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AGENDA
 
29 juin: Assemblée Générale de la Maison de la Bio en visioconférence

13 juin: C'est le Chantier chez Raymonde (événement Vert le jardin)
 
LA RUBRIQUE DU CONSOM'ACTEUR
Concertation publique sur les produits phytosanitaires
Une consultation a été lancée pour recueillir les avis des riverains et des utilisateurs de produits phytosanitaires sur chaque Département breton afin de rédiger une charte des bonnes pratiques validée par le Préfet.

Attention cette concertation n'est ouverte que jusqu'au 7 juin inclu !
Je participe à la concertation publique
Appel à soutien à Inès Léraud
Inès Léraud a enquêté sur l’agroalimentaire en Bretagne, ses impacts sociaux et environnementaux, mais aussi sur les méthodes de certaines entreprises. L'une d'elles l'attaque en diffamation. Un collectif lance une pétition pour soutenir la journaliste et défendre la liberté d'informer.
Je signe l'appel à soutien
Pétition "Pour la liberté d'informer sur l'agroalimentaire en Bretagne et ailleurs"
"C'est la première région laitière de France. Près de la moitié de la viande y est produite. La Bretagne est au cœur du système agricole national, au cœur de tous les enjeux d'ampleur qui y sont liés : santé, environnement, social... Et pourtant, il est très difficile d'être informés correctement sur un secteur omniprésent dans notre région : l'agroalimentaire.

Des journalistes sont poursuivi·es en diffamation ou mis·es au placard pour leurs enquêtes, tandis que d'autres, précaires, peinent à retrouver des emplois. Des articles sont censurés, des sujets pas abordés de peur de fâcher les annonceurs, et des subventions municipales sont coupées, comme ce fut le cas pour une radio en pleine émission sur l'élevage intensif (...)"
Je signe la pétition
STOP au projet de serres industrielles de tomates hors sol à Concarneau

Le projet :​ Localisé au lieu-dit Pellan sur la commune de Concarneau (29) sur 21,27 ha de terres agricoles actuellement en cultures céréalières, le projet présenté porte sur la construction de deux serres en verre de plus de 8 mètres de hauteur sur une surface de 15 Hectares à minima sans compter les bâtiments annexes les surfaces de stockage et 3 réserves d’eau.

Les vues aériennes dans la partie "diaporama du projet" vous donnent une parfaite mise en situation de ce projet industriel démesuré dont l’impact environnemental et sociétal sera catastrophique pour le territoire.

Éléments fondateurs de la démarche du Collectif Spontané de Concarnois et Riverains:

A la lecture de  l'avis délibéré de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale de Bretagne (MRAe) concernant ce dossier porté par deux entreprises agricoles adhérentes du groupement coopératif Finistérien SAVEOL, nous ne pouvons qu'alerter l'ensemble des Concarnois, sur le fait que l'avis rendu est extrêmement négatif.​ 

En effet, les principaux enjeux environnementaux de ce projet concernent la préservation des sols, la protection des milieux naturels en lien avec l’activité (cours d’eaux, zones humides, ressource souterraine en eau du fait des prélèvements d’eaux envisagés par forage), la préservation de la biodiversité sur le site, la qualité paysagère du projet dans son environnement, la prévention du changement climatique, la sécurité et les nuisances liées au trafic routier et la gestion des déchets.

Plus d'infos: https://cscrconcarneau.wixsite.com/monsite
Je signe la pétition
EN VIDÉO
Vidéo pleine d'espoir pour celles et ceux qui, en 2020, doutaient qu'il soit encore possible de faire quelque chose.
On est en 2030, et nous sommes fiers de ce qu'on a pu accomplir...
Flashforward sur ce que sera 2030 si nous arrivons à inverser la tendance. 


Cliquez sur l'image pour visionner la vidéo
LES ÉVÈNEMENTS A VENIR
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA MAISON DE LA BIO
(29 juin)
Cette année, l'Assemblée Générale de la Maison de la Bio aura exceptionnellement lieu en visioconférence. L'occasion pour vous d'en apprendre plus sur nos actions. Nous vous enverrons un lien pour accéder à la visioconférence quelques jours avant. 
 
ÉVÉNEMENT VERT LE JARDIN

Comme les places sont limitées pour le chantier du samedi 6 juin, on remet ça le samedi 13 juin !

Attention, quelques petits changements par rapport à d’habitude : En raison de l’épidémie de Covid-19, Vert le Jardin est contraint de mettre en place un système d’inscription pour pouvoir participer au chantier, afin de limiter le nombre de personnes présentes sur la ferme.

Pour pouvoir participer au chantier, merci de vous inscrire par mail à bretagne@vertlejardin.fr ou par téléphone 02 98 46 06 92

Le lieu de rendez-vous pour le covoiturage a changé (comme nous ne pouvons pas prendre autant de monde dans les véhicules, on fera plusieurs aller-retours) : rendez-vous à 9h45 à l’arrêt de tram "Porte de Guipavas" (derrière Ikea).

Et pour le chantier, prenez vos masques, gants et tasse si vous voulez un café ;-)

LE DÉBAT EST OUVERT
Ce mois-ci nous vous proposons une nouvelle rubrique dont l'objectif est de mettre en balance deux points de vue afin que vous poussiez vous faire un avis éclairé sur un sujet. Nos actions sont plutôt axées sur la transition agricole et alimentaire, mais un autre enjeu de ce siècle est sans conteste la transition énergétique. C'est pourquoi, nous avons choisi d'aborder la méthanisation, méthode de dégradation de la matière organique en milieu anaérobie visant à produire du méthane et dont le digestat peut être utilisé pour fertiliser les terres. Cette méthode est parfois contestée du fait de ses risques pour l'environnement et pour l'accaparement du foncier agricole. 

Nous vous partageons dans une premier temps un article informatif du média indépendant Bastamag, puis une interview d'un consom'acteur adhérent à la Maison de la Bio qui a eu l'occasion de travailler sur la méthanisation durant sa carrière professionnelle, et que nous remercions pour sa contribution. 

N'hésitez pas à nous faire vos retours sur cette nouvelle rubrique.

 

GAZ A EFFET DE SERRE, ÉLEVAGES INDUSTRIELS, INCIDENTS: TOUTES LES CONTROVERSES SUR LA MÉTHANISATION

Énergie totalement renouvelable pour certains, dévoreuse de terres pour d’autres, la méthanisation pose de nombreuses questions. Pour tout comprendre, voici un état des lieux des débats autour de cette technique de production d’énergie.

Comment fonctionne la méthanisation ?

Un méthaniseur est une sorte de marmite : une grande cuve, elle-même recouverte d’un dôme. La recette : des déchets végétaux – de l’herbe, du maïs, des pailles de céréales, de colza... pour le carbone – et des déchets animaux (lisiers et fumiers pour l’azote). Le tout est chauffé entre 35 et 40 degrés pendant de longues heures. Certains exploitants ajoutent des déchets issus de l’agro-alimentaire (venus des abattoirs, des laiteries...), des boues de stations d’épuration, les matières de vidange, ou encore des ordures ménagères [1].

Dans cette marmite sans oxygène, des bactéries transforment les déchets et produisent notamment du méthane (CH4, le fameux « biogaz »). Celui-ci est récupéré par de grands tuyaux pour être transformé en électricité via un générateur, ou injecté directement dans le réseau de gaz de ville. Le biogaz peut aussi servir à produire de la chaleur, pour des habitations par exemple, ou être utilisé comme carburant. A la fin du processus, il reste des « déchets » solides et liquides, qu’on appelle « digestat ». Ces digestats, riches en azote, phosphate, potassium... sont épandus sur les terres agricoles comme engrais.

Combien d’unités de méthanisation en France ?

En mars 2018, la filière méthanisation représentait, selon le ministère de la Transition écologique et solidaire, environ 400 installations agricoles, territoriales et industrielles, dont 230 à la ferme. Depuis cette date, le nombre d’installations accélère. Selon la base de données régulièrement mise à jour par le Collectif scientifique national méthanisation raisonnée (CNSMR), il y aurait 812 unités en service et 362 en projets (voir cette carte).

Ce nombre ne cesse d’augmenter pour atteindre les objectifs fixés par la Loi relative à la transition énergétique de 2015. L’objectif : parvenir à 10 % de gaz « renouvelables » dans les consommations de gaz naturel à l’horizon 2030, ce qui impliquerait la mise en service d’environ 5784 méthaniseurs [2]. Pour atteindre les 100% de biogaz à l’horizon 2050, comme le suggère une étude de l’Ademe, 42 800 unités de « gros calibre » seraient nécessaires.

Aujourd’hui, la taille des unités de méthanisation est très variable : de quelques milliers de tonnes de matières entrantes par an à plusieurs dizaines de milliers. La moyenne d’intrants est aujourd’hui de 31 400 tonnes par unité de méthanisation et par an, contre 6000 tonnes avant 2017. Les unités construites tendraient donc, de plus en plus, à être de grande taille.

La méthanisation permet-elle de réduire les émissions de gaz à effet de serre ?

Le ministère de la Transition écologique et solidaire considère le gaz issu de la méthanisation comme une énergie renouvelable. 12 millions de tonnes de CO2 par an seraient évitées (3% de nos émissions) prévoit le ministère, avec 10 % de biogaz en 2030. Avec un système gazier en 2050 basé à 100 % sur du gaz renouvelable, 63 millions de tonnes de CO2 par an seraient économisées, selon l’Ademe. Une étude menée sur des fermes engagées dans la méthanisation montre une consommation énergétique globale en baisse de 10 % pour 30 d’entre elles. Six des 46 exploitations suivies sont même devenues des fermes à énergie positive, dans la mesure où elles produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment [3].

Les données sur les gaz à effet de serre ne font toutefois pas consensus. « L’estimation du bénéfice environnemental d’un projet est aujourd’hui impossible », estime le Collectif scientifique national méthanisation raisonnée. En cause : l’impossibilité de se procurer les méthodes de calcul et formules utilisées par le logiciel DIGES2 servant à réaliser le bilan des méthaniseurs en termes de gaz à effet de serre. Ce programme de calcul ne prend par ailleurs pas en compte les émissions dues aux épandages des digestats dans les champs. L’Ademe n’a pas donné suite à nos demandes de précisions sur le bilan carbone du cycle complet de la méthanisation.

Y a-t-il des fuites et peuvent-elles alimenter l’effet de serre ?

Les fuites de gaz peuvent être liées à un défaut d’étanchéité ou à des fissures dans les cuves, stockages et conduits de méthanisation. « On n’a aucun chiffre en France, mais en Allemagne les fuites ont été observées régulièrement », souligne le chercheur Daniel Chateigner, membre du collectif scientifique national méthanisation raisonnée (CSNMR). « C’est logique, tout procédé industriel comporte des fuites à plus ou moins long terme. Surtout en milieu anaérobie [sans oxygène, ndlr], comme la méthanisation au sein desquels du sulfure d’hydrogène, très corrosif même sur les structures inoxydables, est présent. Les gaz émis sont des gaz à effet de serre que l’Ademe ne prend pas en compte dans ses calculs environnementaux. »

Du méthane peut notamment s’échapper, en particulier lorsque les cuves de stockage de digestat sont laissées à l’air libre. Or, le méthane est un gaz dont l’effet de serre est 25 fois supérieur à celui du gaz carbonique. « Seulement 4 % de fuite de méthane suffisent pour que la méthanisation ait un impact sur l’effet de serre plus fort que l’utilisation des carburants fossiles », souligne le CSNMR. « Les cuves de méthanisation doivent donc être parfaitement étanches car la moindre fuite de méthane grève lourdement le bilan gaz à effet de serre de l’opération », précise à ce sujet l’association Solagro, spécialisée dans les transitions écologiques.

Cette dernière alerte également sur le risque de volatilisation de l’azote lors de l’épandage, sous la forme de protoxyde d’azote. Le pouvoir de réchauffement global du protoxyde d’azote (N2O) est de 310 fois celui du gaz carbonique : c’est le second gaz à effet de serre émis par l’agriculture. Solagro préconise des solutions techniques pour réduire ce risque.

La méthanisation enrichit-elle ou appauvrit-elle les sols ?

Avec la méthanisation, le digestat solide épandu sur les champs nourrirait le sol, et le digestat liquide jouerait le rôle d’engrais pour les cultures [4]. Mais selon le Collectif scientifique national méthanisation raisonnée (CSNMR), le digestat épandu entrainerait une perte de carbone progressive du sol. L’Ademe prévoit de mettre un couvert végétal intermédiaire entre deux cultures alimentaires – on parle de CIVE, Cultures intermédiaires à vocation énergétique –, que l’on garde pour le méthaniseur.

Avant, ces cultures intermédiaires retournaient au sol et l’alimentaient. « Avec la méthanisation à marche forcée, au lieu de laisser le sol se reposer, on le fait travailler en permanence sans qu’il ait le temps de se reconstituer entièrement, il s’appauvrit », estime Daniel Chateigner du CNSMR. Cette baisse de fertilité des sols pourrait nécessiter à terme l’utilisation de plus d’engrais [5].

Cette position n’est pas partagée par Solagro. « On observe dans de nombreux cas que la méthanisation joue un rôle bénéfique tant sur les propriétés physiques que les propriétés biologiques des sols », souligne l’association qui évoque une augmentation de l’activité microbienne et racinaire, et une plus grande abondance de lombrics. D’après ses études, l’épandage de digestat solide, à la place d’un compost [6], n’aurait pas d’impact négatif sur le stockage du carbone dans les sols. Solagro admet avoir observé quelques cas contraires mais selon cette association, l’évolution de la matière organique du sol est dépendante essentiellement des modifications de pratiques culturales (labour par exemple), et très peu liée au fait que les matières épandues soient digérées ou non.

Quel risque de spéculation et d’accaparement du foncier avec le biogaz ?

En Allemagne, la politique de soutien à la méthanisation a engendré un développement fulgurant des surfaces de maïs pour nourrir les méthaniseurs, et une hausse du prix du foncier devenu inaccessible pour les petites fermes (lire notre article). En France, certains agriculteurs s’inquiètent de dérives similaires. La Confédération paysanne de l’Orne a par exemple mené une action fin 2018 contre une unité de méthanisation dont les exploitants ont acquis 100 hectares de terres cultivées dans le but d’alimenter cette unité. Ils constatent également un prix des ressources fourragères bien au-dessus des prix pratiqués avant l’arrivée des méthaniseurs - 80 euros, contre 40 euros la tonne de paille à presser.

Solagro considère pour sa part que la réglementation française a répondu à ces risques en fixant la limite de 15 % maximum de cultures alimentaires dans le plan d’approvisionnement des méthaniseurs. Ce garde-fou peut toutefois être contourné comme nous l’expliquons dans ce reportage. Les calculs réalisés par le Collectif scientifique national méthanisation raisonnée sont également inquiétants. Atteindre l’objectif de 10 % de méthanisation de gaz impliquerait de consacrer plus de 18 000 km2 - soit la superficie de trois départements français - à des cultures servant uniquement à alimenter les méthaniseurs (lire notre enquête). D’après ce collectif, des méthaniseurs se retrouvent déjà aujourd’hui en compétition pour l’approvisionnement en intrants.

La méthanisation contribue t-elle à l’industrialisation des élevages ?

Selon Solagro, la méthanisation peut fonctionner sur tous types d’élevage, qu’ils soient industriels ou non, comme ils peuvent aussi concerner des exploitations en grandes cultures sans élevage. Nos reportages témoignent en effet d’une diversité d’expériences (voir ici et ). Dans leur grande majorité, précise Solagro, les installations en fonctionnement en France dépassent une puissance de 100 kW électrique. Pour pouvoir alimenter ce type d’installations, il faut disposer de fumier produit par 300 vaches.

Un agriculteur qui se lance dans un tel projet doit donc posséder un troupeau « important », ou chercher des sous-produits dont il sera alors dépendant, auprès d’usines agroalimentaires notamment. En ce sens, les projets individuels de méthanisation auraient tendance à davantage relever de « gros » élevages. Notre enquête révèle d’ailleurs un afflux de demandes pour des méthaniseurs adossés à des élevages industriels.

Une autre approche consiste à bâtir des projets collectifs, qui permettent alors à tout agriculteur d’avoir accès à une unité de méthanisation, et bénéficier ainsi d’un complément de revenu.

La méthanisation peut toutefois être contradictoire avec l’agriculture paysanne soucieuse d’élevage en plein air. En effet, optimiser une unité de méthanisation implique de laisser les animaux en stabulation le plus longtemps possible, hors des prés, afin de récupérer leurs effluents pour nourrir quotidiennement le méthaniseur. « Le choix du curseur entre le "tout pâture" et le "tout bâtiment" est un choix de système qui s’effectue bien en amont de celui de la méthanisation », considère de son côté Solagro.

Y a-t-il des risques d’incident dans les unités de méthanisation ?

La réglementation stipule que les digesteurs doivent être implantés à plus de cinquante mètres des habitations occupées par des tiers afin de minimiser l’impact en cas d’accident. Les usines de méthanisation ne sont pas classées Seveso mais plusieurs « phénomènes dangereux » restent néanmoins associés au biogaz. Un document du ministère de l’Agriculture et de l’Ineris liste les nombreuses exigences de sécurité à adopter dans les installations de méthanisation agricole. En 2019, le collectif scientifique national méthanisation raisonnée (CSNMR) a relevé 21 incidents sur des méthaniseurs, dont 18 sur des méthaniseurs d’agriculteurs. Les incidents sont de plusieurs ordres : pollutions olfactives, déchirement de bâches au-dessus des dômes des digesteurs contenant le gaz, incendie, explosion…

Certains faits sont également troublants comme la mort de 23 veaux en contrebas d’une unité de méthanisation entre août 2017 et janvier 2018. Les résultats des analyses d’eau menées par l’agriculteur ont révélé des taux de coliformes, c’est-à-dire de bactéries liées à des matières fécales, anormalement élevés et la présence de métaux lourds dans l’eau.

Concernant le risque sanitaire, l’Ademe reconnait que des germes peuvent résister à la méthanisation et se retrouver dans le digestat. Solagro estime pour sa part qu’un digestat contient de l’ordre de 100 fois moins de pathogènes qu’un fumier. Le CSNMR pointe également le risque d’émissions de gaz irritants et dangereux pour la santé comme l’ammoniac ou l’hydrogène sulfuré, en cas de fuite par exemple, et demandent des contrôles indépendants fréquents. « Le rythme de l’incidentologie croît plus vite que celui des installations, preuve d’un manque de considérations des dangerosités de ces usines », estime le collectif scientifique.

Comment les unités de méthanisation sont-elles contrôlées ?

Toutes les installations de méthanisation, aussi petites soient-elles, sont soumises à la réglementation ICPE (« Installation classée pour la protection de l’environnement »). En dessous de 30 tonnes de matières entrantes par jour, il n’y a pas d’étude d’impact et l’unité relève d’un simple régime de déclaration. Entre 30 et 100 tonnes de matières entrantes par jour, l’unité relève d’un régime d’enregistrement : elle est soumise à une contribution envoyée à l’inspection des installations classées, puis à l’avis du conseil municipal et à une consultation publique. Au-dessus de 100 tonnes de matières entrantes par jour, l’unité entre dans le régime d’autorisation qui implique une enquête publique et administrative, ainsi qu’une autorisation préfectorale.

Une fois le méthaniseur mis en service, il revient à celui qui l’exploite de réaliser des « auto-contrôles ». « C’est tout le problème des limites », note Jean-Marc Thomas, paysan en Bretagne. « Prenons un projet à 29 tonnes par jour. A 30 tonnes, il bascule du régime de déclaration au régime d’enregistrement. Comment avoir la garantie que demain n’entreront pas 31 tonnes par jour ? » La même réserve concerne le ratio de 15 % de cultures alimentaires dédiées.

« C’est bien l’administration qui s’assure du non-contournement du seuil pendant la période d’exploitation des installations », précise à ce sujet l’Ademe. « Cette vérification peut s’effectuer soit au niveau du respect des plans d’approvisionnement, soit à la faveur de demande d’augmentation de la production d’énergie. » Des contrôles menés par des organismes agréés par le ministre de la Transition écologique et solidaire sont prévus tous les cinq ans.

Source: Bastamag

INTERVIEW:
VERS UN USAGE VERTUEUX DE LA MÉTHANISATION


- Pourriez-vous me parler de votre parcours professionnel et m'expliquer dans quel cadre vous avez eu l'occasion de travailler sur la méthanisation ?

Ingénieur généraliste diplômé de l’IDN 1979 (école aujourd’hui dénommée Centrale Lille) mon centre d’intérêt principal était le Génie Chimique (nous dirions aujourd’hui Génie de Procédés), j’ai débuté en métallurgie extractive (passage du minerai au métal) puis en chimie, en R&D puis production. En 1994, à 41 ans, interpelé par cette problématique et à ma demande, j’ai pris un poste d’ingénieur environnement dans un important site chimique. Cela m’a conduit à reprendre des études de biologie afin de bien comprendre les traitements biologiques. En 2006 j’ai quitté le domaine de la chimie. J’ai rejoint un grand groupe de traitement de l’eau et des déchets en tant qu’ingénieur procédé. J’ai finalement pris la responsabilité du département procédés qui employait 6 ingénieurs de haut niveau pour définir les procédés de traitement à mettre en oeuvre que ce soit pour produire des eaux de process ou des traitements d’eaux résiduaires. C’est dans ce contexte que j’ai été l’un des principaux animateurs du développement d’un procédé de méthanisation de biomasses avec le centre de recherche de l’entreprise et que j’ai pu le mettre en oeuvre sur quelques installations.

Aujourd’hui à la retraite, je suis un soutien sans faille à la production locale et bio dans un contexte de développement durable, et, je suis actif dans le domaine de la transition écologique et notamment de la transition énergétique.

Après quelques actions, je me suis aussi déterminé à une candidature au sein d’une liste pour les communales, lieu qui permet une action de mon point de vue très efficace pour la transition.

Avant de répondre à vos questions, je vous propose en introduction, de vous donner la vision globale que j’ai de la méthanisation :

La méthanisation est souvent considérée d’un point de vue « industriel » car il s’agit, au regard des outils du monde agricole, d’installations volumineuses avec des pompes et des tuyaux, même lorsqu’elles sont en fait de petite dimension. 

Mais il s’agit en fait d’une biotechnologie. Cette biotechnologie pouvant être conduite en « bio » ou non, comme l’agriculture en général. L’agriculture « conventionnelle » peut conduire à des dérives et à des excès, les biotechnologies peuvent conduire aux mêmes dérives et aux même excès.

Par ailleurs, ces installations de méthanisation sont en fait d’une dimension cohérente à l’activité agricole si on les rapporte à la surface agricole ou encore aux volumes de stockage agricoles au lieu de la rapporter aux outils du monde agricole. Même en bio sur de petites exploitations, un méthaniseur ne sera pas plus volumineux que le stockage de foin et de paille nécessaire pour l’hiver !

Une installation de méthanisation n’est pas un outil mais une composante de l’infrastructure agricole. Comme l’agriculture, c’est un processus extensif c’est-à-dire que sa production par unité de surface ou de volume est faible à la différence des installations indutrielles.

Alors la méthanisation est-elle fondamentalement « bio » ? Oui, il s’agit d’un phénomène biologique naturel mis en oeuvre à partir de bactéries présentes à l’état naturel dans notre environnement et en équilibre avec le monde du vivant. Elle est mise en oeuvre par l’homme depuis plusieurs milliers d’années (Chine, Inde, Grèce …) pour collecter de l’énergie sous forme de biogaz qu’il est possible de valoriser au lieu d’être perdue sous forme de chaleur et émissions diverses.

Pour démarrer une méthanisation, il suffit d’isoler de la biomasse organique naturelle en milieu anaérobie pour que le processus démarre. Bien sûr pour favoriser ce développement, on va de préférence utiliser des biomasses naturelles riches en bactéries hydrolytiques et anaérobies, et notamment des fumiers ou des lisiers (ou plus généralement des fécès animales ou humaines) qui sont bien des produits tout à fait naturels.

A partir d’une petite quantité de biomasse riche en bactéries hydrolytiques et méthanigènes, pour la développer et la maintenir en vie il faut l’alimenter convenablement, comme nous, nos animaux ou nos végétaux. Alimenter convenablement signifie apporter les éléments qui permettent de répondre aux besoins et aux conditions de vie de la biomasse.

Une méthanisation est un élevage de bactéries hydrolytiques et méthanigènes naturelles. Toutes les règles du « bio » peuvent et doivent s’y appliquer comme en agriculture « bio ».

Ainsi, je me place dans un contexte « bio » et exclu à priori une méthanisation qui ne respecterait pas les principes du bio et c’est ce que je souhaite soutenir.

Concernant la quantité de matière organique nécessaire au fonctionnement d'un méthaniseur :

- Dans quelle mesure la méthanisation est-elle applicable à de petites fermes ? 

Les procédés de méthanisation sont applicables à toute échelle, depuis la taille pilote jusqu’à l’échelle industrielle. Cependant, plus l’installation est petite, plus elle sera coûteuse à la tonne traitée car il y a un certain nombre d’équipements incontournables à mettre en oeuvre pour assurer une bonne marche et un bon suivi qui sont indépendants de la taille de l’installation. A l’inverse, de très grandes installations ne sont pas moins coûteuses à la tonne traitée car les problématiques se compliquent aussi avec l’augmentation de la taille de l’installation.

- Est-ce compatible avec l'élevage en plein air pratiqué sur des fermes bio? 

Un méthaniseur peut traiter des biomasses organiques de toutes natures, pas uniquement des fumiers ou lisiers. Pendant la période d’élevage au champ il n’y a pas de fumier ou lisier disponible, on en profite alors pour consommer les autres biomasses disponibles qui sont à collecter.

Le fait de traiter en méthanisation les fumiers ou lisiers frais permet d’éviter les émissions de ces produits au cours de leur stockage/compostage/stabilisation/épandage.

La capacité d’amendement des fumiers ou lisiers est remplacé par celui des digestats solides et liquides qui apportent exactement les mêmes nutriments sans en avoir les inconvénients du fait que les digestats sont des produits beaucoup plus stabilisés.

- Avez-vous connaissance de projets mutualisés sur des petites fermes ailleurs en France ?

Oui, bien sûr, il existe de nombreux exemples en France d’installations mutualisées entre plusieurs exploitants. Il est d’ailleurs très intéressant de mutualiser des activités variées afin de disposer de biomasses de type et de nature variées et disponibles à des périodes différentes. Idéalement, c’est l’intégration verticale et horizontale des activités qui est le plus intéressant car il existe d’ores et déjà des liens entre les activités et ceci facilite les relations et la cohésion du projet. Par exemple, la réunion des biomasses issues de l’agriculture, de l’élevage et du maraîchage, et des activités de transformation avales comme la meunerie, la boulangerie, la charcuterie, la restauration… sont un très grand atout. Bien sûr tout cela en filière bio.

- Pensez-vous qu'il y a un risque d'industrialisation de la méthanisation sur les fermes et de sacrifice de surfaces agricoles pour un usage uniquement énergétique ? Si oui, comment y pallier ? 

Comme pour toute industrie, la mise en oeuvre vertueuse d’un procédé est de la seule reponsabilité des entrepreneurs. Mais en tout état de cause, il n’y a vraiment aucune raison de sacrifier une surface agricole pour un usage en culture énergétique car la producton spécifique d’énergie à partir de ces cultures n’est absolument pas rentable. La méthanisation est un procédé extensif et s’il faut payer la matière première il n’est absolument pas rentable. D’ailleurs, les gros méthaniseurs « industriels » ne sont rentables que parce qu’ils reçoivent une recette pour le traitement de déchets. Certains industriels font même payer des éleveurs pour traiter leurs lisiers au titre qu’ils n’ont plus à les épandre et que celà leur supprime des coûts d’épandage (bien sûr ceci dans des milieux industriels bien éloignés du bio …). La dérive des cultures à vocation énergétique observée en Allemagne est due au fait que la production d’énergie à partir de ces cultures était subventionnée. Fort heureusement, cela n’a jamais été le cas en France, où, par ailleurs l’utilisation de culture à vocation énergétique est strictement limitée.

Mais, même en filière bio, la méthanisation peut cependant éviter des frais de traitement aux filières bio avales, qu’elles soient intégrées ou non. Par exemple, une charcuterie peut faire baisser sa taxe sur le traitement des eaux en envoyant ses eaux grasses au méthaniseur au lieu de les envoyer à la station d’épuration de la ville, le meunier peut y diriger ses rebus au lieu de payer pour leur élimination en filière déchet … ect …

Concernant les risques:

- Que pensez-vous des risques de fuites de méthane et de protoxyde d'azote ?

Oui, bien sûr, si l’installation est de piètre qualité avec des fuites de biogaz, cela n’est pas du tout favorable au bilan environnemental de l’installation, et, peut par ailleurs en conséquence présenter un danger d’exploitation.

Les principales sources de fuites sur les installations existantes sont dues aux toitures souples généralement utilisées sur les installations agricoles en raison de leur faible coût. Il serait effectivement souhaitable d’éviter ce type de toiture afin de réduire le risque de fuite. 
Ceci devrait d’ailleurs toujours être privilégié car la durée de vie des toitures souples n’est pas très longue et lorsque l’on prend en compte son remplacement avec la période d’arrêt que cela génère, alors le choix d’une toiture rigide devient moins onéreux. Pour cela, il suffit de raisonner sur 20 ans au lieu de 15 ans.

Même pour une installation bien conçue et bien construite, et notamment avec une toiture rigide, il peut y avoir des micro fuites de biogaz, mais ces micro fuites ne sont pas significatives et bien souvent inférieures aux émissions obtenues lors du compostage, de l’épandage ou du traitement de déchet si la biomasse est actuellement traitée dans une autre filière de traitement des déchets. 

- Que pensez-vous des risques liées à l'épandage des digestats de méthanisation pour les sols et l’eau ?

La méthanisation de la biomasse organique est une étape intermédiaire de traitement de cette biomasse organique qui permet de récupérer de l’énergie par sa minéralisation en vue de son utilisation comme fertilisant. Sans cette étape de traitement, cette énergie potentielle récupérée sous forme de biogaz qu’il sera possible alors de valoriser est tout simplement perdue sous forme de chaleur mais aussi d’émissions diverses qui ne sont pas collectées.

Ainsi, par exemple, il est possible de minéraliser une même biomasse organique par compostage. Le compostage et l’utilisation du compost en amendement conduiront au final à la même production de CO2 et la chaleur produite lors du compostage sera perdue dans l’air. Signalons par ailleurs que lors du compostage il y a également des émissions de COV (composés organiques volatils), d’azote et de méthane car il n’est pas strictement aérobie et une production de jus de compostage qui sont souvent oubliés dans le bilan ! Enfin, le compost comporte encore une fraction facilement fermentescible qui se dégrade rapidement dans le sol lors de son épandage en libérant de l’azote minéral. (Nous pouvons signaler ici qu’il est d’ailleurs possible de produire du biogaz par méthanisation de compost et ceci démontre bien qu’il subsiste dans le compost une quote-part facilement fermentescible).

Le traitement par méthanisation conduit quant à lui à une minéralisation plus importante  et notamment de l’azote. Il est donc d’usage de fractionner le digestat en au moins deux fractions, à minima par une presse à vis, en une fraction solide et une fraction liquide. La fraction liquide contient une forte proportion d’azote minéral alors que la fraction solide contient une forte proportion d’azote organique. Ces deux fractions du digestat devront donc être valorisées à des périodes végétatives différentes : le solide en amendement de fond et le liquide en amendement de croissance.

- Comment rendre la méthanisation vertueuse et éviter ces risques selon vous ? Doit-on mieux la réglementer et attendre d'avoir plus de recul avant de la développer ?

Dans une logique, bien sûr, entièrement bio, les différentes fractions du digestat sont des produits « naturels » et constituent un excellent amendement. La méthanisation a simplement retiré du mélange des biomasses d’origine le carbone fermentescible et minéralisé l’azote lié à ce carbone fermentescible.

Il suffit de respecter les bonnes règles d’amendement pour éviter tout risque. Si ces règles sont respectées par un bilan de fumure il n’y a vraiment aucun risque.

Brice DURAND
A Combrit le 11 mai 2020

ACTU

ILLE-ET-VILAINE. "SOUTENEZ NOS FERMES BIO POUR UN NOUVEL HORIZON AGRICOLE ET ALIMENTAIRE"

Dans une lettre ouverte aux citoyens d’Ille-et-Vilaine, plusieurs acteurs en lien avec le milieu agricole « bio et durable » appellent à les soutenir pour « accélérer la transition vers un nouvel horizon agricole et alimentaire », en cette période de crise sanitaire. »

Dans une lettre ouverte, le syndicat Confédération Paysanne 35, l’association d’insertion Adage, Agrobio 35, le magasin paysan Brin d’herbe, le réseau agricole Civam 35 et l’association Terres de liens appellent les citoyens à les soutenir pour  accélérer la transition vers un nouvel horizon agricole et alimentaire :explosion des ventes directes à la ferme, en magasins fermier ou bio : la crise sanitaire a marqué un rapprochement entre le citoyen et le monde paysan ».

« Relocaliser notre agriculture »

« Cette crise révèle la fragilité de notre système agricole et alimentaire, et sa forte dépendance à l’exportation mondialisée. Il est temps d’assurer la transition écologique, pour des territoires résilients, organisés autour de fermes bordées de haies, d’animaux élevés au grand air, de légumes et céréales cultivés sans ou avec peu de pesticides.

Il faut urgemment changer la PAC (Politique agricole commune) et multiplier les circuits de proximité, plus autonomes et agiles, pour assurer la sécurité alimentaire et créer de l’emploi. Il faut aussi encourager l’installation agricole. Les citoyens peuvent aider en participant à l’achat de fermes (par Terre de Liens par exemple) et en refusant l’artificialisation inutile des terres (parkings, centres commerciaux). Les plans de relance n’auront de sens que s’ils dessinent une transition écologique et sociale. Soyons-en acteurs chacun à notre échelle. »

AGRICULTURE INDUSTRIELLE ET CORONAVIRUS: QUEL RAPPORT?

Coronavirus, agriculture et déforestation : Nous devons rendre notre système agricole plus résistant face aux crises. Cette vidéo réalisée par Greenpeace France vous explique pourquoi et comment. Source: Greenpeace

UNE POPULATION FRAGILISÉE PAR LES MALADIES CHRONIQUE EST PLUS VULNÉRABLE AU CORONAVIRUS

Le Covid-19 aurait-il fait bien moins de victimes si les maladies chroniques et les affections longue durée n’étaient pas aussi répandues depuis une décennie ? C’est l’avis du toxicologue André Cicolella, président du Réseau environnement santé, qui invite à s’intéresser bien davantage aux causes environnementales qui nous rendent encore plus vulnérables face aux nouveaux virus. Entretien.

Basta ! : En sait-on plus aujourd’hui sur les victimes du Covid ? Des études relativisent le poids des pathologies antérieures et mettent en évidence le rôle prépondérant de l’âge dans les facteurs de comorbidité.

André Cicolella [1] : L’âge est effectivement un facteur déterminant. Le raisonnement qui nous est proposé consistant à dire "âge = maladie" est cependant faux. Les données ajustées sur l’âge montrent le poids des comorbidités, c’est-à-dire des maladies associées. Le constat est établi que les victimes du Covid sont les malades chroniques, à savoir les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires, d’obésité, de diabète, d’hypertension, de maladies respiratoires chroniques et de cancer. Ce qui joue n’est pas l’âge, mais bien l’état de santé.

Une étude chinoise montre que sur 1590 malades du Covid âgés de 49 ans en moyenne, le risque de comorbidité est 3,5 fois plus élevé en cas de cancer, et 1,6 fois plus élevé en cas d’hypertension ou de diabète [2]. Les données publiées le 5 mai par Santé Publique France sur la base du réseau sentinelle de 151 services de réanimation avancent que 84 % des décès dus au Covid présentaient une comorbidité. Une étude italienne donne un chiffre de 98 %.

L’explication uniquement par l’âge n’est pas acceptable. C’est à l’épidémie mondiale de maladies chroniques qu’il faut s’attaquer. J’emploie volontairement le mot « épidémie » car c’est celui utilisé par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) pour caractériser la situation mondiale. La crise du coronavirus n’a pu se développer que parce que les maladies chroniques ont pris une importance épidémique. C’est pourquoi c’est le moment de changer de paradigme.

Pourquoi dites-vous que si l’épidémie de Covid-19 avait eu lieu en 2003, elle aurait fait nettement moins de victimes ?

Selon les données de l’assurance maladie, l’incidence en France – le nombre de nouveaux cas – des affections de longue durée (ALD) pour l’ensemble des maladies cardiovasculaires, diabète et cancer, a doublé entre 2003 et 2017 [3]. Durant cette période, la population âgée de plus de 74 ans n’a progressé que de 30 %. Si on rapproche ces chiffres de ceux des malades du Covid décédés, quasiment tous atteints de maladies chroniques, on comprend que des milliers de morts auraient été évités si l’épidémie de maladies chroniques en était restée au stade de 2003. Une personne sur deux aujourd’hui en France est en surpoids. Pour le diabète, on est passés d’1,3 million à 2,7 millions entre 2004 et 2017. Une population fragilisée par les maladies chroniques est une population beaucoup plus sensible à l’activité du coronavirus, mais aussi des autres virus.

Derrière ces chiffres, il y a des personnes. Tout le monde a un proche ou est soi-même concerné par cette épidémie de maladies chroniques. Selon les derniers chiffres de la Caisse nationale d’assurance maladie, 20 millions de personnes sont en situation de malades chroniques. Prenez le cas des cancers de l’enfant : on nous dit que ce sont des cancers rares, mais il y a quand même 3000 enfants qui développent un cancer chaque année, et cela progresse. Ce cancer rare chez l’enfant va devenir dominant chez l’adulte. Pour un homme, le risque de développer un cancer approche aujourd’hui 2 chances sur 3. Ce n’est pas seulement l’effet du vieillissement. C’est la conséquence des changements environnementaux. Nous avons besoin d’une vision plus en amont de la protection de l’environnement pour contrer cette épidémie de maladies chroniques.

Vous insistez sur l’importance de mettre la santé environnementale au centre des changements de la politique de santé. Qu’entendez-vous par là ?

Notre système de santé est un système biomédical. Il s’intéresse à la maladie quand les gens sont malades, sans vraiment se préoccuper de ce qui se passe avant. Actuellement, les gens sont touchés par cette maladie infectieuse, ils vont à l’hôpital et on essaie de les sauver. L’enjeu est aussi de s’intéresser à la vie avant. Cela s’appelle la santé environnementale : on va agir sur l’environnement pour diminuer les facteurs de risque qui génèrent la maladie.

Agir sur l’environnement, c’est agir notamment sur l’alimentation ?

L’alimentation fait, bien sûr, partie de l’environnement. C’est une cause importante de l’obésité, mais ce n’est pas la seule. La sédentarité, les perturbateurs endocriniens sont aussi des causes majeures. C’est surtout l’alimentation ultra-transformée, ce qu’on appelle plus communément « la malbouffe », qui est en cause. L’étude Nutrinet menée sur environ 15 000 personnes montre bien que la consommation d’aliments ultra-transformés augmente le taux d’obésité. Les jeunes obèses sont très touchés par le Covid-19 [4]. Le Bassin parisien et l’Est, régions fortement impactées par le coronavirus, sont aussi celles qui, avec les Hauts-de-France, sont les plus touchées par l’épidémie d’obésité : 21,5 % de la population en 2012 selon la dernière estimation de l’étude Obépi, avec une progression de 61,5 % depuis 1997.

Le type d’agriculture a aussi un impact qualitatif sur la nutrition, il conditionne les aliments. L’autre élément c’est la contamination de l’alimentation, que ce soit par les pesticides dans le cas de l’agriculture conventionnelle, ou lors de la transformation. Si on met de l’alimentation bio dans des boîtes de conserve à base de bisphénol A, ou si on la transforme dans des installations en PVC, on la contamine par des phtalates. On doit se soucier de la façon dont on produit les aliments mais aussi dont on les transforme. Il ne faut pas voir l’alimentation séparée du reste de l’environnement.

De la même manière, plusieurs études montrent que plus on a une difficulté d’accès aux espaces verts, plus le taux de maladies métaboliques est élevé. Dans ce cas, on est bien dans l’environnement au sens global du terme. La pollution atmosphérique, liée notamment aux transports, contribue à générer des maladies chroniques comme l’asthme ou les maladies cardiovasculaires. La pollution de l’environnement intérieur est, elle, liée aux matériaux présents à l’intérieur. Les phtalates sont les premiers polluants de l’environnement intérieur, avec une source majeure qui est celle des sols en PVC. C’est à cela qu’il faut s’attaquer.

Des études en Grande-Bretagne et aux États-Unis montrent aussi que le Covid frappe de façon différenciée selon le statut social...

Ce n’est pas une surprise. La pauvreté est inextricablement liée à un mode d’alimentation et à un environnement dégradé. L’épidémie d’obésité touche plus particulièrement les populations ayant les plus faibles revenus et les plus faibles niveaux d’éducation, donc généralement les conditions de vie et de travail les plus difficiles. Les conditions socio-économiques sont déterminantes.

Comment expliquer ce focus sur l’âge concernant le Covid-19 et une interprétation aussi variable des données sur les facteurs de comorbidité ?

C’est un problème politique. Si on considère que c’est l’âge, la conclusion est que vous n’y pouvez rien : vous êtes vieux, point. Si c’est l’environnement par contre, on peut faire quelque chose. Quelle place donne-t-on à la santé environnementale ? Comment avoir des gens qui soient moins malades et moins sensibles à l’action du virus ? C’est totalement absurde de ne s’intéresser à la maladie seulement quand les gens sont malades, en pensant que les médicaments suffiront à faire reculer la maladie. Veut-on sortir de ce système bancal ? Le cancer a progressé de façon considérable depuis 40 ans, et on attend toujours le médicament miracle qui va nous sauver. Avec cette logique-là, on est partis pour encore un moment.

Notre politique de santé environnementale est au point mort. Il n’y a eu aucune réunion du groupe Santé environnement en charge de préparer le 4ème plan national sur le sujet depuis juillet 2019 ! Cela en dit long sur le désintérêt du gouvernement. La question est de savoir comment on soigne l’environnement pour éviter que les prochaines épidémies infectieuses, dont la probabilité est très vraisemblable, aient cette ampleur, ou pire encore.

Des pays placent-ils la santé environnementale au cœur de leur politique ?

Certains sont plus avancés, comme les pays scandinaves, mais aucun n’a clairement opéré un changement de paradigme. La France est le premier pays à s’être doté d’une stratégie nationale au sujet des perturbateurs endocriniens. Ce n’est pas arrivé par hasard. L’action du Réseau Environnement Santé l’a conduit à le faire. Nous avons obtenu l’interdiction du bisphénol A dans les biberons et contenants alimentaires, mais nous ne sommes pas sûrs que les contrôles à la frontière soient tels qu’aucune boîte de conserve à base de bisphénol A ne rentre en France. C’est une totale absurdité que l’Union européenne n’ait pas suivi la France sur les contenants alimentaires alors qu’elle l’a suivie sur les biberons. C’est d’une stratégie mondiale, et pas seulement nationale, dont nous avons besoin. Le Covid nous envoie une belle claque. Il faut comprendre ce signal sinon la prochaine fois va être pire.

En septembre 2018, l’assemblée générale de l’ONU s’est engagée à réduire la mortalité par maladies chroniques de 30 % d’ici 2030, et à arrêter la progression de l’obésité et du diabète. Où en est-on ?

Tout le monde a voté mais aucun pays n’a vraiment pris sérieusement en charge cette question. La France, comme les autres pays, vote des textes au niveau international avec la ferme intention de ne pas les appliquer. La stratégie nationale de santé présentée peu de temps après par la France ne fait même pas référence à cet engagement. Il y a un vrai problème politique. Si on est en désaccord, on explique pourquoi. Si on vote un texte, on le met en œuvre. La solution intermédiaire qui consiste à voter sans appliquer n’est pas acceptable.

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