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Le féminisme : l'inné et l'acquis

par Eric Deschavanne

« Combien de philosophEs ? » La question est posée dans une tribune récente suggérant que les femmes chercheuses ou universitaires sont non seulement minoritaires mais aussi minorées intellectuellement. La  philosophie, est-il écrit, pense majoritairement « en tant qu’homme », ce dont les archives de Time to Philo peuvent témoigner.

Le patriarcat aboli par le droit de la famille, l’égalité scolaire réalisée, comment expliquer la permanence de l’inégalité sociale entre hommes et femmes ? Les héritières de Simone de Beauvoir mettent en cause l’empreinte d’une domination culturelle multiséculaire. « Législateurs, prêtres, philosophes, écrivains, savants, peut-on lire dans Le deuxième sexe, se sont acharnés à démontrer que la condition de la femme était voulue dans le ciel et profitable à la terre. » Cela façonne les mœurs, qui résistent à l’égalité juridique et conditionnent les destins sociaux. Tandis que les garçons sont éduqués pour la liberté, pointait Beauvoir, « ce sont les délices de la passivité que parents et éducateurs, livres et mythes, femmes et hommes font miroiter aux yeux de la petite fille. »  Le sexe ne fait pas le genre : « on ne naît pas femme, on le devient ». ll n’y a pas d’infériorité naturelle de la femme ; son manque d’ambition ou son humilité sont des constructions historiques, des produits systémiques de la domination masculine. De ce diagnostic se déduit le programme du féminisme contemporain : après la révolution juridique, la révolution culturelle, seule à même d’éradiquer une inégalité persistante.

Mais l’explication par la « nature »
ou la biologie est aujourd'hui de retour
. On la retrouve notamment sous la plume d’une jeune philosophe iconoclaste férue d’études darwiniennes : « La littérature scientifique, écrit Peggy Sastre dans La domination masculine n’existe pas, regorge de travaux observant des différences psychologiques moyennes entre les sexes, des différences de tempérament et d’aptitudes cognitives qui se manifestent très tôt dans le développement et qui, de par cette apparition précoce, invalident l’hypothèse féministe classique selon laquelle ces différences seraient exclusivement dues à des pressions sociales, éducatives et susceptibles d’être ‘déconstruites’ par une intervention exclusivement socioculturelle. » Ainsi, par exemple, la disposition différenciée des garçons et des filles pour la compétition, décelable dès la crèche, serait le produit de dizaines ou de centaines de milliers d’année d’une pression sélective dont l’enjeu est la perpétuation des gènes. Voilà qui semble rendre vain le combat culturel visant à imposer l’écriture inclusive, la réforme des genres grammaticaux ou la démasculinisation de la philosophie…

Les stéréotypes « genrés » sont-ils acquis ou innés ? Faut-il choisir son camp entre théorie de l’évolution et Histoire humaine ? Au fond, peu importe : l’idée de liberté s’étaye sur la conviction que nous ne sommes pas prisonniers des déterminations qui pèsent sur nous et que dévoilent les sciences. Or cette conviction, Peggy Sastre et les disciples de Beauvoir l’ont en partage. C’est ce parti-pris philosophique en faveur de la liberté humaine qui fait le féminisme.



Eric Deschavanne

Simone de Beauvoir (1908 - 1986)

Philosophe et romancière française. Souvent considérée comme l'une des principales théoriciennes du féminisme, notamment grâce à son livre Le Deuxième Sexe (1949), elle est aussi une figure marquante du mouvement de libération des femmes dans les années 1970. Elle obtient le Prix Goncourt en 1954 pour Les MandarinsEn savoir plus.
Peggy Sastre (née en 1981)

Philosophe, essayiste et journaliste française. Ses travaux se fondent principalement sur une lecture biologique et évolutionniste des questions sexuelles et de genre. En savoir plus.
Time To Philo est illustré par Daniel Maja.
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