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Hebdo n° 9/2018
26 février 2018
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Appelant à une application par analogie des principes posés dans l’arrêt Intel, l’avocat général Wathelet suggère à la Cour de justice de l’Union d’annuler l’arrêt du Tribunal dans l’affaire Orange Polska et de renvoyer l’affaire pour que le Tribunal examine les arguments soulevés par Orange s’agissant de l’impact de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende

INFOS : L'Autorité de la concurrence accepte et rend obligatoires les engagements améliorés de l’interprofession martiniquaise de la Viande à propos de ses conditions d’adhésion, dans des termes applicables à bien d’autres interprofessions « longues »


INFOS : L'Autorité de la concurrence sanctionne à nouveau des accords exclusifs d'importation et de distribution dans les collectivités d’outre-mer post-loi Lurel

INFOS : L’Autorité de la concurrence sanctionne une PAC locale à la suite du refus d’une transaction proposée par le ministre

ANNONCE COLLOQUE : «  Compliance : entre coopération et contrôle — Les relations entre entreprises et autorités de contrôle », Paris — 6 avril 2018 [message de Maria Lancri]

 

JURISPRUDENCE UE : Appelant à une application par analogie des principes posés dans l’arrêt Intel, l’avocat général Wathelet suggère à la Cour de justice de l’Union d’annuler l’arrêt du Tribunal dans l’affaire Orange Polska et de renvoyer l’affaire pour que le Tribunal examine les arguments soulevés par Orange s’agissant de l’impact de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende


Le 21 février 2018, l’avocat général Melchior Wathelet a rendu ses conclusions dans l’affaire C-123/16 (Orange Polska SA contre Commission européenne) dans le cadre du pourvoi formé par Orange Polska SA contre larrêt du Tribunal de l’Union européenne rendu le 17 décembre 2015 dans l’affaire T-486/11 (Orange Polska SA contre Commission européenne) aux termes duquel il avait confirmé en tous points la décision de la Commission du 22 juin 2011 sanctionnant l’abus de position dominante de la filiale polonaise d’Orange, par ailleurs opérateur historique polonais, Orange Polska S.A., laquelle avait refusé aux opérateurs alternatifs l’accès dégroupé à sa boucle locale et aux services connexes à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires.

Au cas d'espèce, il n'était pas reproché à l'opérateur historique, Orange Polska, d'avoir mis en œuvre une pratique de compression des marges ou de ciseaux tarifaires. Il lui était reproché d'avoir mis en œuvre un refus de fourniture. Dans la décision attaquée, la Commission avait constaté que l'opérateur historique avait mis au point une stratégie visant à limiter la concurrence à toutes les étapes du processus d’accès des opérateurs alternatifs à son réseau, à savoir pendant la négociation des accords portant sur les conditions de l’accès à ce réseau, à l’étape de raccordement des opérateurs alternatifs à ce réseau et, finalement, à l’étape de l’activation des lignes d’abonnés. Cette stratégie, qui était mise en œuvre sur le marché de gros de l’accès à haut débit en modes BSA et LLU, visait à protéger les parts de marché de l'opérateur historique sur le marché en aval, à savoir le marché de détail sur lequel les opérateurs de télécommunications offrent des services à leurs propres utilisateurs finaux. Globalement, ces comportements ont été classés par la Commission en cinq groupes qui constituent les cinq éléments constitutifs de l’abus de position dominante, à savoir : premièrement, la proposition aux opérateurs alternatifs de conditions déraisonnables dans les accords portant sur l’accès aux produits BSA et LLU ; deuxièmement, le retardement du processus de négociation des accords portant sur l’accès aux produits BSA et LLU ; troisièmement, la limitation de l’accès physique au réseau de l'opérateur historique ; quatrièmement, la limitation de l’accès aux lignes d’abonnés et, cinquièmement, le refus de fournir les informations générales exactes et fiables indispensables aux opérateurs alternatifs pour prendre des décisions en matière d’accès.

Dans son pourvoi, Orange Polska soulève trois moyens. Le premier moyen conteste la validité au fond de la conclusion relative à l’existence d’une violation dans la décision attaquée de la Commission, alors que les deux autres moyens visent le montant de l’amende infligée en vertu de l’article 2 de la décision.

Dans ses conclusions, l’avocat général Wathelet s’attache principalement au deuxième moyen tiré d’erreurs de droit et de dénaturations d’éléments du dossier s’agissant de l’appréciation par la Commission de l’impact de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende et à propos duquel il invite la Cour de justice de l’Union à accueillir les arguments de l’opérateur historique polonais en annulant l’arrêt attaqué et en renvoyant l’affaire au Tribunal pour que ce dernier examine les arguments soulevés par Orange lors de son recours contre la décisions de la Commission.

Au cas d’espèce, Orange Polska soutenait que la Commission n'avait pas démontré que le comportement de l'opérateur historique avait eu des effets réels sur les marchés concernés. Sur ce point, le Tribunal, constatant que la Commission n’avait pas tenu compte, dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, des effets réels de l’infraction commise par l'opérateur historique sur les marchés concernés, ni même des effets probables de cette infraction, s’était contenté de rappeler que, dès lors que la Commission n’avait pas tenu compte des effets réels de l’infraction dans l’évaluation de la gravité de celle-ci, elle n’avait pas à les démontrer.

Or, relève d’emblée l’avocat général Wathelet, la Commission a estimé, au considérant 902 de sa décision, que le comportement d’Orange a eu un impact négatif sur la concurrence et les consommateurs, qui ont subi des prix plus élevés, moins de choix et une disponibilité réduite de produits à haut débit innovants.

Dès lors, l’avocat général Wathelet considère que l’erreur principale de droit commise par le Tribunal dans l’arrêt attaqué liée à une violation du principe de protection juridictionnelle effective est d’avoir refusé d’apprécier si les effets de l’infraction avaient été correctement établis par la Commission, voire même d’examiner les arguments d’Orange à ce sujet. Dans la mesure où Orange prétendait que la Commission s’était fondée sur les effets réels, voire probables, de l’infraction pour calculer le montant de l’amende, le Tribunal aurait dû examiner ces arguments (et non simplement décider qu’ils étaient « inopérants ») et vérifier si la décision litigieuse contenait des indices concrets, crédibles et suffisants desdits effets, ce qu’il n’a manifestement pas fait (pt. 70).

Pour parvenir à cette conclusion, l’avocat général Wathelet suggère de faire application, par analogie (pts. 80 et 87), dans la présente affaire, et par conséquent à la nature et à la gravité de l’infraction aux fins de déterminer le montant de l’amende, des conclusions principales retenues par la grande chambre de la Cour dans l’
arrêt rendu le 6 septembre 2017 dans l’affaire C-413/14 (Intel Corporation/Commission) à propos de la capacité restrictive d’une pratique abusive (pt. 79).

On se souvient que dans l’affaire Intel, la Cour avait cassé l’arrêt du Tribunal, estimant que celui-ci n’avait pas examiné correctement la capacité des rabais de fidélité en cause à restreindre la concurrence. Selon la Cour, l’analyse de la capacité restrictive aurait dû être effectuée au regard de toutes les circonstances, y compris en examinant tous les arguments et les éléments de preuve en sens contraire présentés par l’entreprise poursuivie aux fins de contester les conclusions de la Commission.

Dans la présente affaire, l’avocat général Wathelet relève qu’Orange a produit devant le Tribunal des éléments tendant à démontrer que l’approche de la Commission était erronée. Or, estime-t-il, face à une décision par laquelle la Commission constate l’existence d’un abus et procède à une analyse de la capacité du comportement à évincer un concurrent ou à entraver ou affecter de toute autre manière la concurrence et les consommateurs, le Tribunal doit nécessairement examiner l’ensemble des arguments de la requérante visant à remettre en cause la validité des constatations de la Commission concernant la capacité de la pratique en cause à entraver la concurrence (pt. 78).

Ainsi, dès lors qu’Orange a soulevé des arguments concrets expliquant pourquoi la nature et la gravité du comportement en cause ne justifiaient pas le montant de l’amende (pt. 88), que la nature et, par conséquent, la gravité de l’infraction dépendent en grande partie de la propension d’Orange à éliminer la concurrence sur le marché de détail du haut débit en Pologne et, partant, à affecter négativement la concurrence et les consommateurs (pt. 89) et qu’Orange soutient que la Commission a procédé à une analyse limitée de sa théorie du préjudice, le Tribunal ne pouvait pas, par analogie avec l’arrêt Intel, choisir d’ignorer les arguments de la requérante. Il aurait dû, estime l’avocat général Wathelet, examiner, au cas d’espèce, tous les éléments de preuve et les arguments avancés par Orange visant à remettre en cause la validité des conclusions de la Commission concernant la capacité de la pratique concernée à affecter négativement la concurrence en Pologne (pt. 91). Ce que le Tribunal s’est refusé à faire, considérant que la Commission n’avait tenu compte ni des effets réels ni des effets probables de l’infraction et qu’elle avait simplement analysé la nature de l’infraction « de façon générale et abstraite », en estimant que le comportement avait la capacité d’affecter de façon négative la concurrence et les consommateurs, une telle approche aléatoire, imprécise et hypothétique étant pour lui suffisante (pt. 93).

Condamnant l’approche formaliste utilisée par la Commission pour s’exonérer de la charge de la preuve sur la simple base d’inférences et d’hypothèses plutôt qu’en référence à des preuves des effets, et sans réfutation dûment motivée des contre-explications de la partie mise en cause (pt. 96), l’avocat général Wathelet reproche au Tribunal de n’avoir pas vérifié, d’une part, si les faits invoqués par la Commission pour conclure que l’infraction était de nature à affecter négativement la concurrence avaient été correctement exposés, et d’autre part, si la Commission avait commis une erreur d’appréciation dans son estimation de l’étendue et des probabilités d’effets préjudiciables et si les conséquences juridiques tirées de ces faits étaient exactes (pt. 97). Il estime que cette approche abstraite est contraire aux exigences de preuve énoncées par l’arrêt Intel (pts. 98-101), mais également au point 20 des lignes directrices sur les amendes de 2006, aux termes duquel « l’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce » (pt. 102).

Au final, en refusant de procéder à un examen complet et détaillé des arguments et des éléments de preuve présentés par Orange, le Tribunal s’est abstenu de procéder au contrôle approprié et complet de la légalité de la décision litigieuse au titre de l’article 263 TFUE (pt. 103).

Pour le reste et s’agissant du premier moyen par lequel la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et de raisonnement en n’exigeant pas de la Commission qu’elle démontre un intérêt légitime à la poursuite de son enquête et à l’adoption d’une décision constatant une violation en ce qui concerne le comportement historique qui a cessé, l’avocat général Wathelet conclut au rejet de ce moyen. Il estime en substance que le pouvoir de la Commission d’infliger des sanctions n’est nullement affecté par le fait que le comportement constitutif de l’infraction et la possibilité d’effets nuisibles ont cessé (pt. 41). Ce n’est que si aucune amende n’est imposée et si l’infraction est terminée que la Commission est tenue de démontrer un intérêt légitime justifiant néanmoins sa décision constatant qu’une infraction a été commise. A contrario, lorsque, comme en l’espèce, la Commission a le pouvoir d’infliger une amende et l’inflige, elle n’est pas tenue de faire valoir un intérêt légitime spécifique à constater l’infraction. L’imposition d’une amende suffit pour justifier la nécessité d’une constatation de l’infraction. Dès lors, la Commission, lorsqu’elle inflige une amende, a nécessairement le pouvoir de constater l’infraction, même si elle a déjà pris fin (pt. 46). Estimant que le pouvoir que détient la Commission d'imposer des amendes, que l'infraction ait cessé ou non, trouve clairement sa base juridique dans l'article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, l’avocat général Wathelet considère que le Tribunal aurait dû juger que l’application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 était suffisante pour justifier que la Commission constate l’infraction concernée, même commise dans le passé, et, partant, rejeter le moyen d’Orange pour un autre motif que celui qu’il a retenu. Malgré cette erreur du Tribunal, il conclut au rejet du premier moyen comme étant non fondé.

Enfin, pour ce qui concerne le troisième moyen à la faveur duquel le Tribunal aurait commis des erreurs de droit et a manifestement réalisé une évaluation erronée des éléments de preuve en refusant de reconnaître les investissements effectués par Orange afin de réduire l’amende pour cause de circonstances atténuantes, l’avocat général Wathelet estime que ce moyen est irrecevable dans la mesure où, en réalité, Orange conteste l’appréciation des faits opérée par le Tribunal et invite la Cour à procéder au réexamen des faits établis par le Tribunal. Pour le surplus, ledit moyen lui apparaît non fondé. À cet égard, il relève que les investissements en cause n’ont aucun lien avec l’infraction et n’ont pas visé à compenser, à l’égard des opérateurs alternatifs et des utilisateurs finaux, les éventuels dommages qu’ils auraient subis. En outre, ajoute-t-il, si les investissements réalisés par une entreprise en position dominante dans sa propre infrastructure, postérieurement à l’infraction, étaient « automatiquement » qualifiés de circonstance atténuante, il serait porté atteinte à l’effet dissuasif des amendes (pts. 141-142).

INFOS : L'Autorité de la concurrence accepte et rend obligatoires les engagements améliorés de l’interprofession martiniquaise de la Viande à propos de ses conditions d’adhésion, dans des termes applicables à bien d’autres interprofessions « longues »

 

Le 21 février 2018, l’Autorité de la concurrence a rendu publique une décision rendue la veille — la décision n° 18-D-04 — à la faveur de laquelle elle accepte et rend obligatoires les engagements améliorés de l'interprofession de la viande en Martinique afin de garantir aux éleveurs un accès non-discriminatoire à l'association, et éventuellement, leur accès aux aides européennes.

On se souvient que le 29 novembre 2017, l’Autorité de la concurrence avait lancé un test de marché concernant les engagements proposés, dans le cadre d’une procédure ouverte à la suite d'une demande de mesures conservatoires, par l'Association Martinique Interprofessionnelle de la Viande, du bétail et du lait (AMIV) concernant les conditions d’adhésion à cette interprofession, laquelle conditionnait, conditionne ou conditionnera — on ne sait trop ce qu’il en est exactement — l'obtention d’aides européennes.

Au terme d'une analyse préliminaire des pratiques, les services d'instruction avaient indiqué que l'AMIV était susceptible d'avoir entravé l'adhésion de nouvelles structures à l'interprofession, alors même que cette adhésion est nécessaire à l'entrée ou au maintien sur les marchés des éleveurs martiniquais. Il s’agit de la seule interprofession reconnue en Martinique représentant les filières porcin, ovin-caprin, bovin-viande, bovin-lait et volaille ainsi que les acteurs de la transformation et de la distribution. En outre, depuis 2006, la gestion des aides octroyée dans le cadre du programme de soutien européen intitulé « Programme d'Options Spécifiques à l'Eloignement et à l'Insularité » (POSEI) en Martinique a été confiée à l'AMIV qui redistribue les montants perçus — 11 millions d'euros pour la Martinique — à ses membres.

Or, il est apparu au cours de l’instruction que l'adhésion à l'AMIV ne reposait pas sur une procédure d'adhésion assurant un traitement objectif, transparent et non-discriminatoire de leurs candidatures. Les critères retenus n’étaient ni objectifs, ni transparents, dans la mesure où ils n’étaient pas clairement définis par le règlement intérieur, que leur interprétation n'était pas portée à la connaissance des candidats et que le troisième critère, celui de la spécialisation ne figurait ni dans les statuts ni dans le règlement intérieur de l’AMIV. Par ailleurs, cette dernière disposait d’un véritable pouvoir de blocage des candidatures.

Afin de répondre aux préoccupations de concurrence relevées, l’AMIV a proposé des engagements visant à modifier ses critères et sa procédure d’adhésion. En substance, elle s’est engagée à créer une véritable procédure d’examen des candidatures reposant sur la transparence des conditions d’adhésion avec une explicitation de la condition de spécialisation, sur le respect des délais, sur le droit d’être entendu, sur la motivation des décisions de refus et d’admission.

Par ailleurs, l’AMIV a élaboré des engagements destinés à s’appliquer tant que l'adhésion à l'AMIV sera une condition d'obtention des aides de la mesure structuration de l'élevage du POSEI France en Martinique. Il s’agit de la création d'un statut de membre-associé de l'interprofession, accessible au terme d'une procédure d'adhésion simplifiée et accélérée, dès lors que les structures candidates sont composées d'au moins cinq membres. Ce statut ne permettrait pas la participation du membre associé aux instances de l’interprofession. Il vise seulement à permettre au membre associé d'être éligible aux aides POSEI dans les mêmes conditions que les membres actifs.

Le petit problème tient au fait que les représentants de l’administration ont indiqué, lors de la séance du 30 janvier 2018, que le gouvernement avait finalement décidé d’engager immédiatement, avec effet dès l’exercice 2018, la réforme réglementaire de l’attribution des aides POSEI, de sorte que dans les toutes prochaines semaines, au pire dans les prochains mois, l’AMIV ne sera, selon toute vraisemblance, plus chargée de la gestion des aides octroyée dans le cadre du POSEI, alors même que cette prérogative de l’AMIV étaient dans les faits à l’origine de la saisine et de l’intervention de l’Autorité… Qu’à cela ne tienne, l’Autorité estime que tous les engagements proposés par l’AMIV, qui ont fait l’objet d’un test de marché en décembre 2017, restent pertinents, même s’ils doivent être adaptés à la nouvelle donne (pts. 109-112), dès lors qu’aucun élément tangible ne permet de considérer que la situation dénoncée par les saisissantes est d’ores et déjà caduque ou le sera à bref délai (pt. 108).

Or, si deux préoccupations de concurrence ont été exprimées par les services d’instruction au sujet des conditions d’adhésion à l’AMIV, seul l’accès aux aides du programme POSEI, permis par l’adhésion à l’interprofession, a été qualifié de condition indispensable pour se maintenir sur le marché. En revanche, l’amélioration des débouchés à l’aval et la participation aux discussions sur l’organisation de la filière, permis par l’adhésion à l’interprofession, sont des avantages concurrentiels significatifs qui n’ont pas été considérés comme essentiels pour se développer sur le marché. Dès lors, si la première préoccupations de concurrence disparaît du fait de la récupération par l’État de la distribution des aides du POSEI, la présente procédure aura-t-elle encore un sens à l’horizon de quelques semaines, sinon quelques mois ? En pareil cas, l’amélioration des débouchés à l’aval peut-elle justifier à elle seule l’acceptation d’engagements proposés par une interprofession de se doter de règles d’adhésion objectives, transparentes et non discriminatoires si le défaut de ces règles ou leur mauvaise application ne conduit pas à fausser la concurrence en empêchant ou en limitant l’accès au marché pour les entreprises qui ne sont pas admises à cette interprofession ?

Sur ce point, rappelant que l’adhésion d’un opérateur à une interprofession qui concerne son secteur d’activité n’est pour elle ni un droit, ni une obligation, l’Autorité de la concurrence relève que l’AMIV joue un rôle essentiel pour faciliter les débouchés à l’aval des éleveurs en Martinique. Interprofession dite « longue », elle associe la production, l’abattage et la distribution, boucherie artisanale et grande distribution. Et s’il n’a pas été établi, à ce stade, que l’accès à la grande distribution n’est ouvert qu’aux membres de l’interprofession, il n’est pas contesté que l’AMIV est le lieu de discussion privilégié où se rencontrent les producteurs et les distributeurs et où sont prises des décisions structurantes pour le fonctionnement des filières d’élevage, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences pour toutes les exploitations, y compris celles qui ne sont pas membres de l’interprofession (pt. 96). Par ailleurs, les représentants des administrations ont confirmé que les pouvoirs publics entendent faire jouer aux interprofessions un rôle structurant pour l’agriculture en outre-mer et que celles-ci doivent donc jouir d’un monopole dans le regroupement et la représentation des opérateurs concernés, de sorte qu’il est exclu que puisse se développer une alternative crédible à l’AMIV en Martinique (pt. 97). Par suite, l’Autorité considère que les conditions exigées par la pratique décisionnelle — limitation de l’accès au marché et absence d’alternative crédible au groupement — sont réunies, de sorte que les engagements de l’AMIV consistant à prévoir des conditions d’adhésion objectives, transparentes et non discriminatoires, sont pertinents et le resteront dans l’hypothèse où l’AMIV ne serait plus le point de passage obligé pour l’accès aux aides européennes du programme POSEI.

Se pose alors la question de savoir si la situation identifiée dans la présente affaire à propos de l’AMIV en Martinique, hors l’hypothèse de toute façon prochainement caduque de la gestion de l’attribution d’aides européennes, est propre à cette dernière interprofession et si elle n’est pas appelée à être généralisée à bien d’autres interprofessions, en particulier les interprofessions « longues » qui mettent en rapport l’amont et l’aval et qui donc risquent d’engendre des problèmes d’accès aux marchés avals ? De fait, toutes ces interprofessions « longues » n’exercent-elles pas, peu ou prou, sensiblement les mêmes prérogatives que l’AMIV et les pouvoirs publics ne nourrissent-ils pas à leur égard sensiblement les mêmes attentes en termes de regroupement et de représentation des opérateurs concernés. Si tel est le cas, les interprofessions « longues » seraient bien inspirées d’observer avec attention les tenants et aboutissants de la présente affaire et, le cas échéant, de procéder dans les meilleurs délais à un audit d’une part des effets de l’adhésion à leur interprofession sur l’accès au marché aval des candidats et d’autre part de leurs conditions d’adhésion afin de se doter, le cas échéant, de règles d’adhésion objectives, transparentes et non discriminatoires.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS : L'Autorité de la concurrence sanctionne à nouveau des accords exclusifs d'importation et de distribution dans les collectivités d’outre-mer post-loi Lurel

 

Après la distribution des produits de grande consommation, l’Autorité de la concurrence fait une nouvelle fois application de l’article L. 420-2-1 du code de commerce, inséré par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dite loi « Lurel », qui prohibe à partir du 22 mars 2013 les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises dans les collectivités d’outre-mer.

Dans la présente affaire, l’application de ces dispositions concerne la commercialisation de pièges à termites à base de biocides à La Réunion, aux Antilles et en Guyane.

Au terme d'une instruction menée à la suite d'une enquête de la DGCCRF, l’Autorité de la concurrence condamne, à la faveur d’une
décision n° 18-D-03 rendue le 20 février 2018, les sociétés Dow Agrosciences Distribution, Dow Agrosciences Export en tant que société auteur et les sociétés Dow Agrosciences B.V. et Dow Agrosciences SAS, en qualité de sociétés mères de l’auteur, pour avoir accordé, postérieurement au 22 mars 2013, des droits exclusifs d’importation sur les produits Sentri Tech, procédé anti-termites comportant des pièges à appât imprégnés de biocide, à la société Emeraude Environnement, sur le territoire de la Réunion, du 22 mars 2013 au 31 décembre 2016 et à la société Carib Termite Control sur le territoire des Antilles et de la Guyane du 22 mars 2013 au 16 juin 2017.

Cette affaire donne l’occasion à l’Autorité de préciser que cette disposition de la loi Lurel inscrite à l’article L. 420-2-1 du code de commerce ne limite pas l’application de l’interdiction des exclusivités d’importation aux produits de grande consommation (pts. 52-55) ou à des importations impliquant un transfert de propriété (pts. 56-59).

Ces accords d’exclusivité n’ont pu bénéficier de l’exemption prévue par le III de l’article L. 420-4 du code de commerce faute pour les sociétés mises en cause d’avoir démontré l’existence de motifs objectifs tirés de l’efficacité économique pouvant justifier l’octroi d’une exclusivité d’importation illimitée (pt. 72) et d’avoir apporté la preuve ou, à tout le moins une estimation, du bénéfice - qualitatif ou financier - que le consommateur pouvait retirer d’une telle exclusivité d’importation (pts. 78-79).

Principale mesure adoptée au terme de la présente décision, l’Autorité a enjoint aux sociétés du groupe Dow Agrosciences de supprimer, dans un délai de 2 mois, toute disposition instaurant une exclusivité d’importation ou toute clause ayant un effet équivalent (pt. 135) et d’informer par courrier l’ensemble des sociétés utilisatrices du procédé Sentri Tech en outre-mer de cette suppression (pt. 136). Ces sociétés doivent également s’abstenir d’insérer toute disposition instaurant une exclusivité d’importation ou toute clause ayant un effet équivalent dans ses contrats de distribution en outre-mer pendant une durée de deux ans (pt. 137).

Accessoirement, les sociétés du groupe Dow Agrosciences ont été sanctionnées à hauteur de 60 000 euros. Quant aux importateurs grossistes, Emeraude Environnement et Carib Termite Control, ils se sont vu infliger une amende de 5 000 euros. À noter que ces sanctions, dont la fixation est forfaitaire, tient compte d’une part des injonctions imposées qui règlent au moins provisoirement le problème (pt. 122) et d’autre part à ce qui ressemble à une circonstance atténuante tenant au cadre législatif et réglementaire très strict qui s’attache à la lutte anti-termite en outre-mer ainsi que la nature particulière du procédé concerné, lequel est composé d’un ensemble d’équipements, de produits biocide et de licences, qui ont pu favoriser l’adoption d’un schéma contractuel atypique conduisant à un contrôle particulièrement étroit des différents intervenants de la chaine de distribution (pt. 121).

Par ailleurs, Emeraude Environnement, importateur-grossiste unique de Dow Agrosciences à la Réunion jusqu’au 31 décembre 2016, qui a refusé de fournir les produits Sentri tech à une société spécialisée dans la lutte anti-termites a été sanctionnée pour abus de position dominante (pts. 101-102) à hauteur de 5 000 euros.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS : L’Autorité de la concurrence sanctionne une PAC locale à la suite du refus d’une transaction proposée par le ministre

 

Par ailleurs, l’Autorité a rendu une autre décision concernant la Martinique, sans aucun autre rapport que la proximité géographique avec l’affaire précédente. Il s’agit de la décision n° 18-D-02 du 19 février 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux d’entretien d’espaces verts en Martinique.

Cette affaire fait suite au refus d’une transaction proposée aux entreprises aujourd’hui sanctionnées par le ministre de l’économie dans le cadre de ses pouvoirs de correction et de sanction des PAC locales. Le ministre a donc saisi l’Autorité, qui confirme dans la présente décision les constatations établies par le ministre. Appliquant là encore un mode de fixation forfaitaire, l’Autorité inflige solidairement à la société Groupe Fontaine, à la société SCEA Les Bougainvillées et à la société SAS Madianet des sanctions pécuniaires d’un montant respectif de 10 000 euros, 10 000 euros et 60 000 euros. En revanche, aucune sanction pécuniaire n’est prononcée à l’égard des deux plus petites filiales du groupe. La disparité des sanctions tient a fait que les cinq entreprises en cause, qui appartiennent au même groupe, réalisent des chiffres d’affaires très différents et parfois très faibles, et ne se trouvent pas dans des situations comparables.

Les faits reprochés au entreprises sont classiques. Alors que les trois sociétés mises en cause appartiennent au même groupe, elles ont présentées comme distinctes, lors de la passation d’un marché public local relatif à l’entretien d’espaces verts en Martinique, des offres élaborées de façon concertée afin de contourner les modalités d’allotissement décidées par le pouvoir adjudicateur, et notamment la limitation du nombre maximal de lots attribués à une même entreprise

À cette occasion, l’Autorité a rappelé que des entreprises appartenant à un même groupe, mais disposant d’une autonomie commerciale, peuvent présenter des offres distinctes et concurrentes, à la condition de ne pas se concerter avant le dépôt de ces offres. Dans l’autre sens, ces entreprises peuvent renoncer à leur autonomie commerciale à l’occasion d’une mise en concurrence et se concerter soit pour décider quelle sera l’entreprise qui déposera une offre, soit pour établir ensemble cette offre dans un groupement, à la condition de n’en présenter qu’une seule.

En revanche, si ces entreprises déposent plusieurs offres séparées, elles sont réputées manifester ainsi leur autonomie commerciale et garantir aux yeux du pouvoir adjudicateur l’existence d’une concurrence entre elles. Dans l’hypothèse où ces offres multiples auraient été établies en concertation, elles ne peuvent dès lors plus être considérées comme indépendantes et leur coordination peut être qualifiée d’entente anticoncurrentielle.

Au cas d’espèce, les sociétés du groupe Fontaine ont coordonné leurs offres avant de soumissionner au marché public lancé par le groupement de commandes SMHLM/OZANAM dans le but d’obtenir vingt lots sur vingt-trois. La coordination des niveaux de prix et la similitude du format de présentation des offres s’expliquent par le fait qu’elles ont été établies par les mêmes rédacteurs. Les pratiques en cause avaient pour objectif assumé de contourner la limitation des lots attribués à une même société et de tromper le responsable du marché sur la réalité de la concurrence entre les filiales du groupe.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.

Compliance : entre coopération et contrôle

Les relations entre entreprises et autorités de contrôle

Paris — 6 avril 2018

 

Bonjour,

L’ACE et l’AFJE organisent le 6 avril 2018 une conférence assez unique en son genre, puisqu’elle va réunir plusieurs autorités de contrôle autour du thème :

Compliance : entre coopération et contrôle — Les relations entre entreprises et autorités de contrôle

Maison du Barreau – 6 avril 2018 au matin

Programme et inscriptions :
ICI.

L'AFJE et l'ACE vous proposent une rencontre exceptionnelle avec les Autorités de contrôle pour aborder les différentes étapes de leur mission : de l'édition de recommandations, aux contrôles puis aux sanctions et transactions pénales ou civiles, cet échange permettra de mieux préparer l'entreprise aux réelles attentes des Autorités en matière de conformité.

Cette conférence sera l’occasion de dialoguer avec l’Agence française anticorruption (AFA), l’Autorité de la concurrence (ADLC), l’Autorité des marchés financiers (AMF), la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) (sous réserve), la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Autour de 3 tables rondes : Les lignes directrices ou autres recommandations ; Les contrôles des autorités ; La transaction administrative ou pénale.

L’autorité de la concurrence interviendra au cours des 2ème et 3ème tables rondes.

Bien cordialement,

Maria Lancri
Avocat à la Cour

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