Depuis quelques semaines déjà, et sans doute encore pour quelque temps, nous nous tenons à distance les uns des autres. Les autorités sanitaires appellent cela la “distanciation sociale”. Curieuse expression qui, selon le dictionnaire Larousse, renvoie au fait de “créer une distance entre soi et la réalité”. Cette distance que nous mettons, pour nous protéger et protéger les autres, pourrait donc aussi être vécue comme une prise de recul vis-à-vis de la réalité, de nos vies sans cesse en accélération et de nos environnements professionnels de plus en plus denses. Dans cette période de repli chez soi (et non sur soi), ne vivons-nous pas l’expérience d’une plus grande ouverture aux autres, d’une écoute différente, d’une attention plus forte ? Finalement, le superficiel n’a t-il pas - au moins temporairement - laissé place à l’essentiel ?
Paradoxalement, le confinement que nous vivons contribue à nous relier, d’un fil invisible et solide. Le partage des mêmes questions, difficultés et espoirs soude un collectif, épars mais vivant. Alors, certes, les fractures sociales n’ont pas miraculeusement disparu, les tensions non plus ; la promesse d’un avenir meilleur reste à tenir. Mais, à chaque instant, des liens nouveaux se tissent, sous la forme d’une main tendue à un voisin, d’applaudissements aux fenêtres, de soutien à ceux qui en ont besoin, de bénévolat de compétences. Et c’est bien cette communication du quotidien, sans intermédiaire et sans mise en forme, qui nous relie. Authentique et juste, elle rappelle que la communication est avant tout l’action de “mettre en commun”. Ces dernières décennies, la communication en entreprise s’est parfois éloignée de cette intention simple et primordiale. Alors pour nous, communicants de métier, cette crise sonne aussi comme un salutaire retour aux sources. A nous de commencer à anticiper la suite en nous inspirant de ce nouvel état d’esprit.
Témoignages
Confronté(e) à une telle situation inédite, quel est le fait marquant dans votre quotidien ?
Edith, responsable événementiel
"Malgré une habitude de télétravail, j’ai un « burn-out » de virtuel et en même temps un besoin de communiquer en vidéo avec mes collègues qui vivent la même chose dans le monde entier."
Benoit, designer textile
"Je ne vois plus mes clients ni mes collaborateurs. Je communique à distance. Je ressens moins d’urgence. Moins d’instantanéité. La nature de la communication a changé. Avec plus de temps, elle est plus préparée. Même le rythme s'est ralenti. Du même coup, je crois que les communications sont plus précises et plus réfléchies."
Charlotte, journaliste
"Les interactions sociales sont complètement différentes. On doit tous réapprendre à interagir, comme par exemple dans notre façon de nous dire bonjour. J'ai l'impression que le sourire, ou les gestes, ont une place beaucoup plus importante en ce moment, pour compenser l'absence de toucher et de proximité."
Didier, candidat aux élections municipales
"Nous répondons quotidiennement à des problématiques diverses. Des gens sont prêts à apporter de l'aide, d'autres ont des besoins spécifiques auxquels nous cherchons à répondre. On vit pleinement l'instant présent, c'est bon pour le moral, quelles que soient les difficultés."
Véronique, DRH
"Une opportunité de repenser différemment l’organisation du travail au quotidien, restructurer son temps, sa journée. Une nécessité de sortir du cadre connu, conventionnel, pour développer d’autres modes de fonctionnement, de management, tout en restant pragmatique et opérationnel."
Patrick, professeur
"J'ai jamais autant bossé ! Du jour au lendemain il faut revoir toutes nos pratiques. Et c'est intéressant."
Sylvaine Pascual Coach spécialisée dans le plaisir au travail et la reconversion (Ithaque coaching)
"Le contexte actuel mérite que chacun s’interroge
sur sa façon de communiquer"
La crise sanitaire et le confinement ont développé la communication à distance entre salariés. Quels en sont les impacts possibles à court et moyen terme ?
Sur le long terme, je ne peux pas répondre car cela va dépendre de nombreux facteurs. Ce qui est certain, c’est que la communication à distance peut conduire à une déshumanisation de la communication. On l’a constaté avec l’usage des mails. Le « bonjour » disparaît parfois. L’usage du « merci de … » masque une injonction et distribue des ordres de façon un peu sournoise. Ce type de communication peut avoir un effet délétère sur les relations. Il faut veiller à ne pas paraître mécanique, éviter les automatismes. Car cela est perçu comme un manque d’authenticité. Le contexte actuel mérite que chacun s’interroge sur sa façon de communiquer, les changements induits par le travail à distance, les bénéfices ou les effets négatifs.
Pour beaucoup de salariés, une communication régulière avec leurs managers et collègues est devenue essentielle. Ils attendent notamment une communication informelle, de soutien, de présence.
Ce qui est sûr, c’est que le besoin de lien est fondamental. Souvent, on prend conscience de ce qui est précieux quand on en est privé. Dans la situation de manque actuel, on augmente – y compris entre collègues – des modes de relations conviviales. On prend des nouvelles les uns des autres. Les managers font des efforts pour prendre soin de leurs collaborateurs. Ils ont tous conscience que la situation est difficile et ils essaient réellement de savoir si les choses se passent bien et dans quelle mesure ils peuvent aider. On constate aussi que les gens ont plus recours au téléphone qu’avant. Est-ce que c’est lié au fait qu’on a le temps ? Est-ce que cela va durer ? On ne peut pas l’anticiper, mais on peut se questionner sur ses propres besoins. En temps normal, est-ce que mon besoin de lien est suffisamment nourri ?
Communication interne post-confinement : quels besoins ?
Nous vous invitons à répondre à ce court sondage (3 questions) destiné à recueillir ce que vous pressentez comme besoins en matière de communication interne, pour les mois à venir.
Nous vous livrerons les résultats, en exclusivité, par mail.
Quel rapport au travail en période d'épidémie COVID ?
Ce sondage, réalisé par le cabinet Odoxa, met en lumière les disparités de situation au sein de la population active française (la moitié travaillant sur site ou à distance et l'autre moitié étant en chômage partiel ou en arrêt maladie), ainsi que des éléments intéressants sur le rapport des salariés à leur entreprise et l'impact du télétravail sur le sentiment d'appartenance. Voir le sondage
Confinés mais bien informés !
Dans un paysage informationnel très saturé, cette newsletter créée par "60 millions de consommateurs" se démarque. Elle apporte des réponses très précises aux questions qu'on peut se poser, à la fois sur l'épidémie mais aussi sur ses conséquences, et propose de belles découvertes ou des idées très originales pour s'aérer l'esprit. Lire la newsletter
Inspiration
"The Great Empty" est une superbe série de photos, publiées par le New York Times en mars, témoignant du confinement d'une bonne partie de la planète. De New York à Tokyo, en passant par Paris et Milan, ce travail offre une vision inédite de lieux emblématiques aujourd'hui désertés. Une plongée dans le vide, vertigineuse mais magnifique, qui appelle à une réflexion sur notre besoin de "remplir" l'espace. Voir le reportage
