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Habiter le monde avec Air Bnb

Manne financière pour certains, moyen d’ouverture aux monde et de lutte contre le consumérisme pour d’autres, Airbnb défraie régulièrement la chronique, de l’actualité économique aux faits divers.

Mais si Airbnb était aussi une nouvelle manière d’habiter le monde ? Si sa devise « chez soi dans le monde entier » n’était pas qu’un slogan marketing mais un adage philosophique ? Qu’est-ce qu’habiter le monde d’ailleurs ? Curieusement, les philosophes ne se sont appropriés cette question que très tardivement comme si elle était concomitante au phénomène de mondialisation.

En 1951, Heidegger prononce une conférence Bâtir, habiter, penser. Habiter, nous dit-il, ce n’est pas se loger, or savons-nous réellement habiter ? L’habitat n’est pas une fonctionnalité parmi d’autres, c’est le propre de la condition humaine. Savoir habiter, c’est savoir être. Car habiter ne désigne rien moins que « le séjour de l’homme sur la terre ». Il n’est de séjour digne de ce nom que dans le « ménagement de la terre, dans ce qui ménage toute chose dans son être » nous dit Heidegger. Si le philosophe allemand préfigure nos préoccupations écologiques, il ne permet pas de penser les nouvelles modalités d’être au monde de l’homme contemporain, plus fluides, plus horizontales et informelles.

C’est ici que la pensée du philosophe contemporain, Benoit Goetz, prend toute son utilité. Goetz propose l’idée d’inhabitation pour penser cette autre manière d’habiter l’espace, plus conforme peut-être à notre réalité de globalisation et de dislocation des territoires. Le véritable espace est intérieur, il est déconnecté de tout lieu matériel. On perçoit la richesse de cette notion pour rendre compte des nouvelles manières d’habiter le monde. « L’inhabitant, nous dit Goetz dans La Dislocation, est un locataire perpétuel (…). Il est de façon plus précaire, étant là tout en étant ailleurs, restant sur une instabilité sans accroche ni fond. » La nouvelle condition de l’homme moderne serait dans cette instabilité, dans cette dispersion qui n’est pas une perdition, bien au contraire, mais une manière d’exister plus dense « à travers des multiplicités spatiales.»

Peut-on toutefois faire l’économie des autres significations du terme « inhabitable » ? Et si l’inhabité désignait aussi ces espaces impossibles à habiter pour des raisons écologiques, politiques ou économiques comme les flux migratoires en sont le triste témoignage ? Le déracinement est parfois vécu comme une réalité tragique, voire insoutenable ce qui nous rappelle que l’homme a aussi besoin d’un enracinement durable pour se construire dans son humanité. Habiter le monde devient alors non seulement un positionnement philosophique mais une question politique et une injonction utopique. 


Karine Safa

Martin Heidegger (1889 - 1976)

Philosophe allemand, il a orienté très tôt sa pensée autour de la question du "sens de l'être". Il a surtout cherché à dépasser la métaphysique traditionnelle en donnant de nouveaux fondements à la philosophie. Sa pensée a rencontré un écho important chez les philosophes français notamment Sartre ou Merleau-Ponty. En savoir plus.
Time To Philo est illustré par Daniel Maja.
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