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Hebdo n° 39/2018
15 octobre 2018
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Dans l’affaire du respect des engagements souscrits par Telefónica Deutschland en vue du rachat de E-Plus, le Tribunal de l’Union juge irrecevables les recours de trois tiers contre les réponses de la Commission interprétant la portée des engagements définitifs

INFOS UE : Giovanni Pitruzzella, le président de l’Autorité de la concurrence italienne, remplace Paolo Mengozzi comme avocat général à la Cour de justice de l’Union


INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La Commission publie la décision autorisant, sans condition, l'acquisition de LaudaMotion par Ryanair et rend publique la décision autorisant l’acquisition conjointe d'Abertis par ACS et Atlantia dans le secteur des autoroutes à péage

INFOS : La décision infligeant à Fnac Darty une amende de 20 millions € pour non-respect du remède structurel conditionnant leur rapprochement est en ligne

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Mise en ligne de la décision autorisant, sous conditions, l’acquisition par Groupe Bernard Hayot (GBH) d'un hypermarché en Martinique (+ 5 décisions dont 4 simplifiées)


INFOS : L'Autorité de la concurrence sanctionne pour la 5e fois des pratiques d'importations exclusives en outre-mer post loi Lurel

ANNONCE COLLOQUE : « Entreprise défaillante et concurrence », Paris — 16 octobre 2018 [message de Laurent Godfroid et Stéphane Hautbourg]

JURISPRUDENCE UE : Dans l’affaire du respect des engagements souscrits par Telefónica Deutschland en vue du rachat de E-Plus, le Tribunal de l’Union juge irrecevables les recours de trois tiers contre les réponses de la Commission interprétant la portée des engagements définitifs


Le 9 octobre 2018, le Tribunal de l’Union a rendu trois arrêts dans une affaire concernant le respect d’engagements souscrits par Telefónica Deutschland dans la cadre de la décision de la Commission du 2 juillet 2014 qui l’a autorisé à racheter l’opérateur de télécommunication E-Plus, opération scellant le rapprochement des troisième et quatrième opérateurs de réseau mobile allemands.

Les trois arrêts, rendus dans des termes quasi identiques, dans les affaires
T-43/16 (1&1 Telecom GmbH contre Commission), T-884/16 (Multiconnect GmbH contre Commission) et T-885/16 (Mass Response Service GmbH contre Commission), posent la question du droit des tiers à une concentration de déposer une plainte formelle auprès de la Commission à l’encontre des parties à ladite concentration pour violation des conditions assortissant la décision déclarant ladite concentration compatible avec le marché intérieur et de l’obligation pour la Commission de répondre à un telle plainte par une décision susceptible de recours en annulation.

Pour dissiper les préoccupations de concurrence de la Commission, Telefónica avait donc présenté des engagements fondés sur trois composantes.
 

  1. Premièrement, Telefónica a proposé une série d’engagements visant à garantir, à court terme, l’entrée ou l’expansion de trois opérateurs de réseau mobile virtuel (MVNO) au maximum, via un accès à 30 % du réseau de Telefónica.
     
  2. Deuxièmement, Telefónica s’est engagé à céder des fréquences radioélectriques et certains actifs soit à un nouvel opérateurs de réseau mobile entrant, soit, ensuite, aux MVNO qui auront récupéré la capacité de réseau au titre de la première partie des engagements.
     
  3. Troisièmement, Telefónica s’est engagé à étendre ses accords de vente en gros existants avec les partenaires de Telefónica et d’E-Plus (à savoir les ORMV et les prestataires de services), et à proposer à l'avenir des services 4G à tous les acteurs intéressés.

Au cas d’espèce, les engagements en cause dans les trois affaires jugées le 9 octobre 2018 concernent cette troisième composante.

1&1 Telecom GmbH faisaient valoir en substance, dans l’affaire T-43/16, à propos de l’accès 2G/3G/4G pour les grossistes existants, que Telefónica Deutschland avait, à la faveur de la lettre d’engagement volontaire adressée à la requérante en application des points 77 et 78 des engagements définitifs, imposé à la requérante des obligations supplémentaires tenant au respect par 1&1 Telecom GmbH de ses propres obligations d’achat de quantités minimales, alors que les engagements définitifs obligeaient Telefónica Deutschland à envoyer une lettre par laquelle elle renonçait sans conditions à son droit de résiliation ordinaire du contrat ORMV avec E-Plus jusque fin 2025.

Quant aux deux autres affaires, les requérantes dénonçaient, à propos de l’obligation d’accès au réseau 4G pour tous les ORMV/prestataires de services, le refus qui leur avait été opposé par Telefónica Deutschland de leur faire une offre destinée au MVNO et lui reprochaient de ne leur avoir proposé qu’une offre destinée aux prestataires de services ne lui permettant pas de mettre en œuvre un modèle d’entreprise MVNO.

Sollicité d’adopter une décision concluant au non-respect des engagements souscrits, la Commission avait expressément répondu qu’elle ne disposait pas, à ce stade, d’éléments suggérant que Telefónica Deutschland ne se seraient pas conformé aux engagements définitifs souscrits. Bref, interprétant les engagements définitifs souscrits, la Commission avait conclu qu’il n’y avait pas lieu de prendre de mesures envers Telefónica Deutschland.

Sur quoi les requérantes ont dans les trois affaires introduit un recours devant le Tribunal demandant l’annulation des décisions de la Commission et ordonnant à cette dernière d’exiger que Telefónica Deutschland qu’elle produise une nouvelle lettre d’engagement volontaire strictement circonscrite à l’obligation à laquelle elle est tenue conformément au point 78 des engagements définitifs approuvés par la décision de concentration.

Au terme de son analyse, le Tribunal déclare les trois recours irrecevables.

Pour ce faire, le Tribunal constate que les réponses apportées par la Commission dans ces trois affaires ne font que confirmer les engagements définitifs sans modifier la situation juridique des requérantes (pts. 40, 31 et 35). Ne constituant pas un réexamen des obligations de Telefónica Deutschland à la lumière de faits nouveaux et substantiels, ces réponse sont une simple réitération de celles-ci, telles qu’elles sont stipulées dans les engagements définitifs et rendues obligatoires par la décision après un examen de la Commission. Partant, ces réponses de la Commission sont des actes purement confirmatifs (pts. 41, 32 et 36). Au surplus, Telefónica Deutschland n’étant pas destinataire des réponses de la Commission aux requérantes, elles ne peuvent donc pas être de nature à modifier de quelque façon que ce soit les obligations de Telefónica Deutschland telles qu’elles ressortent des engagements définitifs ni, par conséquent, la situation juridique de tiers, tels que les requérantes, en général ou envers Telefónica Deutschland (pts. 42, 33 et 37). Dès lors, en ce qu’elles interprètent la portée des engagements définitifs, les réponses de la Commission ne constitue pas une décision, mais une simple déclaration juridiquement non obligatoire que la Commission est autorisée à faire dans le cadre de la surveillance a posteriori de la mise en œuvre correcte de ses décisions en matière de contrôle des concentrations (pts. 44, 35 et 39).

De toute façon, ajoute le Tribunal, la requérante ne dispose d’aucun droit individuel d’obliger la Commission à adopter une décision par laquelle elle constaterait que Telefónica Deutschland aurait violé les engagements définitifs et prendrait des mesures pour rétablir les conditions d’une concurrence effective en vertu de l’article 8, §§ 4 ou 5, du règlement n° 139/2004, et ce quand bien même les conditions qui justifieraient une telle décision seraient remplies (pts. 46, 37 et 41). Par suite, les réponses par lesquelles la Commission informe la requérante, en substance, qu’elle ne prendra aucune mesure à l’encontre de Telefónica Deutschland, ne produisent pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante (pts. 49, 40 et 44).

Au surplus, le Tribunal écarte l’argument des requérantes selon lequel le rejet du premier chef de conclusions pour irrecevabilité serait de nature à violer leur droit à une protection juridictionnelle effective. Rappelant qu’en rendant obligatoire un comportement donné d’un opérateur envers des tiers, une décision adoptée au titre de l’article 8, § 2, du règlement n° 139/2004 peut comporter indirectement des effets juridiques erga omnes que l’entreprise concernée n’aurait pas été en mesure à elle seule de créer (pts. 59, 56 et 54), le Tribunal précise que, sans préjudice de la possibilité pour la Commission de constater une violation des engagements définitifs et de prendre les mesures qu’elle juge appropriées par le biais d’une décision adoptée en vertu de l’article 8, §§ 4 et 5, du règlement n° 139/2004, il est tout à fait loisible aux tiers visés par les dispositions du volet non-ORM de s’en prévaloir devant les juridictions nationales compétentes (pts. 60, 57 et 55).

INFOS UE : Giovanni Pitruzzella, le président de l’Autorité de la concurrence italienne, remplace Paolo Mengozzi comme avocat général à la Cour de justice de l’Union

 

Les 8 et 9 octobre 2018, la Cour de justice de l’Union a été partiellement renouvelée.

Si
Koen Lenaerts a été réélu, par ses pairs, président de la Cour de justice de l’Union européenne jusqu’en octobre 2021, de même que le juge Jean-Claude Bonichot et l’avocat général Yves Bot, six nouveaux membres sont entrés en fonction. Parmi ceux-ci, on notera principalement la nomination de Giovanni Pitruzzella, le président de l’Autorità garante della concorrenza e del mercato, l’autorité de concurrence italienne, de 2011 à 2018, comme avocat général à la Cour de justice en remplacement de Paolo Mengozzi.

Par ailleurs,
Rosario Silva de Lapuerta, juge à la Cour depuis 2003, a été élue vice-présidente de la Cour de justice de l’Union européenne jusqu’en octobre 2021. Elle succède dans ces fonctions à M. Antonio Tizzano.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La Commission publie la décision autorisant, sans condition, l'acquisition de LaudaMotion par Ryanair et rend publique la décision autorisant l’acquisition conjointe d'Abertis par ACS et Atlantia dans le secteur des autoroutes à péage

 

Ces derniers jours, la Commission européenne a mis en ligne deux décisions autorisant des opérations de concentration rendues respectivement les 6 et 12 juillet 2018.

Commençons par la
décision du 12 juillet 2018 à la faveur de laquelle la Commission a autorisé sans condition l'acquisition de LaudaMotion par Ryanair.

À la suite de la faillite, en 2017, d’Air Berlin, l’essentiel des actifs de la deuxième compagnie aérienne allemande a été cédé à EasyJet et Lufthansa. Restait à vendre les actifs de NIKI, la compagnie aérienne de loisirs créée par Niki Lauda puis intégrée à Air Berlin. Dans un premier temps, LaudaMotion, la société de Niki Lauda a repris, en janvier 2018, les actifs de NIKI. Puis, dans un second temps, a été notifiée à la Commission le 7 juin 2018 le projet d'acquisition de LaudaMotion par Ryanair.

En fait, il semble que l’essentiel des actifs de NIKI soit composé des slots, c’est-à-dire les autorisations d’atterrir et de décoller à une date et une heure précises sur des aéroports encombrés, dont la compagnie est titulaire notamment sur les aéroports de Palma de Majorque et de Düsseldorf. Sur ces aéroports et spécialement sur celui de Palma de Majorque, les slots sont une « ressource rare » particulièrement précieuse, qu’il est crucial d’exploiter de façon régulière, sous peine, sinon, de les voir attribuer à d’autres compagnies aériennes. De fait, pour bénéficier de droits acquis sur des slots l’année suivante, il est nécessaire de les exploiter pendant au moins 80 % du temps pendant la saison IATA concernée. Par suite, il était crucial pour LaudaMotion d’exploiter immédiatement et sans délai les slots sur les aéroports de Palma de Majorque et de Düsseldorf, sans quoi, la compagnie risquait de perdre son portefeuille de slots et, par suite, voir sa viabilité économique remise en cause. Or, le rapprochement avec Ryanair offrait a possibilité à LaudaMotion d’exploiter ces slots sans les compromettre. C’est la raison pour laquelle la Commission a octroyé des dérogations, les 23 mars 2018 et du 8 mai 2018, à l'obligation faite aux entreprise de ne pas réaliser une opération soumise à notification avant que celle-ci ait été déclarée compatible avec le marché commun (article 7, § 1, du règlement concentration).

À la lumière de la présente décision, l’impact de la transaction sur le plan d’affaires et les activités de LaudaMotion peut être résumé comme suit. Pour ce qui concerne la fourniture au détail de services de transport aérien aux passagers (B2C et B2B), la transaction se traduit par l'ajout des vols de LaudaMotion proposés à la vente par Ryanair pour l’été 2018 et pour l’hiver 2018/2019. La capacité de vols antérieurement commercialisée par Condor, par Lufthansa et par LaudaMotion seront commercialisée par la nouvelle entité (pts. 51-56).

Dans la présente affaire, la Commission a adopté une double approche. On sait que traditionnellement, elle définit les marchés de services de transport aérien réguliers de passagers soit en fonction des routes entre deux villes, c’est-à-dire entre le point d'origine et le point de destination, sur laquelle la cible est un transporteur aérien actif, soit « aéroport par aéroport », lorsque la cible dispose d’un important portefeuille de créneaux horaires.

Dans la première approche, chaque combinaison entre un aéroport ou une ville d'origine et un aéroport ou une ville de destination est définie comme un marché distinct. Une telle délimitation du marché reflète la perspective de la demande selon laquelle les passagers envisagent toutes les alternatives possibles pour se rendre d’une ville à une autre, qu’ils considèrent comme non substituables à un autre couple de villes. Les effets d’une transaction sur la concurrence sont donc évalués séparément pour chaque paire de villes ou d’aéroports.

Dans la seconde approche, chaque aéroport (ou aéroports substituables) est défini comme un marché distinct. Une telle délimitation du marché vise à évaluer les risques de verrouillage liés à la concentration de slots dans certains aéroports entre les mains d'une seule compagnie (pts. 62-63).

La Commission a donc d’abord passé en revue l’ensemble des liaisons au départ d'aéroports allemands, autrichiens et suisses vers des destinations de loisirs en Méditerranée et aux îles Canaries, pour lesquelles les activités de Ryanair et de LaudaMotion se chevauchent.

Au terme de son analyse, et en dépit de parts de marché importantes de la nouvelle entité sur certaines routes, la Commission a estimé que, quelle que soit la définition précise du marché, les contraintes concurrentielles pesant sur la nouvelle entité après l’opération seront suffisantes pour l'empêcher de relever ses prix après la transaction. Ainsi, Ryanair continuera à faire face à une forte concurrence de la part d'autres transporteurs (notamment Lufthansa Group, TUI, EasyJet ou encore Norwegian) sur les liaisons à destination et en provenance d'aéroports où les activités des deux compagnies aériennes se chevauchent.

La Commission s’est ensuite attachée à rechercher si le portefeuille de slots détenu par LaudaMotion auprès de différents aéroports, qui doit être acquis par Ryanair, permettra à Ryanair d'empêcher ses concurrents d'entrer dans ces aéroports ou d'y d'accroître leur présence. La possession d'un vaste portefeuille de slots dans des aéroports saturés peut se traduire par des barrières à l'entrée plus élevées pour les compagnies aériennes qui souhaitent exercer des activités à destination et au départ de ces aéroports, ce qui pourrait ensuite entraîner une augmentation des tarifs pour les passagers.

À cet égard, la Commission est parvenue à la conclusion que l'accroissement du portefeuille de slots détenus par Ryanair n'était pas susceptible d'avoir un effet négatif sur les passagers.

Pour que Ryanair puisse exclure ses concurrents, il est nécessaire que les slots qu’il détiendra après l’opération représentent une part importante de la capacité de l'aéroport, en particulier aux heures de pointe et que la transaction ait un impact significatif sur les créneaux horaires de Ryanair détenus dans ledit aéroport, en particulier aux heures de pointe. Or, il apparaît non seulement que les slots que Ryanair détiendra après l’opération ne représentent pas une part importante de la capacité d'un aéroport en particulier, mais en outre que la transaction n'a pas d'incidence significative sur les créneaux horaires de Ryanair. En outre, la Commission note qu'il existe des contre-stratégies efficaces et opportunes que les concurrents de Ryanair seraient susceptibles de déployer dans le cas d'une stratégie de verrouillage mise en oeuvre par Ryanair (pts. 508-510). Ainsi, Ryanair ne détiendra au plus qu’une dizaine de pour cent de slots des différents aéroports concernés et jamais plus de 30 % des slots sur un créneau horaire donné. Ce qui conduit la Commission à considérer que Ryanair n'aura pas de position dominante dans ces aéroports et n'aura probablement pas la capacité d'interdire l'accès des concurrents aux marchés de la fourniture de services de transport aérien de passagers (pt. 527).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de la Commission.
 



Passons à présent à la décision du 6 juillet 2018 autorisant l’acquisition conjointe d'Abertis par ACS (avec sa filiale Hochtief) et Atlantia dans le secteur des autoroutes à péage.

À l’origine, Atlantia avait déposé seule en octobre 2017 un projet d'acquisition d’Abertis, suivie de près par Hochtief qui avait déposé en février 2018 une proposition concurrente d'acquisition d’Abertis, lesquelles propositions avaient l’une et l’autre été autorisées par la Commission sans conditions. Par la suite, ACS, Hochtief et Atlantia ont modifié leurs projets respectifs d'acquisition d'Abertis pour procéder à la place à un investissement conjoint dans la cible.

En premier lieu, la Commission s’est assuré qu’elle était bien en présence d’une entreprise commune de plein exercice. Pour ce faire, elle a d’abord observé que le droit de veto sur les investissements / désinvestissements supérieurs à [...] millions d'euros par an était en soi suffisant à ACS d'exercer au même titre que les autres sociétés mères un contrôle conjoint sur Abertis, même s'il n'existe aucune égalité entre les sociétés mères en termes de droit de vote ou de représentation au sein du Conseil d’administration d’Abertis (pt. 33). Quant au caractère de plein exercice de l’entreprise commune, la Commissio note qu’Abertis continuera d’avoir une direction dédiée à ses activités quotidiennes et un accès aux ressources financières. En outre, Abertis maintiendra sa présence actuelle sur le marché et générera des revenus grâce aux péages facturés aux utilisateurs des autoroutes (pt. 34).

Si Atlantia et la cible gèrent et exploitent des autoroutes à péage, ACS est surtout actif dans le domaine de la construction d'infrastructures, même s’il exploite également des concessions d'infrastructures. Par ailleurs, ces trois sociétés sont aussi actives dans les services connexes à l'exploitation d'autoroutes à péage (services de télépéage, distribution d'équipements embarqués, fourniture de systèmes de transport intelligents).

Par suite, l’opération soumise au contrôle de la Commission était susceptible de soulever des questions de concurrence tant par ses effets horizontaux que par ses effets verticaux.

S’agissant tout d’abord des risques tenant aux effets horizontaux sur le marché des concessions autoroutières dans l'Espace économique européen, la Commission, qui a cependant exclu de prendre en compte les autoroutes gratuites directement gérées par l’État pour le calcul des parts de marché (pt. 178), parvient à la conclusion que l'opération envisagée ne posera pas de problèmes de concurrence sur ces marchés. En effet, dès lors que i) ni Atlantia ni Abertis n’ont été des soumissionnaires très actifs au cours des dix dernières années dans l’EEE ; (ii) qu’ACS, Abertis et Atlantia n’ont jamais participé à la même procédure d’attribution pour les mêmes concessions d’autoroutes à péage octroyées par les autorités publiques de l’EEE ces dix dernières années (pts. 199-216) et qu’en l'absence de la présente opération, les parties n’étaient pas censées se faire concurrence; iii) du fait de la complémentarité des activités des parties; (iv) et du nombre et la puissance des concurrents restants, (v) du fait du degré de réglementation des procédures d'attribution pour l'octroi de concessions d'autoroutes à péage, et (vi) du fait que la majorité des répondants à l'enquête de marché s'attendent à une concurrence suffisante, la Commission estime que l'opération ne soulève aucun doute sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en ce qui concerne l'octroi de concessions d'autoroute à péage ou de transactions secondaires, quelle que soit la définition du marché géographique plausible (marché national). Dans l’EEE ou dans le monde entier) (pt. 237). Ainsi, les trois parties à l’opération n’apparaissent pas comme les concurrentes les plus proches l'une de l’autre. En outre, il s'agit de marchés hautement réglementés fonctionnant par appels d’offres. En effet, sur des marchés tels que ceux de l'octroi de concessions d'autoroutes à péage, le Commission considère que ces parts de marché reflètent la position des parties sur la base des concessions antérieurement octroyées, mais pas nécessairement les résultats et le taux de réussite des appels d'offres actuels ou futurs (pt. 194).

En Italie, où les activités d'Abertis se chevauchent avec celles d’Atlantia, la nouvelle entité détiendra [50-60] % des concessions autoroutières. Toutefois, trois concurrents se partagent le reste des concessions et l’incrément induit par l’opération n’est que de 236 km sur les 3 019 km gérés par Atlantia (pts. 186-189).

En Espagne, où les activités d'Abertis se chevauchent avec celles d’ACS, la nouvelle entité détiendra [30-40] % des concessions autoroutières. Toutefois, trois concurrents principaux se partagent le reste des concessions et l’incrément induit par l’opération est de 580 km sur les 1 573 km gérés par Abertis (pts. 190-193).

Quant aux risques tenant aux effets verticaux de l’opération, du fait de la présence des parties à la concentration sur des marchés connexes à l'exploitation d'autoroutes à péage (d’une part, marchés de la fourniture de services de télépéage et de la distribution d'équipements embarqués, marchés de la fourniture d'équipements et de services pour systèmes de transport et marchés de la fourniture de services de restauration intelligents, sur lesquels les activités d'Atlantia et d'Abertis se chevauchent, et, d’autre part, marchés de la construction d'infrastructures, sur lesquels les activités d'ACS, notamment à travers sa filiale Hochtief, et celles d'Atlantia se chevauchent), la Commission a conclu que l'opération n’accroîtrait de manière significative la présence des trois entreprises dans aucun État membre et qu’il restera plusieurs concurrents puissants sur les marchés concernés. Ainsi, la Commission a jugé peu probable que ACS, Atlantia et Abertis restreignent l'accès des concurrents à leurs produits, services ou clients. Ainsi, même si ACS et Atlantia, conjointement avec Abertis, étaient en mesure de mettre en œuvre une stratégie de verrouillage de la clientèle afin d’exclure du marché des fournisseurs de services de télépéage (telepass) ou des distributeurs d’outils de paiement embarqués, leur incitation à adopter une telle stratégie est limitée en raison de l’opération et du fait que cette stratégie n’aurait aucun effet significatif (pt. 298).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de la Commission.

INFOS : La décision infligeant à Fnac Darty une amende de 20 millions € pour non-respect du remède structurel conditionnant leur rapprochement est en ligne

 

Le 12 octobre 2018, l’Autorité de la concurrence a rendu publique la décision n° 18-D-16 du 27 juillet 2018 à la faveur de laquelle elle a sanctionné, à hauteur de 20 millions d’euros, la société Fnac-Darty pour le non-respect des engagements souscrits dans le cadre de la décision n° 16-DCC-111 du 27 juillet 2016 autorisant la Fnac à prendre le contrôle exclusif de Darty.

On se souvient que la Fnac s'était engagée, afin de remédier aux effets anticoncurrentiels de son opération de rachat de Darty, à céder, avant le 1er août 2017, six magasins situés à Paris et en région parisienne : Darty Wagram, Darty Italie 2, Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville, Darty Saint-Ouen et Darty Vélizy. Sur les 6 magasins, trois n'avaient pas été cédés à un repreneur agréé dans les délais prévus : Fnac Beaugrenelle, Darty Belleville et Darty Saint-Ouen.

L'Autorité de la concurrence constate donc que Fnac Darty a manqué à ses engagements structurels de cession de trois magasins. Elle n'a en effet présenté ni contrat de cession, ni repreneur, pour le magasin Fnac Beaugrenelle, et le repreneur présenté pour l'acquisition des magasins Darty Belleville et Darty Saint-Ouen n'a finalement pas été agréé par l'Autorité car il ne présentait pas toutes les caractéristiques requises pour concurrencer efficacement la nouvelle entité sur les produits bruns et gris.

En l’espèce, le groupe Dray, qui est un distributeur spécialisé en produits d’électroménager (produits blancs), n’est pas un acteur spécialisé dans la vente de produits bruns et gris. Il ne peut pas être a fortiori considéré comme une GSS sur ces marchés (pt. 112). En outre, l’Autorité a constaté que le groupe Dray n’offrait pas toutes les garanties pour être considéré comme un repreneur approprié, susceptible de concurrencer efficacement Fnac Darty (pt. 115). Notamment, l’Autorité soutient qu’en raison du fait qu’il n’était pas un spécialiste des produits bruns et gris, les conditions commerciales consenties au groupe Dray par de grands fournisseurs en produits bruns et gris étaient susceptibles d’être moins favorables que celles accordées aux GSS et à Fnac Darty en particulier et donc, en fin de course, aux consommateurs (pt. 117). Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne fait pas bon être un opérateur entrant si l’on envisage de reprendre des actifs cédés dans le cadre d’une concentration… Et si la décision d’autorisation avait bien prévu la possibilité de cession à des acteurs émergents, il ne s’agissait pas de tout acteur émergent, mais seulement « des acteurs émergents sur le marché parisien », sous entendu — mais sans doute eût-il été préférable de l’écrire noir sur blanc — déjà présents hors du marché parisien dans les produits bruns et gris. Ce qui excluait les acteurs émergents dans la vente de produits bruns et gris… comme le groupe Dray (pt. 119).

Quant au rejet de la demande de prolongation des délais de réalisation de l’engagement relatif au magasin Fnac Beaugrenelle, l’Autorité retient que le refus de But International d’accéder à la demande du groupe Dray d’exploiter le magasin Fnac Beaugrenelle sous l’enseigne But City, à quelques semaines de la fin du délai d’exécution des engagements, ne pouvait être considéré comme une circonstance exceptionnelle de nature à justifier la prolongation du délai au-delà du 31 juillet 2017. À cet égard, l’Autorité invoque la lettre du point 47 des engagements qui prévoyait que « [t]oute demande de prolongation de délais devra être soumise à l’Autorité au plus tard un (1) mois avant l’expiration du délai concerné ». Or, se plaît-elle à observer, la demande de prolongation de délai a été formulée par Fnac Darty le 11 juillet 2017, soit au cours du dernier mois du délai d’exécution des engagements qui s’achevait le 31 juillet 2017 (pt. 94)… Les difficultés que Fnac Darty a rencontrées dès le début de la période de mise en œuvre des engagements pour trouver un repreneur approprié auraient dû l’amener à proposer des engagements de substitution ou, à tout le moins, demander, en temps utile, une prolongation du délai de mise en œuvre des engagements (pt. 176).

Aux termes de la présente décision, l’Autorité insiste sur les risques qu’a pris la Fnac-Darty dans cette affaire en se plaçant, en fin de période d’exécution des engagements, dans une situation où, en cas de refus d’agrément du repreneur présenté pour les magasins à céder, elle se retrouvait quasi de facto en situation de non-respect d’engagement (pt. 174), pour mieux rejeter toute responsabilité de sa part dans la survenance du manquement par Fnac Darty de ses engagements (pts. 177-180). Chargeant encore la barque, l’Autorité affirme que Fnac Darty avait manifestement intégré une part de risque dans le choix des actifs qu’elle s’était engagée à céder sous réserve de l’autorisation de l’opération, les magasins concernés n’étant pas les plus attractifs pour des repreneurs potentiels (pt. 183). Enfin, elle estime que le comportement de Fnac Darty était particulièrement inexcusable s’agissant d’un groupe important, qui dispose de moyens d’analyse juridique et économique substantiels, qui a fait appel à des conseils expérimentés en matière de contrôle des concentrations, et qui ne pouvait donc ignorer le caractère contraignant des engagements souscrits à l’occasion d’une décision d’autorisation d’une opération de concentration (pt. 182).

À la lecture de la présente décision, c’est aussi une certaine rigidité de la part de l’Autorité qui transparaît. Alors que celle-ci relève elle-même que Fnac Darty a malgré tout mis en œuvre d’importants moyens pour se conformer aux engagements qu’elle a souscrits, notamment au début de la période (pt. 184), qu’elle a poursuivi, après le 31 juillet 2017, ses efforts dans la recherche d’un repreneur approprié pour la cession des magasins Darty Passy et Darty Montmartre (pt. 186) et alors qu’elle reconnaît les difficultés que Fnac Darty a rencontrées pour trouver des repreneurs intéressés par les magasins Fnac Beaugrenelle, Darty Saint-Ouen et Darty Belleville (pt. 185), on s’étonne que l’Autorité fasse preuve d’autant de sévérité dès l’instant où elle disposait d’une proposition de reprise sérieuse, du moins suffisamment pour obtenir le soutien du mandataire (pt. 59), même si, finalement, elle a décidé de ne pas agréer le repreneur présenté.

Le montant de la sanction, qui certes ne représente qu’une faible proportion du chiffre d’affaire de Fnac Darty (moins de 0,4 %), est d’autant plus surprenant que le rétablissement d’une structure concurrentielle des marchés de la vente au détail de produits bruns et gris dans les zones de Ternes, Passy, Beaugrenelle, République, Belleville et Saint-Ouen est finalement intervenu à la suite de la proposition spontanée de Fnac Darty de vendre, en substitution des trois magasins non cédés, les magasins Darty Montmartre (18e) et Darty Passy (16e) à la société Boulanger par accords conclus le 17 mai 2018, rachat que l’Autorité a du reste autorisé quelques jours seulement après la présente décision, le 3 août 2018, à la faveur d’une
décision n° 18-DCC-131.

Mais peut-être faut-il voir ailleurs l’explication du montant pour le moins élevé de l’amende prononcée. Alors que l’Autorité avait l’impression de s’être montrée particulièrement souple en admettant pour la première fois dans le dossier du rachat de Darty par la Fnac que le marché pertinent pouvait inclure et les canaux de distribution en ligne et les canaux de distribution en magasins, la saisine, dans cette même affaire, du Conseil constitutionnel pour contester la disposition introduite par la loi Macron autorisant le président de l’Autorité de la concurrence à adopter seul les décisions visant notamment à agréer ou à refuser d’agréer la cession d’un actif conditionnant l’autorisation de la concentration, a sans doute dû susciter quelque agacement rue de l’Échelle…

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Mise en ligne de la décision autorisant, sous conditions, l’acquisition par Groupe Bernard Hayot (GBH) d'un hypermarché en Martinique (+ 5 décisions dont 4 simplifiées)

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 6 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 4 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la
décision n° 18-DCC-142 du 23 août 2018 à la faveur de laquelle a autorisé, sous conditions, l’acquisition par Groupe Bernard Hayot (GBH) d'un hypermarché Géant Casino et de sa galerie commerciale, implantés sur la commune du Robert, en Martinique.

GBH est présent en Martinique au stade de la distribution de détail à dominante alimentaire, notamment via trois hypermarchés franchisés sous enseigne Carrefour, et au stade de la vente en gros et de l'approvisionnement des grandes et moyennes surfaces de l'île.

Au niveau des effets horizontaux de l’opération, l’Autorité n’a pas identifié de problèmes particuliers sur les marchés amont de l’approvisionnement, dans la mesure où le renforcement, même limité, de la puissance d’achat de GBH au niveau local, issu de l’addition des parts de marchés de l’hypermarché cible, intervient sur des marchés où le secteur de l’offre est beaucoup moins concentré que celui de la demande (pt. 49). Tout juste a-t-elle relevé que deux fournisseurs risquaient d’être placés en situation de dépendance économique vis-à-vis de la nouvelle entité (pt. 58), franchissant le seuil de 22 % au-delà duquel un producteur ne peut remplacer la perte d’un client sans subir de pertes financières considérables, sachant que le passage à d’autres canaux de distribution (GSS, par exemple) peut s’avérer coûteux, difficile, voire impossible (pt. 51). Toutefois, elle estime au cas d’espèce que la création ou le renforcement d’un état de dépendance économique des fournisseurs des parties à l’opération, qui ne concerne qu’un nombre très réduit de fournisseurs, n’est pas susceptible d’affecter la structure ou le fonctionnement de la concurrence sur les marchés concernés (pt. 60), de sorte que l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par création ou renforcement de la puissance d’achat de GBH à l’issue de l’opération (pt. 61).

En revanche, l’Autorité parvient à la conclusion que l’opération est susceptible de porter atteinte à la concurrence dans la zone secondaire de l’hypermarché cible, c’est-à-dire sur le marché aval comprenant les hypermarchés, les supermarchés et les formes de commerce équivalentes situés dans une zone de chalandise correspondant à un rayon de 15 minutes en voiture autour de l’hypermarché cible (pt. 77). En effet, l’opération renforcera, dans cette zone, l’enseigne Carrefour puisque cette dernière passera de [20-30] % des surfaces de vente (avec deux supermarchés Carrefour Market) à [80-90] % à l’issue de l’opération, grâce à l’addition de l’hypermarché cible actuellement exploité sous l’enseigne Géant Casino. Face aux trois points de vente sous enseigne Carrefour, le consommateur ne disposera que de l’offre de deux magasins sous des enseignes hard discount (pt. 72).

Sur le marché aval comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise correspondant à un rayon de 30 minutes en voiture autour de l’hypermarché cible (« zone primaire »), l’Autorité n’a, en revanche, pas identifié de problème de concurrence (pt. 94), en dépit du fait qu’à l’issue de l’opération, la part de marché de l’enseigne Carrefour passera de [30-40] % à [50-60] % des surfaces de vente des hypermarchés dans la zone primaire. GBH exploitera quatre des huit hypermarchés dans cette zone. Tout d’abord, dans cette zone, l’enseigne Carrefour restera confrontée à la concurrence de l’enseigne U ([40- 50]%) et de l’enseigne Casino ([5-10]%)(pt. 92). En outre, l’opération n’a pas pour effet d’y réduire le nombre d’enseignes concurrentes (pt. 91). Enfin, la localisation des hypermarchés de la vente primaire, ainsi que sur l’empreinte réelle de l’hypermarché cible montrent que les magasins des parties ne sont pas les plus proches concurrents (pt. 93).

S’agissant à présent des effets verticaux de l’opération induit par la présence de GBH sur les marchés amont de l’approvisionnement, en tant que producteur de rhum, et sur les marchés intermédiaires de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires, l’Autorité écarte d’abord tout effet de verrouillage tant d’accès à la clientèle (pts. 100-101) que par les intrants (pts. 102-106) entre le marché amont de l’approvisionnement en produits liquides et les marchés aval de la distribution au détail à dominante alimentaire.

Elle estime par ailleurs que GBH ne sera pas en mesure, après l’acquisition du magasin Géant Casino, de forclore ses concurrents sur les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires en les privant du débouché représenté par les achats de l’hypermarché cible (verrouillage de l’accès à la clientèle)(pts. 112-117). En revanche, l’Autorité considère qu’il existe un risque que les distributeurs concurrents de GBH sur le marché aval soient défavorisés, par rapport aux magasins exploités par GBH, dans leurs relations avec GBH, agissant en tant que grossiste (Effet de verrouillage par les intrants)(pts. 118, 126). Tenant compte des spécificités de fonctionnement des marchés ultramarins, et notamment du rôle incontournable des grossistes-importateurs, l’Autorité estime, comme elle l’avait fait à l’occasion d’une
précédente opération de concentration dans laquelle GBH était déjà l’acquéreur d’un hypermarché, qu’il existe un risque que ce dernier ne cherche à user de sa position de grossiste-importateur pour empêcher un verrouillage de l’accès aux budgets de coopération commerciale de ses concurrents (pts. 121-122).

Passons à présent aux
engagements souscrits par GBH afin de lever tout risque d’atteinte à la concurrence.

S’agissant en premier lieu des engagements visant à remédier aux effets anticoncurrentiels de l’opération sur les marchés aval de la distribution de détail à dominante alimentaire, GBH propose de conclure avec Carrefour un contrat de licence d’enseigne et un contrat de prestations de services, dont les dispositions offrent à GBH une autonomie commerciale suffisante vis-à-vis du groupe Carrefour pour l’exploitation de l’hypermarché cible. En outre, GBH exploitera l’hypermarché cible sous une enseigne ne comportant pas la marque Carrefour : Euromarché. Il s’agit d’une enseigne qui n’est pas présente dans la zone et constitue ainsi une offre nouvelle pour les consommateurs. La disparition de l’enseigne Géant Casino, sur la zone secondaire, sera compensée par l’arrivée de l’enseigne Euromarché. À l’issue de l’opération, il subsistera donc le même nombre d’enseignes concurrentes dans la zone secondaire (pts. 143-144). Par conséquent, dans la zone secondaire, compte tenu des engagements souscrits, l’opération se traduit par l’arrivée d’un nouvel opérateur qui sera à même de concurrencer l’enseigne Carrefour, présente par le biais du groupe SAFO. De ce point de vue, GBH se substitue au vendeur de la cible dans cette zone (pt. 146). En outre, l’Autorité estime que les engagements sont de nature à répondre au risque d’augmentation unilatérale des prix dans la zone secondaire (pt. 147), de même qu’au risque de réduction du choix ou de la qualité des services rendus par les GSA dans cette même zone (pt. 148).

Quant aux engagements relatifs aux effets verticaux consistant pour GBH à reprendre ceux qu’il avait souscrits en 2011 le contraignant à ne pas user de sa position de grossiste-importateur pour empêcher un verrouillage de l’accès aux budgets de coopération commerciale de ses concurrents, tout en en allégeant le dispositif de contrôle, l’Autorité estime qu’ils sont suffisants pour éliminer les atteintes à la concurrence résultant des effets verticaux de l’opération (pt. 158).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de l’Autorité.
 



On verra encore la décision simplifiée n° 18-DCC-157 du 25 septembre 2018 à la faveur de laquelle l'Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle conjoint par Malakoff Médéric et La Poste de Nouvéal, active dans le secteur de l'e-santé en élaborant des solutions digitales destinées aux entreprises du secteur. Elle commercialise la solution « e-fitback » de préparation, d'accompagnement et de suivi des patients en chirurgie ambulatoire.

Les positions des parties sur les marchés concernés étant limitées, notamment sur celui de l'e-santé, l'Autorité a pu écarter tout problème de concurrence et accepter l'opération sans condition. Quelles que soient les segmentations retenues, les parts de marché cumulées des parties sont inférieures à 25 % lorsque leurs activités se chevauchent sur un même marché et à 30 % lorsque leurs activités sont situées sur des marchés amont, aval ou connexes.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de l’Autorité.
 


Enfin, on verra la décision n° 18-DCC-155 du 20 septembre 2018 relative à la prise de contrôle conjoint de la société GSE Intégration par les sociétés Terreal et Groupe Solution energie.

Le chevauchement des activités des parties sur le marché des systèmes photovoltaïques ne suscite guère d’inquiétude en raison des parts de marché limitées des parties. En revanche, compte tenu du fait que Terreal est également présente sur le marché connexe de la production et de la commercialisation de matériaux de couverture, l’Autorité s’est interrogée sur d’éventuels effets congloméraux, dès lors que Terreal détient des positions parfois importantes au niveau régional ([50-60] %). Toutefois, compte tenu du faible incrément représenté par la cible, l’Autorité a considéré que son intégration au sein de Terreal n’était pas de nature à réduire significativement la concurrence sur les marchés concernés par le biais d’effets congloméraux.

Premièrement, les concurrents de Terreal sur les marchés de la fabrication et commercialisation de tuiles disposent de nombreuses alternatives pour offrir, en complément de leurs produits, des systèmes photovoltaïques. Deuxièmement, Terreal est déjà, avant l’opération, active concomitamment sur les marchés de la production et de la commercialisation de tuiles et des systèmes photovoltaïques intégrés. Troisièmement, les parties font valoir que l’opération n’est pas susceptible d’inciter Terreal à proposer des ventes liées entre les tuiles et les systèmes photovoltaïques intégrés, dans la mesure où, actuellement, Terreal ne propose pas de vente liée ou couplée. En outre, le groupe Imerys produit et commercialise déjà des tuiles et des systèmes photovoltaïques intégrés.
 


Les 3 autres décisions simplifiées (point 384 des lignes directrices concentration) :

Décision n° 18-DCC-153 du 14 septembre 2018 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe DSO par la société Promontoria MCS Holding ;

Décision n° 18-DCC-154 du 13 septembre 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Soprofen par le groupe Bouyer Leroux ;

Décision n° 18-DCC-156 du 24 septembre 2018 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe NG Travel par le groupe Siparex.

INFOS : L'Autorité de la concurrence sanctionne pour la 5e fois des pratiques d'importations exclusives en outre-mer post loi Lurel

 

Le 8 octobre 2018, l’Autorité de la concurrence a rendu une décision n° 18-D-21 aux termes de laquelle elle sanctionne, pour la cinquième fois, le maintien, après l'entrée en vigueur de la loi Lurel, d’accords comportant des droits exclusifs d'importation dans les collectivités d’outre-mer.

Au cas d’espèce, les droits exclusifs concerne l’importation à Wallis-et-Futuna, territoire de 12 000 habitants dont le revenu par habitant est le plus faible de France, de riz, de boissons, sodas, jus de fruits et conserves de fruits, de biscuits, de sucre et de lait en poudre, et l’entreprise sanctionnée est un grossiste-importateur, General Import, en tant qu’auteur, et sa maison-mère.

Dans la présente affaire, la mises en cause contestait d’abord la régularité de la procédure. Elle faisait valoir qu’elle avait déjà été sanctionnée pour de semblables pratiques à la faveur de la
décision n° 16-D-15 du 6 juillet 2016 et qu’elle s’était engagée dans un processus de transaction avec la croyance légitime qu’à la suite des jonctions et des disjonctions opérées par les services d’instruction, cet accord transactionnel mettait un terme aux poursuites engagées au titre de la totalité des griefs qui lui avaient été notifiés.

Sur quoi, l’Autorité rappelle que dans le cadre de la décision n° 16-D-15 du 6 juillet 2016, seuls les droits exclusifs d’importation pour la distribution des produits Henkel sur le territoire de Wallis-et-Futuna étaient en cause et qu’elles ont seulement renoncé à contester le grief mentionné dans le procès-verbal de transaction relatif aux produits Henkel (pt. 38), ajoutant que la disjonction des deux affaires était régulière (pt. 40).

Par ailleurs, elle a contesté l’existence d’un concours de volontés entre elle-même et ses fournisseurs, estimant qu’il n’existait pas de preuve en ce sens. À cet égard, l’Autorité rappelle qu’à défaut de preuves se suffisant à elles-mêmes, la preuve des pratiques anticoncurrentielles peut résulter d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant (pt. 44). En l’espèce, précise-t-elle, le recoupement des échanges de courriels recueillis au cours de l’instruction, émanant de fournisseurs, de bureaux d’achats et de General Import, soit de tous les maillons de la chaîne de distribution, atteste de l’existence d’une exclusivité d’importation au bénéfice de General Import de la part de certains fournisseurs de produits de grande consommation, commercialisés à Wallis-et-Futuna entre le 6 août 2013 et le 11 juillet 2015, ainsi que du concours de volontés intervenu entre General Import et ces fournisseurs (pt. 46).

Enfin, la mise en cause a sollicité le bénéfice de l’exemption de l’article L. 420-4 du code de commerce. Or, sur ce point, si l’Autorité peut admettre que les auteurs de la pratique se sont fondés sur des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique, en revanche, elle considère que la seconde condition posée par le texte exigeant que soit réservé « aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte » n’est pas remplie. En particulier, l’Autorité estime qu’elle n’a fourni aucun élément susceptible d’établir que l’exclusivité d’importation, qui permet certes de massifier les achats mais permet aussi à l’entreprise qui en bénéficie de pratiquer des marges de gros sans pression concurrentielle, serait plus efficace pour limiter la hausse des prix de détails payés par les consommateurs qu’un système d’importation non exclusif conduisant à une répartition de l’approvisionnement entre plusieurs importateurs qui sont alors obligés de se faire concurrence pour servir au mieux les détaillants (pt. 68). Au surplus, l’Autorité observe que de substantiels bénéfices ont été réalisés, donnant lieu à de non moins substantiels distribution de dividendes (pt. 69).

Au terme de cette procédure simplifiée, à la faveur de laquelle l’Autorité s’est écartée de la méthode de détermination des sanctions pécuniaires du communiqué sanctions de 2011, pour adopter une méthode forfaitaire, General Import et sa mère, ADLP Holding, ont été sanctionnées à hauteur de 250 000 euros.

En outre, il leur a été enjoint d’informer par courrier, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les cinq fournisseurs concernés que les exclusivités d’importation dont General Import a bénéficié sont prohibées par la législation française, qu’elles ont fait l’objet d’une condamnation de la part de l’Autorité et qu’en conséquence aucun refus de fourniture de ces produits ne peut être opposé à des importateurs opérant sur le territoire de Wallis-et-Futuna sur le fondement de l’existence d’une telle exclusivité.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.

Entreprise défaillante et concurrence

Paris — 16 octobre 2018

 

Bonjour,
 
Le cabinet Gide Loyrette Nouel, en partenariat avec la revue Concurrences, a le plaisir de vous inviter au prochain séminaire « Économie et droit de la concurrence » :
 
Entreprise défaillante et concurrence
 
Frédéric Jenny (Président du comité concurrence OCDE - Professeur, ESSEC, Paris) et Étienne Chantrel (Rapporteur général adjoint, Autorité de la concurrence) interviendront à cette occasion.
 
Ce séminaire aura lieu à Paris le mardi 16 octobre 2018 de 12:30 à 14:30 aux nouveaux locaux du cabinet Gide, 15 rue Laborde, 75008 Paris.
 
Les inscriptions sans frais se font sur le
site dédié.
 
Bien cordialement,
 
Laurent Godfroid
Avocat associé, Gide Loyrette Nouel, Bruxelles
 
Stéphane Hautbourg
Avocat associé, Gide Loyrette Nouel, Bruxelles

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