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AMR-TIMES Nouvelle édition AMR & COVID-19

Mai 2020

Une découverte majeure,
COMME LA PENICILLINE EN 1943 ?
Des greffons aux problèmes d’oxygénation dans le patient COVID‑19

 

Entretien I

Pr Laurent LANTIERI, Chirurgien plasticien, connu mondialement pour avoir réussi la première greffe totale de visage au monde.

Photo: Pr L. Lantieri


 Interview, rev. le 4 mai,  par Arno Germond and Garance Upham, AMR Think-Do-Tank, la Genève Internationale

Question: Bonjour, vous êtes un spécialiste des greffes, comment pensez-vous contribuer à soigner le patient COVID‑19?
 
Professeur Laurent Lantieri:
Je suis chirurgien plasticien, donc aux antipodes du problème des maladies infectieuses et du COVID‑19, donc si il y a quelqu'un dont on a pas besoin dans cette crise, c'est bien un chirurgien plasticien qui fait des greffes de mains ou de visage.
C'est très loin de ce dont on a besoin, mais j'ai utilisé, lors de ma pratique clinique, une molécule, le HEMO2life, qui est un transporteur d'oxygène, issu de la biologie marine et qui est considéré comme « un dispositif médical », et pas comme un médicament – en tout cas dans les normes européennes – car on ne sait pas ce que sera l'attitude de la FDA (Food & Drug Administration, USA) à l’égard de ce produit.
 
Il s’agit d’un travail de recherche de Franck Zal ancien chercheur en biologie marine au CNRS, qui, après 20 ans de travaux, est arrivé à maturité puisqu’après de nombreux essais précliniques dans des modèles in vitro et in vivo chez l’animal il a été utilisé dans la transplantation rénale, afin de prolonger la vie du greffon. Moi-même je l'ai utilisé dans une transplantation de la face, en situation difficile, complexe, car c'était un patient qui était en situation de rejet et cette molécule a permis une meilleure conservation du greffon, et lui a probablement sauvé la vie.
Et cette molécule pourrait être particulièrement pertinente dans le traitement du malade COVID‑19.
 
Question: Comment ce transporteur d’oxygène pourrait-il être utile?
 
Laurent Lantieri:
 Etant donné, chez les patients COVID‑19, l’apparition de ces taux de désaturation, confirmés par la suite dans de nombreuses publications montrant des problèmes de coagulation et d’hypoxémie (diminution du taux d’oxygène dans le sang), indiquant que les problèmes ne sont pas seulement ceux d'un manque de respirateurs, il serait judicieux, nous avons pensé, de tenter de soigner la pathologie vasculaire.
D’où l’idée : est-ce qu'on ne pourrait pas monter un protocole pour faire un essai clinique avec cette molécule en l’injectant chez les patients les plus gravement atteints qui, malgré une bonne prise en charge, ont une hypoxémie sévère ?
 
Notre idée a provoqué un certain étonnement dans le milieu médical. Les réanimateurs ne connaissaient pas cette molécule puisqu'elle n'a été utilisée que pour la transplantation, puis il y a eu un vaste intérêt, on a donc préparé un protocole de recherche. Ce protocole, malheureusement, est toujours suspendu, à l'heure actuelle, pour des raisons plus politiques que réelles, l’Agence Nationale de Sécurité du Medicament (ANSM) ayant eu des dernières demandes, maintenant satisfaites.
Quand on voit le nombre de morts par jour, il me semble judicieux d’explorer toutes les pistes !
 
Je crois que malheureusement, l'excès de confiance, avec ce qui s'est passé par exemple à Marseille avec l'hydroxychloroquine, le protocole du professeur Raoult, a finalement ralenti la possibilité de proposer d'autres projets hors normes, et tout ce qui n'est pas dans le 'standard' of care, la pratique habituelle de soins comme les antiviraux, quelque chose de bien codifié. L'attitude de Raoult a probablement été bénéfique dans le sens où elle a permis de regarder autre chose que le storytelling habituel que seules de nouvelles molécules onéreuses auraient une place, mais n'a pas fait que du bien, car cela a ralenti d'autres projets innovants, comme le nôtre malheureusement.
 
Question: Votre approche sort des sentiers battus, mais vous avez rencontré un grand intérêt parmi certains médecins réanimateurs en première lign?
 
Laurent Lantieri:
Effectivement, nous travaillons actuellement avec une équipe de Strasbourg, pour monter un protocole afin de relancer ce projet ralenti par les circonstances.
Comme réanimateur à Strasbourg, le Professeur Francis Schneider a traité plus de 120 patients, donc il a une vision très personnelle et très fine de la physiopathologie de ce virus et selon lui, l'atteinte intravasculaire est profonde chez ces patients. Aujourd’hui on entend beaucoup les infectiologues, mais là c'est la vision du réanimateur, il voit plus loin que notre projet initial.
 
La maladie n'est pas qu'une maladie respiratoire, il y a les problèmes de coagulation, de micro-thrombose, d'oxygénation. C'est ce qui a été rapporté par l'équipe Italienne du professeur Luciano Gattinoni, (MD, Université Médicale de Göttingen, en Allemagne), c'est le grand spécialiste milanais du Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë, (SDRA), et il a bien noté dans un article que les malades n'étaient pas tout à fait ces cas habituels décrits dans le SDRA or c'est lui le spécialiste européen de ce syndrome.
 
Question: En plus de la presse scientifique, le Washington Post, Bloomberg, ont publié sur les aspects inhabituels du COVID‑19:  de jeunes adultes mourrant de crises cardiaques, et ce phénomène de coagulation, et la semaine dernière, la mortalité très élevée des patients mis sous respirateurs: 88% de morts!
 
Laurent Lantieri:
Oui! En Chine la mortalité est de 40 à 50%, en Italie environ la même chose, et en France environ 40%.
Cette mortalité très élevée dans le syndrome SDRA, même parmi de jeunes patients, est rare. Alors les gens se posent des questions, comment ce fait-il que la mortalité atteigne 88% aux US?
Aux USA, il y a des niveaux de co-morbidités très élevés comme l’obésité, ce qui pose deux difficultés dans les cas de SDRA sévères: le patient qui est obèse doit être mis sur le ventre pour maximiser le fonctionnement des poumons. Et là il faut 4 à 5 soignants pour le faire et l’intuber, et parfois c’est impossible! Ensuite l’autre difficulté rapportée dans la presse scientifique: la désaturation du sang va plus vite chez ces patients là. Alors ceux-ci sont plus vulnérables.
 
Question: Le virus induisant la formation de mini-caillots pourrait-il être à l'origine de l'insuffisance respiratoire?
 
Laurent Lantieri:
Il y a beaucoup d’hypothèses. Au début la première hypothèse a été que c'était uniquement un problème ventilatoire, et un problème standard de SDRA aiguë, le virus se fixant sur les cellules humaines à travers le récepteur ACE2 (enzyme de conversion de l'angiotensine II), et ces récepteurs sont très nombreux dans les capillaires au niveau des alvéoles pulmonaires. et puis on a vu ces patients qui désaturaient violemment et donc on a pensé à une micro-thrombose.
Mes collègues de l’Hôpital Européen Georges Pompidou,  ont trouvé que que beaucoup de cellules endothéliales sont relarguées dans le sang, ce qui démontre une atteinte de l'endothélium. Ils n’ont pas pu le publier pour des raisons politiques et une autre équipe a publié les mêmes résultats dans The Lancet.
Donc le COVID‑19 n'est pas seulement une maladie pulmonaire, toute lésion de l’endothélium peut provoquer une coagulation.
Ce qui est un peu plus hypothétique, par contre, c'est de savoir si le virus induit d'autres dommages ?
 
Il y a eu une publication théorique sur la capacité qu'aurait le virus d'entrer dans le globule rouge, ce qui est possible car il a des récepteurs ACE2, mais le virus ne peut pas s’y reproduire, car le globule rouge n'a pas de noyau. Mais, je le dis au conditionnel: il pourrait se fixer sur l’hémoglobine et ce serait une explication de la dissociation entre clinique et fonction: car il y a des patients qui vont bien avec des troubles dans le test d’oxygénation, ce qu’on appelle le « happy hypoxemia » comme s’ils étaient au sommet d’une montagne.
 
Serait-ce dû au fait que l'hémoglobine serait altérée, comme dans l'asphyxie au monoxyde de carbone, le fer libéré par l’hémoglobine altérée serait toxique pour les vaisseaux ? Mais là on est dans le théorique.
 
« plus nous progressons dans la compréhension de la maladie plus on voit que ce n'est pas simplement une maladie localisée aux poumons. La gravité de la maladie est liée au fait que le virus affecte la fonction vasculaire.»
 
Ce qui est certain c'est que plus nous progressons dans la compréhension de la maladie plus on voit que ce n'est pas simplement une maladie localisée aux poumons. La gravité de la maladie est liée au fait que le virus affecte la fonction vasculaire. 
 
Question : Votre point de vue vient de votre intérêt pour la microcirculation?
 
Laurent Lantieri:
Pourquoi est-ce que je m'y intéresse en tant que chirurgien plasticien?
Parce que la microcirculation : c’est ma spécialité de tous les jours, c'est mon travail dans les greffes. Je fais aussi de la recherche en laboratoire, en collaboration avec Harvard. Comment se comportent les tissus une fois mis en ischémie, et reperfusés, c'est à dire quand il n'y a plus eu d'apport d'oxygène et que nous les avons remis en contact avec la circulation? Comment se passe la microcirculation à l'intérieur? Comment perfuser des tissus? C'est vraiment mon métier.
La microcirculation cutanée et sous cutanée, c’est la spécialité des chirurgiens plasticiens, nous qui faisons des re-implantation de doigts et ce genre de greffes, nous connaissons bien la question.
 
Question: Vous avez vraiment un point de vu privilégié sur la question! Or dans une nouvelle situation épidémiologique, il est important d’explorer et sortir des sentiers battus.
 
Laurent Lantieri:
Il le faut dans ce combat. Il y a des gens qui pensent tout savoir de A à Z et généralement ils se trompent. C'est une pathologie très très nouvelle et parmi les experts, les meilleurs ont trois mois de connaissances.
La France reste un pays où l'innovation est écrasée par la bureaucratie, et là elle est un peu ébranlée, fissurée, par exemple l'utilisation d'imprimantes 3D pour fabriquer des respirateurs, l’utilisation détournée de masques qui au départ étaient faits pour la plongée sous marine, particulièrement efficaces, mais dans d’autres circonstances elle aurait été interdite, car il ne s'agit pas d'un "dispositif médical."
 
Un homme génial!
 
Je pense que Zal est un génie, et on n’a pas encore découvert toutes les possibilités de sa molécule, il a quelque chose d'aussi important que la pénicilline en 1943!
Franck Zal est un biologiste marin qui a travaillé pendant des années sur les vers marins qu'on trouve en Bretagne, ces vers captent l’oxygène à marée haute, dans l'eau, et vivent sur leur oxygène à marée basse, ils existent depuis 450 millions d'années. Ils ont cette particularité d'avoir un système circulatoire et à l'intérieur ils n'ont pas de globules rouges, contrairement à d'autres animaux marins, ils ont une hémoglobine circulante qui est une molécule beaucoup plus grosse que notre hémoglobine qui capte 40 fois plus d’oxygène que la nôtre (160 molécules au lieu de 4) et qui, en plus, a un gradient particulier, qui capte l'oxygène et le relargue en ischémie, donc quand il n'y a plus d'oxygène. Ils stockent l'oxygène avec cette molécule. Alors, au début, c'était artisanale, l’équipe de Zal piquait le ver avec une petite aiguille dans une veine centrale, si loin de l'humain.
Donc Zal l'a extraite, il l’a congelée, et d'artisanal, il en a fait un produit qui est GMP, arrivé à maturité, il a un stock pour utilisation pour des greffes, c'est 20 ans de travail pour lui.
Alors c'est tellement DISRUPTIF qu'on a du mal à faire admettre ça, car c'est totalement différent, on va l'injecter chez quelqu'un et ce faisant on va améliorer son oxygénation!
 
C'est totalement disruptif car, jusqu'à présent, vous n'avez pas d'autres moyens de changer l'oxygène dans les tissus, qu'en modifiant la ventilation, et là l'idée c'est de modifier le transport en oxygène.
 
C'est totalement disruptif car jusqu'à présent, vous n'avez pas d'autres moyens de changer l'oxygène dans les tissus, qu'en modifiant la ventilation, et là l'idée c'est de modifier le transport en oxygène.
Donc ça n'a jamais été fait c'est pour cela que c'est si difficile à accepter alors que toutes les autres approches ont été tentées: les antiviraux, les antibiotiques, même l'utilisation de la chloroquine, c'est déjà connu. Tout a déjà été fait mais cela c'est très différent. Et c'est pour cela que c'est si difficile, une montagne à déplacer  pour faire accepter ce principe-là !
 
Question: L’APHP a bloqué cette initiative pour un essai clinique avec des hôpitaux parisiens?
 
Laurent Lantieri:
Le projet n'avançait pas car l'APHP voulait que Franck Zal signe un contrat qui avait deux volets: pour accéder aux données il faudrait payer. Or on proposait OPEN SOURCE, comme le virologue allemand qui a donné ses droits aux tests, car on en a tellement besoin !
Et Franck Zal était d’accord, Open Source, de toute façon la molécule est brevetée.
Non, l'APHP voulait faire payer. C'était la première partie difficile du contrat, et pour l'autre partie, l'APHP voulait un droit de veto sur tout changement dans la gestion de sa société, Hemarina.
Et c'est pour ça que le contrat n'avançait pas. Ils ont trouvé le prétexte pour arrêter l'essai de façon assez violente, par voie de presse.
Dans la recherche on a des produits divers dit "produits de développement" qui marchent ou ne marchent pas jusqu'à arracher une GMP.
Il n’y a jamais eu de problèmes avec les GMP d’Hemarina. Le produit est optimal pour les greffes.
 
Donc on continue de répondre sur de multiples questions à l'ANSM: sur l'immunologie, les problèmes de sécurité pour pouvoir faire repartir le projet. Sachant que c'est tellement disruptif, on comprend qu’une agence de sécurité veuille avoir toutes les garanties pour un produit injectable à l'homme.
Il y a quelques jours l’ANSM nous a envoyé un courrier très rassurant expliquant que les données fournies ne changeaient pas leur évaluation initiale positive du projet et que si l’APHP ne s’était pas retirée nous aurions pu  continuer. Nous allons donc aller de l'avant avec d'autres partenaires.
 
Question: Avez-vous envisagé des essais hors de France? Y-a-t-il assez de produit?
 
Laurent Lantieri:
Oui il y a des quantités suffisantes, car un nouvel essai portant sur la greffe de rein pour résoudre les problèmes médicaux économiques était prévu sur 600 patients.
L'Inde était très intéressée à avoir ces produits pour les transplantations, j'ai des contacts internationaux qui voulaient ces produits pour les greffes de mains et du visage et les transplantations de reins et de foies, et des négociations sont en cours.
Donc environ 15 000 doses pour 5 000 patients. Produire plus? Il faut  voir ce qu'on peut faire avec la ferme des vers mais en tout cas ce serait plus facile que produire des anticorps humanisés anti Interleukine 6 qui sont extrêmement complexes à produire ou même du plasma de patients immunisés et je vois pas comment nous allons, en France, réussir à le faire avec les dizaines de milliers de patients hospitalisés en état grave.
 
Question: Est ce qu’une production massive serait envisageable, accessible pour les pays en développement?
 
Laurent Lantieri:
La ferme marine de Noirmoutier, normée, ISO, produit des vers, et donc une production de masse serait possible, ce qui n'est pas le cas pour tout ce qui concerne les nouvelles technologies médicales qui sont extrêmement complexes, donc très onéreuses à mettre en place.
En fait c'est plus que de l'hémoglobine de vers marins, car quand vous avez de l'hémoglobine d'un mammifère, qui est dans un globule rouge, il faut aussi d'autres facteurs pour faire fonctionner l’hémoglobine.
La superoxide dismutase, et d'autres cofacteurs, or la molécule de vers marin est comme un mini globule rouge, contenant tous ces facteurs, et elle est aussi 250 fois plus petite qu'un globule rouge chez l'homme donc elle peut aller beaucoup plus loin et diffuser plus facilement.
 
je pense qu’il s’agit d’une découverte aussi importante que la pénicilline!”
 
Question: Quelles sont les particularité de cette molécule oxygénante?
 
Laurent Lantieri:
Je suis convaincu que cette découverte est aussi importante que la pénicilline.
On a toujours appris que toute protéine est immunogène, celle-là ne l’est pas.
 
La raison en est que en fait la conformation de l'hémoglobine en tant que telle est quelque chose qu’on retrouve dans toutes les espèces animales, c'est très conservé à travers le règne animal, et il y a des hémoglobines qui sont immunogènes parce qu'elles ont des radicaux glycosylés et celle-là elle n’en a pas.
 
J'ai posé la question à Franck: Est ce qu'il y a d'autres vers marins? Oui, m'a-t-il répondu, il y a trois autres vers marins qui, potentiellement, peuvent avoir les mêmes activités mais la plupart ont des récepteurs glycosylés qui font qu'ils deviennent immunogènes et celui-là n'en a pas.
Donc effectivement c'est très conservé dans tout le règne animal et végétal d'ailleurs ça remonte à extrêmement loin dans la vie sur terre puisque pour la création de la vie il faut transporter oxygène depuis la plante jusqu'à nous ! Mais c'est très difficile conceptuellement de faire comprendre ça à mes collègues médecins. On a tous appris que chaque fois qu'on injecte une protéine quelque part, on a des anticorps.
 
On a autant de difficultés à convaincre qu'en son temps Helicobacter pylori était la source des ulcères digestifs. Hors de la pensée commune, totalement différent.
Vous savez dans le monde pour qu’une nouvelle idée perce, il faut qu'il ait de plus en plus de gens qui la connaissent parce que bien-sûr, aujourd’hui il y a ceux qui y croient et ceux qui doutent, mais plus les gens approchent la molécule et comprennent ses possibilités, voient les travaux accomplis jusqu'à présent, et plus ils sont convaincus...
 
Il faut atteindre une masse critique de gens qui soient au courant pour que ça se fasse!
 
Question: Et cette approche serait intéressante pour d’autres pathologies du sang, la drépanocytose?
 
Laurent Lantieri:
Oui, avant cette crise, on avait discuté avec Franck de son utilisation contre la drépanocytose très fréquente en Afrique, il y a 300 000 enfants qui naissent chaque année avec la drépanocytose, des problèmes de coagulation, donc l'idée était sur un projet à 3-4 ans, de voir si on pourrait l'utiliser.



D’ABORD SAUVER DES MALADES COVID 19 EN FRANCE, TOUT DE SUITE!
LES RESSOURCES DE LA MER!


Entretien II

Dr Franck Zal, ancien chercheur CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique en France), médaillé de bronze du CNRS, et PDG de la ferme marine et PME « Hemarina » depuis 2007, a développé un transporteur d’oxygène qui devrait urgemment faire l’objet d’essais cliniques.

Photo: Dr Frank Zal 

Interview le 27 avril, Arno Germond et Garance Upham, AMR Think-Do-Tank, la Genève internationale,
suite de l’entretien avec le Prof. Laurent Lantieri (ci-dessus).

Question: Depuis quelques jours, tant la presse générale que scientifique (JAMA, WAPO, Bloomberg, ESCMID) font état de surprises, car de nombreux cas de COVID‑19 (crises cardiaques chez de jeunes adultes, symptômes de dérèglements de l’oxygénation du sang) sont très différents du premier SARS de 2003.

 
Vous avez développé un transporteur d’oxygène qui devrait urgemment faire l’objet d’essais cliniques. Vous arrivez de la recherche en biologie marine pour proposer de nouvelles thérapeutiques?

Franck Zal:
Effectivement, chercheur au CNRS, j’ai fait une quinzaine d’années de recherche en physiologie animale marine et plus particulièrement en écophysiologie, des recherches sur le ver marin, Arenicola marina. Ce ver qui existe sur la terre depuis 450 millions d’années possède une protéine d’hémoglobine extracellulaire spéciale lui permettant de transporter 40 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine. Par ailleurs, cette molécule ne possède pas de typage sanguin. De facto, c’est l’ancêtre de nos globules rouges!

Cette molécule, c’est un peu comme une « bouteille d’oxygène » qui leur permet de survivre en milieu extrême (marée basse/haute).

À la tête d’une équipe, médaillé de bronze, j’ai proposé au CNRS de développer ces recherches pour des produits permettant de soigner des pathologies humaines, mais le CNRS, à l’époque, m’a juste conseillé de vendre mes découvertes à une entreprise privée. En tant que chercheur totalement engagé dans la recherche publique, j’ai été frustré et choqué car je souhaitais valider le pouvoir thérapeutique de cette molécule marine jusqu’au lit du patient. J’ai donc démissionné pour créer ma propre entreprise, Hemarina, en 2007, et continué la recherche et développement au sein de mon entreprise localisée à Morlaix,  Finistère, Bretagne, jusqu’à aujourd’hui.


Question: Vos recherches ont d’ores et déjà donné leur fruit pour les transplantations mais maintenant vous proposez des essais cliniques pour traiter les cas de COVID‑19?

Franck Zal: 
Les molécules développées ont plusieurs applications, et effectivement le Pr Lantieri a eu un énorme succès avec la greffe du visage qu’il a réalisée, une première mondiale réussie en partie grâce au produit HEMO2life que nous avons développé à partir de cette hémoglobine extracellulaire de l’arénicole.
L’hémoglobine issue du ver arénicole a un transport d’oxygène 40 fois + important que l’hémoglobine humaine – 160 molécules au lieu de 4 – , son rôle est simple : délivrer de l’oxygène pour permettre à l’arénicole de tenir jusqu’à la prochaine marée haute. En fait l’arénicole arrête de respirer à marée basse et vit sur son stock d’oxygène lié. Au sein d’Hemarina, nous avons développé cette molécule comme « un transporteur d’oxygène thérapeutique ».
 
Notre approche s’apparente au biomimétisme. 
Par exemple, pour la transplantation, lorsque le chirurgien prélève un greffon, l’organe va très vite mourir, puisqu’il n’a plus son oxygène vital qui lui est délivré par la circulation sanguine. Maintenant, si je mets cette molécule dans les solutions de conservation des organes, la durée de vie d’un poumon de 6-8h est étendue à 48h avec notre molécule !
Et ce n’est pas de la magie ou un miracle, c’est simplement que l’organe ne voit même pas qu’il est déconnecté, il a accès à une réserve d’oxygène physiologique.
On a aussi développé des pansements oxygénants afin d’augmenter la vitesse de cicatrisation, ainsi que des produits pour soigner les parodonties permettant de ne pas utiliser d’antibiotiques.
 
En fait, nous avons, à partir de cette molécule d’hémoglobine, conçu une plateforme technologique avec une multitude d’applications, car l’oxygène est indispensable à la vie. Cette molécule est capable d’oxygéner des cellules, des tissus, des organes ou un organisme entier. Les applications sont infinies.
 
Cette molécule est capable d’oxygéner des cellules, des tissus, des organes ou un organisme entier. Les applications sont infinies.
 
Question: Et là vous en venez au COVID‑19 avec des propositions concrètes à partir des données montrant l’effet du coronavirus sur la circulation?

Franck Zal:
Effectivement, j’ai quelques milliers de doses actuellement en stock qui étaient prévues pour un essai clinique en France et qui devaient également être envoyées en Inde pour la greffe. J’ai gelé ce stock car quand on m’a demandé d’essayer HEMO2life en France pour tenter d’apporter cette thérapie aux patients souffrant du COVID‑19, j’ai répondu présent.

Hemarina a une ferme d’élevage de vers arénicoles en Vendée pour assurer sa matière première. Cette technologie a commencé à avoir un succès et une réputation mondiale et tous les jours nous avons des contacts à travers le monde pour un tas de pathologies liées à l’ischémie et/ou l’anémie.

Le Professeur Lantieri m’a contacté: « Le coronavirus est comme un Tsunami, est-ce que tu serais prêt à aider ?
Car l’évolution dans la compréhension du coronavirus, les études et rapports d’autopsies, indiquent que le COVID‑19 serait une maladie affectant l’oxygénation chez l’homme par différents mécanismes, mais la résultante c’est une hypoxie majeure.
 
Le Pr Lantieri arrive à convaincre des réanimateurs de l’Hôpital Européen Georges Pompidou et de l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour monter un protocole d’essais cliniques dès la fin mars.

Depuis le 8 avril, quand notre essai devait démarrer, on a découvert beaucoup plus de choses sur la maladie à coronavirus. Je citerais :
• Publication dans le Lancet, et notification des problèmes de mortalité aux US, accentué chez les patients du type sanguin AB et chez les mâles : Le COVID‑19 est un problème d’hypoxie.
• Les 200 personnes de la cohorte de Wuhan, où on voit apparaître ces problèmes
• Symptôme de micro-thrombose = problème de circulation sanguine.
• Niveaux anormaux de ferritine dans le sang : la molécule Hème de l’hémoglobine est anormale chez les patients COVID‑19 graves. Donc problème d'oxygénation tissulaire.
• Les globules rouges ne sont plus fonctionnels
• Micro-thromboses et embolies pulmonaires, atteintes de l’endothélium vasculaire, coagulation massive ….
 
Mais beaucoup de médecins ont oublié les cours de physiopathologie : « Quand on met des oxymètres classiques à nos patients, la valeur de la saturation n’est pas correcte » nous disent certains réanimateurs.
« Évidemment », répondrais-je, parce que « les oxymètres sont calibrés pour des globules rouges qui sont fonctionnels et que leur coefficient d’extinction molaire doit être modifié par la présence du COVID‑19 ».
On pense aujourd’hui que le coronavirus infecte les érythroblastes qui ont la molécule ACE2 qui est une voie d’entrée pour le coronavirus.

Étant donné les problèmes d’intubation dans le Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë (SDRA) comme détaillés par un expert mondial le Pr Luciano Gattinoni, il serait vraiment important de voir si on peut agir directement sur l'oxygénation. Il y a quelques jours, sur plus de 2 500 malades, 9 patients sur 10 sous ventilation sont morts à New York!
 
Le COVID‑19 est donc une maladie du système ventilatoire (échange gazeux pulmonaire…) et circulatoire (oxygénation, coagulation…) qui va créer une hypoxie généralisée et va conduire à une défaillance multi viscérale.
L’hémoglobine de ver arénicole pourrait donc résoudre les problèmes de micro-thrombose, d'apport d'oxygène.

Pour des essais cliniques, on obtint l’autorisation de l’ANSM le 8 avril dernier, et le CPP, le Comité de Protection des Personnes donna son feu vert.
Mais l'essai a été suspendu le 8 avril (il n’y avait pas encore eu d’inclusion) sur des allégations totalement fausses puisqu’il ne s’agissait absolument pas du même produit.
 
«Soyons pragmatiques : appliquons une médecine de guerre.»
 
A cause du COVID‑19. au 14 avril on avait 14 000 morts, au 27 avril : 23 000. Moi, je dirais: «Soyons pragmatiques : appliquons une médecine de guerre. Cette suspension peut être en partie responsable de 9 000 morts ! Comment peut-on accepter? Je pense tous les jours à ces patients et à leurs familles, ils me hantent.»
 
 
Question: Votre essai clinique a été suspendu par l’ANSM le 8 avril sur dénonciation par lettre anonyme, ce qui est étrange, sur la base d’une étude de 2011 sur des cochons?


Franck Zal:
En 2011, j’avais été contacté par l’armée - la DGA - sur un modèle de choc hémorragique létal chez des cochons.  le produit n’avait pas pu montrer de bénéfice.
Donc la lettre anonyme rapportait ce fait à l’ANSM!
C’est alors la suspension de notre autorisation pour un essai clinique sur les malades COVID‑19. Or nous avons tout de suite réagit à l’ANSM le 8 avril ! Car cette étude de 2011 est sans aucun rapport avec notre proposition aujourd'hui et il ne s’agit absolument pas du même produit.
Je dis toujours qu’à partir d’une pomme vous pouvez faire du cidre et de la compote, et quand vous développez du cidre vous ne donnez pas la recette de la compote.

Maintenant, en 2020, dix ans ont passé, le nouveau produit a été développé. Il se nomme HEMO2life, et a parfaitement bien fonctionné sur des essais cliniques sur l’homme portant sur la préservation des greffons.
Depuis, des centres médicaux veulent tester la molécule. En France et à l’étranger : en Inde, aux US, en Chine, Italie, au Liban, en Egypte, au Mexique ….


Nous avons repris des contacts avec des CHU pour refaire un protocole clinique, c’est en cours.
Mais il faut ajouter à cela que nous avons eu des différents avec l’APHP. Moi, je proposais de l’Open Source pour les data pour que ça serve la communauté internationale tandis que l’APHP voulait vendre les données inhérentes à cette étude et prendre le contrôle de ma société, par une clause intuitu personae. J’ai refusé.
Le rôle d’un hôpital dans le cas de pandémie que nous connaissons n’est pas de faire de l’argent sur le dos des patients et ou de leur familles en vendant les résultats de leurs études, en tout cas c’est ma conception du système de santé et du fonctionnement d’un hôpital. Je mettais à disposition gratuitement notre produit à l’APHP.

Et puis il y a aussi le problème des médecins qui connaissent très mal la physiologie ! Certains médecins ne savent pas comment fonctionnent les robots des plateformes d’analyse sanguine par exemple. On appuie sur le bouton et ça donne un résultat avec des bornes d’analyses (c’est bon ou ce n’est pas bon…). J’ai été surpris.
Il y a des exceptions bien-sûr, des médecins passionnés. Je me suis également aperçu qu’en France il restait des seigneuries telles que l’on pouvait les rencontrer à l’époque des rois de France. Le Roi dit mais les seigneurs font ce qu’ils veulent. En fait il n’y a pas un Etat Français, il y a des Etats dans l’Etat. Il faudrait vraiment réformer ce système qui permet des blocages à tous les étages même s’il y a une vision claire du chef de l’Etat. J’ai l’impression de vivre dans une « technocrature » et que les baronnies installées dirigent la France en lieu et place du Président de la République.
 
 
Question: Et les autres pays? Inde, pays d’Afrique?
 
Franck Zal:
Je suis inondé de demandes des pays, Inde, Mexique, etc., mais je pense avant tout à mon pays, c’est peut-être parce que la France m’a permis de devenir qui je suis. Un pur produit universitaire dont les études ont été payées en partie par l’Etat Français et l’autre partie par le travail que j’ai réalisé pour payer mes études. 
On a 5 000 doses qui étaient prévues pour les greffes en Inde, on les a gardées en stock au cas où, on peut rapidement passer à 15 000. Devons-nous les envoyer ailleurs ? J’attends la réponse des autorités sanitaires et si c’est le cas qu’ils l’expliquent aux personnes qui ont eu des décès dans leur famille liés au COVID‑19, aujourd’hui 23 000 morts en France.
 
 
Question: Utilisation possible sur la drépanocytose?  
 
Franck Zal:
Effectivement, dans la  drépanocytose on a les  globules rouges qui sont en forme de faucille qui peuvent bloquer la circulation, on parle d’ischémie. Ce blocage va créer des thromboses  et de l’hypoxie tissulaire qui provoquent crampes, déficiences multi-organes, etc… La molécule développée étant 250 plus petite que les globules rouges, et 40 fois plus efficace que l’hémoglobine humaine, cette molécule pourrait avoir tout son intérêt dans cette pathologie. 
 
Question: Y a-t-il des études de cohorte sur la question de l’hypoxie de la part des Sud-Coréens, des Japonais, ou des Chinois?
 
Franck Zal:
Quelques études chinoises et sud-coréennes, mais pas japonaises à ma connaissance.
 
Question: Le Japon se pique d'avoir beaucoup de respirateurs: 111 machines par million. A titre de comparaison la France n'en a que 20 par million! Donc ils se basent sur leur point fort technologique, mais ici comme ailleurs, il n'y a pas de prise de recul.

Franck Zal:
Effectivement, certains praticiens constatent que l’intubation avec respirateurs peut avoir des effets délétères si au départ le problème n’est pas uniquement pulmonaire mais lié à un problème de transport d’oxygène.
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