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Hebdo n° 35/2018
17 septembre 2018
SOMMAIRE
 
INFOS PROJET DE LOI PACTE : Le Gouvernement saisit l’occasion pour lancer une réforme des procédures de concurrence et pour procéder à l’adaptation des tarifs réglementés de vente du gaz naturel et de l’électricité au droit de l’Union

INFOS PROJET DE LOI AGRICULTURE ET ALIMENTATION : Ce qu’il faut retenir de l’examen du texte en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Dans la vieille affaire des aides au cabotage vers la Sardaigne et la Sicile, l’avocat général Nils Wahl invite la Cour à écarter l’application de la qualification d’aide existante aux mesures en cause

JURISPRUDENCE : Dans l’affaire des endives, la Cour de cassation censure la Cour d’appel de Paris pour avoir jugé que les pratiques litigieuses pouvaient être soustraites à l'interdiction des ententes, sans rechercher si les conditions d'une telle soustraction, énoncées par la Cour de justice, étaient réunies


EN BREF : L’Autorité belge de la concurrence (ABC) lance une consultation publique relative à un guide concernant les échanges d’informations sur les marchés et les prix

ANNONCE COLLOQUE : « Prochain "rendez-vous" de l'Autorité sur la procédure de transaction », Paris — 2 octobre 2018 [message de Coralie Anadon]

ANNONCE COLLOQUE : « Pour une réforme du droit de la concurrence, avec le président Guy Canivet », Paris — 28 septembre 2018 [message de Claudie Boiteau]

ANNONCE COLLOQUE : « La flexibilité du statut de coopérative de commerçants, clé de sa résilience », Paris — 25 octobre 2018 [message d’Alain Souilleaux]

 

INFOS PROJET DE LOI PACTE : Le Gouvernement saisit l’occasion pour lancer une réforme des procédures de concurrence et pour procéder à l’adaptation des tarifs réglementés de vente du gaz naturel et de l’électricité au droit de l’Union


À la faveur de la discussion du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit « PACTE », dont le travail en Commission a commencé le 5 septembre 2018, le Gouvernement a présenté un amendement n° 2029 insérant un article additionnel après l’article 71 du projet. Cet article vise à l’autoriser à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour rendre compatibles les dispositions du livre IV du code de commerce avec la directive en cours d’adoption visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.

Bref, il s’agit d’habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive ECN+, qui a d’ores et déjà fait l’objet d’un
accord politique entre le Conseil et le Parlement européen, et qui devrait être formellement adoptée dans les prochaines semaines et, en tout état de cause, avant la fin de l’année 2018.

Mais pas que ! En effet, le Gouvernement saisit l’occasion de cette transposition pour que le Parlement lui accorde en outre l’habilitation de prendre par voie d’ordonnance, dans le même délai, diverses mesures visant à renforcer l’efficacité des procédures mises en œuvre par l’Autorité de la concurrence et des enquêtes conduites par les agents de l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, et surtout à accélérer lesdites procédures, dont n’importe quel observateur attentif de la pratique décisionnelle de l’Autorité peut mesurer la longueur…

Si, compte tenu du caractère très technique du paquet de mesures envisagées, il n’est pas choquant que l’on ait recours à la voie des ordonnances, il serait toutefois souhaitable, du fait de l’ampleur des modifications prévues, que l’avant-projet d’ordonnance, lorsqu’il sera prêt, fasse l’objet d’une large diffusion, comme ça avait été le cas lors de l’adoption de l’ordonnance qui a présidé à la réforme de 2008.

S’agissant en premier lieu de la transposition de la directive ECN+, quatre mesures sont envisagées.

Adopter l’opportunité de poursuites (art. 4-2. e) de la
proposition de directive ECN+). Même si l’Autorité se l’était déjà en partie accorder par divers moyens…, il s’agit de permettre à l’Autorité de rejeter les saisines ne correspondant pas aux priorités de l’institution, ce qui devrait contribuer à une meilleure allocation des ressources pour traiter les infractions les plus graves pour le fonctionnement des marchés. Sur ce point, l’amendement d’origine gouvernementale est assez lapidaire. Toutefois, il est clair que ce mécanisme suppose que l’institution — et, par définition, son Collège — définisse au préalable ses priorités. Car il va sans dire que, comme il en va du pouvoir d’opportunité des poursuites de la Commission européenne, la décision de rejeter une saisine devra ici également être précisément motivée et pouvoir faire l’objet d’un recours devant le juge. Reste à savoir qui du rapporteur général ou du Collège adoptera cette décision. Est-ce que, par parallélisme avec la procédure de saisine d’office, il ne faudrait prévoir que le rapporteur général, qui, d’une certaine façon, est comptable de la bonne utilisation des ressources de l’institution, prenne l’initiative de proposer au collège de rejeter certaines saisines, à charge pour ce dernier qui, par hypothèse, a préalablement défini ses priorités de s’assurer que la proposition de rejet est bien conforme auxdites priorités ?

Pour renforcer encore cette faculté nouvelle d’opportunité des poursuites, l’amendement envisage deux autres mesures, sans lien avec la directive ECN+, mais qui ont aussi pour objet de décharger l’Autorité pour qu’elle se concentre sur l’essentiel et qu’elle le fasse avec célérité. Il s’agit en premier lieu de prévoir la possibilité pour l’Autorité de la concurrence de rejeter certaines saisines pouvant être traitées par le ministère de l’économie et des finances. En clair, même si l’amendement n’est guère explicite, il s’agit de permettre à l’Autorité de renvoyer au ministre les dossiers qui ne peuvent aboutir en PAC mais qui pourraient être traitées au titre des pratiques restrictives de concurrence, tels les abus de puissance d’achat. Bref, il s’agirait d’éviter de renouveler le fiasco de l’affaire Booking… Autre mesure visant à alléger la tâche de l’Autorité, l’amendement propose d’élargir les cas dans lesquels le ministre de l’économie peut imposer des injonctions ou transiger avec les entreprises en supprimant la condition tenant à la dimension locale du marché, laquelle condition, du reste, n’était déjà plus guère respectée, notamment lorsque l’Autorité s’était abstenue de se saisir de pratiques certes précisément localisées mais dont les effets étaient appelés à se faire sentir bien au-delà d’un département ou d’une région (comme en attestent les différentes affaires concernant la commercialisation des vins de Savoie, du Languedoc, de la Loire et celle des saucisses de Morteau et de Montbéliard). En revanche, les seuils individuels et cumulés de chiffre d’affaires ne seraient pas modifiés, non plus du reste que la condition tenant à l’absence d’affectation du commerce entre États membres.

Accorder la possibilité à l’Autorité de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de procédures contentieuses concernant des pratiques anticoncurrentielles (art. 9 de la
proposition de directive ECN+). Il s’agit là, en cas de constatation d’une infraction aux dispositions de l’article 101 ou 102 du TFUE, de renforcer les prérogatives de l’Autorité de mettre fin à l’infraction, en lui permettant d’imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction, et ce en dehors du cas où l’exploitation abusive d'une position dominante a été rendue possible par la réalisation d’une opération de concentration, lequel cas est déjà prévu à l’article L. 430-9 du code de commerce.

En tout état de cause, et compte tenu de ce que le Conseil constitutionnel a jugé dans sa
décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 en censurant la procédure d'injonction structurelle dans le secteur du commerce de détail en France métropolitaine prévue par le 2° de l’article 39 de la loi Macron, l’injonction structurelle nouvelle version ne saurait conduire à une cession forcée d'actifs, alors même que les entreprises n'auront commis aucun abus, fussent-elles en situation de position dominante, acquise, par hypothèse par leurs propres mérites…

À l’évidence, et comme on se trouve ici dans la cadre de la transposition de la directive ECN+, le dispositif devra impérativement être calqué sur les prérogatives identiques de la Commission prévues par l’article 7 et le considérant 12 du
règlement 1/2003. En particulier, il faudra que le dispositif fixé par ordonnance précise bien que l’injonction structurelle doit être proportionnée à l'infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction et qu’une mesure structurelle ne peut être imposée que s'il n'existe pas de mesure comportementale qui soit aussi efficace ou si, à efficacité égale, cette dernière s'avérait plus contraignante pour l'entreprise concernée que la mesure structurelle.

La possibilité pour l’Autorité de se saisir d’office afin d’imposer des mesures conservatoires : cette disposition pourra permettre à l’Autorité d’intervenir plus rapidement, en particulier dans des secteurs où les conséquences d’une pratique anticoncurrentielle peuvent être extrêmement dommageables et rapides, tel que le secteur numérique (art. 10 de la
proposition de directive ECN+). À cet égard, on se contentera de relever que les conditions posées par la proposition de directive pour la mise en œuvre de cette prérogative semblent plus drastiques que celles fixées par l’article L. 464-1 du code de commerce — atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante. En effet, dans la directive, l’urgence doit être justifiée par le fait qu’un préjudice grave et irréparable risque d’être causé à la concurrence…

La suppression de la notion d’« importance du dommage à l’économie », afin de lever toute ambiguïté entre ce facteur de détermination de toute sanction pécuniaire prononcée par l’Autorité et la notion de réparation d’un dommage subi par une victime d’une pratique anticoncurrentielle et mise en exergue des critères de la directive que sont la durée des pratiques et leur gravité (art. 13 de la
proposition de directive ECN+). Par cette mesure qui n’est en aucune façon rendue nécessaire par la transposition de la directive ECN+, laquelle, sur ce point, se contente de fixer les deux éléments — durée et gravité — que doivent a minima prendre en compte les ANC lorsqu’elles prononcent des sanctions, l’Autorité entend poursuivre la mission d’harmonisation avec le droit de l’Union qu’elle s’est visiblement assignée ces derniers mois, notamment en supprimant les spécificités françaises dans l’approche des programmes de conformité. Le prétexte est de lever toute ambiguïté entre ce facteur de détermination des sanctions pécuniaires prononcées par l’Autorité et la notion de réparation d’un dommage subi par une victime d’une pratique anticoncurrentielle, en mettant en exergue des critères de la directive que sont la durée des pratiques et leur gravité. Il est vrai que l’Autorité n’était jamais parvenue à convaincre tout à fait de la différence entre le dommage à l’économie et le dommage causé à la victime et en quoi les deux concepts n’étaient pas au moins partiellement redondants. En tout état de cause, cette suppression et la clarification qui devrait s’ensuivre des critères de détermination de la sanction par référence à la durée et à la gravité de l’infraction rendront nécessaire une réécriture du communiqué du 16 mai 2011 sur la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.

S’agissant en second lieu des autres mesures visant à renforcer l’efficacité des procédures mises en œuvre par l’Autorité de la concurrence et des enquêtes conduites par les agents de l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, on en a dénombré trois principales.

 Renforcer l’efficacité des enquêtes en simplifiant les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention et le recours aux officiers de police judiciaire, s’agissant du déroulement des opérations de visite et saisie. La réforme consiste d’abord à réviser la compétence territoriale du JLD, laquelle deviendrait nationale et ne serait plus définie par le ressort de la Cour d’appel dont le juge dépend. Cette réforme mettrait fin au recours à des JLD secondaires en cas d’opération de visite et saisie couvrant le ressort de plusieurs cours d’appel. Mécaniquement, si un seul JLD devient compétent pour l’ensemble du territoire — en pratique le JLD situé à Paris —, une seul cour d’appel — celle de Paris — devrait alors avoir à connaître du contentieux de l’autorisation des opérations et de celui du déroulement des OVS.

Par ailleurs, afin de permettre une meilleure allocation des ressources, il est envisagé de rationaliser le recours aux OPJ. Aujourd’hui, lorsqu’une OVS couvre plusieurs établissements d’une même entreprise, la présence d’un OPJ est requise dans chaque établissement visité. En outre, si au sein d’un même établissement, le plus souvent au siège de l’entreprise, plusieurs équipes d’enquêteurs ont été désignés pour investiguer plusieurs lieux stratégiques en même temps — les bureaux de la direction générale, ceux de la direction juridique et ceux de la direction commerciale, par exemple —, un OPJ différent est désigné pour suivre chacune des équipes au sein du même établissement, donc trois OPJ dans cet exemple. La réforme aujourd’hui envisagée consisterait à limiter le recours à un OPJ par établissement visité, quel que soit par ailleurs le nombre d’équipes d’enquêteurs constituées dans un même établissement.

Pour faire bonne mesure, le projet suggère d’étendre ces deux modifications aux enquêtes et opérations de visite ou de saisie conduites en vertu du code de la consommation, de sorte de mettre en cohérence avec le code de commerce les dispositions du code de la consommation relatives aux pouvoirs d’enquête des agents de l’autorité chargée de la concurrence et de la consommation et aux OVS.

 Simplifier la procédure relative à la clémence et élargir les cas de recours à un seul membre du collège de l’Autorité de la concurrence pour les affaires les plus simples. Ici, il s’agit d’abord de supprimer l’avis de clémence adopté par le Collège sur la base du rapport établi par les services d’instruction. Aux termes de cet avis, le Collège indique à l’entreprise s’il accorde une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires, ainsi que, dans ce dernier cas, le taux de cette exonération, et précise les conditions auxquelles cette exonération est subordonnée. Si l’on comprend bien, la réforme consisterait à confier aux services d’instruction de l’Autorité le soin de préciser les conditions auxquelles l’exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires est subordonnée. Dès lors, l’intervention du Collège serait renvoyée au stade de l’examen de l’affaire au fond. Mais comment alors garantir à l’entreprise que le tarif proposé par les services d’instruction sera bien entériné par le Collège au terme de la procédure, si les conditions posées ont été respectées par l’entreprise ?

Par ailleurs, l’amendement présenté par le Gouvernement envisage d’élargir les cas de recours à un seul membre du Collège de l’Autorité de la concurrence pour les affaires les plus simples. La notion d’« affaires les plus simples » étant pour le moins vague, il importe que le projet d’ordonnance précise ce qu’il faut entendre par là et limite strictement cette faculté de renoncer à la collégialité des décisions.

 Élargir les cas de recours à la procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence.

L’Autorité revient à la charge mais cette fois avec un dispositif largement édulcoré. On se souvient que le 17 mai 2018, le Gouvernement avait déjà présenté, dans le cadre de l’examen du projet de loi Agriculture et Alimentation, un amendement n° 2244 qui visait à introduire un article venant modifier les articles L. 463-2 et L. 463-3 du code du commerce, ceux-là mêmes qui régissent la procédure contradictoire devant l'Autorité de la concurrence. Mais alors, il s’agissait à la fois de supprimer la procédure simplifiée, dans la mesure le plafond de la sanction pécuniaire à 750 000 euros qui peut être infligée à chacun des auteurs de pratiques prohibées était appelé à disparaître, et à ériger cette même procédure simplifiée en règle générale, en ce sens que l’examen des affaires par l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport serait devenu la règle, reléguant la procédure « normale » avec établissement d’un rapport au rang de simple exception. Dans le cadre de la loi PACTE, l’amendement du Gouvernement semble renoncer à ériger la procédure simplifiée sans établissement préalable d'un rapport en règle générale. Ce faisant, les trois tours de contradictoire — deux écrits et un oral lors de la séance devant le Collège de l’Autorité — demeureraient la règle. À ce stade, il ne s’agirait plus que d’élargir le recours à la procédure simplifiée. Toutefois, ni le texte de l’amendement ni son exposé sommaire ne précise quel type d’affaires pourrait être concerné par cette élargissement.

Là encore, des précisions s’imposent. Il faut souhaiter que, lors des débats parlementaires, on en sache un peu plus…

D’autant que ledit amendement a été adopté dans la nuit du 14 au 15 septembre 2018 par la Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, et ce sans la moindre discussion… Visiblement les députés étaient pressés de rejoindre leur circonscription.

Par ailleurs, la Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises a également adopté le 15 septembre 2018, sans guère plus de discussion, un amendement n° 2030 présenté par le Gouvernement visant à lui donner une habilitation à prendre des ordonnances sur les tarifs réglementés de vente du gaz naturel et de l’électricité. Prenant acte des décisions du Conseil d’État des 19 juillet 2017 et 18 mai 2018 qui ont respectivement estimé que le tarif réglementé de vente (TRV) du gaz naturel était incompatible avec le droit communautaire au regard des objectifs d’intérêt général économique poursuivi, et admis l’existence de tarifs réglementés de vente de l’électricité en ce qu’ils permettent de garantir un prix stable de l’électricité, tout en excluant de leur périmètre les sites non résidentiels appartenant à des grandes entreprises et en impliquant la nécessité d’une révision régulière de leur pertinence, le Gouvernement entend donc procéder à l’adaptation des dispositions législatives relatives aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel et de l’électricité afin de les rendre compatibles avec le droit de l’Union Européenne. Ce faisant, l’ordonnance devrait notamment mettre fin aux tarifs réglementés du gaz mais aussi aux tarifs réglementés de l’électricité pour ce qui concerne les sites des grandes entreprises.

INFOS PROJET DE LOI AGRICULTURE ET ALIMENTATION : Ce qu’il faut retenir de l’examen du texte en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale

 

Après l’échec de Commission mixte paritaire, la discussion sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a repris son cours, pour une nouvelle lecture, devant l’Assemblée nationale.

Après deux jours de travail en Commission, les 17 et 18 juillet 2018, le texte avait été vidé de l’essentiel des modifications apportées par le sénat, pour revenir à une rédaction plus conforme au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

La discussion en nouvelle lecture en séance publique a débuté le 12 septembre 2018, s’est poursuivie le 13 septembre et devrait s’achever ce soir, 14 septembre 2018. D’ores et déjà, l’Assemblée a passé en revue l’ensemble des amendements déposés à propos du volet Agriculture (article 1er à 10 undecies).

Lors de cette discussion, la physionomie du texte n’a guère évoluée.

La principale évolution concerne la disposition introduite à l’article 1er du projet de loi fixant la liste des clauses devant être contenues dans la proposition de contrat ou d’accord-cadre écrit et qui prévoit que les critères et modalités de détermination du prix doivent prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture ou à l’évolution de ces coûts, un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels opère l’acheteur, ainsi que, le cas échéant, un ou plusieurs indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à la traçabilité, ou au respect d’un cahier des charges. À l’origine, il était prévu que ces indicateurs soient fournis par l’interprofession et soient rendus publics dès l’accord interprofessionnel. Toutefois, lors de la première lecture du texte devant l’Assemblée nationale, les députés avaient introduit dans le texte, contre l’avis du Gouvernement et du rapporteur, la précision selon laquelle à défaut de fourniture de ces indicateurs par l’interprofession, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) proposera ou validera des indicateurs, modification reprise à l’identique par le Sénat. On se souvient que la Commission des affaires économiques avait adopté l’amendement n° CE068 présenté par Jean-Baptiste Moreau, le rapporteur pour l’Assemblée nationale, revenant au dispositif originel. Si les interprofessions peuvent demander l’avis de l’OFPM pour construire les indicateurs en cas de difficulté, c’est aux organisations interprofessionnelles qu’il revient en dernier lieu d’élaborer et de diffuser ces indicateurs. Toutefois, le texte issu de la Commission des affaires économiques n’obligeait pas expressément les organisations interprofessionnelles à élaborer et à diffuser ces indicateurs. C’est précisément l’objet de l’
amendement n° 983 (Rect) présenté par Jean-Baptiste Moreau. Les organisations interprofessionnelles auront désormais obligation d’élaborer et de diffuser des indicateurs, dans le cadre de leurs missions et conformément au droit de l'Union européenne. Les professionnels ne pouvant faire défaut, l'Observatoire de la formation des prix et des marges et FranceAgriMer n'auront ainsi plus qu'à intervenir, le cas échéant, en appui technique aux organisations. Ce dispositif fait l’objet d’une précision introduite par l’amendement n° 559 du rapporteur. Par ailleurs, un autre amendement du rapporteur, le n° 560, vient préciser que la mission de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, qui est d’étudier les coûts de production au stade de la production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l’ensemble de la chaîne de commercialisation des produits agricoles, consistera en outre à examiner la valeur ajoutée et sa répartition tout au long de la chaîne de commercialisation des produits.

Pour le reste, on notera juste une précision terminologique jugée utile par le rapporteur du texte à propos des effets des accords-cadres sur la détermination des prix et apportée par l’adoption de l’
amendement n° 713.

À l’article 2, l’adoption de l’
amendement n° 259 vise, dans le dessein d’associer des sanctions à chaque obligation inscrite dans l’article 1er du projet de loi, à sanctionner tout acheteur de produits agricoles qui ne formulerait pas ses réserves sur la proposition de contrat ou d’accord-cadre transmise par le producteur ou l’OP. Bref, l’acheteur devra motivé son refus.

À l’article 4, l’adoption de l’
amendement n° 39 vise à créer un recours en cas d’échec de la médiation sur les questions contractuelles du médiateur des relations commerciales agricoles, censé accélérer l’éventuel recours devant le juge des référés.

On se souvient qu’à l’occasion de la première lecture à l’Assemblée nationale, les députés avaient adopté un article additionnel après l’article 9 visant à prohiber l’utilisation du terme de « gratuité » comme outil marketing et promotionnels dans le cadre d’une relation commerciale et que la Commission des affaires économiques du Sénat l’avait supprimé, estimant d’une part que le caractère réellement opérationnel du dispositif n'est pas établi dès lors qu’il risque d’être aisément contourné par le recours à des formules moins implicites mais véhiculant la même idée, et, d’autre part, que de tels excès terminologiques peuvent d’ores et déjà être sanctionnés. À la faveur de l’adoption de l’
amendement n° 827, l’Assemblée nationale réintègre l’interdiction de l’emploi du terme de « gratuité » comme outil marketing et promotionnels.

Enfin, à l’article 10, on notera adoption de deux amendements venant préciser le périmètre de l’habilitation du Gouvernement à modifier par voie d’ordonnance les dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce.

L’
amendement n° 947 concerne les règles de facturation. Il vise à clarifier le fait que l’objectif est de permettre une modification du régime de sanction, actuellement pénal, en sanctions administratives, jugées plus efficaces.

L’
amendement n° 963 concerne lui les conditions générales de vente (CGV). Il vise à prévoir des sanctions administratives pour tout manquement au formalisme prévu en matière de conditions générales de vente.

Lors qu'il aura été adopté dans son ensemble par l'Assemblée nationale, le projet de loi Agriculture et Alimentation sera transmis au Sénat pour une nouvelle lecture, avant que le dernier mot ne soit donné à l'Assemblée nationale lors d'une ultime lecture.

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Dans la vieille affaire des aides au cabotage vers la Sardaigne et la Sicile, l’avocat général Nils Wahl invite la Cour à écarter l’application de la qualification d’aide existante aux mesures en cause

 

Le 13 septembre 2018, l’avocat général Nils Wahl a présenté ses conclusions dans l’affaire d’aide d’État C-387/17 (Presidenza del Consiglio dei Ministri contre Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA).

La Cour de justice de l’Union y est invitée à répondre à la demande préjudicielle formée par la Cour de cassation italienne à propos de l’éventuelle qualification d’aides existantes des mesures accordées dans l’affaire au principal.

À l’origine, la requérante au principal, une entreprise de transport maritime qui, dans les années 1970, effectuait des liaisons maritimes régulières entre l’Italie continentale et les îles de Sardaigne et de Sicile, a demandé réparation auprès des juridictions italiennes du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de l’octroi illégal des subventions à sa concurrente. Pour ce faire, elle a engagé la responsabilité de l’État pour violation des dispositions applicables en matière d’aides d’État, et en particulier de son obligation de notification préalable de mesures d’aides en violation de l’article 108, § 3, TFUE. Ces dernières, qui ont été qualifiées d’aides d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE par la juridiction de renvoi, n’ont, en revanche, pas fait l’objet d’une décision de la Commission quant à leur légalité et leur compatibilité au regard des règles de l’Union européenne (situation de « stand-alone private enforcement »).

L’affaire n’est pas récente puisque les subventions litigieuses ont été versées entre entre 1976 et 1980. Mais elle fait l’objet d’une véritable « saga » jurisprudentielle puisqu’on en ait déjà au troisième renvoi préjudiciel.

La singularité de la présente affaire tient au fait que, nonobstant la circonstance que la Cour d’appel de Gênes a accueilli la demande en réparation de la requérante au motif notamment que les aides litigieuses devaient être qualifiées d’aides « nouvelles » illégalement octroyées, les autorités italiennes ont, devant la juridiction de renvoi, continué à faire valoir que ces aides devaient, en réalité, être qualifiées d’aides « existantes ». Ces autorités soutiennent que lesdites aides, premièrement, avaient été accordées à une époque où l’activité de cabotage maritime n’était pas encore libéralisée et, deuxièmement, n’avaient pas été contestées par la Commission dans le délai de prescription de dix ans visé par l’article 15 du règlement nº 659/1999 [voir article 1er, sous b), iv), de ce règlement].

Cette fois-ci se pose la question de savoir si, aux fins de la qualification des mesures d’aides « existantes » ou d’aides « nouvelles », est pertinente la circonstance que les subventions en cause ont été versées à une entreprise opérant dans un marché non encore formellement libéralisé. La Cour est également interrogée sur le point de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure, les règles contenues dans le règlement (CE) nº 659/1999 en matière de prescription de l’action de la Commission ont vocation à avoir une influence sur le bien-fondé d’une action en réparation telle que celle visée au principal, ou bien s’il y a plutôt lieu de se référer aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

Avant de proposer des réponses aux demandes préjudicielles, l’avocat général Nils Wahl rappelle les enjeux de la distinction entre aides existantes et aides nouvelles. Selon ce régime, les aides existantes peuvent être mises à exécution tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité. À la différence des aides nouvelles, les aides existantes n’ont donc pas à être notifiées à la Commission et ne peuvent être qualifiées d’illégales (pt. 41). À cet égard, constituent des aides existantes non seulement celle qui ont été mises à exécution avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné [article 1er, sous b), i)] ainsi que les deux catégories d’aides dites autorisées [article 1er, sous b), ii) et iii)], mais également les aides à l’égard desquelles le délai de prescription a expiré [article 1er, sous b), iv), lu en combinaison avec l’article 15 du règlement nº 659/1999] ainsi que les mesures à l’égard desquelles il peut être établi qu’elles ne constituaient pas des aides au moment de leur mise en vigueur, mais qu’elles le sont devenues à la suite de l’évolution du marché [article 1er, sous b), v), du même règlement] (pts. 49-50). Et c’est précisément ces deux derniers cas qu’invoquent les autorités italiennes et sur l’application desquelles la juridiction de renvoi interroge la Cour de justice.

Aux termes de ses conclusions, l’avocat général Nils Wahl invite la Cour à écarter l’application de la qualification d’aide existante à la mesure en cause.

Pour lui, l’exception tenant à l’existence d’un marché non encore libéralisé n’est pas applicable au cas d’espèce. En effet, estime-t-il, pour que cette exception puisse recevoir application, il doit être établi que les mesures étatiques en cause, au moment de leur adoption, ne constituaient pas des aides d’État, précisément parce qu’elles ne répondaient pas aux conditions d’affectation des échanges entre États membres et de distorsion de la concurrence (pt. 63). Or, la circonstance que le marché de cabotage maritime en cause dans la présente affaire n’ait été libéralisé par voie réglementaire que bien postérieurement au versement des subventions litigieuses ne permet pas d’exclure que celles-ci constituaient des aides satisfaisant aux quatre conditions cumulatives posées par la jurisprudence de la Cour (pt. 67). Et dès lors qu’elle remplit ces quatre conditions et notamment qu’elle est susceptible d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence — ce qui semble être le cas en l’espèce —, cette mesure ne peut, en principe, être qualifiée d’aide existante uniquement en raison d’une absence formelle de libéralisation du marché pertinent (pts. 71-72).

Dès lors, l’avocat général invite la Cour à répondre à la première question que, aux fins de la qualification des aides d’État en cause au principal d’aides existantes ou d’aides nouvelles, il n’y a lieu d’appliquer ni la règle de l’article 1er, sous b), v), du règlement nº 659/1999 ni le principe dégagé dans l’arrêt Alzetta selon lequel les aides versées à des entreprises opérant dans un marché non encore libéralisé devraient être considérées comme des aides existantes.

Il parvient à la même conclusion à propos de l’applicabilité au cas d’espèce de l’exception tenant à l’expiration du délai de prescription posée à l’article 1er, sous b), iv), du règlement nº 659/1999 et à celle des principes de confiance légitime et de sécurité juridique.

S’agissant en premier lieu de l’exception tenant à l’expiration du délai de prescription posée à l’article 1er, sous b), iv), du règlement nº 659/1999, il rappelle que cette règle se rapporte aux « pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide » et qu’elle vise à assurer que toute prise de décision par la Commission le soit dans un délai raisonnable (pts. 89-90). En revanche, cette limitation temporelle des pouvoirs de la Commission n’affecte pas la possibilité pour les juridictions nationales de constater qu’une aide est illégale. Le fait que l’aide puisse devenir une aide existante en vertu de l’article 15, § 3, du règlement nº 659/1999 ne remédie pas à l’illégalité commise par l’État du fait de l’absence de notification (pt. 92). En d’autres termes, l’expiration du délai de prescription ne saurait avoir pour effet de créer une régularisation absolue et rétroactive des aides d’État concernées en les transformant en aides existantes, avec pour conséquence la suppression postérieure du fondement juridique d’un recours introduit contre l’État membre concerné par des particuliers et des concurrents affectés par l’octroi de l’aide illégale (pt. 93). Toute autre interprétation reviendrait à amoindrir la portée de l’obligation de notification des mesures d’aides qui pèsent sur les États membres et, ainsi, à priver l’article 108, § 3, TFUE de son effet utile (pt. 94).

En l’espèce, les subventions annuelles dont la concurrente de la requérante a bénéficié de 1976 à 1980 constituaient des aides d’État qui doivent être qualifiées d’aides nouvelles. En tant qu’aides nouvelles, la République italienne aurait dû les notifier avant de les mettre en exécution, en vertu de l’article 93, § 3, du traité CE (devenu article 108, § 3, TFUE). Or, cette notification préalable n’ayant pas été faite, les aides en question devaient être qualifiées d’aides d’État illégales. Et la circonstance que l’aide puisse devenir une aide existante en vertu de l’article 15, § 3, du règlement nº 659/1999 ne remédierait pas à l’illégalité commise lors de la mise à exécution de l’aide (pts. 97-98).

Il résulte de l’ensemble de ces considérations que la définition d’aide existante contenue à l’article 1er, sous b), iv), du règlement nº 659/1999 n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause au principal. En d’autres termes, les dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État s’opposent à ce que l’expiration du délai de prescription en matière de récupération de l’aide visé à l’article 15 du règlement nº 659/1999 fasse obstacle à l’engagement devant le juge national de la responsabilité de l’État pour violation de l’obligation de notification préalable prévue à l’article 108, § 3, TFUE (pt. 104).

Enfin, à propos de l’invocation du principe de confiance légitime et de sécurité juridique, l’avocat général Nils Wahl estime que les autorités étatiques italiennes n’ont reçu aucune assurances précises (pt. 108). En tout état de cause, la protection de la confiance légitime ne saurait être invoquée par une personne ayant violé le droit en vigueur (pt. 109). Quant au principe de sécurité juridique, l’avocat général Wahl conclut de même que ledit principe ne peut s’appliquer dans une situation de non-notification par les autorités nationales compétentes de mesures d’aides nouvelles (pt. 114).

Au final, il propose à la Cour de répondre à la seconde question préjudicielle que l’article 1er, sous b), iv), du règlement nº 659/1999 n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause au principal. Par ailleurs, dans la mesure où les aides en cause au principal n’ont pas été accordées dans le respect de l’obligation de notification des aides d’État à la Commission, l’État membre ne saurait invoquer les principes de protection de confiance légitime et de sécurité juridique pour se soustraire à l’obligation de restitution dans le cadre d’une action en dommages et intérêts.

JURISPRUDENCE : Dans l’affaire des endives, la Cour de cassation censure la Cour d’appel de Paris pour avoir jugé que les pratiques litigieuses pouvaient être soustraites à l'interdiction des ententes, sans rechercher si les conditions d'une telle soustraction, énoncées par la Cour de justice, étaient réunies

 

À la faveur d'un arrêt rendu le 12 septembre 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, intervenant à la suite de l’arrêt rendu le 14 novembre 2017 par la Cour de justice de l’Union dans l'affaire des endives (C-671/15, APVE e.a.), sur la demande préjudicielle de cette dernière, est venue censurer l’arrêt rendu le 15 mai 2014 par la Cour d’appel de paris, laquelle, on s’en souvient, avait réformé en toutes ses dispositions la décision n° 12-D-08 du 6 mars 2012 à la faveur de laquelle l'Autorité de la concurrence avait, sur le fondement, notamment, de l’article 101, § 1, TFUE, constaté et sanctionné, à hauteur d’environ 4 millions d’euros, une entente complexe et continue d’une durée de quatorze ans sur le marché français des endives.

Dans son arrêt, la Cour de justice de l’Union avait clarifié les enjeux en proposant une grille de lecture permettant de faire le départ entre, d’une part, les interventions des OP et AOP, reconnue par un État membre et celles d’entités non reconnues par un État membre pour poursuivre l’un des objectifs de l’organisation commune du marché (OCM) concerné, et, d’autre part, entre les pratiques mises en œuvre au sein des organisations de producteurs reconnues par un État membre, qui strictement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, peuvent échapper à l’application du droit de la concurrence et celles qui s'en écartent et ne peuvent être soustraites à l'application de l'article 101 TFUE.

En clair, les pratiques qui portent sur la fixation collective de prix minima de vente, sur une concertation relative aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d'informations stratégiques, telles que celles en cause au principal, ne peuvent être soustraites à l'interdiction des ententes prévue à l'article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu'elles sont convenues entre différentes organisations de producteurs ou associations d'organisations de producteurs, ainsi qu'avec des entités non reconnues par un État membre aux fins de la réalisation d'un objectif défini par le législateur de l’Union européenne dans le cadre de l'organisation commune du marché concerné, telles que des organisations professionnelles ne disposant pas du statut d'organisation de producteurs, d'association d'organisations de producteurs ou d'organisation interprofessionnelle au sens de la réglementation de l'Union européenne.

En revanche, les pratiques qui portent sur une concertation relative aux prix ou aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d’informations stratégiques, telles que celles en cause au principal, peuvent être soustraites à l'interdiction des ententes prévue à l'article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu'elles sont convenues entre membres d'une même organisation de producteurs ou d'une même association d'organisations de producteurs reconnue par un État membre et qu'elles sont strictement nécessaires à la poursuite du ou des objectifs assignés à l'organisation de producteurs ou à l'association d'organisations de producteurs concernée en conformité avec la réglementation de l'Union européenne.

S’agissant plus spécifiquement des pratiques adoptées au sein d’une entité non reconnue par un État membre pour poursuivre l’un des objectifs de l’organisation commune du marché (OCM) concerné, la Cour avait donc pris soin de préciser que celles-ci ne sauraient échapper à l’interdiction des pratiques visées à l’article 101, § 1, TFUE (pts. 53-54), relevant au passage que tel semblait être le cas de trois des organisations parties à la procédure devant la juridiction de renvoi, et invitant cette dernière à le vérifier (pt. 55).

Fort de cette clarification, l’Autorité de la concurrence, qui avait formé le pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel, a visiblement suggéré à la Cour, dans des nouvelles écritures rédigées à la suite de l’arrêt de Cour de justice, de relever d’office, comme l’article 620 du code de procédure civile lui en donne la possibilité, outre la censure demandée sur les moyens du pourvoi, un nouveau moyen de cassation tiré de ce que la Cour d’appel de Paris aurait méconnu les conditions dans lesquelles les pratiques constatées dans ce secteur — fixation collective de prix, concertation sur les prix ou quantités mises sur le marché et échanges d’informations stratégiques —, pouvaient être soustraites à l'application des articles 101, § 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

Suivant la suggestion de l’Autorité, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a donc relevé d’office ledit moyen, et ne pouvant que constater que la Cour d’appel n’avait pas appliqué — mais comment l’aurait-elle pu ? — la grille de lecture proposée par la Cour de justice dans son arrêt ultérieur du 14 novembre 2017, a cassé l’arrêt de la Cour de Paris, en toutes ses dispositions, considérant que celle-ci avait privé sa décision de base légale en ne recherchant pas « si les conditions d’une soustraction à l’interdiction des ententes étaient réunies ».

De fait, pour retenir que les pratiques litigieuses pouvaient être soustraites à l'application des articles 101, § 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce, la Cour d’appel avait simplement retenu qu'il existait des difficultés d'interprétation de la réglementation OCM sur l'étendue exacte et les limites de la mission de régularisation des prix assignée aux OP et AOP et qu'il n'était pas indiscutablement démontré que les pratiques incriminées de fixation collective de prix minimum aient dépassé ces limites, et, de même, s'agissant des concertations portant sur les quantités d'endives mises sur le marché, qu'il n'était pas établi avec certitude que les organismes poursuivis seraient sortis des limites des missions qui leur étaient légalement assignées tendant, en application de la réglementation OCM, à assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en quantité et qualité, et à harmoniser les disciplines de production.
 
L’affaire est donc renvoyée devant la Cour d'appel de Paris autrement composée. Elle devra donc appliquer avec rigueur la grille de lecture proposée par la Cour de justice, ce qui suppose d’abord de distinguer les interventions des OP et AOP reconnues et celles d’entités non reconnues par un État membre pour poursuivre l’un des objectifs de l’organisation commune du marché (OCM). Elle devra ensuite s’assurer que les pratiques mises en œuvre au sein des organisations de producteurs reconnues étaient strictement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions et pouvaient, ce faisant  être soustraites à l'application des articles 101, § 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

En revanche, l’ensemble des moyens soulevés par l’Autorité de la concurrence dans son pourvoi sont rejetés.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation écarte ainsi le premier moyen soulevé par l’Autorité, par lequel cette dernière reprochait en substance à la Cour d’appel de Paris d’avoir fait une mauvaise application des textes, en renversant en quelque sorte la hiérarchie des normes. Il est vrai que la tension qu'entretiennent la politique agricole commune (PAC) et la politique européenne de concurrence était au cœur des débats. Sur quoi la Cour de cassation commence par rappeler la primauté de la politique agricole commune par rapport aux objectifs du traité, dans le domaine de la concurrence, et le pouvoir du législateur de l'Union de décider dans quelle mesure les règles de concurrence trouvent à s'appliquer dans le secteur agricole, de sorte que les interventions du législateur de l'Union à ce titre ont pour objet non pas d'établir des dérogations ou des justifications à l'interdiction des pratiques visées à l'article 101, § 1, et à l'article 102 TFUE, mais d'exclure du champ d'application de ces dispositions des pratiques qui, si elles intervenaient dans un secteur autre que celui de la politique agricole commune, en relèveraient. Elle observe en outre que la Cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur les hypothèses d'inapplicabilité des règles de concurrence au secteur agricole. De sorte qu’au final elle constate que le moyen procède de postulats erronés et inopérants.

Par ailleurs, l’arrêt retient que la Cour d'appel n'a pas inversé le principe et les exceptions en énonçant que les règles de concurrence relatives aux accords, décisions et pratiques visés à l'article 101, § 1, TFUE doivent être appliquées à la production et au commerce des produits agricoles, dans la mesure où leur application ne met pas en péril la réalisation des objectifs de la politique agricole commune et n'entrave pas le fonctionnement des organisations nationales des marchés agricoles.

Quant au deuxième moyen, il est tiré de ce que la Cour d’appel aurait fait un interprétation trop souple des textes applicables en la matière, là où l’Autorité estimait qu'en dehors de l'application des dérogations expresses à l'application de l'article 101, § 1, TFUE instaurées par les règlements portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, l'exercice des missions dévolues aux organisations de producteurs et associations de ces organisations ne pouvait se concevoir que dans le respect des règles de concurrence. À l’inverse, l’arrêt retient que les hypothèses d'inapplicabilité de l'article 101, § 1, TFUE, dans le secteur des fruits et légumes, ne se limitent pas aux seules hypothèses expressément prévues par les articles 2 des règlements n° 26 et n° 1184/2006 et 176 du règlement n° 1234/2007, mais peuvent couvrir également les pratiques qui portent sur une concertation relative aux prix ou aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d’informations stratégiques lorsqu'elles sont convenues entre membres d'une même OP ou d'une même AOP, reconnue par un État membre, et qu'elles sont strictement nécessaires à la poursuite du ou des objectifs assignés à l'OP ou à l’AOP concernée en conformité avec la réglementation de l'Union européenne. Ainsi, la Cour de cassation rejette ce moyen qui manque en droit.

Preuve, s'il en était besoin, que, avant que la Cour de justice ne précise les choses, l'architecture des textes régissant le secteur agricole et l'articulation entre ces derniers et les règles de concurrence n'étaient complètement évidentes pour personne... En conséquence, il faut souhaiter que la Cour d'appel de Paris, lorsqu'elle reprendra le dossier, et si elle venait à constater que certaines pratiques mises en œuvre ne remplissaient pas les conditions ultérieurement énoncées par la Cour de justice pour être soustraites au droit des ententes, se contente, au-delà de la qualification des pratiques anticoncurrentielles, de prononcer, sinon des sanctions symboliques, du moins des amendes modérées.

EN BREF : L’Autorité belge de la concurrence (ABC) lance une consultation publique relative à un guide concernant les échanges d’informations sur les marchés et les prix

 

Régulièrement interrogée à propos des informations de marché que les associations professionnelles peuvent échanger avec leurs membres ou sur les outils que celles-ci ainsi que certains prestataires de services peuvent mettre à disposition de leurs membres/clients, notamment pour les aider à déterminer leurs prix, l’Autorité belge de la concurrence (ABC) a préparé un projet de guide avec des réponses à un certain nombre de questions, qu’elle soumet, à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 15 novembre 2018 à une consultation publique.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de l’ABC qui accompagne le projet de guide.

ANNONCE COLLOQUE : « Prochain "rendez-vous" de l'Autorité sur la procédure de transaction », Paris — 2 octobre 2018 [message de Coralie Anadon]

 

Bonjour,
 
L’Autorité de la concurrence organise, le mardi 2 octobre 2018 (de 8h30 à 14h00) à l’ENA, une conférence sur la procédure de transaction.
 
Ouverture par Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, qui présentera le projet de communiqué de procédure à la lumière des premiers enseignements de la consultation publique.

La première table-ronde s’intéressera aux différents modèles en Europe et la seconde portera sur son application en France.

Voir le programme complet
ICI.

Inscription.
 
Les débats seront filmés et mis en ligne sur notre site Internet.
 
Bien cordialement,
 
Coralie Anadon
Chargée de communication
11, rue de l’Échelle - 75001 Paris
01 55 04 00 83

ANNONCE COLLOQUE : « Pour une réforme du droit de la concurrence, avec le président Guy Canivet », Paris — 28 septembre 2018 [message de Claudie Boiteau]

 

Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
 
Les étudiants du Master 2 « Droit et régulation des marchés » se joignent à moi pour vous inviter à la Table ronde de rentrée du Master qui se tiendra le vendredi 28 septembre (14h-16h), autour du rapport « Pour une réforme du droit de la concurrence ».
 
Le président Guy Canivet, co-président de la Commission Concurrence du Club des juristes, dont est issu le rapport
« Pour une réforme du droit de la concurrence », viendra débattre, avec un panel de discutants ainsi que l’auditoire, du bilan et des préconisations formulés dans ce rapport.
 
À cette occasion, vous rencontrerez les étudiants de la nouvelle promotion du Master « Droit et régulation des marchés » que vous connaitrez dans le cadre de vos enseignements, de l'apprentissage ou bien des débats que nous organisons, tout au long de l’année, sur des thématiques liées à la régulation économique. Aussi serions-nous très heureux de vous accueillir à l'occasion de cette première manifestation de l'année universitaire.
 
Pour des raisons d'organisation, nous vous remercions de bien vouloir
signaler votre présence à Morgane Le Louër, assistante de formation en charge du Master.
 
Dans l'attente du plaisir de vous accueillir, je vous prie de croire, Mesdames, Messieurs, chers amis, en l'assurance de mon très cordial souvenir,
 
Claudie Boiteau
 
Professeur de droit public
Directrice du
Master Droit et régulation des marchés (291)
Université Paris-Dauphine

ANNONCE COLLOQUE : « La flexibilité du statut de coopérative de commerçants, clé de sa résilience », Paris — 25 octobre 2018 [message d’Alain Souilleaux]

 

Bonjour,

Après le succès de sa précédente édition en 2016, la Fédération du commerce coopératif et associé renouvelle l’expérience d’un événement juridique entièrement consacré à l’étude de ce modèle à succès de distribution en groupement qu’est la coopérative de commerçants. L’événement aura lieu le jeudi 25 octobre 2018 au matin.

Pour ce nouveau rendez-vous, la FCA a choisi d’évoquer « La flexibilité du statut de coopérative de commerçants, clé de sa résilience ».

Ce colloque va permettre de créer des débats techniques entre des spécialistes et les auditeurs et sera également l’occasion de rédiger un dossier spécial dans le Journal des sociétés.

Pour l’occasion, Éric Plat, président de la fédération, s’exprimera sur pourquoi et comment la coopérative de commerçant est un modèle économique à succès et pour entrer dans le détail de la thématique du jour, cinq intervenants viendront exposer leurs points de vue et leurs expertises avec :

— Paul Le Floch et Gilbert Parléani, professeurs de droit à l’Université Paris 1, experts incontestés de la coopérative de commerçants

Ils aborderont lors d’une première table ronde les questions relatives à la rémunération des associés, à la sécurisation du réseau, afin de tenter de répondre à la question : le droit coopératif est-il parvenu à un équilibre ?

— Arnaud Bied, avocat au sein du cabinet FiduFrance ainsi que Jean-Louis Lesquins et Fabrice Van Cauwelaert, avocats au sein du cabinet DS Avocats, spécialistes de ce modèle de distribution en réseau

Ils débattront lors d’une seconde table ronde du rôle à confier aux associés coopérateurs lorsqu’il s’agit de décider de créer un partenariat, une nouvelle activité, une filiale, ou plus généralement de faire grandir la coopérative dans un groupe.

Ce colloque juridique s’adresse aussi bien aux spécialistes qu’aux non-avertis, avocats, juristes, experts comptables, directeurs administratifs et financiers…, car tous ces métiers ont en effet un rôle important à jouer dans l’accompagnement de ces sociétés coopératives, ce qui implique de comprendre leurs mécanismes.

Pour en savoir plus et s’inscrire, rendez-vous sur la
page événement du colloque.

Télécharger le programme.

Bien cordialement,

Alain Souilleaux
Directeur juridique de la FCA

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