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Bonjour,


Salut c’est Takwa. Je suis contente de partager avec vous le premier reportage de La Converse, nouveau média d’actualité numérique. Parce qu’on valorise la transparence, je voudrais partager avec vous quelques réflexions sur ce reportage.

Quand j’en parlais avec la rédaction, nous nous disions que nous voulions des angles humains, différents, des voix qu’on n’entend pas souvent et aussi des pistes de réflexions ou de solutions pour les lecteurs et les citoyens. Donc, je pense que ce texte répond à tout ça. La seule erreur que j’ai faite est que j’ai voulu ratisser trop large au début et parler à un million de personnes, mais j’ai finalement rétréci l’angle pour rendre justice aux propos.

Je crois que ce que j’aime le plus de mon métier, c’est lorsque je mène une entrevue qui se transpose sur papier, mais qui se grave dans mon cœur. C’est certainement ce que j’ai vécu en parlant à Sister Sabria pour mon dernier article, Nourrir pour réunir . Ce que j’ai vécu avec elle était plus qu’une entrevue, c’était une véritable conversation, profondément humaine. Elle s’est prêtée hyper généreusement à mes questions et m’a accordé une confiance presque aveugle, ce qui m’a honorée.

Bref, je pourrais clairement parler d’elle, et de ce texte pendant des heures, mais je vous invite à le lire et si vous le voulez bien,  poursuivre la conversation par la suite !


Takwa Souissi
Journaliste collaboratrice
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Ramadan : Nourrir pour réunir

Par FaceTime, Hannah me fait faire le tour de son salon. Elle veut me montrer sa décoration pour le mois du ramadan. « J’ai acheté des lumières et on a fabriqué des banderoles. Je voulais mettre de l’ambiance pour Adam, surtout qu’on est seuls ici… », m’explique-t-elle.
 
En ces temps de confinement, Hannah et son fils ne pourront pas compter sur la chaleur de la communauté pour meubler la solitude. « Normalement, on allait au moins deux fois par semaine partager des repas communautaires à la mosquée. C’était bon pour le moral, et ça aidait le portefeuille… », souligne-t-elle.
 
Hannah compte parmi les milliers de personnes au Québec qui apprécient le mois du ramadan pour son support matériel, mais surtout communautaire. La pandémie et le confinement viendront certainement bouleverser cette dynamique annuelle.
 
« C’est pas grave, ce sera un ramadan différent, mais on trouvera le positif là-dedans », conclut la mère.
 
Derrière elle, les lumières scintillent.
 
***Foudil Selmoune est imam à la mosquée ICC à Brossard. Chaque année, en temps normal, sa mosquée accueille et nourrit gratuitement chaque soir de ramadan quelque 300 personnes. Dans les derniers jours du mois, ce chiffre monte à 1 000. « Cette année, évidemment, ce ne sera pas possible. Alors, on a décidé de préparer des plats chauds à emporter pour la rupture du jeûne. Nous allons ainsi pouvoir préparer des repas pour  300 personnes à tous les jours du ramadan si Dieu le veut », explique-t-il.
 
Il souligne que, normalement, les gens qui viennent partager les repas à la mosquée ne le font pas nécessairement par besoin financier, mais surtout pour le côté spirituel et communautaire. Dans cette optique, le partage des repas à emporter est offert à tous en cette période de confinement. « Nous avons même mis une affiche dehors, “Repas gratuits pour tous”, afin de partager ces bienfaits avec nos voisins et notre communauté globale. » Reste toutefois qu’une majorité des gens qui contactent la mosquée pour des repas en ce ramadan unique se trouvent souvent dans une situation précaire : étudiants, mères monoparentales, etc. « Si la personne ne peut pas venir chercher le repas, nous avons des bénévoles pour le livrer. Moi-même, je le fais quand je le peux », raconte l’imam Selmoune.


Sister Sabria et son armée de bénévoles nourrissent quelque 700 personnes par soir de ramadan, en plus de son travail régulier
Crédit photo: Pablo Ortiz Sanhueza


Repas chauds, paniers chaleureux

 
Au bout du fil, Sister Sabria rigole. « Oui, c’est différent cette année. On doit laver les aliments triplement et prendre encore plus de mesures sanitaires, c’est épuisant! » raconte la dame de 72 ans. Sister Sabria est devenu son seul nom. Icône de la communauté musulmane, elle nourrit depuis des décennies des milliers de personnes, en étant elle-même devant les fourneaux. Après un arrêt l’an dernier à la suite de problèmes de santé, elle enfile de nouveau son tablier en ces temps troubles. « J’ai fait un rêve. J’ai senti que je devais m’y remettre, aider… »
 
Normalement, Sister Sabria et son armée de bénévoles nourrissent quelque 700 personnes par soir de ramadan, en plus de son travail régulier. Cette année, confinée dans son appartement, elle se contentera de 20 personnes, la plupart étant des itinérants et des étudiants. « C’est pas mal le maximum de ce que je suis capable de faire seule dans ma cuisine », se désole-t-elle. Parallèlement à cela, sa fondation a mis sur pied un projet de paniers alimentaires. « J’essaie vraiment de personnaliser les paniers. J’appelle chaque famille, je leur demande leurs besoins, leurs goûts. Je suis aussi obligée de trier selon l’urgence, il y a trop de demande et je prends les dons des gens très au sérieux… », explique-t-elle par ailleurs. Il faut savoir que pendant le ramadan, chaque musulman est tenu de nourrir au moins une personne dans le besoin durant le mois. Cette charité obligatoire porte de nom de Zakat al-Fitr, et plusieurs Montréalais confient leur argent à Sister Sabria.
 
Si les besoins sont plus importants, l’aide suit heureusement. Quand je l’ai appelée un samedi matin, Nermine Barbouch était en plein travail. Nermine Barbouch est agente de liaison et porte-parole du Centre Amal, organisme qui offre des services psychosociaux aux femmes et familles vulnérables, tout en menant des activités de sensibilisation sur les questions de violence domestique et de santé mentale dans les communautés ethnoculturelles. Parallèlement à un suivi psychosocial à distance pour leurs clientes en période de confinement, le centre a mis sur pied une initiative de paniers alimentaires virtuels sous forme de cartes-cadeaux d’épicerie. « Je m’attendais à nourrir une dizaine de familles, mais on est rendus à plus de soixante, en plus des dons. La communauté a été extrêmement généreuse », raconte Nermine Barbouch. L’agente de liaison n’explique pas cette générosité uniquement par l’influence du mois du ramadan, mais bien par la pandémie. « La COVID a doublé la générosité des gens. La pandémie nous a tous touchés, riches ou pauvres, c’est venu éveiller les consciences. Les gens ont envie d’aider ».
 

Donner dans la dignité

 
C’est cette envie d’aider qui a motivé Fekhreddin Chibani à lancer une petite fondation, Change Dounia (Dounia veut dire « monde », en arabe). « Je n’ai même pas l’ambition d’en faire une fondation. On peut juste appeler ça un groupe de jeunes qui veulent passer à l’action », illustre l’ingénieur de formation. Motivé au départ par l’envie d’aider les plus démunis de son pays d’origine, l’Algérie, Fekhreddin Chibani a rapidement constaté que les besoins étaient énormes, et partout dans le monde. Incluant la ville où il a grandi, Montréal. « L’an dernier, on a organisé un iftar (souper de rupture du jeûne) pour les étudiants étrangers ici. Ils étaient seuls, isolés. Le ramadan est une belle occasion de se rapprocher et d’être solidaires », raconte-t-il.
 
Avec la pandémie, ce plan est évidemment tombé à l’eau cette année. « On s’est dit qu’on pourrait préparer des repas chauds et aller leur porter, mais la logistique était compliquée et aurait entraîné beaucoup de va-et-vient, pas l’idéal avec la distanciation sociale! » La solution : des paniers du ramadan livrés à domicile, avec assez d’aliments frais et non périssables pour se nourrir pendant une semaine. Ce qui se voulait au départ une aide pour les étudiants étrangers s’est transformé en une initiative communautaire. « On a commencé à avoir des demandes de familles réfugiées, ou de gens dans le besoin. Et pas seulement des musulmans. On ne refuse pas d’aider son prochain », continue le fondateur de Change Dounia. Grâce à la générosité d’une boucherie et d’une fruiterie, qui ont offert leurs produits gratuitement, 150 paniers ont déjà pu être distribués. « On fait de notre mieux, mais je reçois des centaines de messages par jour. À un moment donné, je ne suis pas Trudeau non plus! » blague-t-il.
 
Comme son aînée Sister Sabria, Fekhreddin s’assure que ses paniers répondent à des besoins et goûts alimentaires réels. « On va retrouver du miel, de la semoule, du couscous, de la coriandre, des épices orientales. Tout ce dont on a besoin pour manger ce qu’on aime manger, pas seulement de quoi survivre. »
 
Pour lui, en effet, il est important de préserver la dignité des gens à qui on donne, tant dans le fond que dans la forme. « Quand on livre, les gens doivent penser que c’est une simple livraison de chez Maxi », illustre-t-il. Quant au contenu des paniers, son illustration est d’autant plus équivoque. « Le panier que tu reçois, on veut que ce soit celui que ta mère t’aurait donné. On veut te remplir non seulement le ventre, mais les yeux et le cœur ».
 
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