotage et du budget de la direction générale des finances publiques à l'administration centrale du ministère de l'économie et des finances, pour une durée d'un an (sans doute dans la perspective d'un poste plus en adéquation avec ses attentes).

Avant de devenir le spécialiste des questions de concurrence que l'on connait, Stanislas Martin, diplômé de Sciences Po en 1990, a été quelques années (1990-1996) Commissaire de la Marine au sein de la Marine nationale, avant d'entrer à l'École nationale d'administration (promotion 1997-1999 « Cyrano de Bergerac »). Il intègre alors la DGCCRF et y exercera comme chef du Bureau des concentrations et aides d'État (B3) jusqu'en 2004. Il passe les 2 années suivantes à Bruxelles comme conseiller de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, avant de revenir à Paris, mais cette fois-ci en tant qu'Of Counsel au sein du cabinet Clifford Chance où il aura à traiter d'intéressantes affaires comme le rapprochement des activités de la CCI de Paris et de la société Unibail dans le secteur de la gestion de sites de congrès-expositions et de l’organisation de foires et salons. À l'issue de ces quatre années passées au sein d'un cabinet d'avocats, Stanislas Martin réintégre l'Administration, d'abord comme rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence pendant un peu plus d'un an, puis, à compter de 2010, comme chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés (groupe I) de la DGCCRF (numéro 2), fonction qu'il occupe depuis plus de 6 ans, jusqu'à ce jour.


Journée d’études de l’AFEC 2017

L’actualité 2016 du droit européen et français de la concurrence

Paris - 14 mars 2017


Bonjour,

L’AFEC organise chaque année une journée d’étude pour faire le point sur le droit de la concurrence, les grandes décisions, les évolutions législatives et réglementaires ainsi que les perspectives.

Cette année, la journée d’étude aura lieu le mardi 14 mars 2017 de 8h30 à 13h00 dans l’auditorium du Cabinet Allen & Overy, et elle sera consacrée à « L’actualité 2016 du droit européen et français de la concurrence ».

Cette journée d’études est dédiée à Maître Robert Collin, pionnier et spécialiste reconnu en droit de la concurrence et de la propriété intellectuelle, ancien Président de l’AFEC et de la Ligue internationale du droit de la concurrence, qui nous a quittés récemment.

Le programme est le suivant :
 

  • Ouverture de la matinée d’étude et hommage à Maitre Robert Collin

« Des soixante ans du Traité de Rome à la transposition de la Directive Dommages » : Maître Jean-Louis Fourgoux, Avocat – Associé Fourgoux & Djavadi Associés, Président de l’AFEC
 

  • Intervention privilégiée  : Madame la Présidente Isabelle de Silva, Présidente de l’Autorité de la concurrence
     
  • « Regards économiques et juridiques sur la preuve dans les actions en dommages et intérêts pour pratiques anticoncurrentielles »

— « Preuve et évaluation du préjudice » : Madame Anne Perrot, Economiste, Associée – Cabinet MAPP, Ancienne Vice-Présidente de l’Autorité de la concurrence

— « Accès aux preuves et présomptions » : Maître Florence Ninane, Avocat – Associée Allen & Overy
 

  • « Regards croisés sur la responsabilité concurrentielle et civile des entreprises »

— « La responsabilité concurrentielle des groupes de sociétés » : Maître Christophe Lemaire, Avocat à la Cour – Ashurst LLP, Maitre de conférences – École de droit de la Sorbonne

— « Quelles incidences de la responsabilité concurrentielle sur la responsabilité civile ? » : Madame le Professeur Muriel Chagny, Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Directeur du master de droit de la concurrence et de droit des contrats
 

  • « Regards français et européens sur le droit des pratiques restrictives de concurrence »

— « Droit français des pratiques restrictives de concurrence » : Monsieur le Professeur Nicolas Ferrier, Professeur à l’université de Montpellier, Directeur du master 2 droit de la distribution et des contrats d’affaires

— « Droit européen des pratiques commerciales déloyales » : Maître Jean-Philippe Arroyo, Avocat associé – JP Karsenty & Associés

Un cocktail est prévu à 13heures.

Le programme complet de la journée d’étude est disponible ICI.

Les inscriptions peuvent se faire en ligne.

Nous vous invitons à vous inscrire avant le 10 mars 2017.

Bien à vous,

Martina Isola
Secrétaire Administrative
AFEC


Rendez-vous de l'Autorité

Gun Jumping : les limites à ne pas franchir

Paris - 23 mars 2017

 

Bonjour,

L’Autorité de la concurrence organise, le jeudi 23 mars 2017 (de 8h30 à 12h30) à l’ENA, une conférence sur le thème : « Gun Jumping : les limites à ne pas franchir ».  

Cette conférence sera notamment l’occasion de revenir sur la décision SFR/NUMERICABLE du 8 novembre 2016 qui a sanctionné la réalisation anticipée de deux opérations de concentration, méconnaissant ainsi le caractère suspensif du contrôle des concentrations.

Si elle définit certains principes, son objet n’était pas d’établir des lignes directrices générales, mais de statuer sur un cas d’espèce.

L’objectif de cette conférence est de dialoguer avec différents acteurs impliqués dans des opérations de concentration et d’essayer de tirer de ce précédent des enseignements, afin d’aider les entreprises à identifier les critères leur permettant d’apprécier où se situe la ligne jaune et de guider leur comportement pendant la période de contrôle d’une concentration. Seront notamment évoqués les catégories d’échanges d’informations nécessaires ou possibles, leurs modalités, les bonnes pratiques dans l’anticipation de la future intégration des entreprises et, de manière plus générale, les différents points d’attention pour la préparation efficace d’une opération sans risque de se retrouver en infraction.

Voir le programme complet à l’adresse suivante : Site institutionnel de l’Autorité de la concurrence (France) - Les Rendez-vous de l'Autorité.

L'inscription à cette conférence est gratuite et s’effectue par mail.

La présence à cette conférence est validée au titre de la formation permanente des avocats du Barreau de Paris.

Bien cordialement,

Coralie Anadon
Chargée de communication
Autorité de la concurrence
01 55 04 00 83

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