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Hebdo n° 12/2018
19 mars 2018
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant qu’elle aurait dû examiner les conditions d’utilisation exclusive d’une infrastructure portuaire au regard du critère de l’investisseur privé en économie de marché, le Tribunal de l’Union juge qu’en présence de telles difficultés, la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen, et annule en conséquence la décision concluant à l’absence d’aide

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que la Commission est compétente pour dire que la prolongation de la durée de validité d’une aide d’État existante, fût-ce par une juridiction nationale statuant en référé, doit être considérée comme la modification de cette aide et donc comme une aide nouvelle, le Tribunal de l'Union rejette le recours du bénéficiaire de l’aide dans l'affaire du tarif préférentiel de l'électricité accordé à un électro-intensif grec

JURISPRUDENCE : Réduisant à la marge la sanction infligée à l’un des participants aux ententes des armatures métalliques et des treillis soudés à la Réunion pour cause de mauvaise application de la majoration au titre de l'appartenance à un groupe, la Cour d'appel de Paris, prenant par ailleurs ses distances avec la jurisprudence Manpower, confirme pour le reste la décision de l’Autorité

JURISPRUDENCE : La Cour d’appel de Paris, dans le droit fil de l’arrêt préjudiciel Coty, admet la validité du réseau de distribution sélective de produits de luxe [Commentaire de Muriel Chagny]

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JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant qu’elle aurait dû examiner les conditions d’utilisation exclusive d’une infrastructure portuaire au regard du critère de l’investisseur privé en économie de marché, le Tribunal de l’Union juge qu’en présence de telles difficultés, la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen, et annule en conséquence la décision concluant à l’absence d’aide


Le 15 mars 2018, le Tribunal de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire T-108/16 (Naviera Armas contre Commission européenne).

Aux termes de cet arrêt fort rigoureux, le Tribunal annule partiellement la
décision du 8 décembre 2015, par laquelle la Commission avait estimé, au stade de l’examen préliminaire, et donc sans ouvrir la procédure formelle d’examen, que l’utilisation exclusive par la compagnie maritime Fred Olsen de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves sur l’île de Grande Canarie, et ce, en dehors de tout appel d’offres public, transparent et non discriminatoire, n’avait engendré l’octroi d’aucune aide d’État.

Pendant 20 ans, jusqu’à l’aménagement de l’infrastructure portuaire et l’organisation d’un appel d’offres en 2014, Fred Olsen a jouit seul de cette infrastructure portuaire qui, en raison de ses caractéristiques propres, ne pouvait être mis à la disposition que d’un seul d’utilisateur. Dans sa plainte, Naviera Armas, une compagnie maritime concurrente, soutenait que les autorités espagnoles avaient, ce faisant, accordé des aides d’État illégales à Fred Olsen, en lui accordant le droit exclusif de développer des activités de transport maritime commercial à partir de Puerto de Las Nieves sans avoir lancé d’appel d’offres public, transparent et non discriminatoire, et, sans avoir à supporter de redevance, ce qui trahissait un financement à l’aide de fonds publics de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves, construite en vue de son usage exclusif par Fred Olsen.

Dans son recours, la requérante reprochait à la Commission d’avoir omis d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE, en dépit des difficultés sérieuses soulevées par l’appréciation des mesures dénoncées dans la plainte. Selon elle, l’existence de difficultés sérieuses découlaient de la durée de la procédure d’examen préliminaire et de l’intensité des échanges qui ont eu lieu au cours de celle-ci entre la Commission et le Royaume d’Espagne, mais aussi des erreurs manifestes dans l’appréciation des faits et des erreurs de droit.

Après un rappel des conditions dans lesquelles la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE (pts. 46-51), le Tribunal commence par se pencher sur les conditions dans lesquelles s’est passée la procédure d’examen préliminaire. À cet égard, il estime que, tant le déroulement de la procédure que l’évolution de la situation en cause ainsi que les échanges complémentaires qui en ont résulté entre la Commission et le Royaume d’Espagne, d’une part, et entre la Commission et l’intervenante, d’autre part, constituent des circonstances objectives ayant pu contribuer à allonger la durée de l’examen préliminaire des mesures identifiées dans la plainte comme des aides d’État. Par conséquent, il conclut que la durée de la procédure d’examen préliminaire n’est pas en elle-même révélatrice de difficultés sérieuses qui obligeaient la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE (pts. 72-73).

Le Tribunal en vient alors au contenu même de la décision. À cet égard, il examine principalement les éventuelles erreurs manifestes d’appréciation des faits et  erreurs de droit concernant l’examen des conditions d’utilisation exclusive de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves par Fred Olsen. Sur ce point, le Tribunal relève que si cette dernière compagnie dernier n’a pas bénéficié, depuis qu’elle exerce des activités de transport maritime à partir de Puerto de Las Nieves, d’une concession ou de tout autre droit exclusif pour l’utilisation de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves à des fins de transport commercial, elle était, au moment de l’adoption de la décision attaquée, depuis 1994 la seule à pouvoir utiliser cette infrastructure à de telles fins, les demandes d’autorisation d’accostage formulées par d’autres compagnies, y compris par la requérante, ayant toutes été rejetées par le gestionnaire de l'infrastructure jusqu’à l’organisation d’un appel d’offres en 2014 (pt. 79).

Parmi les motifs sur lesquels repose le constat de la Commission selon lequel l’utilisation exclusive de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves par l’intervenante ne constitue pas une aide d’État, figure la circonstance que l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves n’a été ni planifiée ni développée en vue de bénéficier spécifiquement à l’intervenante ou à toute autre compagnie maritime. À cet égard, le Tribunal rappelle Un avantage est susceptible d’être accordé en méconnaissance de l’article 107, § 1, TFUE même lorsqu’il n’a pas été spécifiquement institué au profit d’une entreprise ou de certaines entreprises déterminées (pt. 87). Dès lors, un tel constat ne serait pas de nature à exclure que les conditions dans lesquelles cette infrastructure a été mise à la disposition de l’intervenante à des fins d’utilisation commerciale aient pu impliquer l’octroi d’aides d’État à celle-ci (pt. 88). Au cas d’espèce, la requérante et la compagnie maritime Fred Olsen se trouvaient dans des situations comparables, de sorte que la Commission était en tout état de cause tenue d’examiner si d’autres éléments que le fait que l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves n’avait été ni planifiée ni développée en vue de bénéficier spécifiquement à l’intervenante étaient de nature à exclure l’existence d’une aide d’État au profit de cette dernière (pt. 90).

Le Tribunal examine ensuite le point de savoir si l’utilisation exclusive de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves dont a bénéficié la compagnie maritime Fred Olsen constitue en soi, à supposer même que cette entreprise se soit acquittée de toutes les taxes réglementaires dues, un avantage accordé de manière sélective au moyen de ressources d’État. Sur ce point, la Commission s’est contentée de relever que, dès lors que les taxes exigées pour l’utilisation de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves étaient les mêmes que celles perçues dans des ports comparables et que le gestionnaire du port avait entrepris les démarches nécessaires pour assurer un accès ouvert et non discriminatoire audit port, Fred Olsen n’avait donc pu bénéficié d’une aide d’État.

Rappelant que l’exigence d’examen diligent et impartial par la Commission des plaintes qui lui sont transmises impose à cette institution, lorsqu’elle est saisie d’une plainte fondée sur une violation de l’article 107, § 1, TFUE et identifiant de manière non équivoque et circonstanciée des mesures à l’origine de cette violation, qu’il appartient d’examiner avec soin si ces mesures peuvent être qualifiées d’aides d’État, au besoin en sollicitant la coopération de l’État membre concerné et en prenant en considération des éléments qui n’ont pas été expressément évoqués par le plaignant (pt. 102), le Tribunal observe que la requérante avait indiqué sans équivoque dans sa plainte que Fred Olsen bénéficiait d’aides d’État en ce que, en substance, cette dernière n’était pas tenue au paiement d’une contrepartie correspondant à la valeur économique réelle de son droit d’utiliser seule l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves à des fins de transport commercial. Ce faisant et contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante avait identifié avec un degré suffisant de précision dans la plainte en quoi elle estimait que les conditions d’utilisation de cette infrastructure par l’intervenante avaient procuré à cette dernière un avantage financé au moyen de ressources d’État (pt. 107). Par suite, conclut le Tribunal, c’est à tort que la Commission a estimé que la requérante avait omis d’identifier dans la plainte un avantage accordé au moyen de ressources d’État au seul motif qu’elle n’avait pas cherché à remettre en cause dans celle-ci le niveau des taxes portuaires dues par l’intervenante au titre de l’utilisation de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves à des fins de transport commercial (pt. 108). il appartenait dès lors à la Commission, en vertu du devoir qui lui incombait de procéder à un examen diligent et impartial de la plainte dont elle était saisie, de vérifier, en utilisant les critères appropriés, si l’intervenante avait bénéficié d’un avantage accordé au moyen de ressources d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison des conditions dans lesquelles elle utilisait l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves à des fins de transport commercial depuis le milieu des années 1990. Or, il s’avère que la Commission n’a pas vérifié si les taxes portuaires acquittées par l’intervenante couvraient les coûts supportés par le gestionnaire du port et lui procuraient à un bénéfice raisonnable (pt. 110).

Répondant aux objections avancées par la Commission, le Tribunal énonce que la seule circonstance qu’un bien du domaine public ne peut, en raison de ses caractéristiques propres, être mis à la disposition que d’un nombre limité d’utilisateurs, voire d’un seul, ne suffit pas à exclure qu’une telle mise à disposition puisse s’analyser comme un avantage sélectif accordé au moyen de ressources d’État, y compris lorsque cette limitation trouve son origine dans des considérations de sécurité (pt. 114). Ainsi, relève-t-il, la notion d’aide peut aussi recouvrir des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise (pt. 115). Dès lors que l’activité par laquelle est gérée l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves et elle est mise à disposition d’une compagnie maritime utilisatrice, moyennant le paiement de taxes portuaires, constitue bien une activité « économique », c’est à l’aune du critère de l’investisseur privé agissant en économie de marché qu’il appartenait à la Commission de vérifier si le comportement du gestionnaire avait procuré à Fred Olsen un avantage qu’elle n’aurait pas reçu dans des conditions de concurrence normales (pt. 119). À cet égard, la circonstance que Fred Olsen ait pu utiliser l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves en dehors de tout contrat de concession et qu’elle n’ait ainsi pas été tenue au paiement d’une redevance n’était nullement de nature à exclure que les conditions d’utilisation de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves par l’intervenante, à des fins de transport commercial, aient pu procurer à celle-ci un avantage financé au moyen de ressources d’État (pt. 121).

Au cas d’espèce, l’examen tenant à l’existence d’un avantage accordé au moyen de ressources d’État en raison des conditions dans lesquelles a été autorisée l’utilisation de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves à des fins de transport commercial supposait que la Commission apprécie concrètement si les taxes portuaires acquittées par Fred Olsen, assimilables à des redevances perçues pour l’utilisation de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves, étaient d’un montant au moins équivalent à la compensation qu’un opérateur privé, agissant dans des conditions de concurrence normales, aurait pu obtenir en contrepartie d’une telle mise à disposition (pt. 124). Cette appréciation concrète était d’autant plus nécessaire que l’utilisation exclusive de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves à des fins de transport commercial dont bénéficie l’intervenante depuis le milieu des années 1990 ne trouve pas son origine dans une procédure d’appel d’offres ouverte et non discriminatoire (pt. 131). Au surplus, ni le fait que Fred Olsen s’était acquitté de l’ensemble des taxes réglementaires mises à sa charge pour l’utilisation de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves, ni la circonstance que le gestionnaire dudit port appliquait dans tous les autres ports relevant de sa compétence les mêmes taxes réglementaires, calculées de la même manière, n’étaient de nature à dispenser la Commission de procéder à une telle appréciation concrète (pt. 125). Dès lors, pour le Tribunal, il n’est pas établi que la condition tenant à l’existence d’un avantage accordé au moyen de ressources d’État n’était en tout état de cause pas remplie en l’espèce. Il estime que, du fait de ces omissions,  l’analyse par la Commission de la plainte lors de la procédure d’examen préliminaire a été entaché d’une lacune importante, laquelle constitue un indice que l’examen de la mesure mise en cause dans le cadre de ces griefs soulevait une difficulté sérieuse (pt. 127).

Et le Tribunal de conclure que l’absence d’appréciation concrète par la Commission de la question de savoir si les taxes portuaires acquittées par l’intervenante en contrepartie de l’utilisation exclusive de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves à des fins de transport commercial correspondaient à la contrepartie qu’un investisseur privé aurait pu obtenir pour une telle utilisation dans des conditions normales de marché ainsi que la durée particulièrement longue de la procédure d’examen préliminaire constituent des indices que l’examen de l’utilisation exclusive de l’infrastructure portuaire de Puerto de Las Nieves au regard de l’interdiction édictée à l’article 107, § 1, TFUE soulevait des difficultés sérieuses. Il en découle que la Commission, en présence de telles difficultés, était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE en vue d’apprécier si l’intervenante avait bénéficié d’une aide d’État au titre de cette utilisation exclusive.

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que la Commission est compétente pour dire que la prolongation de la durée de validité d’une aide d’État existante, fût-ce par une juridiction nationale statuant en référé, doit être considérée comme la modification de cette aide et donc comme une aide nouvelle, le Tribunal de l'Union rejette le recours du bénéficiaire de l’aide dans l'affaire du tarif préférentiel de l'électricité accordé à un électro-intensif grec

 

Le 13 mars 2018, le Tribunal de l’Union a une nouvelle fois, à la suite du renvoi du dossier après annulation par la Cour, examiné le recours du bénéficiaire d’une aide contre la décision adoptée le 13 juillet 2011 aux termes de laquelle la Commission avait décidé que la République hellénique avait illégalement octroyé à la requérante une aide d’État d’un montant de 17,4 millions d’euros par l’application du tarif préférentiel pour la fourniture d'électricité de janvier 2007 à mars 2008, en violation de l’article 108, § 3, TFUE, et, jugeant au surplus ladite aide incompatible avec le marché intérieur, avait enjoint à la République hellénique de la récupérer auprès de la requérante.

Aux termes du
présent arrêt, le Tribunal rejette l’intégralité des moyens du recours.

Rappelant que la prolongation de la durée de validité d’une aide d’État existante, fût-ce par une juridiction nationale statuant en référé, doit être considérée comme la modification de cette aide et donc comme une aide nouvelle, la Cour de justice de l'Union avait ainsi censuré le Tribunal, à la faveur d’un
arrêt du 26 octobre 2016, pour une qualification erronée d'aide existante dans l'affaire du tarif préférentiel de l'électricité accordé à un électro-intensif grec.

La requérante, producteur d'aluminium en Grèce, est un industriel électro-intensif, qui obtenu dès 1960, donc bien avant l'adhésion de la Grèce à la Communauté européenne, un tarif préférentiel par contrat reconductible auprès l'opérateur historique grec. En février 2004, ce dernier a avisé la requérante de la résiliation de son contrat et a cessé, à compter de la fin du mois de mars 2006, de lui appliquer le tarif préférentiel. La requérante a contesté la résiliation devant les juridictions nationales compétentes. Le Tribunal de grande instance d'Athènes, statuant en référé, a suspendu les effets de la résiliation, estimant que la résiliation n’était pas valide. Ordonnance de référé que l'opérateur historique a contesté auprès d'une autre juridiction qui lui a donné gain de cause au terme d'une seconde ordonnance. En conséquence, entre la résiliation et la première ordonnance et après l'adoption de la seconde ordonnance, le tarif normal avait été appliqué. En revanche, entre la première et la seconde ordonnance, c'est le tarif préférentiel initial qui avait continué de s'appliquer.

La Commission, forte de la jurisprudence en vertu de laquelle la prolongation d’une aide existante constitue une nouvelle aide qui doit être notifiée, avait conclut à l'illégalité de la mesure d'aide et par suite à sa récupération. Dans le recours qu'elle a introduit devant le Tribunal, la requérante estimait que la décision attaquée était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Du fait de la première ordonnance de référé, qui a maintenu le tarif préférentiel pendant 14 mois, se trouvait-on en présence d'une aide nouvelle notifiable ou d'une aide existante ?

Aux termes de son premier
arrêt du 8 octobre 2014, le Tribunal avait considéré que l'on ne se trouvait pas en présence d'une aide nouvelle. Estimant que c'est seulement dans l’hypothèse où la modification affecte le régime initial dans sa substance même que ce régime se trouve transformé en un régime d’aides nouveau, le Tribunal avait considéré que la première ordonnance de référé qui avait maintenu, provisoirement, le tarif préférentiel durant la période en cause, n’avait eu ni pour objet ni pour effet de modifier la substance de l’aide existante. Partant, selon le Tribunal, le juge des référés, plutôt que d’octroyer une nouvelle aide, comme l’avait retenu la Commission, s’était contenté de trancher provisoirement le litige dont il était saisi, portant sur le point de savoir si le contrat à l’origine du tarif préférentiel avait cessé de produire ses effets. Il en avait alors déduit que la suspension de la résiliation du contrat à la suite de la première ordonnance de référé ne s’appréciait pas en un nouvel avantage distinct de l’aide existante. De sorte qu'elle ne saurait être regardée comme l’institution ou la modification d’une aide, au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Admettre le contraire, avait-il estimé, contraindrait, en fait et en droit, la juridiction nationale statuant en référé sur un litige portant sur un contrat, comme en l’espèce, à notifier à la Commission et à soumettre à son contrôle préventif non seulement les aides nouvelles ou les modifications d’aides proprement dites accordées à une entreprise bénéficiaire d’une aide existante, mais toutes les mesures qui affectent l’interprétation et l’exécution dudit contrat qui peuvent avoir des incidences sur le fonctionnement du marché intérieur, sur le jeu de la concurrence ou simplement sur la durée effective, pendant une période déterminée, d’aides qui demeurent existantes dans leur principe et alors que la Commission n’a pris aucune décision d’autorisation ou d’incompatibilité.

Sur quoi, la Cour de justice a estimé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que la première ordonnance rendue par le juge grec ne saurait être regardée comme l’institution ou la modification d’une aide existante. Dès lors que le contrat de 1960 devait prendre fin le 31 mars 2006, en rétablissant l’application du tarif préférentiel durant la période en cause, la première ordonnance de référé a eu pour effet de modifier les limites temporelles d’application dudit tarif, telles que convenues dans le contrat de 1960, et donc les limites temporelles du régime d’aide tel qu’approuvé par la Commission dans sa décision du 23 janvier 1992. La première ordonnance de référé devait, par conséquent, être considérée comme constituant une modification d’une aide existante, dès lors que la prolongation de l’application du tarif préférentiel n’avait pas découlé automatiquement du contrat de 1960, mais avait résulté de la première ordonnance de référé.

Au soutien du présent recours, le bénéficiaire de l’aide invoquait neuf moyens. Les trois premiers moyens, invoqués à titre principal, étaient dirigés contre la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle. Quatre autres moyens, invoqués à titre subsidiaire, étaient dirigés contre la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État. Enfin, les deux derniers moyens, invoqués à titre plus subsidiaire, étaient dirigés contre l’obligation de récupération.

S’agissant en premier lieu des moyens principaux dirigés contre la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle, la requérante soutenait d’abord que la Commission n’était pas compétente pour adopter ladite décision dans la mesure où elle se serait prononcée sur le contenu purement national du litige. Elle aurait ainsi outrepassé ses compétences en considérant que le contrat avait expiré en mars 2006, que la résiliation était valide et que la première ordonnance de référé avait prolongé une aide existante, nonobstant les termes du contrat et le régime juridique en vigueur ainsi que les conditions et les effets d’une ordonnance de référé en droit national.

Sur quoi le Tribunal, rappelant que la Commission dispose d’une compétence exclusive pour apprécier la compatibilité des mesures d’aides avec le marché intérieur (pt. 55), retient qu’elle n’en demeure pas moins manifestement compétente pour décider qu’une mesure nationale donnée avait constitué une aide nouvelle. En effet, il appartient à la Commission de procéder à l’examen de toute aide nouvelle, en ce compris non seulement tout projet d’aide, mais également toute modification substantielle d’une aide existante, de sorte que lesdits projets ou modifications doivent lui être notifiés en application de l’article 108, § 3, TFUE. Aussi, même dans les circonstances de l’espèce, la Commission était-elle compétente pour apprécier l’existence d’une aide nouvelle. La Commission pouvait ainsi, à bon droit, procéder à l’interprétation du contrat et du cadre juridique national applicable, tant matériel que procédural, aux fins d’apprécier l’existence d’une aide nouvelle, sans préjudice du contrôle, par le Tribunal, du bien-fondé de cette appréciation (pts. 57-60).

La requérante soutenait en second lieu que la Commission avait enfreint le principe de protection juridictionnelle effective : en considérant que la résiliation était valide, nonobstant un litige encore pendant devant les juridictions nationales et la première ordonnance de référé portant précisément sur cette question, la Commission aurait enfreint le principe de protection juridictionnelle effective, lequel comprend la protection juridictionnelle au provisoire.

À cet égard, le Tribunal estime qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir, par la décision attaquée, enfreint le droit de la requérante d’agir devant les juridictions nationales aux fins d’obtenir une protection de ses droits au provisoire. Il en veut pour preuve l’existence même de la première ordonnance de référé, mais aussi celle de la seconde ordonnance de référé, laquelle a révoqué la première ordonnance de référé avant que ne fût adoptée la décision attaquée (pts. 70-71).

Quant au moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation, le Tribunal conclut la Commission a motivé, à suffisance de droit, la décision attaquée pour conclure à la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle (pt. 92), rejetant du même coup les griefs de concision excessive (pt. 83), d’absence d’explication de sa jurisprudence nouvelle (pt. 86) et d’absence de motivation de la validité de la résiliation (pt. 89).

Passons à présent aux quatre moyens dirigés contre la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État.

En premier lieu, la requérante contestait l’existence d’un avantage, la sélectivité et les effets du tarif préférentiel sur les échanges entre États membres et sur la concurrence.

Sur l’existence d’un avantage, le Tribunal relève d’abord que le tarif préférentiel pratiqué en faveur de la requérante, en application d’un décret législatif, dérogeait à la réglementation tarifaire de droit commun prévoyant un tarif normal obligatoire (pt. 117) ; que ce tarif était inférieur au tarif normal appliqué aux grands consommateurs industriels et au producteur d’électricité (pt. 118) ; que la requérante a été le seul grand consommateur industriels à s’être vu appliquer le tarif préférentiel (pt. 120) et qu’elle a vu les charges qui la grevaient, en termes de coûts de production, allégées par l’application du tarif préférentiel (pt. 122). Le Tribunal relève ensuite qu’il appartenait à la la République hellénique de faire valoir qu’un tel avantage pouvait ne pas constituer une aide d’État, au sens de l’article 107, § 1, TFUE, s’il était objectivement justifié par des raisons économiques, ce que cet État membre s’est abstenu de faire (pts. 125-127). Du reste, comme le tarif préférentiel s’inscrivait, durant la période en cause, en deçà des coûts de production correspondants du fournisseur d’électricité de la requérante et que ledit tarif n’était aucunement compensé par ailleurs, le tarif préférentiel ne pouvait être justifié par des raisons économiques la concernant (pts. 128-129).

De la même façon, le Tribunal confirme que le critère de l’investisseur privé n’était pas applicable dans les circonstances très particulières de l’espèce. En effet, estime le Tribunal, il peut être raisonnablement exclu qu’un investisseur privé ait entendu pratiquer un tarif à la hauteur du tarif préférentiel plutôt que de se soumettre au tarif normal d’un montant supérieur, sauf à envisager des compensations dont la requérante n’a nullement fait état (pt. 132). En ce sens, il ne semble pas rationnellement envisageable que le fournisseur d’électricité de la requérante ait volontairement renoncé au tarif préférentiel en résiliant le contrat de fourniture le prévoyant si l’application du tarif normal devait porter atteinte à ses intérêts économiques (pt. 133).

Sur la sélectivité, la requérante soutenait en substance que le tarif préférentiel serait justifié par la spécificité de la catégorie de clientèle de la requérante, en tant qu’entreprise grande consommatrice d’électricité, et par le secteur dans lequel elle opère, à savoir le marché mondial de l’aluminium (pt. 143). Sur quoi, le Tribunal peut se contenter de relever que la requérante admet elle-même que, si une autre entreprise avait également bénéficié du tarif préférentiel, cela n’aurait pas été le cas durant la période en cause, les effets de la première ordonnance de référé ayant été cantonnés aux parties au litige, à savoir la requérante et son fournisseur d’électricité (pt. 147).

Quant aux effets sur les échanges entre États membres et sur la concurrence, le Tribunal relève à son tour que la requérante était présente dans un secteur où les produits faisaient l’objet d’échanges intensifs entre les États membres et que, dès lors qu’elle considérait que la mesure en cause renforçait la position de la requérante par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges entre les États membres, la Commission a pu conclure, à bon droit, que ces dernières étaient lésées par ladite mesure et, partant, que le critère de la distorsion de concurrence et de l’incidence sur les échanges entre États membres était rempli (pts. 159-160).

Pour le reste, le Tribunal écarte les griefs de violation du principe de protection de la confiance légitime (pt. 174), de violation des droits de la défense, dès lors que la procédure de contrôle des aides d’État n’étant pas une procédure ouverte à l’encontre du bénéficiaire ou des bénéficiaires des aides, celui-ci ou ces derniers ne sauraient se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels (pt. 191) et qu’en tout état de cause la requérante a été entendue à la suite de la décision d’ouvrir la procédure, de sorte qu’elle ne saurait, à bon droit, invoquer une violation de ses droits de la défense (pt. 197).

Enfin, sur les moyens dirigés contre l’obligation de récupération, le Tribunal, écartant là encore une violation de l’obligation de motivation, estime que c’est à bon droit que la Commission a décidé que le montant de l’aide à récupérer était constitué de la différence, durant la période en cause, entre le tarif normal et le tarif préférentiel, dès lors qu’elle a considéré que ce dernier tarif était constitutif d’un avantage (pt. 235).

JURISPRUDENCE : Réduisant à la marge la sanction infligée à l’un des participants aux ententes des armatures métalliques et des treillis soudés à la Réunion pour cause de mauvaise application de la majoration au titre de l'appartenance à un groupe, la Cour d'appel de Paris, prenant par ailleurs ses distances avec la jurisprudence Manpower, confirme pour le reste la décision de l’Autorité

 

À la faveur d'un arrêt rendu le 15 mars 2018, la Cour d’appel de Paris est venue pour l’essentiel confirmer la décision n° 16-D-09 du 12 mai 2016, par laquelle l’Autorité de la concurrence a sanctionné six entreprises, à hauteur de 5 021 000 euros, pour leur participation à des ententes dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés à la Réunion.

Tout juste la Cour d’appel réduit-elle à la marge la sanction infligée à l’un des participants aux ententes, plus précisément les sociétés Ravate, en diminuant le montant de la majoration de la sanction prononcée contre ces sociétés pour cause d’appartenance à un groupe d'une taille et d'une puissance économique très supérieures à celles des autres sociétés qui ont été sanctionnées. Le hic tenait au fait que l’Autorité avait le retenue la même majoration de 15 % à l’égard des sociétés d’un autre groupe alors que le chiffre d’affaires de ce dernier était presque trois fois plus élevé que celui du groupe Ravate. Estimant que l'application, au titre de l'appartenance à un groupe, d'un taux de majoration identique pour deux entreprises se trouvant dans des conditions objectives différentes est contraire au principe de proportionnalité, la Cour a réduit à 7 % le montant de la majoration de la sanction prononcée contre les sociétés du groupe Ravate. Ce faisant, la Cour d’appel de Paris invite instamment l’Autorité de la concurrence à faire une application plus fine et plus subtile de la prise en compte du poids relatif des groupes en présence lorsqu’elle entend majorer les sanctions infligées, au titre de l'appartenance à un groupe.

Pour le reste, la Cour rejette donc l’ensemble des moyens soulevés dans le présent recours par deux des entreprises sanctionnées par l’Autorité, les sociétés Ravate et la société Sermétal Réunion.

On se souvient que l’Autorité avait sanctionnée trois ententes : une première entente entre quatre entreprises, qui s’est déroulée du mois de juin 2006 au mois d’avril 2007, visant une répartition des marchés de la production des treillis soudés à la Réunion, dans le contexte de l’arrivée sur le marché de l’entreprise Arma Sud Réunion ; Une deuxième entente entre deux entreprises, qui s’est déroulée du mois de mai 2006 au mois de juin 2008, visant une répartition des marchés de la production des armatures métalliques à la Réunion, dans le contexte de l’arrivée sur le marché de l’entreprise Arma Sud ; et une troisième entente à laquelle six entreprises ont pris part, qui s’est déroulée du mois de juin 2005 au mois de mars 2011, constituant une infraction unique, complexe et continue sur les marchés de l’importation, du négoce et de la revente des treillis soudés, par laquelle les participants ont tenté de limiter le développement des revendeurs/négociants alternatifs, notamment au travers de comportements de discrimination tarifaire et de blocage des importations de produits finis.

Ces infractions au droit de la concurrence, dont l’objet était de répartir les marchés sur l’île de la Réunion et d’empêcher le développement de nouveaux acteurs, ont été considéré comme particulièrement graves. S'agissant d'ententes horizontales de répartition de marchés, mais aussi de l'infraction unique, complexe et continue, l'Autorité a retenu qu'elles constituaient des pratiques anticoncurrentielles par objet, qu’elles sont intervenus dans un contexte économique spécifique, marqué par le caractère insulaire de l’économie réunionnaise, qu’elles ont affecté l’ensemble des activités de travaux publics à la Réunion, notamment le très important chantier de la route des Tamarins et qu’elles ont donc causé un dommage certain à l’économie de l’île. Tout cela justifiant respectivement une proportion de 14 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions pécuniaires, pour les deux premières et de 15 % pour la troisième.

Aux termes du présent arrêt, la Cour d’appel de Paris commence par examiner les contestations concernant l’application de la jurisprudence Manpower au cas d’espèce. Celle-ci permet à l’Autorité, lorsqu’une des entreprises mises en cause consent à ne pas contester les griefs, de considérer que les faits et leur qualification juridique sont également établis à l’égard des entreprise n’ayant pas renoncé à contester les griefs, de sorte que l’Autorité n’aurait plus qu’à déterminer que ces entreprises ont bien participé à l’entente.

On se souvient que, dans la présente affaire, une demande de QPC précisément sur ce point avait été rejetée par la Cour, estimant en substance que le lien entre le texte de loi et la décision de la Cour de cassation était trop distendu, de sorte qu’un éventuel contrôle par le Conseil constitutionnel reviendrait davantage à instaurer un contrôle des décisions de la Cour de cassation qu’à opérer un contrôle de constitutionnalité de la disposition déférée. Comme la position adoptée par la Cour de cassation dans sa jurisprudence Manpower demeure éminemment contestable, il ne restait plus aux entreprises qu’à alimenter la Cour d’appel de Paris pour qu’elle fasse acte de résistance à l’égard de cette jurisprudence.

C’est ce qu’ont fait les entreprises dans la présente affaire. Certes, au final, la Cour d’appel de Paris ne fait pas droit à leur requête. Toutefois, cette dernière prend soin de rappeler qu’au cas d’espèce, ce n’est qu’à l’égard de la mise en cause qui a consenti à ne pas contester les griefs, que l'Autorité a conclu qu'elle pouvait considérer que l’infraction était établie. S’agissant des entreprises qui n’ont pas renoncé à contester les griefs, la Cour relève immédiatement que, dans la décision attaquée, l’Autorité, dans un premier temps, a procédé à leur égard aux constatations pertinentes relatives aux pratiques en cause, qui ont été relevées dans le cadre de l'enquête de la DGCCRF et de l'instruction par les rapporteurs, puis, dans un deuxième temps, après avoir ainsi démontré la matérialité de l’entente à leur égard, s'est attachée à déterminer si les requérantes avaient ou non participé à ladite entente (pt. 35). Ce faisant, la Cour d’appel de Paris semble prendre ici ses distances avec la jurisprudence Manpower sus-mentionnée et, partant, inviter instamment l’Autorité à démontrer positivement la matérialité de l’entente à l’égard de tous les participants à l’entente, à l’exception des mises en cause qui ont consenti à ne pas contester les griefs à elles notifiées.

Pour le reste, la Cour écarte le grief de violation du principe non bis in idem du fait de la proximité des griefs n° 2 et n° 5. À cet égard, la Cour de Paris observe que les faits pour lesquels les requérantes ont été sanctionnées au titre du grief n° 2 se distinguent, sans se confondre avec eux, de ceux pour lesquels elles ont été sanctionnées au titre du grief n° 5 (pt. 50-52).

La Cour confirme également à propos du grief n° 5 l'établissement d'un système de différenciation tarifaire (pt. 67-72) et la mise en place de mesures de blocage et de surveillance des importations (pt. 73-80). Par ailleurs, elle confirme, à propos de l'accord d'exclusivité territoriale, analysé par l’Autorité comme un accord de répartition des marchés de transport de fret, que les agissements en cause ne peuvent être considérés comme de simples tentatives, mais sont la mise en œuvre d'une stratégie commune ayant pour objet explicite, afin de faire obstacle aux importations de la société Mogamat, la mise en place d'une répartition du marché de transport du fret vers Madagascar et la Réunion (pt. 81-86).

Enfin, la Cour d’appel confirme l'existence d'une infraction unique depuis juin 2005, estimant que les éléments du dossier démontrent que l’on est en présence d’une infraction unique, complexe et continue, justifiant de les incriminer dans le même grief : l’identité d'objet et la complémentarité des pratiques rendent inopérant l’argument des requérantes selon lequel le délai de treize mois qui s'est écoulé entre les pratiques de juin 2005 et celles de juillet 2006 marquerait une discontinuité interdisant de les regrouper dans un même grief (pt. 103). Au final, la Cour estime que c’est à juste titre que l’Autorité a, dans la décision attaquée, retenu que les requérantes avaient participé, entre juin 2005 et mars 2011, aux pratiques anticoncurrentielles objet du grief n° 5 (pt. 133).

S'agissant à présent du calcul de la sanction, on notera que la Cour confirme le prononcé de sanctions distinctes au titre des griefs n° 2 et 5, au motif que les marchés visés par les griefs n° 2 et 5 ne sont pas identiques, puisque le grief n° 2 visait une répartition du marché de la transformation des treillis soudés et le grief n° 5 visait une restriction de l'accès des négociants alternatifs au marché de la revente de treillis soudés, circonstance suffisant à expliquer le choix de l’Autorité d’appliquer deux sanctions distinctes (pt. 141).

Sur la prise en compte de la valeur des ventes dans l'assiette du montant de base, la Cour rappelle que la valeur des ventes, utilisée comme une référence objective et appropriée doit s'entendre, non pas des seules ventes affectées par l'infraction, lesquelles peuvent, en revanche, relever d'un examen des effets des pratiques en cause, mais des ventes réalisées sur le marché affecté par cette infraction, afin, comme le prévoit le communiqué sanctions, de refléter l'ampleur économique de l'infraction, mais aussi le poids relatif de l'entreprise sur le secteur ou le marché concerné (pt. 147).

Sur la proportion de la valeur des ventes en fonction de la gravité et du dommage causé à l’économie, les requérantes soutenaient que l'Autorité ne pouvait pas, comme elle l'a fait, apprécier d'une façon identique, par une seule et même analyse, la gravité des faits relevant des griefs n° 2 et 4 et le dommage à l'économie en résultant et, en conséquence, retenir une même proportion de la valeur des ventes, qu'elle a fixée à 14 %. À cet égard, elles faisaient principalement valoir que les pratiques relevant de ces deux griefs étaient différentes quant à leur durée et aux marchés qu'elles ont affectés, et que les premières, à l'inverse des secondes, n'avaient pas eu d'impact sur le chantier de la construction de la route des Tamarins, de sorte que leurs conséquences conjoncturelles et structurelles étaient distinctes. Approuvant l'Autorité d’avoir retenu que, par leur nature, tant les pratiques relevant du grief n° 2 que celles relevant du grief n° 4 constituaient des ententes horizontales procédant à une répartition artificielle des marchés, considérées comme d'une « particulière gravité », la Cour d’appel de Paris, qui admet que les pratiques relevant du grief n° 2 et celles relevant du grief n° 4 n’ont pas affecté le même nombre de marchés (pt. 159), observe cependant que le fait que les pratiques incriminées aient coïncidé avec le chantier de la route des Tamarins, qui a entraîné une augmentation de la demande en armatures métalliques, et pas en treillis soudés, a seulement à voir avec la taille des marchés visés respectivement par le grief n° 2 et par le grief n° 4 – laquelle avait déjà été prise en compte dans le calcul de la sanction, fondée sur la valeur des ventes affectées (pt. 162).

Dans la décision attaquée, l’Autorité avait accordé une réduction de 60 % à la société Sermétal en raison du caractère monoproduit de son activité. La requérante soutenait dans son recours que le caractère monoproduit de son activité était plus accentué que ne l’avait retenu l’Autorité et demandait en conséquence une réduction plus importante. La Cour d’appel la lui refuse estimant que l’Autorité a justement apprécié l’intensité du caractère monoproduit de son activité, dans le respect du principe d'égalité (pt. 214).

Enfin, la Cour rappelle, à propos de la demande de réduction du montant des sanctions prononcées contre la société Sermétal du fait des difficultés économiques qu’elles rencontre, que la prise en compte de la faible capacité contributive d’une société ne s'apprécie pas uniquement au regard des résultats, de la capacité de la société à produire de la valeur, mais également au regard de son patrimoine, plus spécifiquement de ses actifs, ce nonobstant leur origine (pt. 229). Dès lors, conclut-elle, si l’entreprise connaît des difficultés du fait de la baisse de son chiffre d'affaires, sa capacité contributive n'est néanmoins pas atteinte au vu de son patrimoine, suffisant pour amortir ces difficultés, payer la sanction, effectuer les investissements invoqués et maintenir son fonds de roulement (pt. 231).

Enfin, On se souvient que l'Autorité avait ordonné la publication, à frais partagés des entreprises sanctionnées et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans divers quotidiens réunionnais d'un résumé de la décision. À cet égard, les requérantes soutenaient qu’en dépit du fait qu'aucun des griefs pour lesquels elles ont été condamnées ne portait sur le secteur des armatures métalliques ni ne concernait le chantier de construction de la route des Tamarins, tant le communiqué que l'Autorité a publié sur son site internet à la suite de la décision attaquée que le résumé de cette décision dont elle a ordonné la publication, établissaient un lien erroné entre ce chantier et les pratiques qui leur sont imputées et qu'il résultait de cet amalgame un préjudice quant à leur image et leur réputation auprès des entreprises locales. Sur quoi la Cour, écartant tout risque de confusion, retient que l’évocation du chantier de la route des Tamarins n’avait pas pour objet de suggérer que les agissements des requérantes l'auraient directement impacté, mais pour illustrer le fait qu’il relève de « l’ensemble des activités de travaux publics à la Réunion ». Elle rejette en conséquence la demande des requérantes.

JURISPRUDENCE : La Cour d’appel de Paris, dans le droit fil de l’arrêt préjudiciel Coty, admet la validité du réseau de distribution sélective de produits de luxe [Commentaire de Muriel Chagny]

 

DISTRIBUTION SÉLECTIVE – ENTENTE – PLATEFORMES – EXCLUSION DES PURE-PLAYERS – PROTECTION TERRITORIALE – LOYAUTÉ DE LA PREUVE

Un arrêt Coty chasse l’autre… À vrai dire, l’
arrêt Coty rendu, le 28 février 2018, par la Cour d’appel de Paris, plutôt que de chasser l’arrêt préjudiciel éponyme du 6 décembre 2017, s’inscrit dans son prolongement. La Cour de justice y avait répondu aux interrogations soulevées par une juridiction allemande  notamment quant au sort réservé, au regard de l’interdiction des ententes, à l’interdiction contractuelle faite aux membres d’un réseau de distribution sélective de recourir à une plateforme tierce pour la vente des produits de luxe.
 
Le litige porté devant la Cour d’appel mettait aux prises, d’un côté, un fabricant de parfums ayant fait le choix de commercialiser ses produits, via des réseaux de distribution sélective, et de l’autre, une plateforme généraliste de commerce en ligne ayant offert à la vente des produits sans avoir la qualité de distributeur agréé. Une assignation avait été délivrée à l’encontre de cette dernière sur le double fondement de la règle spéciale prévue à l’article L. 442-6-I-6° du code de commerce, d’une part, de la concurrence déloyale et du parasitisme assis sur la responsabilité délictuelle de droit commun. La société défenderesse avait, de son côté, contesté la licéité du réseau de distribution sélective en raison de la contrariété de plusieurs clauses du contrat à la prohibition des ententes.

S’il s’agit là, à n’en pas douter, de l’aspect majeur de la décision, retiennent également l’attention les développements liminaires consacrés à repousser la demande en nullité des constats d’huissier effectués sur la plateforme électronique.

La Cour fait d’abord brèche au grief tenant à ce que les opérations de constat n’ont pas fait l’objet d’une autorisation judiciaire, ceci au motif qu’en l’absence de contrôle préalable d'un webmaster, le site ne peut s'apparenter à un domicile privé puisque « le compte client est automatiquement ouvert sans tri ni sélection ».

Ensuite et surtout, après avoir rappelé les règles relatives à la charge de la preuve, la Cour d’appel énonce que « le principe de loyauté dans le recueil des preuves constitue un principe fondamental qui s'applique aussi en matière commerciale », affirmation qui ne surprendra guère puisque celui-ci a été consacré au plus haut niveau par l’
Assemblée plénière de la Cour de cassation (Cass. ass. plén., 7 janv. 2011, n° 09-14316). Cependant, l’arrêt ajoute que celui-ci « doit se concilier avec le droit à la preuve consacré par la jurisprudence ainsi qu'avec l'effectivité du droit de la concurrence ».
 
Plus que les éléments à partir desquels la juridiction considère que le principe de loyauté n’a pas été violé, c’est la référence faite, à titre superfétatoire, au droit à la preuve et à l’effectivité qui mérite d’être soulignée. En effet, la décision énonce que « s'il incombe aux fournisseurs de veiller au respect de l'étanchéité de leur réseau de distribution sélective, sous peine d'engager leur responsabilité à l'égard de leurs distributeurs, cette tâche leur serait rendue impossible, à défaut de pouvoir faire constater ces violations par voie d'huissier se connectant aux sites, de sorte qu'une interdiction d'avoir recours à un tel dispositif rendrait ineffective l'application du droit de la concurrence » (souligné par nos soins). Même s’il n’en est pas fait mention expressément, nul doute qu’il faille y voir un écho et une première application par la Cour d’appel de la jurisprudence du Tribunal de première instance de l’Union européenne ayant admis que l’effectivité commandait une amodiation de la loyauté (
TUE 8 septembre 2016, T-54/14, not. pts 73 et 85 ; v. Aut. conc. n° 16-D-21 du 6 octobre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des titres-restaurant).

L’application du droit de l’Union européenne ne faisant pas difficulté en l’espèce, la Cour s’emploie ensuite à apprécier la licéité du réseau de distribution sélective à l’épreuve de l’article 101 TFUE.

Elle reprend fidèlement la jurisprudence de la Cour de justice, réitérée récemment dans l’affaire Coty. Il en résulte qu’« un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l’image de luxe de ces produits n'est pas contraire à l’article 101, § 1, TFUE, pour autant que le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères définis n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire ». Parmi les différentes conditions cumulatives ainsi énoncées, seule celle sur laquelle se portait la contestation fait l’objet d’un examen minutieux par la Cour d’appel. La juridiction s’emploie donc à vérifier, pour les différentes stipulations litigieuses « si, dans des circonstances telles que celles en cause, ces clauses sont proportionnées au regard de l’objectif poursuivi, c’est-à-dire si ces restrictions sont appropriées pour préserver l’image de luxe des produits en cause et si elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif » (rappr. CJUE, 6 déc. 2017, pt. 43).

La Cour d’appel procède à l’appréciation de la première clause autorisant la vente via les comités d’entreprise et les collectivités, mais sous réserve que les consommateurs concernés se déplacent dans les magasins pour venir rechercher leurs produits. Elle estime que cette stipulation est « plutôt proconcurrentielle ». Elle explique, à ce propos, qu’elle aménage l’interdiction de la vente par correspondance, restriction considérée comme valable par les autorités de concurrence, et qu’elle bénéficie aux consommateurs finals en leur permettant d’effectuer des ventes groupées par correspondance, à prix réduit. Ajoutant que les commandes groupées sans contrôle sont susceptibles d’« alimenter des reventes sur des réseaux parallèles illicites», la juridiction en conclut que la clause passe avec succès le test de proportionnalité et qu’elle est licite au regard de l’article 101, § 1, TFUE.

Opérant par ailleurs un revirement de jurisprudence, par rapport à une précédente analyse adoptée en 2016, l’arrêt considère en outre que cette stipulation ne saurait être qualifiée de restriction caractérisée au sens de l'article 4 c) du Règlement sur les restrictions verticales : si l’on ne peut interdire de façon absolue les ventes aux utilisateurs ou consommateurs finals, il reste possible de procéder à des aménagements.  

La deuxième stipulation examinée par la Cour d’appel est envisagée plus brièvement. Cela tient à ce que l'interdiction de vendre les produits à des revendeurs non agréés constitue « le fondement même de la distribution sélective », ainsi que l’énonce l’arrêt en prenant appui sur la définition de ce mode de distribution figurant à l’article 1 § 1 e) du règlement n° 330/2010. Gage de « l'absence de ventes hors réseau, dans des conditions dégradées et dévalorisantes », elle est donc dépourvue d’objet ou d’effet anticoncurrentiel.

Cependant, un tempérament est apporté dans le cas où une interdiction générale de revente hors réseau serait prévue alors la commercialisation serait effectuée sur certains marchés via d’autres systèmes que la distribution sélective. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce : la clause d’étanchéité est certes générale, mais elle est dépourvue d’objet comme d’effet anticoncurrentiels dès lors que le fabricant a mis en place un système de distribution sélective de ses produits dans tous les États membres.

Quant à la troisième clause, interdisant les ventes actives d’un nouveau produit pendant un délai d’un an à compter de son lancement, la Cour d’appel, prenant appui sur une jurisprudence séculaire de la Cour de justice, relayée par les lignes directrices sur les restrictions verticales, en admet la licéité. Elle explique, pour ce faire, que la stipulation concernée, en ce qu’elle confère une protection limitée dans le temps aux revendeurs agréés commercialisant le nouveau produit, est nécessaire pour les inciter à réaliser des investissements à cette fin, ce alors que l'élargissement de l'offre est un facteur de concurrence. Elle ajoute que la durée de la protection ainsi assurée n'est pas disproportionnée au regard de son objet.

Ce sont enfin les dispositions contractuelles relatives à la commercialisation en ligne des produits qui font l’objet d’une analyse à l’aune de la prohibition des ententes et ceci, à un double titre.

D’une part, la Cour est appelée se prononcer sur la licéité de la clause interdisant le recours à la vente par le biais de plateformes ou places de marché. Sans surprise, elle s’inscrit dans le droit fil de l’arrêt préjudiciel, dont elle reprend des extraits (cf. pts. 47 et 49). En substance, il en résulte que la stipulation permet au fournisseur de produits de luxe de s’assurer du respect des exigences prévues pour la vente de ses produits et de l’absence d’atteinte à leur image. La Cour souligne, à juste titre, qu’un tel contrôle ne peut être effectué, à défaut de relations contractuelles avec les plateformes. À quoi certains pourraient être tentés de rétorquer que la conclusion d’un contrat avec certaines d’entre elles pourrait être envisagée, notamment lorsqu’il s’agit de plateformes appropriées à la vente de produits de luxe. L’argumentation développée, tenant au risque d’atteinte à l’image de luxe, vaudrait-elle encore dans le cas où les produits de luxe ne seraient pas présentés « aux côtés de tout type de produits » ? Nul doute que cette interrogation ne manquera pas de se présenter dans l’avenir.

L’arrêt revient, d’autre part, sur le critère du point de vente physique à propos duquel l’autorité française de concurrence, après l’avoir admis, comme le rappelle l’arrêt, dans ses décisions d’engagements, a par la suite introduit une inflexion dans son avis du 18 septembre 2012 sur le fonctionnement de la concurrence dans le secteur du commerce électronique.

Procédant à une analyse in concreto, la Cour d’appel s’attache à vérifier la proportionnalité de la clause au regard de l’objectif poursuivi.

D’un côté, l’arrêt indique que les attentes des consommateurs sont différentes selon qu’ils se rendent en magasin ou sur un site internet. Il est ajouté, dans la lignée de l’arrêt de la Cour de justice, que « le caractère généraliste de l'offre » proposée par la plateforme « semble, en l'état, peu compatible avec cette perception ». Plusieurs raisons conduisent la juridiction d’appel à estimer « utile » la dispensation de conseils, l’envoi d’échantillons ne pouvant « remplacer l'essai des différents parfums dans un magasin physique, pour tous les consommateurs ». Elle ajoute qu’en outre, l’achat en ligne est possible via les sites internet des distributeurs agréés, de sorte que la stipulation litigieuse ne porte pas atteinte à la diversité des choix des consommateurs.

De l’autre côté, l’arrêt fait état de la nature des produits et des « caractéristiques inchangées de la demande » pour considérer que « le risque de parasitisme existe toujours » et que la distribution en points de vente et celle en ligne sont encore « plus complémentaires que substituables ». Dès lors, le risque que l’ouverture de la distribution aux « pure-players » décourage les investissements réalisés par les revendeurs disposant d’un magasin physique subsiste.

La Cour indique également que « la potentialité d'animation de la concurrence par les pure players doit se mesurer aux effets du parasitisme ». Elle ajoute encore que la limitation du nombre des revendeurs agréés est « inhérente » à la distribution sélective qualitative. Enfin, elle fait justice de l’argument selon lequel une autre solution, moins restrictive de concurrence, serait envisageable sous la forme d’une taxation. Non seulement il n’est pas démontré, estime-t-elle, que cette taxation serait « de nature à compenser tous les effets du parasitisme » comme la clause litigieuse, mais en outre, cette stipulation est aussi destinée à « préserver l'aura de prestige des produits », ce que ne permettrait pas le mécanisme alternative d’une redevance.

Une fois admise la validité du réseau de distribution sélective, l’accueil des demandes articulées par son promoteur à l’encontre de la plateforme ne saurait surprendre. Faute d’avoir la qualité de distributeur agréé et d’être en mesure de justifier de son approvisionnement régulier, celle-ci a violé l'article L. 442-6, I, 6° du code de commerce.

Par ailleurs, la Cour retient également les griefs de concurrence déloyale, à raison des actes de publicité trompeuse, ainsi que de parasitisme, la plateforme ayant bénéficié, « sans bourse délier » (selon la formule consacrée) des investissements et efforts réalisés par les membres du réseau.

On ne s’étonnera pas non plus de l’affirmation, bien établie en la matière, selon laquelle « il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral ». Tout au plus pourrait-on relever que subsiste, pour le moment du moins, la distorsion entre cette présomption prétorienne, irréfragable, et celle introduite sous l’impulsion de la directive Dommages, en matière de cartels, qui est susceptible d’être renversée par la preuve contraire.

La Cour procède alors à l’évaluation du préjudice respectivement subi en raison de la concurrence déloyale et du parasitisme, en faisant état de différentes considérations ; elle fait en outre injonction à la plateforme de cesser de commercialiser les produits.

Réseau de distribution sélective 2 – Plateforme 0. Tel pourrait être, dans un langage sportif, la synthèse de cet arrêt prenant la suite de l’arrêt préjudiciel. Sauf à dire que Cour de justice et Cour d’appel de Paris ont arbitré le litige entre fabricant de produits de luxe, d’un côté, et plateforme généraliste, de l’autre. D’autres matches sont assurément à venir…

Muriel Chagny
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
Directeur du master de droit de la concurrence et de droit des contrats

INFOS : L’Autorité de la concurrence rend sa troisième décision concernant une PAC locale, consécutive au refus d’accepter la proposition de transaction de la DGCCRF

 

Le 13 mars 2018, l’Autorité de la concurrence a rendu une nouvelle décision — la quatrième — concernant une PAC locale (quoique…), et ce, à la suite du refus de l’entreprise mise en cause d’accepter la proposition de transaction que lui avait faite la DGCCRF conformément à l’article L. 464-9 du code de commerce, ce refus ayant alors entraîné la saisine de l’Autorité par le ministre de l’économie.

À la suite d'une
enquête réalisée par la DGCCRF en 2013, qui a permis de mettre en évidence une concertation entre entreprises pour élaborer des offres de couverture pour des travaux de sécurisation de débits de tabac en vue de permettre à deux d’entre elles d’apparaître comme moins-disantes dans plusieurs dossiers de demandes de subventions présentés de 2010 à 2013 par des débitants de tabac aux services de la Direction interrégionale des douanes et des droits indirects de Rhône-Alpes.

La DGCCRF a délivré aux sociétés concernées l’injonction de cesser de solliciter ou de mettre en œuvre des pratiques de devis de complaisance en réponse à des appels d’offre publics ou privés. Elle a également proposé à quatre entreprises un règlement transactionnel. Le montant des transactions conclues varie de 400 € à 6 700 € et correspond à 0,5 à 1,5 % du chiffre d’affaires des entreprises en cause. Une société n’a fait l’objet que de la mesure d’injonction, sa participation très limitée aux pratiques ayant cessé dés 2011.

Quatre sociétés ont accepté ces mesures entre mai et septembre 2015. La cinquième entreprise n’a pas souhaité s’engager dans la procédure de transaction, l’Autorité de la concurrence a donc été saisie.

À la faveur de cette décision n° 18-D-05, l’Autorité de la concurrence inflige une sanction de 46 000 euros à ladite entreprise pour avoir mis en œuvre, dans le secteur de la sécurisation des débits de tabac en Isère, des pratiques d’offres de couverture prohibées par l’article L. 420-1 du code de commerce.

Cette sanction pécuniaire correspond à 0,9 % de la moyenne du chiffre d’affaires total réalisé en France par la société Sécurité Vol Feu sur les exercices 2013 et 2014. Pour parvenir à ce coefficient, l’Autorité a estimé que, si l’infraction en cause constituait une des infractions les plus graves aux règles de concurrence, en revanche et au vu du faible nombre de devis de couverture réalisés et du faible montant des opérations concernées, le dommage à l’économie causé par lesdites pratiques est demeuré limité.

Par ailleurs, l’Autorité a décidé de déroger à la méthode consistant à retenir la valeur des ventes de l’ensemble des catégories de produits en relation avec l’infraction, effectuées par chacune des entreprises en cause, durant son dernier exercice comptable complet de participation à cette infraction, comme assiette de leur sanction respective. Estimant que le dispositif d’aide mis en place impliquait que les débitants de tabac mettent en concurrence les différents prestataires afin que l’aide soit calculée sur la base du devis économiquement le plus avantageux, suivant la logique d’une procédure d’appel d’offres, elle a fait application la méthode prévue aux points 66 et 67 du communiqué sanctions. Aux termes de cette méthode, le montant de base de la sanction pécuniaire résulte de l’application d’un coefficient, déterminé en fonction de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, appliqué au chiffre d’affaires total réalisé en France par l’entreprise en cause pendant le dernier exercice comptable complet au cours duquel a eu lieu l’infraction.

À noter encore que l’Autorité a refusé de faire droit à la demande de le mise en cause visant au classement sans suite au titre de l’article L. 464-6-1 du code de commerce, lequel permet de prononcer un non-lieu à poursuivre la procédure lorsque les pratiques mentionnées à l'article L. 420-1 ne visent pas des contrats passés en application du code des marchés publics et que la part de marché cumulée détenue par les entreprises ou organismes parties à l'accord ou à la pratique en cause est limitée. À cet égard, l’Autorité rappelle que l’application de ces dispositions est exclue en présence de certaines restrictions caractérisées de concurrence et que les pratiques examinées de devis de complaisance mises en œuvre par la mise en cause, contiennent des restrictions caractérisées de concurrence qui ont pour objet la fixation de prix de vente et la répartition de marchés ou des clients, et sont ainsi exclues du bénéfice des dispositions de l’article L. 464-6-1 du code de commerce.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS : Fabienne Siredey-Garnier succède à Claire Favre au poste de vice-présidente de l'Autorité de la concurrence

 

C’est donc Fabienne Siredey-Garnier, qui a déjà passé deux années au sein du conseil de la concurrence, du 1er décembre 2007 au 1er septembre 2009, en qualité de rapporteure permanente, qui succèdera, à compter du 16 avril 2018, à Claire Favre, dont le mandat est arrivé à expiration le 1er mars 2018, aux fonctions de vice-présidente de l'Autorité de la concurrence.

Inspectrice des impôts, puis magistrate, elle a été vice-présidente du TGI de Nanterre, puis, à partir de 2015, vice-présidente du TGI de Paris, où elle a présidé la 17ème chambre correctionnelle (qui traite des affaires de presse), puis la 11ème chambre (qui traite des affaires économiques et financières) ainsi que la co-présidence de la 32ème chambre (affaires du Parquet national financier).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.

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