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Bonjour,

L’engagement citoyen peut et doit jouer un rôle fort dans le “monde d’après” : voilà la conviction que j’ai acquise ces derniers mois au travers de l’action que Vinciane Patigny, Cécile Vainsel et moi-même menons au profit des résidents et du personnel des maisons de repos avec la plateforme d’entraide Covid-Solidarity.org qui rassemble des milliers de bénévoles en Belgique. 

Cette conviction tirée de notre expérience, Cécile et moi l’avons exprimée dans une carte blanche publiée ce jeudi 7 mai dans le quotidien Le Soir

Dans cette newsletter, j’aimerais détailler pourquoi et comment cet engagement citoyen a joué - et doit jouer plus encore dans le futur - un rôle essentiel, à la fois salvateur et apaisant, en situation de crise aigüe comme nous la vivons actuellement dans les maisons de repos. Si je me limiterai ici à cet exemple, il va de soi que l’engagement citoyen devra jouer dans le futur un rôle encore plus essentiel dans tous les domaines. 

Les conséquences de cette surdité collective se révèlent aujourd’hui désastreuses : dans la plupart des pays du monde, les maisons de repos ou EHPAD (comme elles sont appelées en France) ont été fermées presque hermétiquement à tous visiteurs, y compris les familles des résidents. Ces derniers ont été confinés, seuls, dans leur chambre. Ce qui rythmait jusqu’alors leur vie (les repas en commun, les spectacles, …) a été supprimé. Le personnel soignant, débordé par la surcharge de travail qu’a induit la crise, et souvent en sous-effectif, n’a pas pu passer autant de temps qu’il l’aurait voulu ou fallu pour converser avec les résidents et pallier ainsi à l’absence des familles.

Résultat : le nombre de décès dû au Covid-19 a pu, dans de nombreuses résidences, être contenu. Mais cette conséquence positive a été plus que compensée, selon les éléments dont nous disposons à ce jour, par le nombre de résidents qui, dans cette solitude presque absolue, ont préféré “glisser”, terme utilisé dans les maisons de repos pour signifier “se laisser mourir”. 

Aurions-nous pu éviter cela ?

L’expérience* et les témoignages** des centaines de formidables bénévoles qui ont œuvré ces dernières semaines dans des maisons de repos, nous laisse penser que oui. Je l’écris ici clairement non pour reprocher à qui que ce soit ce qui s’est passé, mais pour que nous nous organisions à l’avenir de manière à ce que cela n’arrive plus dans le futur.

Et pour ce faire, il ne faut pas d’énormes moyens ou budgets supplémentaires. Tous les moyens dont nous avons besoin sont là, devant nos yeux, disponibles. Il suffit de les mobiliser. Comment ? Tout simplement par la confiance.

“Facile à écrire, me direz-vous, mais comment cultiver cette confiance ?” En faisant un pas de côté, en se mettant dans une posture d’écoute et en accordant d’emblée sa confiance à l’autre.

Mais trêve de grandes considérations abstraites : voyons maintenant pratiquement comment la confiance, déclinée au minimum de deux façons différentes, pourrait nous aider à assurer une fin de vie plus digne à nos aînés, dans le cas probable où la crise sanitaire se prolonge et/ou reprenne par vagues. 

1. Faire confiance en nos aînés en les écoutant vraiment sur la façon dont ils veulent vivre jusqu’au bout.

En écho aux propos de Marie de Hennezel citée plus haut, il est essentiel d’écouter les personnes que nous disons vouloir protéger. Alors nous pourrons peut-être entendre que pour beaucoup de nos aînés, “être entouré et écouté par un proche ou par une personne bienveillante, qui a le temps” est préférable et “plus vital” qu’une isolation totale pour minimiser les risques de contamination. Et pour cela, il faut que nous fassions un pas de côté et que nous nous rendions compte à quel point notre angoisse collective de la mort nous aveugle, nous fait perdre le “sens de la mort”, et dès lors prendre des mesures radicales qui, en prétendant préserver la santé physique des aînés, tuent leur désir de vivre.

Notre défi collectif est donc avant tout de ne plus « cacher » la mort, mais de la regarder en face, de l’accepter et ainsi de mieux faire confiance à la vie.*** Et c’est précisément cette posture de confiance qui doit nous permettre d’être attentifs et créatifs pour trouver des arrangements permettant de protéger au mieux à la fois la santé physique et psychique de nos aînés en maisons de repos. Et comme nous allons le voir dans le point suivant, c’est toujours la confiance qui doit nous permettre de mobiliser les moyens pour permettre de tels arrangements.

2. Faire confiance dans l’engagement citoyen comme une ressource essentielle pour résoudre les problèmes liés à la crise sanitaire.

Heureusement, pour aider nos aînés à avoir une fin de vie digne tout minimisant les risques de contaminations, les moyens ne manquent pas : ainsi, en l’espace de quelques jours, Covid-Solidarity.org a pu mobiliser des centaines de bénévoles disposés à travailler en maisons de repos pour aider le personnel soignant à s’occuper des résidents et veiller au mieux à ce qu’ils ne “glissent” pas.

Malheureusement, une série de facteurs ont limité notre capacité de mettre jusqu’ici tous nos bénévoles à contribution : la difficulté de faire connaître à toutes les maisons de repos l’existence de nos services, une loi interdisant le bénévolat en maisons de repos privées jusqu’à dimanche passé (3 mai 2020), …

Comme nous l’expliquons dans notre carte blanche, il est impératif qu’à l’avenir, le gouvernement stimule et fédère autant que possible l’engagement citoyen (éventuellement au travers d’une plateforme à cet effet), fasse mieux connaître l’action des uns et des autres, facilite les collaborations, identifie et lève rapidement les facteurs bloquants,...

En soi, la mise en œuvre d’une telle plateforme ne serait pas compliquée, ni ne devrait coûter très cher. Mais, à nouveau, elle requiert un changement de posture essentiel tant de la part des citoyens que de nos responsables politiques : se faire confiance et agir en conséquence. Et, à nouveau, cela requiert de faire avant tout un pas de côté pour chacun. Cela pourrait vouloir dire :

  • Pour les membres du gouvernement, que l’on comprend très affairés, lever pourtant un moment la tête du guidon et prendre conscience de l’immense réservoir d’énergie citoyenne, du nombre important de citoyens qui veulent être utiles en ces temps de crise ;

  • Pour les bourgmestres de certaines communes, accepter que les initiatives citoyennes ne sont pas là pour leur voler la vedette mais aider tout simplement ;

  • Pour les citoyens enfin, reconnaître que les défaillances de nos responsables politiques (telles que la saga des masques buccaux) ne sont pas avant tout le fait de leur incompétence mais d’un système dysfonctionnel parce que précisément trop peu basé sur la confiance et sur les pratiques qui pourraient nourrir cette confiance : clarté des rôles et des responsabilités, transparence dans la prise de décision et dans ses résultats, réelle délégation de pouvoir et sollicitation d’avis, adoption de mode de prise de décision au consentement - qui n’est pas le consensus. 

PS : J’aborderai dans une prochaine newsletter cette thématique de la gouvernance collaborative ; en attendant les intéressés peuvent déjà s’inscrire au Webinar que j’organise avec Phusis le 19 mai à 12:00, visionner la capsule de Trans-mutation sur la crise Covid-19 dans laquelle j’interviens avec Pablo Servigne & Patrick Viveret, ou encore regarder l’émission de la RTBF “Alors on change” dans laquelle j’interviendrai comme invité ce jeudi 14 mai, toujours sur la gouvernance collaborative. 

Ainsi notre carte blanche sur l’engagement citoyen conclut que “engagement, solidarité et confiance entre tous les acteurs sont sans doute les mots-clés qui doivent nous guider pour préparer le monde d’après et que nous voulons dès aujourd’hui écrire en lettres majuscules”.

Dans cette newsletter, j’ai tenté de montrer que cela requiert de la confiance, à plusieurs niveaux, et que cela nécessite de faire un pas de côté, de changer notre regard collectif actuel, souvent implicite, tant sur la mort que sur le rôle des citoyens dans nos démocraties. La crise sanitaire actuelle est pourtant une belle occasion pour le faire. Par respect et par amour pour nos aînés, ne perdons pas cette occasion. Peut-être d’ailleurs avec votre soutien, que ce soit en tant que bénévoles (voir ici la lettre que nous venons d’envoyer à nos bénévoles et à la fin de laquelle vous trouverez le formulaire d’inscription), ou encore en relayant l’existence de nos services aux maisons de repos que vous connaissez.

Tous ensemble, nous le pouvons : je suis confiant.   

Laurent
(pour PhiloMa & pour Covid-Solidarity.org) 

* Services typiques des bénévoles de Covid-Solidarity en maisons de repos dans tout le pays

  • Distribuer les plateaux et le café aux personnes âgées et avoir le temps de les aider à manger ;

  • Prendre le temps de parler avec elles et/ou les mettre en contact via internet avec leur famille ;

  • Organiser la visite des parents, les accueillir, les équiper, et les briefer sur les consignes d’hygiène ;

  • Remplir les formulaires administratifs relatifs aux Tests Covid.

** Témoignages de quelques bénévoles 

“J'ai pu apporter un peu de présence auprès de nombreux résidents isolés. Lire le journal du w-e, les gros titres, parler un peu de l'actualité, la nécrologie avec une première dame qui ne voit plus très clair et qui est immobilisée. J'ai ensuite fait marcher dans le couloir une autre dame désorientée qui avait plus besoin d'un contact physique. J'ai pu papoter longuement avec une autre dame qui avait du mal à comprendre qu'elle ne pouvait pas aller manger au restaurant et ne pas voir les autres résidents. On a fait un petit tour dans le jardin toutes les deux pour changer d'air. J'ai aidé à la distribution des repas et donné à manger à plusieurs personnes moins valides. Dans l'après-midi, j'ai continué à donner un peu de présence, vérifier l'hydratation des personnes plus fragiles. J'ai assisté à des moments de communication par skype entre certains résidents et familles. Je suis aussi descendue avec une dame devant la porte de la maison où sa fille et sa petite fille venaient amener des vêtements propres, des biscuits et des boissons. Elles se sont vues de loin. J'ai pu encore amener deux résidentes, mère et fille, dans le jardin pour fumer une petite cigarette au soleil et papoter un peu. Elles étaient ravies parce que depuis le confinement elles n'ont plus trop l'occasion de le faire. Bref, une journée bien remplie où j'ai essayé de faire transparaître mon sourire au delà du masque et des mains chaudes et réconfortantes à travers les gants. J'y retourne demain le coeur rempli de soleil.”

Laure


"J'ai pu venir aider mardi-mercredi et jeudi. Avec 3 autres volontaires nous avons aidé à hydrater les personnes en servant du café, thé, boissons fraiches etc... Ensuite nous prenions le temps de discuter avec les personnes âgées pour leur tenir compagnie pour ensuite servir les plateaux et donner à manger à ceux qui en ont le besoin. L'accueil des équipes a été très agréable et très clair. Les bénévoles n'entrent pas dans les chambres où le virus a été testé positif. Le matériel de protection a été mis à disposition et nous avions même une fiche contenant la liste des personnes qui avaient le plus besoin de discuter et celles à qui il faut donner à manger. (et même les personnes démentes afin que l'on puisse se préparer lors d'une visite). Il est important de se rendre compte de la situation en maison de repos, les équipes sont très fatiguées et ont dû aussi adapter leurs horaires et le contenu de leur métier en raison du manque d'effectif et des tâches urgentes. J'espère de tout coeur que tout le monde tiendra le coup !”

Noémie


"Ils ont pratiquement tous pleuré en voyant leurs proches. Beaucoup sont très tristes et extrêmement seuls. Certains attendent avec impatience le spectacle du 29 avril à leurs fenêtres. C'était spécialement très positif pour les personnes qui n'entendent pas et aussi ceux qui ne répondent pas au tel. J'ai l'impression que pour les personnes atteintes de démence c'était aussi positif car je voyais bien qu'ils reconnaissaient les proches. J'ai vu qu'au moins une dizaine ne chargent pas le tel portable et n'y comprennent rien. Beaucoup sont injoignables car ne répondent pas non plus. Je reviens le week-end prochain."

Sandrine


Voir également l’article de L’Avenir de ce 9 mai 2020 (via ce lien pour les abonnés ou l'image ci-dessous), dans lequel Sandrine, Cécile et moi avons été interviewés, ainsi que Geneviève Kalgut, directrice de la Résidence La Grange des Champs à Braine-Lalleud pour qui plusieurs bénévoles de Covid-Solidarity.org travaillent depuis quelques semaines. 

*** Pour aller plus loin dans ces réflexions sur le “sens de la mort”

Lisez “Les cinq méditations sur la mort - autrement dit sur la vie” du poète et romancier François Cheng,

Ecoutez “Comment se préparer à mourir”, podcast de France Culture avec le philosophe Jean-Baptiste Gourinat autour des “Pensées pour moi-même” de Marc-Aurèle.

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