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Hebdo n° 25/2018
18 juin 2018
SOMMAIRE
 

INFOS PROJET DE LOI AGRICULTURE ET ALIMENTATION : Ce qu’il faut retenir de l’examen du texte par la Commission des affaires économiques du Sénat

JURISPRUDENCE : Concluant à l'existence d'un marché pertinent de la téléphonie fixe à destination des résidences secondaires, la Cour d'appel de Paris, statuant sur renvoi après cassation, confirme pour l’essentiel la condamnation d’Orange à plus de 50 millions d’euros de dommages-intérêts pour une pratique de compression de marges


INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Passage en phase III, le ministre de l’économie décide de faire usage pour la première fois de son pouvoir d’évocation à propos de la prise de contrôle par Financière Cofigéo du pôle plats cuisinés cuisinés du groupe Agripole (William Saurin, Panzani, Garbit)

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : L’autorité de la concurrence donne son feu vert à 12 opérations dont une dans le secteur de la sécurité privée et une dans le secteur de l’assistance au sol dans les aéroports

ANNONCE COLLOQUE : « Un nouvel avenir pour les abus d’exploitation ? », Paris — 29 juin 2018 [message de Laurent Flochel et Christophe Lemaire]

INFOS PROJET DE LOI AGRICULTURE ET ALIMENTATION : Ce qu’il faut retenir de l’examen du texte par la Commission des affaires économiques du Sénat


Dans la perspective de la discussion en séance publique du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, qui doit débuter au sénat le mardi 26 juin 2018 pour s’achever le jeudi 28 juin 2018, la Commission des affaires économiques du Sénat a procédé les 12 et 13 juin 2018 à l’examen du rapport de Michel Raison et Anne-Catherine Loisier sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale. La Commission a d’ores et déjà examiné les amendements déposés en commission portant sur les articles 9 et 10 de ce texte.

Rappelons que l’article 9 dudit projet de loi a pour objet de donner habilitation au Gouvernement à légiférer par ordonnance et pour deux ans sur leur relèvement du seuil de revente à perte et sur l’encadrement des promotions, tandis que que son article 10 vise à donner habilitation au Gouvernement pour clarifier et adapter, par ordonnance, le code de commerce.

S’agissant donc en premier lieu du relèvement du seuil de revente à perte et de l’encadrement des promotions, la Commission a commencé par adopter un
amendement COM-400 du rapporteur, Michel Raison, qui vise à supprimer l’habilitation donné au Gouvernement et de reprendre les mesures projetées à l’issue des États généraux de l’alimentation dans le corps même de la loi via des dispositions d’application directe, et donc sans passer par le truchement d’une habilitation. Par rapport à l’habilitation, le dispositif proposé i) exclut l’encadrement des promotions qui ont pour seul objet l’écoulement des marchandises en stock, pour les denrées dont le caractère saisonnier ou périssable est particulièrement marqué, et dont la liste sera fixée par décret ; ii) paralyse transitoirement l’application du plafonnement des promotions prévue par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (loi Sapin 2) ; et iii) prévoit expressément un mécanisme d’évaluation avec présentation d’un rapport au Parlement avant l’expiration du délai de deux ans.

On se souvient qu’à l’occasion de l’examen du texte en séance publique à l’Assemblée nationale, les députés avaient adopté un article additionnel après l’article 9 visant à prohiber l’utilisation du terme de « gratuité » comme outil marketing et promotionnels dans le cadre d’une relation commerciale. À la faveur d’un
amendement COM-391, du rapporteur, Michel Raison, la Commission des affaires économiques du Sénat supprime cet article, estimant d’une part que le caractère réellement opérationnel du dispositif n'est pas établi dès lors qu’il risque d’être aisément contourné par le recours à des formules moins implicites mais véhiculant la même idée, et, d’autre part, que de tels excès terminologiques peuvent d’ores et déjà être sanctionnés.

S’agissant à présent de l’habilitation donnée au Gouvernement pour clarifier et adapter, par ordonnance, le code de commerce, la Commission a d’abord adopté un
amendement COM-393 du rapporteur venant préciser que l’ordonnance prise par le Gouvernement devra indiquer que, si, à l’issue de la négociations commerciales, le distributeur refuse les CGV du fournisseur, « socle unique » des négociations commerciales au sens de l’article L. 441-6 du code de commerce, il devra motiver son refus par écrit.

La Commission des affaires économiques du Sénat a ensuite adopté un
amendement COM-392 du même rapporteur qui prévoit d’appliquer les dispositions envisagées à l’alinéa 5 de l’article 10 visant à inclure dans la convention la référence à la détermination du prix et à la définition du plan d’affaires et du chiffre d’affaires prévisionnel, aux seules relations fournisseurs/distributeurs. L’auteur de l’amendement estime que la nécessité et la pertinence d’une telle évolution sur ce point dans les relations fournisseurs/grossistes n’est pas apparue au cours des États généraux de l’alimentation ou des auditions.

Par ailleurs, la Commission a adopté un autre amendement du rapporteur, l’
amendement COM-394 visant à modifier la rédaction de l’article L. 442-9 du code de commerce, qui met en place un régime de responsabilité pour les personnes qui pratiquent des prix abusivement bas « en situation de crise conjoncturelle ». Afin de faciliter la mise en œuvre de cette disposition, il est proposé d’une part d’élargir la liste des produits pouvant donner lieu à l’application de ce régime à l’ensemble des denrées alimentaires et, d’autre part de supprimer purement et simplement la condition de « crise conjoncturelle ».

Enfin, la Commission des affaires économiques du Sénat a adopté un
amendement COM-395 du rapporteur visant à aligner la durée de l’habilitation prévue pour mettre en cohérence les dispositions des autres codes ou lois sur celle envisagée pour la modification du code de commerce (six mois), de sorte que le Gouvernement opère cette mise en cohérence en même temps que celle prévue avec les dispositions du code de commerce.

La Commission des affaires économiques du Sénat a ensuite examiné divers amendements portant article additionnel après l’article 10. À cette occasion, elle a adopté un
amendement COM-401 du rapporteur visant à lutter contre les pratiques des centrales d’achat internationales lorsque la négociation a pour objet l’approvisionnement d’un acheteur de produits destinés à la revente sur le territoire français. Afin d’éviter que leurs activités échappent à l’application du droit français du fait de la délocalisation des négociations commerciales, l’auteur de l’amendement propose d’ériger les dispositions relatives à la négociation commerciale et aux pratiques restrictives prohibées en lois de police au sens de l’article 9 du règlement Rome I.

JURISPRUDENCE : Concluant à l'existence d'un marché pertinent de la téléphonie fixe à destination des résidences secondaires, la Cour d'appel de Paris, statuant sur renvoi après cassation, confirme pour l’essentiel la condamnation d’Orange à plus de 50 millions d’euros de dommages-intérêts pour une pratique de compression de marges

 

Le 8 juin 2018, la Chambre 5-11 de la Cour d’appel de Paris, qui n’est pourtant pas une formation spécialisée dans le contentieux concurrence, a rendu un fort intéressant arrêt, au demeurant très bien motivé dans le cadre d’une action dite indépendante (« stand alone »), c’est-à-dire non consécutive à la décision antérieure adoptée par une autorité de concurrence, dans une affaire dont il avait déjà été question dans ces colonnes, puisqu’il s’agit de l’affaire opposant SFR à Orange à propos de l’accès au marché de la téléphonie fixe à destination des résidences secondaires.

On se souvient qu’à la faveur d’un jugement rendu le 12 février 2014, la 15e chambre du Tribunal de commerce de Paris (la chambre dédiée aux affaires de concurrence) n'avait pas hésité à condamner Orange à verser à SFR 51,38 millions d’euros dommages-intérêts pour avoir abuser de sa position dominante en ne permettant pas à son concurrent de répliquer l’offre spécifiquement dédiée aux propriétaires de résidences secondaires qu'elle leur propose depuis 2006.

Cette offre leur permet de bénéficier d'un abonnement à une ligne téléphonique fixe et, lorsque la résidence secondaire est inoccupée, de suspendre la ligne pour une durée de un à douze mois, moyennant le paiement d'une somme modique.

SFR, qui souhaitait, à partir de 2010, proposer à ses clients une offre alternative permettant également la suspension temporaire de la ligne et donc de l'abonnement, a considéré qu'elle n'était pas en mesure de répliquer l'offre d'Orange à destination des résidences secondaires, dans la mesure où l'offre de gros de revente de l'abonnement au service téléphonique (offre VGAST) ne permettrait pas, en cas de suspension temporaire de la ligne fixe par le client final, de suspendre temporairement le paiement des redevances mensuelles de l'offre VGAST payées par SFR à l'opérateur historique. Sauf à perdre de l'argent, SFR avait donc préféré renoncer à proposer une telle offre.

S'estimant victime d'un ciseau tarifaire, SFR avait donc saisi, en août 2012, le Tribunal de commerce de Paris. Orange a fait appel de ce jugement.

Dans un
arrêt rendu le 8 octobre 2014, la Chambre 5-4 de la Cour d'appel de Paris avait infirmé le jugement entrepris, estimant en substance qu'il n'existait pas de marché pertinent de la téléphonie fixe à destination des résidences secondaires.

SFR s’est alors pourvu en cassation et par
arrêt du 12 avril 2016, la Chambre commerciale de la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel, estimant qu’en se déterminant comme elle l’a fait, sans s'expliquer sur le test réalisé par la société SFR sur la base des hypothèses d'occupation des résidences secondaires retenues par la société Orange, ni préciser en quoi les éléments qu'il contenait ne permettaient pas d'établir une différence de coût, fût-elle variable, selon la fréquence et la durée des séjours, entre les offres classique et RS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Elle a donc renvoyé l’affaire devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée, ce qui explique de le présent arrêt émane d’une formation non spécialisée dans le contentieux concurrence.

Qu’à cela ne tienne !

La Chambre 5-11 de la Cour d’appel de Paris répond avec pertinence à la question posée par cette affaire : la téléphonie fixe à destination des résidences secondaires constitue-t-elle un marché pertinent distinct du marché de la téléphonie fixe résidentielle ?

Dès l’abord, la Cour de Paris relève qu’il appartient à SFR, à l’origine de l’instance, de démontrer, dès lors qu’elle prétend qu’Orange s’est rendue coupable d’abus de sa position dominante sur le marché de gros de la VGAST et sur le marché de détail de la téléphonie fixe à destination des résidences secondaires, en premier lieu, l’existence d’un marché pertinent des offres de téléphonie fixe interruptibles à destination des résidences secondaires, en deuxième lieu l’existence de la position dominante de Orange sur le marché de la téléphonie résidentielle et, en troisième lieu, l’existence d’un abus fautif.

S’agissant d’abord de la délimitation du marché pertinent, la Cour observe, à propos des caractéristiques du produit en cause, que ce qui distingue l’offre à destination de résidences secondaires de l’offre à destination des résidences principales est la possibilité, dans l’offre RS (résidences secondaires), d’interrompre la ligne et le paiement de l’abonnement. Pour la Cour, il est suffisamment démontré par SFR que la faculté d’interruption ne représente pas une simple modalité tarifaire mais une caractéristique essentielle de cette offre (p. 13). Au surplus, la Cour ne se prive pas d’observer qu’à la date à laquelle elle a lancé l’offre résidence secondaire interruptible, Orange l’a fait en considération de besoins spécifiques d’une clientèle déterminée et en proposant des tarifs différenciés des tarifs de l’offre classique, à telle enseigne que, alors qu’elle soutient le faible succès du produit (baisse du nombre d’abonnés RS de 2011 à 2016 et forte proportion des propriétaires de résidences secondaires qui n’utiliseraient pas la faculté d’interruption entre 2014 et 2016), elle a développé en plus de l’offre standard initialement proposée aux propriétaires de résidences secondaires, deux autres offres RS à forfaits, depuis l’année 2015, l’offre proposée par Orange à sa clientèle dans les conditions rappelées ci-dessus, ne pouvant s’entendre que par l’existence d’un marché correspondant. Et la Cour d’identifier un besoin de téléphonie spécifique, caractérisé par le paiement d’un prix proportionnel au temps d’occupation de la résidence secondaire, précisant que le faible nombre de consommateurs ayant opté pour l’offre interruptible ne fait pas obstacle à la détermination d’un marché pertinent pendant une certaine période de temps, dès lors que l’offre rencontre la demande et répond à un besoin spécifique de la clientèle (p. 14). Peu importe également qu’une forte proportion de propriétaires de résidences secondaires n’utilise pas dans les faits la faculté d’interrompre leur ligne, dès lors que SFR démontre que, du fait de la compression des marges, il n’est pas en mesure de répliquer l’offre RS. De fait, Orange exerçant sur le marché de la téléphonie fixe résidentielle une influence significative, elle est tenue de proposer des offres de gros non-discriminatoire de sorte que se concurrents puissent répliquer, dans des conditions tarifaires satisfaisantes, ses offres de détail, et, partant l’offre RS interruptible (p. 14).

Le débat s’est alors déplacé sur le terrain de l’analyse économique à travers la mise en œuvre du test SSNIP, qui permet d’établir le caractère substituable de produits proches en cas de report suffisant des consommateurs vers le produit  proche à la suite d’une hausse légère mais significative (généralement 5 à 10 %) et durable du prix du produit en cause. En substance, la Cour d’appel invalide la démonstration opérée par Orange aux termes de laquelle 15 % des clients RS qui n’ont pas utilisé leur faculté de suspension de l’offre RS au cours de l’année 2015 quitteraient nécessairement l’offre RS pour une offre classique si le prix augmentait. Elle estime que cette hypothèse extrême retenue par Orange n’est pas le reflet d’une réalité économique, dès lors que, pour que cette démonstration fonctionne, il faudrait que ces clients fassent partie des 90 % les plus rentables. En outre, la Cour d’appel reproche à Orange d’avoir fondé sa démonstration sur des données de coûts, de revenus retirés des offres RS et de répartition de clients, qui n’ont pas été communiquées à SFR. Sur quoi, la Cour de Paris estime que le test réalisé par SFR doit être considéré comme suffisamment probant pour déterminer l’existence d’un marché pertinent limité aux propriétaires de résidences secondaires intéressés par la possibilité de suspendre leur abonnement téléphonique (p. 17). Au final, la cour estime que SFR a établi l’existence d’un marché pertinent de la téléphonie résidentielle secondaire interruptible, tant par l’analyse classique portant sur les caractéristiques objectives, le prix et l’usage du service, à savoir les caractéristiques de l’offre résidence secondaire interruptible, le prix de l’offre en gros rapporté à l’absence de paiement par le client final, en présence d’un opérateur exerçant sur le marché de la téléphonie fixe résidentielle une influence significative, en situation de monopole lorsque l’offre a été lancée, que par le test SSNIP dont il résulte que, dans le cas d’une augmentation légère mais significative et permanente du prix de l’offre RS, les clients de l’offre RS et, parmi eux ceux qui n’ont pas eu recours l’année précédente à la faculté de désactivation, ne se tourneraient pas nécessairement vers l’offre classique Orange facilement accessible ou vers d’autres offres fournisseurs, à raison de la faculté de suspension de la ligne accompagnée de l’interruption du paiement de l’abonnement (p. 18).

L’existence de la position dominante d’Orange sur le marché de la téléphonie résidentielle n’étant pas contestée, la Cour passe directement à la démonstration de l’abus.

Écartant d’emblée l’excuse tenant à l’existence d’un contrôle ex ante de la mise en œuvre des offres tarifaires par l’ARCEP, laquelle n’exonère pas l’opérateur historique de son obligation de non-discrimination sur les marchés résidentiels de détail des communications, et, partant, de permettre à ses concurrents de répliquer dans des conditions de concurrence loyales, à l’offre RS, notamment dans la mise en oeuvre des tarifs, la Cour relève qu’en refusant la suspension du paiement de la redevance dans la proportion de la désactivation de l’offre RS, Orange réalise un acte fautif d’abus de position dominante (p. 19). En fait, et devant le caractère incertain du paiement par branche aval d’Orange de la redevance d’accès VGAST pour l’offre de gros, l’inscription en comptabilité d’une quote-part pleine de ces coûts ne semblant pas convaincre la Cour, cette dernière formule deux hypothèses alternatives mais concluant toutes deux à l’existence d’un abus. Dans l’hypothèse où le paiement de la redevance d’accès VGAST a été réalisé par la branche aval, alors la vente au client final est réalisée à perte, ce qui constitue une pratique anti-concurrentielle de prédation. Dans l’hypothèse où ledit paiement aurait été suspendu par la branche aval au profit de la branche amont, on serait alors en présence d’une pratique de ciseau tarifaire. Ainsi, qu’il s’agisse d’une pratique de ciseau tarifaire ou d’une vente à perte, l’une et l’autre entrant dans la catégorie des pratiques anticoncurrentielles, l’empêchement de répliquer l’offre RS caractérise l’abus de position dominante sur le marché pertinent de la téléphonie résidentielle RS (p. 21). En revanche, la Cour écarte l’idée d’une vente liée entre l’offre résidence principale et l’offre RS.

Sur le lien de causalité, la Cour estime que SFR a démontré suffisamment que l’absence de suspension du prix de la location sur le marché de gros, afin de permettre à SFR de répliquer valablement son offre sur le marché de détail, fait obstacle à la réplication de l’offre RS dans des conditions économiques viables, de sorte que le lien de causalité entre la faute et le préjudice subi est rapporté.

Enfin, sur le préjudice, la Cour estime qu’il tient à l’impossibilité pour SFR de conquérir les clients de l’offre RS, et ce, à partir du moment où SFR a manifesté son intention de répliquer l’offre RS et qu’Orange n’a pas exécuté en retour son obligation de non-discrimination en appliquant à cet opérateur les mêmes moyens que ceux qu’il s’applique à lui-même, soit depuis 2010.

Ainsi, pour la période de 2010 à 2013, la Cour estime le préjudice subi à la somme de 104,04 millions d’euros à laquelle est appliqué le taux de marge de 31 % du domaine d’activité de la téléphonie grand public, soit 32,25 millions d’euros, laquelle porte intérêts au taux légal à compter du 12 février 2014. Pour la période de 2014 à 2016, elle estime le préjudice subi à la somme de 62,1 millions d’euros à laquelle est appliqué le taux de marge de 31 %, soit 20,7 millions d’euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

En revanche, la Cour ne fait pas droit à la demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice subi sur le marché des résidences principales en l’absence de preuve d’un lien de causalité avec le préjudice allégué, cette preuve n’étant pas davantage rapportée en cause d’appel sur le poste de préjudice de la perte de chance ou de manque à gagner. La Cour ne fait pas non plus droit à la demande d’actualisation du préjudice selon la méthode du coût moyen pondéré du capital (WACC en anglais) en l’absence de preuve d’un préjudice spécifique provenant de l’indisponibilité des sommes allouées.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Passage en phase III, le ministre de l’économie décide de faire usage pour la première fois de son pouvoir d’évocation à propos de la prise de contrôle par Financière Cofigéo du pôle plats cuisinés cuisinés du groupe Agripole (William Saurin, Panzani, Garbit)

 

Il aura donc fallu attendre près de dix ans pour que soit mise en œuvre pour la première fois dans le contrôle français des concentrations une phase III, celle-là même qui est prévue par l'article L. 430-7-1, II, du code de commerce et qui a été introduite par l'article 96-V de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008.

À la faveur, d’un
communiqué de presse quelque peu laconique, le ministre de l’économie et des finances a annoncé le 14 juin 2018 qu’il avait décidé de faire usage de son pouvoir d’évocation à propos de l’opération, notifiée par Financière Cofigéo SAS, de prise de contrôle exclusif du pôle plats cuisinés ambiants du groupe Agripole (propriétaire des actifs et marques du groupe William Saurin).

Cette décision du ministre fait suite à la
décision adoptée le matin même par l’Autorité de la concurrence d’autoriser ladite opération mais sous réserve que Cofigeo cède sa marque Zapetti et un site de production à un opérateur tiers permettant son exploitation et la production de MDD sur ces mêmes marchés des plats cuisinés italiens et exotiques.

Pour le ministre, qui, en vertu de l’article L. 430-7-1 du code de commerce, n’a pas compétence pour se prononcer sur le maintien de la concurrence, cette opération appelle, au-delà de l’approche concurrentielle, une appréciation sous l’angle de motifs d'intérêt général tels que le maintien de l’emploi et le développement industriel.

En pratique, la décision de l’Autorité ne sera pas mise en œuvre. Se substituera à celle-ci la décision du ministre qui devrait intervenir au plus tard le 19 juillet 2018.

À l’évidence, si le ministre a fait usage de son pouvoir, c’est parce que le résultat de l’analyse concurrentielle opérée par l’Autorité ne lui convenait pas. Plus précisément, il semble que l’obligation faite à Cofigeo de céder sa marque Zapetti et un site de production à un opérateur tiers permettant son exploitation et la production de MDD sur ces mêmes marchés des plats cuisinés italiens et exotiques, lui a paru excessive au regard des deux motifs d'intérêt général autres que le maintien de la concurrence qu’il a évoqué, à savoir le maintien de l’emploi et le développement industriel. À n’en point douter, des emplois sont en jeu et le ministre considère que les remèdes dessinés par l’Autorité ne permettent pas la sauvegarde du maximum d’emploi.

Si le ministre considère que les remèdes imposés par l’Autorité sont trop sévères au regard de l'intérêt général, cela ne signifie pas pour autant que le ministre n’assortira pas sa propre décision de remèdes, même si de tels remèdes, s’ils devaient être retenus, devraient par hypothèse être différents et vraisemblablement moins drastiques que ceux envisagés par l’Autorité. Il reste que, même si le secteur en question connaît une grave crise et même si les clients de la nouvelle entité sont les acteurs de la grande distribution, à l’issue de l'opération, et en l'absence de remèdes, Cofigeo détiendra plus de 80 % de parts de marché des plats cuisinés italiens et plus de 70 % de parts de marché des plats cuisinés exotiques, et concentrera l'ensemble des marques notoires du secteur…

Il semble que l’on soit ici en présence d’une opération exceptionnelle à plus d’un titre, de sorte qu’il ne faut sans doute pas en conclure que la mise en œuvre par le ministre de son pouvoir d’évocation est appelée à se banaliser à l’avenir.

Outre son dénouement inédit, cette opération s'inscrit à l’origine dans le contexte des fraudes lourdes ayant conduit à la déconfiture et au démantèlement du groupe Financière Turenne Lafayette. Par ailleurs, il faut avoir à l’esprit que la société Financière Cofigeo gère déjà les actifs du pôle plats cuisinés du groupe Agripole (William Saurin, Panzani, Garbit) depuis près d’un an, puisque, dès le 12 juillet 2017, Cofigeo avait été
autorisée à procéder à la réalisation effective de l'acquisition des sociétés cibles, dans l'hypothèse où son offre de reprise serait retenue par le tribunal de commerce de Paris, ce qui a été fait par jugement du 3 octobre 2017. Elle a ainsi bénéficié de la dérogation prévue au 2ème alinéa de l'article L. 430-4 du code de commerce pour les sociétés en liquidation ou en redressement judiciaire. En revanche, l’Autorité n’est, semble-t-il, pas allée jusqu’à retenir l’exception de l’entreprise défaillante, laquelle permet d’autoriser une opération qui porte atteinte à la concurrence et dont les gains d’efficacité économique ne sont pas suffisants pour compenser cette atteinte, dès lors que la cible est une entreprise défaillante, qu’il n’y a pas de meilleur acquéreur du point de vue de l’analyse concurrentielle et que l’atteinte à la concurrence ne serait pas moins grave si l’entreprise avait disparu. Est-ce à dire qu’une offre alternative sérieuse s’est manifestée au cours de la procédure ?

Quoique l’Autorité ait jugé bon de publier un
deuxième communiqué de presse après la décision du ministre de l’économie d’évoquer l’affaire, dans lequel elle ne fait du reste que rappeler les principes, il est clair que chacun — Autorité de la concurrence et ministre — se trouve, au regard des textes, et pour autant que le ministre ne se prenne pas à aller sur le terrain de l’analyse concurrentielle, dans son registre propre, et, partant, que, sous cette réserve, il ne devrait pas y avoir de chevauchement de compétences. En un mot, l’Autorité de la concurrence a fait le job et le ministre devrait faire le sien. Dès lors, il n’y a pas lieu de considérer que l’Autorité se trouve désavouée dans la mise en œuvre de sa mission ou dans l’analyse qu’elle a conduite au cas d’espèce…

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : L’autorité de la concurrence donne son feu vert à 12 opérations dont une dans le secteur de la sécurité privée et une dans le secteur de l’assistance au sol dans les aéroports

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 12 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 11 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la
décision n° 18-DCC-75 du 17 mai 2018 relative à la création d’une entreprise commune dénommée Skyloc par la société Manuloc SA et la société G3S SAS dans le secteur de l’assistance au sol dans les aéroports.

Quoique au démarrage de l’activité de Skyloc, une partie importante de celle-ci consistera en la location d’équipements d’assistance au sol aéroportuaires à l’une de ses mères, tandis que l’autre lui fournira une assistance technique et financière à titre gratuit, l’entreprise nouvellement créée constitue néanmoins une entreprise commune de plein exercice accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome. En effet, Skyloc aura vocation, au-delà de cette phase de démarrage qui ne devrait pas excéder trois ans, à gérer l’ensemble des projets de financement, de location, de sous-location, de vente et de maintenance d’équipements d’assistance au sol aéroportuaires sur son territoire réservé, à savoir la France métropolitaine.

Si la présente opération n’entraîne pas de chevauchement d’activité sur le marché amont de la fourniture d’équipements d’assistance au sol aéroportuaires, sur lequel Skyloc sera active, en revanche, elle emporte des effets verticaux  dès lors que G3S est active sur les marchés aval des services d’assistance en escale. Toutefois, tout risque de verrouillage a pu être écarté, qu’il s’agisse du risque de verrouillage des intrants ou du risque de verrouillage de l’accès à la clientèle.

En premier lieu, la part de marché de Skyloc sera trop limitée pour que le refus de fournir en équipements d’assistance au sol aéroportuaires les concurrents de G3S Alyzia actifs sur les marchés des services d’assistance en escale puisse avoir un quelconque effet.

En second lieu, et s’agissant du risque de verrouillage de l’accès à la clientèle, si G3S Alyzia décidait de ne plus s’adresser aux concurrents de Skyloc pour ses besoins en équipements d’assistance au sol aéroportuaires et, en conséquence,  de limiter leurs débouchés, les concurrents de Skyloc continueraient à disposer, après l’opération, de débouchés suffisants, dès lors que la part de marché de G3S Alyzia sur le marché des services d’assistance en escale est autour de 30 %.
 



Les 11 décisions simplifiées :

Parmi les décisions simplifiées figure la
décision n° 18-DCC-81 du 25 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Brink’s Security Services SAS par la société Separgefi SAS, toutes deux actives dans le secteur de la sécurité privée, à propos de laquelle l'Autorité de la concurrence s’est quand même fendue d’un communiqué de presse.

Elle y indique que, quelles que soient les segmentations retenues, la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 25 %, de sorte que par application du point 384 des lignes directrices, elle a estimé que l’opération n’était pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

— 
Décision n° 18-DCC-73 du 16 mai 2018 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Franclem SAS et Elven Station SAS par la société ITM Entreprises SAS et les consorts Nocera ;

Décision n° 18-DCC-74 du 16 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Gouronnières Distribution SAS par la société C.D.A. 49 SAS ;

— 
Décision n° 18-DCC-77 du 18 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif d’un fonds de commerce de distribution automobile par la société DMD ;

Décision n° 18-DCC-78 du 18 mai 2018 relative à la prise de contrôle conjoint de la société LVD SARL par la société Profidis SAS et la société Financière Aljy SA ;

— 
Décision n° 18-DCC-80 du 25 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Groupe Duffort Tours SAS par la société Dauphine 27 SAS ;

Décision n° 18-DCC-82 du 25 mai 2018 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de distribution alimentaire par la société ITM Entreprises et les consorts Dugue ;

— 
Décision n° 18-DCC-83 du 25 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Établissements Jean-Claude Le Gallou par la société Priod Holding ;

Décision n° 18-DCC-85 du 25 mai 2018 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Marina par la société ITM Entreprises et les consorts Cazaux ;

— 
Décision n° 18-DCC-86 du 25 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Vajera, Sodiva, Maroleg, Sodiag et Lacacha par la société ITM Entreprises ;

Décision n° 18-DCC-87 du 25 mai 2018 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe CCA International par la société Comdata Holding France.

Un nouvel avenir pour les abus d’exploitation ?

Paris — 29 juin 2018

 

Bonjour,

Nous avons le plaisir de vous inviter au prochain Atelier de la concurrence de la DGCCRF qui se tiendra à Bercy le 29 juin 2018 sur le thème « Un nouvel avenir pour les abus d’exploitation ? ».

Alors que les autorités de concurrence semblent s'intéresser de nouveau aux abus d'exploitation (prix excessifs, discriminations, dégradation de la protection de données personnelles), cet atelier propose aux entreprises de faire le point sur l'identification de ces formes d'abus et les tests qui leur sont applicables. Cet atelier permettra aussi de s'interroger sur la frontière entre le droit de la concurrence et d'autres formes de régulation.

Nous entendrons notamment à cette occasion :

— Cecilio Madero, directeur général adjoint Antitrust de la DG Concurrence, Commission européenne ;

— Thierry Dahan, vice-président de l'Autorité de la concurrence ;

— Pierre Chambu, chef du service protection des consommateurs et régulation des marchés à la DGCCRF.

Vous trouverez
ICI l'ensemble des informations pratiques pour vous inscrire et vous y rendre.

Bien cordialement,

Laurent Flochel, vice-président de Charles River Associates / Christophe Lemaire, avocat à la Cour, Ashurst LLP, maître de conférences à l'École de droit de la Sorbonne, Co-directeur du Master 2 – Droit économique de l'Union européenne

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