Tip & Shaft/Story, les sagas de la voile
Jeudi 23 avril 2020 - Episode #24
LA SAGA DES PREMIERS VENDÉE GLOBE

JEANTOT, SI LOIN, SI PRÈS...

EPISODE #24

en partenariat avec DPPI agence photo, partenaire de Tip & Shaft/Story
Dans l'épisode précédent : La légende de la langue recousue

Six mois après l’arrivée du dernier concurrent de la deuxième édition du Vendée Globe, au printemps 1993, Philippe Jeantot quitte la métropole pour les Antilles. A partir de janvier 1994, toute sa famille vit désormais sur un grand catamaran Jeantot Marine de 15 mètres, baptisé Privilège, que le double vainqueur du BOC présente avec fierté et bonheur jusque dans les pages du Figaro Magazine

Officiellement, les Jeantot sont domiciliés dans l’île française de Saint-Barthélemy, mais les enfants suivent les cours par correspondance du Cned (Centre national d’enseignement à distance), sans jamais fréquenter les classes de Saint-Barth.

Le père de famille, lui, assure la direction de Privilèges Vacances, une filiale de Jeantot Marine basée en Guadeloupe s’occupant de la location, dans toutes les Antilles, des grands catamarans de croisière construits par le chantier. Jeantot a encore dû reculer son projet de croisière familiale autour de la planète, mais il s’en approche doucement.

L’entreprise vendéenne a créé cette activité sous la contrainte après le dépôt de bilan du loueur JetSea. Cette société avait connu une rapide expansion grâce à la loi Pons sur la défiscalisation dans les Dom-Tom et au développement du tourisme nautique dans les Antilles, avant de s’effondrer, victime d’une croissance non maîtrisée.

Jeantot, Villiers et Dinelli, à la veille du départ du 3e Vendée Globe
Philippe Jeantot et Philippe de Villiers, entourant Raphaël Dinelli. Le premier a proposé au second de reprendre le Vendée Globe. Mais le deal ne se fera pas.
Photo Jean-Marc Mouchet/DPPI
 
Pour Philippe Jeantot et son associé, René Bernard, la fin de JetSea, en 1993, est un coup dur : ils viennent de terminer la fabrication de vingt catamarans tout équipés, du moteur aux serviettes de table, l’ultime commande de JetSea… qui ne sera jamais payée. Les actionnaires de Jeantot Marine, en attendant de revendre cette flottille qui leur reste sur les bras, tentent de la rentabiliser par la location. D’où la création de Privilèges Vacances, à Pointe-à-Pitre, en octobre 1993, et le report par le double vainqueur du BOC de ses projets de grand départ.

La vie est agréable sous le soleil des Antilles. Jeantot passe du temps sur l’eau, à convoyer des catamarans ou à naviguer avec des clients. Il sait que, bientôt, il larguera vraiment les amarres. A l’été 1993, au cour d’un repas dans un restaurant chic des Sables d’Olonne, il a proposé à Philippe de Villiers que le conseil général rachète le Vendée Globe. « Je m’étais dit qu’éventuellement je pourrais rester consultant, expliquera le Vendéen. Vendre était un moyen pour me constituer un capital Â».

Le cabinet de consultants KPMG, chargé de l’estimation par le conseil général, ne parvient pas à évaluer le prix d’une telle épreuve. En revanche, il transmet une étude moins financière et plus juridique sur la capacité d’une collectivité locale à être propriétaire d’une course à la voile. Philippe de Villiers demande alors l’avis de la préfecture de Vendée et de la cour des comptes régionale. Ils sont négatifs : l’assemblée départementale renonce au rachat.

« Devant cette impossibilité, Philippe s’est ravisé, au nom de notre amitié Â», se souviendra Villiers. Après discussion, Jeantot accepte finalement une nouvelle fois de continuer à organiser l’épreuve. Mais toujours à ses conditions : il ne rentrera que l’année du Vendée Globe, pas avant. Entre temps, la famille Jeantot profitera des tropiques.  
 
Jeantot entre les Antilles et la Vendée
 
L’ex-solitaire est en mer quand, en 1995, il reçoit un appel de son ami Villiers : « Philippe, rentre très vite, le Vendée Globe est en péril Â». À La Roche-sur-Yon, l’ancien secrétaire d’Etat a des raisons d’être inquiet. Il a appris que Frédéric Beauchêne, organisateur d’événements nautiques, dont le très spectaculaire Funboard Indoor de Bercy, avait été contacté par des membres de l’entourage du maire des Sables d’Olonne pour faire une proposition d’organisation du Vendée Globe.

Devant son hésitation, ces proches de Louis Guédon insistent pour qu’il produise un devis, ce qu’il ne fera pas : « Je n’étais pas très chaud, expliquera Beauchêne. J’ai l’habitude de créer moi-même mes évènements, pas de prendre ceux des autres. Mais la demande était restée très informelle Â». Elle n’ira d’ailleurs pas plus loin. À son arrivée, quelques jours plus tard, à La Roche-sur-Yon, Jeantot doit donc éteindre le feu qui couve. Son arme : communiquer.

Il donne rendez-vous aux médias pour une conférence de presse, au conseil général. Là, il fait un point sur la future épreuve avec un seul leitmotiv : tout va bien. Puis, il retourne aux Antilles. « Je n’en ai jamais parlé les yeux dans les yeux avec Louis Guédon, dira-t-il. Mais peut-être a-t-il été mal informé ? Il a peut-être cru bien faire Â». Pas rancunier, Jeantot ! Pourtant, de nombreux témoignages indiquent que cette histoire lui est longtemps restée en travers de la gorge…

À partir du salon nautique de décembre 1995, fidèle à sa parole, le Vendéen ne fait plus que des passages aux Antilles et se consacre essentiellement à la préparation de l’édition 1996-1997. Plus de soixante-quinze marins ont fait part à Jeantot de leur intention de courir. Mais le véritable indicateur, ce sont les six bateaux construits spécialement pour l’épreuve, auxquels il faut ajouter Geodis, conçu pour le BOC 1994-1995 et Christophe Auguin.

Le millésime s’annonce excellent. Heureusement, car les autres affaires de Philippe Jeantot ne sont pas brillantes : Jeantot Marine, qui ne se remet pas des faillites en série chez ses clients loueurs de voiliers, est au bord du dépôt de bilan. En avril, la famille au complet s’installe dans la maison de Grosbreuil. Fin octobre 1996, les concurrents du troisième Vendée Globe arrivent à Port-Olona. Finalement, seuls dix-sept marins ont réussi à armer un monocoque pour partir autour du monde.

Et l’on ne compte que trois anciens des précédentes éditions : Le Hongrois Nandor Fa, les Français Yves Parlier et Bertrand de Broc. Pour ce dernier, être au départ a un petit goût de revanche. Car le précédent tour du monde n’a pas connu le dénouement qu’il espérait…
 
Prochain épisode vendredi à 9h. Pas encore abonné ? ðŸ‘‰ cliquez ici.

Cette série s'appuie sur le livre Le Roman du Vendée Globe, publié chez Grasset, avec l'aimable autorisation de ses auteurs, Christophe Agnus et Pierre-Yves Lautrou. Vous pouvez vous abonner et retrouver chaque lundi La Photo de Mer publiée par Christophe ici.
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Editeur : Pierre-Yves Lautrou - Rédacteur en chef : Axel Capron
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