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Hebdo n° 26/2018
25 juin 2018
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Le Tribunal de l'Union annule partiellement une décision ordonnant une inspection en raison d’une délimitation trop large de son objet au regard des indices dont disposait la Commission, mais valide la décision ordonnant une seconde inspection sur la base d’informations recueillies lors de la première inspection

JURISPRUDENCE : Parce que l’on ne se fait pas justice à soi-même, la Cour d’appel de Paris déboute Cegedim d’un recours en révision de l’arrêt la sanctionnant pour abus de position dominante, fondé sur des témoignages censés rapporter la preuve d’une contrefaçon de la part de la concurrente évincée

JURISPRUDENCE : Dans l’affaire des commodités chimiques, la Cour d'appel de Paris déclare irrecevables les interventions volontaires des saisissantes au soutien de l’Autorité dans la procédure de recours contre la décision sanctionnant l’obstruction à l’instruction de Brenntag

INFOS : À la faveur du premier non-lieu prononcé dans une procédure en non-respect d'engagement dans le cadre d'une opération de concentration, le collège de l'Autorité considère que les laboratoires Boiron n’ont pas violé les engagements souscrits en 2005 lors du rachat de Dolisos

INFOS : L'Autorité de la concurrence sanctionne Randstad à hauteur de 4,5 millions € pour non-respect d’un engagement souscrit et rendus obligatoires par la décision du Conseil du 2 février 2009 sanctionnant des pratiques mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire

INFOS PAC LOCALES : La DGCCRF met fin à une pratique d’entente sur le marché des taxis de la ville de Blois

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : L'Autorité met en ligne la décision par laquelle elle autorise le rachat de la société Dimeco (Connexion, Circuit Ménager) par le groupe Cafom (But et Darty) en Guadeloupe (+ 3 décisions simplifiées)

INFOS UE : La Commission européenne publie son rapport annuel sur la politique de concurrence pour 2017 et demande au Luxembourg de récupérer 120 millions € auprès d'Engie à la suite d’un ruling fiscal confèrant au gazier français un avantage fiscal sélectif

EN BREF : Le ministre de l’économie invite les tiers intéressés à lui adresser leurs observations suite à l'évocation de la prise de contrôle exclusif d'une partie du pôle plats cuisinés ambiants du groupe Agripole par Financière cofigeo, tandis que l'Autorité de la concurrence lance une étude conjointe avec le Bundeskartellamt sur les algorithmes, ainsi qu'une collection en librairie d'études thématiques

ANNONCE COLLOQUE : « Financement du logement social et aides d’État », Paris — 28 juin 2018 [message de Guillaume Gournay]

JURISPRUDENCE UE : Le Tribunal de l'Union annule partiellement une décision ordonnant une inspection en raison d’une délimitation trop large de son objet au regard des indices dont disposait la Commission, mais valide la décision ordonnant une seconde inspection sur la base d’informations recueillies lors de la première inspection


Le 20 juin 2018, le Tribunal de l’Union a rendu deux arrêts dans une même affaires concernant des pratiques mises en œuvre par l’opérateur historique ferroviaire tchèque, České dráhy, pratiques que la Commission soupçonne, à ce stade, être anticoncurrentielles.

Après de premières inspections diligentées en 2012 par l’autorité de concurrence tchèque qui la soupçonnait d’avoir abusé de sa position dominante en pratiquant des prix prédateurs sur la liaison entre Prague et Ostrava, située au nord-est de la République tchèque, après l’introduction devant les tribunaux tchèques d’une action en réparation du dommage concurrentiel par deux concurrents de l’opérateur historique que leur aurait causé le prétendu comportement anticoncurrentiel de la requérante sur la liaison Prague-Ostrava, la Commission a décidé de se saisir du dossier. Sur la base d’informations en sa possession suggérant que České dráhy pourrait pratiquer des prix inférieurs aux coûts de revient (predatory pricing) sur certaines liaisons ferroviaires, notamment (mais sans s’y limiter) sur la liaison Prague-Ostrava, et ce, au moins depuis 2011, elle a décidé, à son tour, le 18 avril 2016, de soumettre l’opérateur historique à une inspection sur le fondement de l’article 20, § 4, du règlement 1/2003. Dans sa décision, la Commission précisait que si le comportement suspecté était établi, il constituerait une ou plusieurs infractions à l’article 102 TFUE.

Ladite inspection, dénommée « inspection Falcon » par les services de la Commission s’est déroulée du 26 au 29 avril 2016. Au cours de cette inspection, les inspecteurs sont tombés « incidemment » sur des éléments leur laissant à penser que l’opérateur historique et d’autres entreprises ferroviaires historiques auraient conclu des accords anticoncurrentiels ou auraient participé à des pratiques concertées visant à restreindre la vente de matériel roulant ferroviaire usagé aux concurrents. La Commission a alors adopté, le 22 juin 2016, une nouvelle décision ordonnant sur le même fondement une seconde inspection dénommée « inspection Twins » et destinée à vérifier ses soupçons d’entente.

České dráhy a alors introduit deux recours, l’un contre la décision ordonnant l’« inspection Falcon », au motif, en substance, que la Commission n’avait pas motivé à suffisance sa décision et qu’elle ne disposait pas de d’indice suffisamment sérieux pour ordonner une telle inspection, l’autre contre la décision ordonnant l’« inspection Twins » estimant qu’elle découlait d’une saisine incidente, adoptée sur le fondement d’informations obtenues sur la base d’une décision illégale de la Commission dans le cadre de l’inspection Falcon et de manière illégale, en dehors de l’objet de l’inspection Falcon.

Aux termes de l’
arrêt rendu dans l’affaire T-325/16 (České dráhy, a.s. contre Commission européenne) à propos de la légalité de la décision ordonnant l’« inspection Falcon » et non à propos du déroulement de l’inspection, le Tribunal accueille partiellement les deuxième et troisième moyens du présent recours et annule en conséquence la décision attaquée, pour autant qu’elle concerne la prétendue infraction à l’article 102 TFUE sur des liaisons autres que la liaison Prague-Ostrava et pour des formes d’infraction autres que la prétendue pratique de prix prédateurs.

Ce que reproche le Tribunal à la Commission, c’est d’avoir délimité l’objet et le but de l’inspection d’une manière trop large au regard des indices dont elle disposait.

Rappelant que l’exigence d’une protection contre des interventions de la puissance publique dans la sphère d’activité privée d’une personne, qu’elle soit physique ou morale, qui seraient arbitraires ou disproportionnées constitue un principe général du droit de l’Union européenne (pt. 34), le Tribunal précise que la possession d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction aux règles de concurrence est une condition sine qua non pour que la Commission puisse ordonner une inspection (pt. 36), avec pour corollaire l’interdiction d’élargir le champ de l’inspection au-delà de ce qui découle des indices suffisamment sérieux dont la Commission dispose à la date d’adoption d’une telle décision (pt. 41). En pratique, le Tribunal s’est attaché à déterminer, d’une part, si la Commission disposait d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction aux règles de concurrence par la requérante et, d’autre part, si le champ d’inspection circonscrit par la décision attaquée se limitait à l’infraction que la Commission pouvait suspecter sur le fondement de tels indices (pt. 43).

Observant que la décision attaquée incluait dans le champ de l’inspection en cause non seulement une éventuelle infraction à l’article 102 TFUE consistant à pratiquer des prix prédateurs sur la liaison Prague-Ostrava depuis 2011, mais aussi d’autres formes d’infraction à l’article 102 TFUE, d’autres liaisons en République tchèque que la liaison Prague-Ostrava et la période antérieure à 2011 et que la motivation de la décision attaquée ne permettait pas, à elle seule, de présumer que, à la date d’adoption de ladite décision, la Commission disposait effectivement d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction à l’article 102 TFUE, le Tribunal s’est alors attaché à vérifier que la Commission disposait d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter d’une part une infraction à l’article 102 TFUE consistant à pratiquer des prix prédateurs sur la liaison Prague-Ostrava depuis 2011 et d’autre part d’autres formes d’infraction à l’article 102 TFUE, sur d’autres liaisons et sur la période antérieure à 2011 (pts. 53-56).

S’agissant en premier lieu de la pratique de prix prédateurs sur la liaison Prague-Ostrava depuis 2011, le Tribunal, observant que l’autorité de concurrence tchèque enquêtait déjà sur ce point, la Commission avait des raisons valables de suspecter une infraction à l’article 102 TFUE par la requérante et qu’elle était, dès lors, en droit d’ordonner l’inspection en cause (pt. 65).

En revanche, et s’agissant en second lieu d’autres formes d’infraction à l’article 102 TFUE, sur d’autres liaisons et sur la période antérieure à 2011, le Tribunal relève d’emblée que la Commission a admis au cours de la procédure  qu’elle ne disposait pas d’indices permettant de suspecter d’autres formes d’infraction à l’article 102 TFUE (pt. 73). Par ailleurs, le Tribunal retient que si, lorsque la Commission dispose d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction à l’article 102 TFUE consistant à pratiquer des prix prédateurs, son enquête peut porter sur la stratégie de l’entreprise concernée, cette latitude ne saurait constituer une raison valable pour élargir l’objet de l’inspection en cause à d’autres formes d’infraction (pts. 78-79), ce qu’elle a fait en indiquant que l’infraction soupçonnée « inclut notamment » la pratique de prix prédateurs.

Sur l’extension de l’inspection à d’autres liaisons que la liaison Prague-Ostrava, le Tribunal observe que la Commission s’est appuyée à cet égard sur deux plaintes, mais qu’aucune d’elles ne comporte des informations constituant des indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une pratique de prix prédateurs (pt. 85) ni sur la liaison Prague-Košice, située à l’est de la République slovaque, et donc en dehors du champs de l’inspection, limitée au territoire de la République tchèque (pt. 87), ni sur les liaisons Ostrava-Kolín et Olomouc-Kolín, lesquelles font parties intégrantes de la liaison Prague-Ostrava, puisque les villes de Kolín et d’Olomouc sont situées sur la liaison Prague-Ostrava (pt. 88).

Enfin, sur l’extension de l’inspection à la période antérieure à 2011, le Tribunal retient que si le document produit par la Commission n’est qu’une plainte déposée par un concurrent de la requérante, cette plainte est formulée de manière cohérente et vise, pour la période antérieure à 2011, le même comportement que celui pour lequel, pour la période à partir de 2011, la Commission disposait d’indices suffisamment sérieux (pt. 95). De sorte que la Commission pouvait retenir, dans la décision attaquée, la période « au moins depuis 2011 » en tant que période probable de l’infraction suspectée (pt. 97).

Ainsi, à la date d’adoption de la décision attaquée, la Commission ne disposait pas d’indices suffisamment sérieux permettant de suspecter une infraction à l’article 102 TFUE par la requérante, qui consisterait en des formes autres que la prétendue pratique de prix prédateurs ou qui concernerait des liaisons autres que la liaison Prague-Ostrava. En revanche, elle était en droit de retenir, comme période probable de l’infraction en cause, celle ayant débuté « au moins » en 2011 (pt. 98).

Répondant ensuite au premier moyen du recours tiré du caractère disproportionné de la décision attaquée, dès lors que la Commission disposait de plusieurs milliers de pages de preuves émanant de l’inspection ordonnée par l’autorité de concurrence tchèque, le Tribunal indique que deux autorités peuvent, au moins à des stades préliminaires tels que des enquêtes, travailler de manière parallèle et qu’en tout état de cause, la Commission garde la possibilité d’ouvrir une procédure en vue de l’adoption d’une décision même si une autorité nationale traite déjà de l’affaire (pt. 119). Il reste que l’on peut se demander si au cas d’espèce, on se trouve bien en présence de deux enquêtes parallèles et si celle ordonnée par la Commission ne vient pas au renfort de l’inspection ordonnée par l’autorité de concurrence Tchèque, tant l’imbrication entre les deux semble évidente… Pour le Tribunal, les procédures en cours devant les juridictions tchèques ne pouvaient non plus empêcher la Commission de procéder à une inspection surprise (pt. 121). Par ailleurs, il estime que la décision attaquée ne saurait être regardée comme disproportionnée au motif que l’objet de l’inspection y a été formulé de manière trop large (pt. 127).

Pour le reste, le Tribunal confirme l’affectation du commerce entre États membres (pt. 150) et écarte l’idée selon laquelle le fait que l’autorité de concurrence tchèque enquête sur le même comportement depuis 2011 a pu faire naître chez la requérante la confiance légitime que l’enquête ne serait menée que par ladite autorité (pt. 151).

Aux termes de l’
arrêt rendu dans l’affaire T-621/16 (České dráhy, a.s. contre Commission européenne) à propos de la légalité de la décision du 22 juin 2016 ordonnant l’« inspection Twins » destinée à vérifier les soupçons d’entente, le Tribunal estime que la Commission n’est pas allé volontairement à la « pêche aux informations » lors de la première « inspection Falcon » sur les soupçon de pratique de prix prédateurs. S’il est acquis que la décision attaquée a été adoptée exclusivement sur le fondement d’informations contenues dans les documents saisis par la Commission à l’occasion de l’inspection Falcon, le Tribunal rappelle que les informations recueillies au cours des vérifications ne doivent pas être utilisées dans des buts autres que ceux indiqués dans le mandat de vérification ou la décision de vérification (pt. 35). De sorte qu'il ne saurait en être conclu qu’il est interdit à la Commission d’ouvrir une procédure d’enquête afin de vérifier l’exactitude ou de compléter des informations dont elle aurait eu incidemment connaissance au cours d’une vérification antérieure au cas où ces informations indiqueraient l’existence de comportements contraires aux règles de concurrence du traité (pt. 37).

Observant que l’annulation partielle de la décision du 18 avril 2016 par l’autre arrêt du même jour n’a pas pour conséquence l’irrégularité de la saisie, au cours de l’inspection Falcon, de tout document et ne saurait donc entraîner, de manière automatique, l’annulation de la décision du 22 juin 2016, le Tribunal examine les trois documents invoqués par la Commission afin de déterminer s’ils relèvent bien de l’objet de l’inspection Falcon, et ce compte tenu de l’arrêt de ce jour, České dráhy/Commission (T‑325/16). À cet égard, il relève que ces éléments doivent être regardés dans le contexte de l’enquête menée par la Commission et que si, pris isolément, ces éléments ne permettent pas de tirer une conclusion concrète et précise sur les coûts de la requérante, pris conjointement avec d’autres éléments contenus dans d’autres documents saisis à l’occasion de l’inspection Falcon, ils peuvent contribuer à établir une image plus ou moins détaillée et fidèle des coûts de la requérante ou même dévoiler, éventuellement, une stratégie anticoncurrentielle (pt. 68). Et le Tribunal de conclure que les documents invoqués par la Commission dans la présente affaire ont été obtenus légalement par cette dernière à l’occasion de l’inspection Falcon et que la décision attaquée pouvait être adoptée sur le fondement de ces documents (pt. 78).

Pour le reste, le Tribunal écarte le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation quant à la l’objet et la finalité de l’inspection.

JURISPRUDENCE : Parce que l’on ne se fait pas justice à soi-même, la Cour d’appel de Paris déboute Cegedim d’un recours en révision de l’arrêt la sanctionnant pour abus de position dominante, fondé sur des témoignages censés rapporter la preuve d’une contrefaçon de la part de la concurrente évincée


Le 21 juin 2018, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt dans une affaire que l’on croyait classée et qui renaît, aujourd’hui, au moins provisoirement, de ses cendres.

De fait, le
21 juin 2017, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait confirmé en tous points l’arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 24 septembre 2015 approuvant la décision n° 14-D-06 du 8 juillet 2014 à la faveur de laquelle l'Autorité de la concurrence avait sanctionné à hauteur de 5 767 000 euros la société Cegedim SA, en position dominante sur le marché des bases de données d’informations médicales à destination des laboratoires pharmaceutiques pour la gestion des visites médicales, pour avoir mis en œuvre, entre octobre 2007 et avril 2013, une pratique de discrimination à l'égard d'un concurrent sur le marché connexe de l’utilisation des logiciels de gestion de la clientèle (ou CRM Customer Relationship Management) pour l’industrie pharmaceutique, la société Euris, qui avait saisi l'Autorité en novembre 2008.

Or, la société Cegedim est repartie à l’assaut, cette fois, à la faveur d’un recours en révision qu’elle a formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 septembre 2015.

On se souvient que, parallèlement à la procédure ouverte devant le Conseil de la concurrence, Cegedim avait de son côté a assigné la société Euris en contrefaçon devant le tribunal de commerce de Nanterre, soutenant que cette dernière utilisait des extractions de la base de données « Pharbase » pour constituer et mettre à jour une base de données concurrente intitulée « Médibase ». Dans le cadre de cette procédure, des saisies-contrefaçons avaient été autorisées. Au final, la société Cegedim a été déboutée de son action en contrefaçon.

À l'appui du présent recours en révision, Cegedim exposait qu’elle avait obtenu, postérieurement à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 24 septembre 2015 dans le cadre de la procédure « concurrence », les témoignages de deux anciens salariés de la société Euris attestant qu'à la demande de leurs supérieurs hiérarchiques, ils avaient effacé et falsifié les données internes dans la base de sa plateforme « Medibase », de sorte que les données soumises à l'expert pour qu'il remplisse sa mission s'étaient trouvées altérées et falsifiées.

La demande en révision n’ayant aucune chance d’aboutir pour le cas où elle aurait été dirigée contre l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles dans le cadre de procédure en contrefaçon, dans la mesure où les deux témoignages obtenues n’étaient pas de nature à établir la réalité de la contrefaçon suspectée, Cegedim a décidé de diriger son recours contre l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 24 septembre 2015 dans le cadre de la procédure « concurrence ».

La société Cegedim soutenait que le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 24 octobre 2012 comme l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 29 avril 2014 avaient été surpris par la fraude de la société Euris. Elle en déduisait que les soupçons qui l'avaient conduite à refuser de vendre un abonnement à sa base de données « OneKey » à des clients de la société Euris étaient légitimes et qu’en conséquence, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 septembre 2015 devait être révisé.

Sur quoi la Cour, après avoir jugé le recours en révision recevable, rappelle que le recours en révision n'est possible que si la fraude alléguée a été décisive dans le jugement, en ce sens que, si elle avait été connue du juge, sa décision aurait été différente. Au cas d’espèce, la question posée était de savoir si, quand bien même les témoignages en question auraient permis d’établir la contrefaçon, la solution adoptée par la Cour d'appel de Paris dans le cadre de la procédure « concurrence » aurait été différente. Sur ce point, la réponse de la Cour de Paris est sans aucune ambiguïté : même si la contrefaçon avait pu être établie, la décision de la Cour d'appel de Paris aurait été identique, par cela seul que une telle contrefaçon ne saurait justifier la mise en œuvre d’une pratique anticoncurrentielle, en l’occurrence un refus de vente discriminatoire. Du reste, sur ce point, et l’Autorité et la Cour d’appel avait fait valoir au cours de la procédure « concurrence » que, s’il est parfaitement loisible aux entreprises de saisir les tribunaux afin de défendre leurs droits, la protection légitime de leurs propres intérêts ne justifie pas pour autant le recours à des pratiques anticoncurrentielles, telles qu’un refus discriminatoire exercé par une entreprise jouissant d’une position dominante. Bref, on ne se fait pas justice à soi-même.

Estimant que les deux témoignages produits par la société Cegedim au soutien de son recours en révision étaient impuissants à rapporter cette preuve, la Cour de Paris ajoute, au terme du présent arrêt que le simple soupçon de contrefaçon, fût-il renforcé par la connaissance des agissements décrits dans les témoignages, n'aurait pas pu amener la Cour d'appel de Paris à prendre une décision différente, faute que la contrefaçon soit positivement établie. Par suite, Cegedim est déboutée de son recours en révision.

JURISPRUDENCE : Dans l’affaire des commodités chimiques, la Cour d'appel de Paris déclare irrecevables les interventions volontaires des saisissantes au soutien de l’Autorité dans la procédure de recours contre la décision sanctionnant l’obstruction à l’instruction de Brenntag


Le 14 juin 2018, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt dans l’interminable affaire des commodités chimiques à propos de la dernière péripétie en date : celle de la décision adoptée le 21 décembre 2017 par l’Autorité de la concurrence à la faveur de laquelle elle a sanctionné pour la première fois des entreprises, par ailleurs soupçonnées de pratiques anticoncurrentielles, pour avoir fait obstruction à l’instruction, notamment en omettant de répondre aux demandes de renseignement formulées par ses services d’instruction ou en fournissant des réponses incomplètes. Et la note s’avère particulièrement salée : 30 millions d’euros d’amende !!!

Comme il fallait s’en douter, le groupe Brenntag, ainsi sanctionné, a fait appel de cette décision. Elle a même assorti son recours en annulation et subsidiairement en réformation d’une demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Incidemment, les sociétés Gaches Chimie et Solvadis dont les plaintes sont à l’origine de la saisine du Conseil de la concurrence ont alors décidé de déposer une intervention volontaire accessoire déclarant intervenir au soutien des prétentions de l'Autorité, puis demandé qu'il soit enjoint aux sociétés Brenntag de leur communiquer les pièces déposées à l'appui du recours et de la demande de transmission d'une QPC. Sur quoi Brenntag a demandé à la Cour de Paris de déclarer ces interventions irrecevables.

Les entreprises qui ont saisi sur le fond l’Autorité de la concurrence pour voir sanctionner des pratiques anticoncurrentielles peuvent-elles être admises à intervenir en qualité de partie à l'instance devant l'Autorité et en tant que  victimes potentielles des pratiques dénoncées à l’occasion du recours contre la décision sanctionnant, non pas les pratiques anticoncurrentielles qu’elles ont dénoncées puisque l’instruction, censée se poursuivre, n’a pas encore aboutie, mais une obstruction à l’instruction imputée à la mise en cause sur le fondement du deuxième alinéa du V de l’article L. 464-2 du code de commerce ? Telle est en substance la question qui était posée à la Cour d’appel de Paris.

L'Autorité de la concurrence ayant renoncé à déposer des observations sur ce point, le ministère public a, pour sa part, conclu à la recevabilité des interventions des sociétés Gaches Chimie et Solvadis, tandis que le ministre chargé de l’économie considérait que leur intervention volontaires comme irrecevables, dès lors que ces sociétés n’avaient ni la qualité ni l'intérêt à agir requis.

Aux termes du présent arrêt, la Cour d’appel de Paris déclare irrecevables les interventions des sociétés Gaches Chimie et Solvadis.

Rappelant au visa de l’article 330 du code de procédure civile que, pour être recevable, l'intervention doit viser à la conservation des droits de la partie intervenante, la Cour d’appel de Paris observe que la décision attaquée, celle du 21 décembre 2017, ne porte pas sur les pratiques en cause, mais seulement sur le comportement procédural adopté par les sociétés Brenntag et que, dans ce cadre, les parties plaignantes ne disposent pas de droit propre à conserver. Non seulement, estime la Cour, les parties plaignantes n'ont, dans le cadre de l'instruction de l'affaire ouverte à la suite de leurs plaintes, pas de droit à faire valoir, mais en outre la procédure d'obstruction est une procédure autonome qui concerne la mise en œuvre des pouvoirs de coercition conférés à l'Autorité pour assurer la mission de défense de l'ordre public économique qui lui est confiée et dans laquelle les parties plaignantes ne disposent d'aucun droit à faire valoir.

Si les parties plaignantes ont intérêt à voir leurs plaintes examinées, et ce dans les meilleurs délais, un tel intérêt ne leur confère pas de droit à ce que lesdites plaintes aboutissent à une notification de griefs et, a fortiori, à ce qu'une sanction soit prononcée. Elles ne peuvent de ce fait intervenir devant la cour d'appel dans le cadre de la procédure pour obstruction, qui relève de la phase d'instruction du dossier ouvert à la suite de leur plainte. Par ailleurs, la Cour de Paris estime qu’une éventuelle annulation ou réformation de la décision du 21 décembre 2017 serait sans incidence sur l’instruction de l’affaire au fond, qui, selon elle, se poursuit.

INFOS : À la faveur du premier non-lieu prononcé dans une procédure en non-respect d'engagements dans le cadre d'une opération de concentration, le collège de l'Autorité considère que les laboratoires Boiron n’ont pas violé les engagements souscrits en 2005 lors du rachat de Dolisos


Curieuse décision que la décision n° 18-D-08 du 14 juin 2018 aux termes de laquelle l’Autorité de la concurrence parvient à la conclusion qu’il n’est pas établi que les laboratoires Boiron n’ont pas respecté l’engagement n° 1 annexé à la lettre n° C 2004-114 du 21 février 2005 par laquelle le ministre de l’économie a autorisé le rachat de la société Dolisos par la société Boiron dans le secteur de l’homéopathie, et prononce en conséquence un non-lieu à poursuivre la procédure.

Sauf erreur de notre part, il s'agit là de la première décision de l'Autorité de la concurrence prononçant un non-lieu dans une procédure de non-respect d'engagements ouverte à la suite de l'autorisation d'une opération de concentration. Ce faisant, le Collège de l'Autorité n'a pas suivi les propositions du rapport établi par ses services d'instruction qui concluaient au non-respect d’engagement (pt. 3).

De fait, ce sont les laboratoires Boiron eux-mêmes qui, semble-t-il, sont à l’origine de la procédure en non-respect d’engagement. Plus précisément, Boiron aurait contacté début 2013 les services d’instruction de l’Autorité pour solliciter une levée des engagements pris en 2005.

En raison d’une incertitude terminologique, semble-t-il irréductible, de nature à faire peser un doute sur la portée de l’engagement n° 1 imposé en 2005 par le ministre, mais rédigé par les laboratoires Boiron (pt. 41), le rapporteur général de l’Autorité a souhaité au préalable faire trancher par le collège la question de l’interprétation dudit engagement. Pour ce faire, il a ouvert une procédure en non-respect d’engagement afin d’instaurer un débat contradictoire entre ces deux thèses (pt. 43). Il s’agissait d’un engagement de maintien de la qualité de l’offre de la nouvelle entité en ce qui concerne les médicaments en nom commun, c’est-à-dire les médicaments directement issus d’une souche homéopathique par dilution.

Tout en considérant que le laboratoire n’avait pas respecté une partie de ses obligations à cet égard, le rapport d’instruction avait mis en avant les difficultés d’interprétation de l’engagement du fait de l’ambiguïté du vocabulaire utilisé — « l’intégralité des souches unitaires à nom commun répertoriées dans les nomenclatures de Boiron et de Dolisos » — et de l’imprécision des conditions dans lesquelles le laboratoire pouvait y déroger en adaptant son offre commerciale à l’évolution de la demande.

L’Autorité s’est alors lancée dans une véritable exégèse des termes utilisés, en se penchant successivement sur la cohérence externe de l’engagement à partir de deux documents intermédiaires de la négociation de 2005 entre les parties à l’opération et le ministre, puis sur la cohérence interne du texte de l’engagement à partir d’une lecture croisée de ses différents paragraphes. Après avoir examiné les différentes interprétations possibles de l’engagement en cause et le contexte économique et juridique dans lequel il devait s’appliquer, l’Autorité a en définitive considéré que les différents paragraphes de l’engagement n° 1 ne pouvait renvoyer qu’à l’idée de « souche » homéopathique, c'est-à-dire à la substance utilisée pour la fabrication de spécialités homéopathiques, et, partant, qu’il ne pouvait être envisagé d’interpréter l’engagement n° 1 comme assimilant l’obligation de maintien de la qualité de l’offre à celle de maintien d’une liste de médicaments homéopathiques en nom commun répertoriés dans la nomenclature commerciale des laboratoires Boiron en 2004 (pts. 99-100, contra les observations du commissaire du Gouvernement, pt. 40).

En outre, l’Autorité relève que le processus de réenregistrement des souches homéopathiques, engagé en 2007 et en voie d’achèvement, change assez profondément la nature de l’obligation de maintien de la qualité de l’offre, rendant de plus en plus difficile, voire impossible, le contrôle d’une obligation en partie fondée sur le dispositif de 1984, désormais caduc, dès lors que l’engagement a été pris sans limite de durée et qu’aucune autorité publique ne dispose de la compétence pour faire appliquer les dérogations qu’il prévoit. Si l'on comprend bien, cela signifie qu'à l'avenir, l'une des quatre réserves envisagées à l'origine — la plus utilisée en pratique — pour atténuer l'engagement principal de continuer à commercialiser les souches répertoriés dans les nomenclatures de Boiron et de Dolisos, à savoir la possibilité de cesser de commercialiser des souches avec l'accord de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) devenue l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), sera caduque, vidant, semble-t-il, l'engagement souscrit en 2005 de sa substance et, par suite, d'une grande partie de son effet contraignant...

 

INFOS : L'Autorité de la concurrence sanctionne Randstad à hauteur de 4,5 millions € pour non-respect d’un engagement souscrit et rendus obligatoires par la décision du Conseil du 2 février 2009 sanctionnant des pratiques mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire


Après la curieuse décision du 14 juin 2018 aux termes de laquelle elle avait conclu que les laboratoires Boiron n’ont pas violé les engagements souscrits en 2005 lors du rachat de Dolisos, l'Autorité de la concurrence vient de mettre en ligne une décision n° 18-D-09 du 21 juin 2018 sanctionnant — cette fois — le non-respect d’engagements souscrits, mais ici, non pas en contrôle des concentrations, mais dans le cadre du contentieux des pratiques anticoncurrentielles.

En substance, le Groupe Randstad France (anciennement Groupe Vedior France) et Randstad (anciennement VediorBis) sont sanctionnés par une amende de 4,5 millions d'euros pour n’avoir pas respecté un engagement souscrit à l’occasion de la mise en œuvre à leur profit de la procédure de non-contestation des griefs et rendu obligatoire par la
décision du Conseil de la concurrence n° 09-D-05 du 2 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du travail temporaire.

À l’époque, Védior, devenue Randstad avait admis que la commercialisation de certaines prestations dites outils multi-ETT (Entreprise de Travail Temporaire), dont l’outil « e-flex », était susceptible d’engendrer un risque de circulation et d’exploitation d’informations confidentielles de ses concurrents sur le marché du travail temporaire. En conséquence, elle s’était engagée « à réduire la transparence du marché » et pour ce faire « à commercialiser e-Flex, via une filiale indépendante du Groupe Vedior France [Groupe Randstad France], Advisio Services [RSR], disposant de son propre personnel et de son support technique isolé ». Les engagements pris par Randstad avaient pour objectif de cloisonner l’information entre les trois principaux acteurs du secteur très concentré du travail temporaire, les groupes Adecco, Manpower et Randstad (pt. 71).

Au terme de la présente décision, l’Autorité constate que Randstad n’a pas respecté cet engagement de commercialiser e-flex via une filiale indépendante, disposant de son propre personnel, en nommant simultanément, pendant plus d’un an, le directeur de la stratégie et du développement du Groupe Randstad France comme directeur d’Advisio Services.

Plus précisément, 1er avril 2009, soit deux mois après l’entrée en vigueur des engagements Randstad a nommé le directeur de la stratégie et du développement du Groupe Randstad France, à la tête d’Advisio, lequel est resté en poste jusqu’au 30 avril 2010. Cette nomination s’inscrit cependant dans une phase de transition complexe faisant suite au rapprochement de Randstad et Vedior. Par ailleurs, visiblement consciente du caractère limite de cette nomination au regard des engagements souscrits, Randstad a décidé de consulter l’Autorité à la faveur d’un courrier adressé le 22 décembre 2009 à son président, dans lequel elle l’informait qu’elle envisageait une telle nomination. En revanche,  dans ce courrier, elle ne semble pas avoir informé son destinataire du fait que le directeur de la stratégie et du développement du Groupe Randstad exerçait déjà les fonctions de directeur général d’Advisio depuis le 1er avril 2009. Dans un courrier en date du 9 mars 2010, le rapporteur général adjoint répond qu’une telle nomination lui semble « incompatible avec l’objectif tel qu’il ressort clairement de l’engagement d’instaurer au sein du groupe une stricte séparation entre les fonctions commerciales liées à la fourniture de personnel intérimaire et les fonctions de commercialisation et de gestion d’outils d’administration multi-ETT proposés aux entreprises utilisatrices ».

Il semble que c’est au cours des premières investigations conduites en 2011, suivies d’opérations de visites et saisies opérées en 2013 que l’Autorité ait pris conscience de l’entorse faite à l’un des engagements souscrits, pour une saisine d’office en mai 2015, une remise du rapport concluant à l’existence d’une violation de l’article L. 464-2 du code de commerce et au prononcé d’une sanction en 2017 et une décision en 2018…

Au surplus, relève l’Autorité, cette nomination s’est inscrite dans un contexte d’entreprise particulier et évolutif, susceptible d’accroître le risque de « circulation d’informations » (selon les propres termes de l’engagement) : tout d’abord, Randstad a décidé de développer, au-delà de l’outil « e-flex », les services MSP, donnant accès à un volume et à une granularité fine de données confidentielles ; ensuite, plusieurs cadres ont été transférés de RSR à Randstad ; enfin, il existait des ventes croisées entre les services proposés par Advisio (RSR) et les filiales dédiées au placement des intérimaires de Groupe Randstad France (pt. 74). Le risque de circulation d’informations sensibles s’est d’ailleurs matérialisé à l’occasion de l’envoi à M. X... d’un dossier d’extraction e-flex relatif au client […] contenant les coefficients multiplicateurs de […] par type de qualification, qui l’a transféré à Mme F..., à l’époque directrice back office & solution client de la société Groupe Randstad France (pt. 75).

L’Autorité a alors conclu que l’engagement avait été méconnu à tout le moins du 1er avril 2009 au 30 avril 2010.

Faisant application de la jurisprudence concernant l’imputabilité en cas de transformation de l’entreprise, elle a considéré que le non-respect des engagements de 2009 était imputable aux sociétés Groupe Randstad France SAS et Randstad SAS en tant qu’auteurs (pt. 83). Quant à l’imputabilité au sein d’un même groupe, l’Autorité, faisant application de la présomption selon laquelle la société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, a imputé aux sociétés Randstad Holding NV et Randstad France SASU les pratiques de non-respect d’engagements mises en oeuvre par les sociétés Groupe Randstad France SAS et Randstad SAS en raison de leur qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de leur filiale pendant la période de manquement aux engagements (pt. 92).
 
Sur la sanction, l’Autorité a considéré qu’en l’espèce le non-respect de l’engagement souscrit était une pratique grave en elle-même (pt. 100) et que le comportement de Randstad avait eu une incidence sur la concurrence que les engagements visaient à préserver. Non seulement, estime l’Autorité, Randstad a augmenté le risque de transmission d’informations confidentielles relatives à des entreprises de travail temporaire concurrentes, mais en outre, ce risque de circulation d’informations sensibles s’est matérialisé dans les faits (pts. 103-104).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de l’Autorité.

INFOS PAC LOCALES : La DGCCRF met fin à une pratique d’entente sur le marché des taxis de la ville de Blois


Ces dernières semaines, la DGCCRF a mis fin à une pratique d’entente sur le marché des taxis de la ville de Blois.

Les faits sont d’une grande banalité : la société coopérative à responsabilité limitée Taxis de la Ville de Blois, qui regroupe les 18 artisans taxis titulaires d’une autorisation de stationnement sur cette commune, exploite un système radio téléphonique.

Alors que l’appartenance à cette structure procure à ses sociétaires un avantage concurrentiel déterminant pour exercer l’activité de taxi à Blois, plusieurs dispositions de ses statuts et de son règlement intérieur sont contraires à l’article L. 420-1 du code de commerce et accessoirement au
nouvel article L. 420-2-2 du code de commerce : les conditions d’accès à la coopérative et de sanction présentaient un défaut d’objectivité (soumission discriminatoire de certains candidats à une période probatoire) et prévoyaient que les décisions de refus d’adhésion ou de sanction seraient dépourvues de possibilité de recours. D’autres dispositions interdisaient aux sociétaires de développer une clientèle personnelle. Un article du règlement intérieur imposait par ailleurs aux sociétaires souhaitant quitter la coopérative une clause de non-concurrence de trois ans dans un rayon de 50 kilomètres autour de Blois. Disproportionnée, cette clause aboutissait à neutraliser l’autorisation de stationnement délivrée à ces entreprises.

La DGCCRF a obtenu la modification de ses statuts et de son règlement intérieur ainsi qu’un règlement transactionnel de 5 000 € correspondant à 0,46 % du chiffre d’affaires cumulé des sociétaires pour l’exercice de référence.

Cette affaire a été l’occasion pour la DGCCRF de faire de la pédagogie concurrentielle auprès de la Fédération française des coopératives et groupements d’artisans, et par son intermédiaire, auprès des adhérents de cette fédération, en expliquant comment conjuguer leur statut de société coopérative avec le nécessaire respect des règles de concurrence et notamment la liberté commerciale des sociétaires qui demeurent des entreprises autonomes.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : L'Autorité met en ligne la décision par laquelle elle autorise le rachat de la société Dimeco (Connexion, Circuit Ménager) par le groupe Cafom (But et Darty) en Guadeloupe (+ 3 décisions simplifiées)

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 4 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 3 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la
décision n° 18-DCC-79 du 23 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dimeco, qui exploite deux magasins de produits électrodomestiques en Guadeloupe, par la société Cafom, actif dans la vente au détail de produits d’ameublement, de décoration et électrodomestiques en France et qui exploite en Guadeloupe trois magasins,  deux points de vente sous enseigne But et un autre sous enseigne Darty. Les parties à l'opération se concurrencent sur les marchés de la distribution au détail de produits blancs, de produits gris et de produits bruns.

S’agissant d’abord de la délimitation des marchés pertinents, on retiendra que l’Autorité refuse de prendre en compte les ventes en ligne de produits électrodomestiques dans la définition du marché. Elle considère en effet que les ventes en ligne n’exerce pas une influence significative sur la stratégie commerciale des parties. Il apparaît ainsi que la partie notifiante ne tient pas compte des prix pratiqués en ligne pour déterminer les prix des produits vendus dans ses magasins en Guadeloupe. En outre, la situation géographique de la Guadeloupe rend complexe le développement des ventes en ligne en raison de l’importance des coûts de transport et de la fiscalité douanière (octroi de mer et octroi de mer régional), de sorte que le développement des ventes en ligne de produits électrodomestiques en Guadeloupe apparaît, à ce jour, limité. Les marchés ont donc été définis en ne retenant que les acteurs disposant de points de vente physique dans les zones de chalandise des deux magasins concernés par l'opération. Au terme de son analyse concurrentielle, l'Autorité a considéré que l'opération n'était pas de nature à porter atteinte à la concurrence en Guadeloupe Dans la zone de chalandise du magasin Connexion à Baie Mahault, il est apparu que les parts de marché de la nouvelle entité sont donc supérieures à 50 % sur les marchés de la vente au détail de produits gris et blancs, étant précisé que ces parts de marché tiennent compte des deux autorisations d’exploitation commerciale détenues par les parties leur permettant d’ouvrir deux magasins en juin 2019.

Toutefois, le groupe Cafom a indiqué à l’Autorité qu’elle renonçait à exploiter l'autorisation commerciale de la société Dimeco à Dothemare et de fermer son point de vente Darty à Baie Mahault. Cette renonciation, dont l’Autorité a pris acte, conduit à réduire les positions de la nouvelle entité, qui resteront inférieures à 40 % et donc en-deçà du seuil susceptible de poser des problèmes de concurrence. Elle a relevé par ailleurs l'existence de plusieurs enseignes concurrentes disposant d'un ou plusieurs magasins sur les marchés concernés par l'opération, tels qu'Euronics Gitem, Digital et Carrefour.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.
 



Les 3 décisions simplifiées :

— 
Décision n° 18-DCC-84 du 25 mai 2018 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Sodiper par les sociétés ITM Entreprises et Haldan ;

Décision n° 18-DCC-88 du 29 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Factum Group SAS par les fonds Argos VII ;

Décision n° 18-DCC-91 du 1er juin 2018 relative à la prise de contrôle exclusif d’une concession automobile par la société Grands Garages du Pas-de-Calais.

INFOS UE : La Commission européenne publie son rapport annuel sur la politique de concurrence pour 2017 et demande au Luxembourg de récupérer 120 millions € auprès d'Engie à la suite d’un ruling fiscal confèrant au gazier français un avantage fiscal sélectif

 

Le 20 juin 2018, la Commission européenne a mis en ligne le rapport annuel sur la politique de concurrence pour 2017, qui a marqué le 60e anniversaire de la signature du traité de Rome et, partant, soixante ans de politique de concurrence de l’Union.

Pour l’heure, pas d’avant-propos de la commissaire Vestager, ni de communiqué de presse. Tout juste un tweet le 19 juin…

Comme les années passées, la livraison 2018 se présente sous la forme d'un
document principal relativement synthétique de 29 pages, disponible dans toutes les langues officielles de l’Union, comprenant les grandes orientations de la politique de concurrence suivi par la Commission au cours de l'année écoulée.

La Commission y défend l'idée selon laquelle la politique de concurrence a continué de soutenir les efforts déployés par la Commission pour réaliser des priorités politiques essentielles, en particulier un marché unique numérique connecté, un marché intérieur plus approfondi et plus équitable et une union de l’énergie intégrée et respectueuse du climat.

La synthèse est articulée autour de six priorités

Améliorer l’efficacité de la mise en œuvre des règles de concurrence

Ces développements sont consacrés d’une part au projet
en cours d’adoption de la directives ECN+ ou REC+ et d’autre part au nouvel outil de lancement d’alertes anonyme, qui a en croire la Commission aurait rencontré un certain succès : après les premiers mois d’utilisation, les chiffres sont positifs et montrent que les lanceurs d’alertes ont adopté ce nouvel outil. Des messages parviennent régulièrement à la Commission par cet intermédiaire. En revanche, la Commission ne dit rien du niveau de bruit, c’est-à-dire de la proportion des dénonciations sans objet, hors sujet, invérifiables, voire abusives, générée par ce système… La Commission évoque également l’importance pour elle de disposer d’informations correctes pour assurer le contrôle des concentrations. À cet égard, elle rappelle les suites de l’acquisition en 2014 de WhatsApp par Facebook qui ont débouché sur une amende de 110 millions d’euros infligée à Facebook pour avoir fourni des renseignements inexacts ou dénaturés.

Exploiter pleinement le potentiel du marché unique numérique

Rappelant l’importance pour l’Europe de se doter d’un véritable marché unique numérique connecté, lequel fait désormais partie intégrante du quotidien des citoyens de l’Union, la Commission illustre son action sur ce point en rappelant les conclusions qu’elle a adopté dans l’affaire « Google Shopping », mais également les engagements obtenus d’Amazon s’agissant des accords de distribution conclus avec des éditeurs de livres numériques. Elle évoque aussi l’enquête sectorielle qu’elle a conduite sur le commerce électronique et sa lutte contre les restrictions à la liberté de fixer les prix et le blocage géographique, mais également son action pour garantir une concurrence dynamique dans le secteur des médias, lequel revêt une importance vitale pour l’évolution des technologies de l’information et de la communication, ainsi que pour le développement et la préservation de la culture, de l’information, de l’éducation et de la démocratie. En fin, elle revient sur son action pour soutenir la connectivité dans l’Union via la mise en œuvre de sa stratégie pour un marché unique numérique.

Promouvoir une concurrence équitable sur les marchés concentrés, au profit des citoyens et des entreprises

Évoquant les conséquences de l’arrêt Intel de septembre 2017, la Commission consacre l’essentiel des développements consacrés à l’abus de position dominante au secteur de la pharma, insistant à cet égard sur l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à l’encontre d’Aspen Pharma en raison de préoccupations relatives à des pratiques tarifaires excessives auxquelles elle se serait livrée pour cinq médicaments contre le cancer. Elle évoque aussi son action pour contrecarrer les tentatives des laboratoires de princeps visant à retarder ou à entraver l’entrée des médicaments génériques sur le marché. Ainsi que son action via le contrôle des concentrations, notamment à l’occasion des autorisations conditionnelles données à la concentration entre Dow et DuPont et à l’acquisition de Syngenta par ChemChina, mais également à travers l’autorisation, sous conditions, du rachat de Monsanto par Bayer.

Stimuler la croissance en préservant la concurrence dans les industries de réseau

L’essentiel des développements est ici consacré au secteur de l’énergie et des transport à l’instar de l’action entreprises à l’égard des mécanismes de capacité ou de la réalisation de l’objectif d’une concurrence équitable sur les marchés énergétiques européens. Sur ce point, la Commission illustre son action par la restructuration d’Areva.

S’attaquer aux distorsions de la concurrence dans le domaine fiscal et financier pour rendre le marché unique plus équitable

Il est ici question de la lutte engagée contre les aides d’État illégales octroyées au moyen de rescrits fiscaux, avec un focus sur la
décision Amazon et un rappel des affaires en cours à propos des rulings fiscaux émises par le Luxembourg en faveur de Mc Donald's et d'Inter IKEA, et une enquête est en cours au sujet d'un régime fiscal en faveur des multinationales au Royaume-Uni. C’est dans ce contexte que la Commission européenne a annoncé le 20 juin 2018 avoir constaté que le Luxembourg avait permis à deux sociétés du groupe Engie d'éluder l'impôt sur la quasi-totalité de leurs bénéfices pendant une dizaine d'années. Estimant que les décisions fiscales anticipatives luxembourgeoises ont conféré à Engie un avantage sélectif considérable qui ne pouvait être justifié, elle a condamné le Luxembourg à récupérer quelques 120 millions € d'impôts non payés.

Conjuguer les efforts pour une culture de la concurrence ambitieuse

La Commission y expose l’action entreprise en faveur de la coopération internationale dans le domaine de la concurrence, aussi bien sur le plan multilatéral que bilatéral.

Ce document principal est accompagné d'un
document de travail de 94 pages, dans un premier temps uniquement disponible en anglais.

Ce document de travail, plus disert, rend compte des principales activités menées en 2017 par la Commission dans les différents champs relevant de sa compétence, mais surtout des principales décisions des juridictions européennes à l'occasion des recours introduits contre les décisions de la Commission, ce qui constitue un utile résumé des apports de la jurisprudence pendant l'année écoulée.

Le document de travail qui accompagne le rapport annuel comporte aussi des développements circonstanciés consacrés aux principaux secteurs d'activité, avec en particulier des développements consacrés aux secteurs stratégiques pour l'Europe que sont l'énergie et l'environnement, les nouvelles technologies et les médias, les services financiers, la santé et les transports.

EN BREF : Le ministre de l’économie invite les tiers intéressés à lui adresser leurs observations suite à l'évocation de la prise de contrôle exclusif d'une partie du pôle plats cuisinés ambiants du groupe Agripole par Financière cofigeo, tandis que l'Autorité de la concurrence lance une étude conjointe avec le Bundeskartellamt sur les algorithmes, ainsi qu'une collection en librairie d'études thématiques

 

Le ministre de l’économie vient de rendre publique la décision du 21 juin 2018 relative à l'évocation de la prise de contrôle exclusif d'une partie du pôle plats cuisinés ambiants du groupe Agripole par Financière cofigeo, autrement dit la première décision de passage en phase III.

Dans cette décision, le ministre vise la décision de l'Autorité de la concurrence n° 18-DCC-95 du 14 juin 2018 et notamment son paragraphe 464…

Par ailleurs, le ministre y invite les tiers intéressés à adresser à la DGCCRF au plus tard le 2 juillet 2018 leurs observations à propos de la décision qui sera prise au sujet de ladite opération de concentration.

 



Le 19 juin 2018, l'Autorité de la concurrence a annoncé qu’elle avait lancé avec le Bundeskartellamt une étude conjoint sur les algorithmes et leurs enjeux pour l'application du droit de la concurrence. L’objectif affiché est d'analyser, d'une part, les implications et les défis que posent les algorithmes et d'identifier, d'autre part, les approches conceptuelles permettant de les appréhender.

La crainte est que, dans un contexte d'interactions stratégiques, les algorithmes pourraient faciliter la collusion et servir de support à la réalisation d'ententes. Par ailleurs, il pourrait y avoir des interdépendances entre les algorithmes et le pouvoir de marché des entreprises qui y recourent, ce qui pourrait aboutir à la création de nouvelles barrières à l’entrée.
 
 
Les Essentiels : une collection pour mieux comprendre les problématiques de concurrence

Le 8 juin 2018, l'Autorité de la concurrence a lancé en librairie une collection d'études thématiques portant sur des sujets transversaux (sur un concept juridique, économique ou sur une procédure) ou sectoriels dont l'objectif est de synthétiser la pratique décisionnelle de l'Autorité ainsi que la jurisprudence des juridictions de contrôle françaises et européennes afin que le lecteur puisse faire le tour de la question sur le sujet traité.

Paru le 13 juin 2018, le premier numéro porte sur les remises fidélisantes. Il est disponible en ligne sur
ladocumentationfrancaise.fr.

Financement du logement social et aides d’État

Paris — 28 juin 2018

 

Bonjour,

La Caisse des Dépôts et l'Association de Suivi des Aides d'État (ASAE) organise un petit-déjeuner débat sur le thème suivant : « Le financement du logement social et les aides d’État », le 28 juin 2018 de 9h00 à 10h30 (accueil à partir de 8h30) à l’Hôtel de Pomereu, 67 rue de Lille, 75007 Paris.
 
Vous trouverez le détail des interventions ainsi que les modalités d’inscription
ICI.

Bien cordialement
 
Guillaume Gournay
Responsable du Secteur Concurrence, Assurances et Contrats
Direction juridique et fiscale de la Caisse des Dépôts

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