BIO EXPRESS
2013 : Sciences Po / CFJ
2014 : « Le Mystère de Grimouville », webdoc interactif, France Bleu et Radio France nouveaux médias
2014 : Création du média « Le Quatre Heures »
2015 : Série télévisée « AnArchy », expérience transmédia, pour France Télévisions
2016 : Service vidéo du journal Le Monde
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Comment s’est déroulée l’organisation pré-confinement ?
C’était une période assez incroyable car on est passé du vendredi, où on devait se tenir à distance et porter un masque à la rédaction, au mardi où, quasiment en deux heures il a fallu rentrer chez soi. Tout a été très fluide : en l’espace de quelques jours, tous nos journalistes vidéo se sont fait livrer à domicile leur poste de travail par notre service de coursiers. Techniquement, on n’a pas eu de soucis mais en terme de process de travail, ça a bouleversé beaucoup de choses. Dans le service on est quinze, dix journalistes, deux adjoints et trois motion designers. On a la chance d’avoir une équipe paritaire, jeune, très connectée et très flexible. On était déjà sur Slack, ça n’a pas été compliqué. J’ai créé un channel dédié « Coronavirus vidéo » dans lequel on parlait des sujets « corona ». On avait aussi une conférence en visio tous les deux jours, avec un peu de « small talk » pour détendre l'atmosphère et surtout, une harmonisation des contenus.
Qu’est-ce que le coronavirus a changé dans la production de vos vidéos ?
Éditorialement, ça a été un des moments les plus stimulants de ma courte carrière. On a mesuré à quel point on avait un boulot qui avait du sens, qui était important pour les gens. Le lectorat s’est déporté de façon massive vers les médias de référence. Le Monde a eu des audiences gigantesques (trois à quatre fois plus de nouveaux abonnements que d’habitude, ndlr). On a ressenti l’importance d’avoir une rédaction fiable avec des gens solides sur qui s’appuyer, notamment nos journalistes santé. Au service vidéo, on s’est vraiment dit qu’il fallait qu’on soit hyper carrés car il y avait des vies en jeu. On a trouvé la manière d’expliquer les choses aux gens, sans être ni dans le dramatique, ni dans le « tout va bien ». C’était passionnant.
Est-ce que les échanges avec vos communautés, sur YouTube notamment, ont eu des effets sur vos productions pendant la crise ?
On a eu beaucoup de commentaires sur la nourriture et les pénuries alimentaires. On s’est dit qu’on se devait d’aborder cette thématique. Nous avons aussi observé de nombreux échanges sur le mal logement, notamment après la fuite des Parisiens en mal de verdure. Du coup, on a traité le sujet en vidéo. Sur les contenus, on apprend beaucoup de la réception qu’en a l’audience. Je crois beaucoup au processus itératif.
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Vous avez une relation particulière avec ces communautés ?
C’est nous qui répondons aux commentaires en direct avec la chaîne du Monde en signant de notre nom. On a plusieurs journalistes qui ont trouvé leur communauté, et qui alimentent cette relation. Ça, c’est assez chouette. Sur YouTube il y a vraiment un truc autour de l’incarnation. Au Monde, on n’est historiquement pas très à l’aise avec le fait d’incarner la rédaction dans un seul journaliste, on a une attention très soutenue à « on est dans la rédaction du Monde et c‘est la rédaction du Monde qui produit de la qualité », mais en vidéo il est important d’incarner. Pédagogiquement, c’est bien plus efficace.
Avez-vous tiré des leçons de la crise sur la production de vos contenus ?
On s’est collectivement interrogé sur le fait qu’on avait produit des formats très explicatifs, un peu trop longs et parfois en décalage avec les événements. En insistant à la fois sur l’exigence et sur la longueur, on a parfois pris le risque de ne plus être en phase avec la discussion de la société, le débat national. Quand on produit des vidéos de 8-9 minutes en 3 semaines on est parfois en décalage avec l’actualité chaude. Ce que Vox ne fait pas, ils font très peu de vidéos longues. On va prendre soin de rester plus structurés sur ces contenus-là, et ça, c’est une découverte faite pendant la crise.
Justement, en quoi Vox a été un modèle pour vous ?
Quand le service vidéo a été créé en 2011, Olivier Clairouin et David Castello-Lopes ont réfléchi, avec la direction, à la ligne éditoriale. Quand les gens venaient sur le site du Monde, on leur promettait non seulement une info précise et rapide, mais aussi plus de fond, plus de solidité et un regard explicatif sur l’actualité. Ce côté pédagogique est le fondement de notre ligne éditoriale. Nous nous sommes fortement inspirés des « explainers » du site américain Vox. On reste collés à l’actualité : les manifs Floyd, #MeToo, le genre, tous ces grands sujets qui changent la société méritent qu’on continue à expliquer. On travaille donc toujours sur cette base-là.
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Quelles évolutions pour les vidéos du service ?
Maintenant, en plus d’expliquer, on aimerait révéler. C’est pour ça qu’on s’est lancé dans l’enquête. On s’inspire notamment du New York Times, de Foreign Sic Architecture (un cabinet de chercheurs à Londres qui bosse sur de la 3D et la modélisation, ndlr) ou de la BBC. On a une stratégie basée sur toutes les informations qu’on peut trouver sur internet (l'Osint, pour Open Source INTelligence). On fait des enquêtes vidéo à l’heure du numérique, fondées sur la très grande richesse des photos ou des vidéos publiées sur Internet, et on les analyse. On révèle des choses à partir d’images que nous-mêmes on n’a pas produites. C’est assez différent de ce que fait Envoyé Spécial, Cash Investigation, etc.. Par exemple, sur un tir de LBD dans une manifestation, on va aller chercher sur Facebook, Twitter, Snapchat, toutes les vidéos qui montrent cet événement-là et derrière, on fait un gros boulot d’authentification. Un bon exemple, c’est l’enquête vidéo d’Asia Balluffier sur le tir de LBD à Bordeaux. On avait une situation avec beaucoup de sources vidéo, mais il manquait celle qui pouvait faire le lien entre le tir et la victime. Alors, on a fait une modélisation 3D. Après cette enquête, on a appris avec un peu d’étonnement que même l’IGPN (l'inspection générale de la police nationale, ndlr) était intéressé par nos méthodes !
Le Monde s’est lancé sur TikTok, à quand la chaîne Twitch ?
Il y a sans doute un truc à explorer sur le « watchtime » long des contenus Twitch avec des viewers qui restent en moyenne 20 à 30 minutes. Sur nos contenus longs, les gens regardent en moyenne 60 % de nos vidéos, donc pour nous, ça peut être intéressant de ce point de vue là. Pour l’instant, la question est : quelle est la promesse qu’on aura sur Twitch ? Comment on adapte un truc qu’on sait faire, c’est-à-dire d’expliquer, raconter l’info à une audience qui est avant tout sur du streaming en direct de jeux vidéo ? Il faut voir si c’est intéressant de matcher les deux. Pour l’instant on n’a pas encore trouvé, et Twitch est encore balbutiant sur le business model avec les médias.
Aujourd’hui qu’est-ce que vous attendez d’un jeune journaliste qui veut faire de la vidéo ?
Ce qui est intéressant concernant la vidéo en ligne, c’est que le ticket d’entrée sur YouTube est devenu très élevé, donc si on veut que ça marche, il n’est plus possible d’espérer qu’une vidéo buzze par miracle. En tant que journaliste, on a les moyens d’y arriver, il faut qu’on reste hyper carré sur les fondamentaux du journalisme : c’est quoi une bonne source ? Et en même temps, j’attendrai qu’un jeune journaliste mette ses compétences au service d’un storytelling créatif : raconter une histoire. Quand l’info est mise en histoire elle est mieux comprise et mieux retenue. Il faut être créatif car pour émerger sur des plateformes comme YouTube, le journaliste a besoin de tenter des choses, de se mettre en péril, à la limite de la fiction ou même de l’humour. Aller vers des mises en situation et des mises en scène, pour être le plus pédagogique possible.
Propos recueillis par Auriane Guerithault et Léa Gorius
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C'était la « Média'Tech summer » #3 !
C'est fou ce que le temps passe vite quand on s'amuse.
On a déjà hâte de vous retrouver lundi prochain. Notre guest star sera Amel Cogard, directrice de l’unité éducation du groupe France Télévisions.
Mais avant de partir, un petit gif pour vous rappeler un truc hyper important :
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