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L'actualité la plus récente du droit de la concurrence
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Hebdo n° 25/2020
29 juin 2020
SOMMAIRE
 
INFOS PJL DDADUE : Lors de l’examen en commission, les sénateurs inscrivent directement dans la loi les mesures de simplification des procédures et enquêtes de concurrence et accordent quelques assurances aux entreprises sur la procédure simplifiée

JURISPRUDENCE : Le Bundesgerichtshof confirme provisoirement la constatation opérée par le Bundeskartellamt d’un abus de position dominante de Facebook consistant à combiner des données personnelles de ses utilisateurs provenant de différentes sources


INFOS UE : Avant de décider si et comment elle doit actualiser sa communication de 1997 sur la définition du marché, la Commission consulte ses utilisateurs pour savoir comment ils apprécient son fonctionnement

INFOS TEST DE MARCHÉ : Estimant que le rapprochement à l’achat entre Casino, Auchan, Metro et Schiever pourrait fragiliser les fournisseurs de MDD et diminuer la concurrence entre enseignes, l’Autorité de la concurrence obtient des engagements visant à réduire le périmètre de l’accord de coopération

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, sous réserve de remèdes structurels et comportementaux, la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot (GBH) sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire et non-alimentaire à La Réunion est en ligne, ainsi que celle autorisant, sans conditions, la prise de contrôle exclusif du groupe Sinoué par le groupe Orpea (+ 4 décisions)


ANNONCE WEBINAIRE : « Quelle politique de concurrence pour faire face aux défis du XXIeme siècle ? » avec Stéphanie Yon-Courtin — 29 juin 2020, 18 h [Message de Muriel Chagny]

ANNONCE WEBINAIRE : « Security of Supply Chains: How to address it in Covid-19 and beyond? » - 29 juin 2020 15:30 CEST [Message de Nicolas Charbit]

INFOS PJL DDADUE : Lors de l’examen en commission, les sénateurs inscrivent directement dans la loi les mesures de simplification des procédures et enquêtes de concurrence et accordent quelques assurances aux entreprises sur la procédure simplifiée



Après que les dispositions du PJL Audiovisuel concernant les procédures de concurrence ont atterri dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (Ddadue), le travail en commissions a débuté. Le 24 juin 2020, la Commission des finances, saisie au fond, et la Commission des affaires économiques, saisie pour avis, ont même achevé l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (Ddadue).

S’agissant plus particulièrement de l’article 25 dudit projet de loi, qui intègre dans sa version initiale non seulement les dispositions relevant de la transposition de la directive ECN+, mais également les diverses mesures de simplification des procédures et enquêtes de concurrence, celles-là mêmes qui figuraient aux articles 60 et 61 du PJL Audiovisuel, c’est le sénateur Laurent Duplomb (LR), rapporteur de la Commission des affaires économiques, qui a reçu délégation au fond pour en traiter.

Il a donc déposé un amendement en commission — le N° COM-24 — qui vise en premier lieu à inscrire directement dans la loi les mesures de simplification des procédures et enquêtes de l'Autorité de la concurrence et de la DGCCRF pour lesquelles le Gouvernement entendait initialement demander au Parlement une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

Parmi ces mesures réintégrées dans la loi figurent :

— la disposition de nature à renforcer l’efficacité des enquêtes, visant à permettre qu’un seul officier de police judiciaire par site visité assiste aux opérations de visite et saisies, au lieu d’un OPJ par équipe d’enquêteurs comme aujourd’hui ;

— l’élargissement des décisions que le président, ou un vice-président désigné par lui, peut adopter seul ;

— la suppression de l’information préalable de l’Autorité de la concurrence de tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés ;

— l’élargissement de la procédure simplifiée ;

— la disparition de l’exigence d’une dimension locale pour la mise en œuvre des micro-PAC par me ministre ;

— la simplification de la procédure de clémence, par la suppression de l’avis de clémence.

À cela s’ajoute deux nouvelles dispositions qui ne figuraient pas dans le PJL Audiovisuel :

— L’Autorité revient d’abord à la charge sur l’injonction structurelle. Elle souhaite qu’on en revienne à la rédaction initiale issue de la loi Lurel, qui n’exigeait, outre la constatation d’une position dominante, que cette position dominante soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés, que l’entreprise ou le groupe d’entreprises pratique, en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné. Entre-temps, la loi Macron de 2015 a supprimé le critère tenant à l’existence d’une préoccupation de concurrence et lui a substitué celle « d'atteinte à une concurrence effective », que l’Autorité estime trop difficile à démontrer économiquement dans les zones ultra-marines, alors, selon le rédacteur de l’amendement, que le faible respect du droit de la concurrence dans la distribution n'y fait parfois aucun doute.

— Par ailleurs, l’Autorité souhaite que soit édictée une interdiction expresse en outre-mer des pratiques discriminatoires de la part d’une entreprise au détriment d’une autre avec laquelle elle n’a pas de lien de nature capitalistique.

Mais ce qui retiendra davantage l’attention, ce sont les quelques mesures que l’auteur de l’amendement propose pour atténuer le choc de l’élargissement de la procédure simplifiée, rendu possible par la suppression du plafonnement de la sanction pécuniaire à 750 000 euros, de sorte que la procédure simplifiée est appelée à s’appliquer à des pratiques justifiant des sanctions plus élevées, contrepartie de l’économie procédurale que représente pour l’Autorité l’absence d’établissement préalable d'un rapport et, partant, la disparition d’un tour de contradictoire écrit.

Afin d’atténuer le choc en termes de droit de la défense, le rapporteur de la Commission des affaires économiques du Sénat, visiblement bien conseillé,  suggère de mettre en œuvre trois mesures complémentaires :

— Le rapporteur général informe les parties et le commissaire du Gouvernement préalablement à la notification des griefs de sa décision de ne pas établir de rapport et, le cas échéant, d’allonger le délai d’observation. Ainsi, le rapporteur général de l’Autorité doit informer les parties, préalablement à la notification des griefs, de sa décision d’engager la procédure simplifiée. Il peut même décider — on peut penser que ce sera systématiquement le cas dès lors que les parties s’opposeront au passage à la procédure simplifiée — d’allonger le délai accordé aux parties pour répondre à la notification des griefs de deux à quatre mois. Ce faisant, estime l’auteur de l’amendement, une discussion technique pourrait être engagée entre l’Autorité et les parties sur des critères objectifs tenant à la complexité de l’affaire et à l’opportunité de recourir à la procédure simplifiée.

— Lorsque le rapporteur général décide de ne pas établir de rapport, la notification des griefs doit mentionner les déterminantes de la sanction encourue. Cet allongement des délais s’impose d’autant plus que le montant de la sanction encourue ainsi que ses déterminants seront communiqués aux parties.

— Lorsque le rapporteur général décide que l’affaire sera examinée par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport, le conseiller auditeur peut être saisi par les parties intéressées préalablement à la notification des griefs.

L’amendement N° COM-24 a été adopté en commission le 24 juin 2020.

Prochaine étape, la discussion en séance publique qui  est prévue les 7 et (éventuellement) 8 juillet 2020.

JURISPRUDENCE : Le Bundesgerichtshof confirme provisoirement la constatation opérée par le Bundeskartellamt d’un abus de position dominante de Facebook consistant à combiner des données personnelles de ses utilisateurs provenant de différentes sources

 

On se souvient qu’à la faveur d’une décision du 6 février 2019, le Bundeskartellamt avait interdit à Facebook de collecter et d’exploiter des données personnelles sur des services tiers. Si les services Facebook, WhatsApp ou Instagram pouvaient continuer à collecter des données auprès de leurs utilisateurs respectifs, il devait désormais le faire aux seuls fins de leurs propres services. Par suite, Facebook ne pouvait plus combiner ces différentes données et les attribuer à un compte d'utilisateur Facebook qu’après avoir recueilli le consentement exprès des utilisateurs.

Le 26 août 2019, le Tribunal régional supérieur de Düsseldorf (Oberlandesgericht Düsseldorf) était venu prononcer, en référé, le sursis à exécution de la décision adoptée par le Bundeskartellamt au motif qu’il existait de sérieux doutes quant à la légalité des résolutions des sections 1 à 3 de la décision du Bundeskartellamt et, partant, que l’annulation de la décision attaquée était probable.
Contrairement aux conclusions du Bundeskartellamt, le Tribunal de Düsseldorf avait estimé que le traitement des données par Facebook ne causait aucun préjudice concurrentiel important ni aucune évolution indésirable de la concurrence. Cela valait à la fois pour l’abus d'exploitation au détriment des utilisateurs de Facebook et pour l’abus d'exclusion au détriment de concurrents réels ou potentiels de Facebook.

À la suite de la décision de sursis à exécution prononcée par le Tribunal de Düsseldorf, le Bundeskartellamt ne pouvait mettre en œuvre sa décision avant que le litige ait été tranché sur le fond.

Par sa décision en date du 23 juin 2020, la Cour fédérale de justice prononce l’annulation de la décision du Tribunal régional supérieur de Düsseldorf. Pour ce faire, la Cour de Karlsruhe constate que la position dominante de Facebook ne soulève pas de doute sérieux, que la question de la conformité de la pratique avec le RGPD est secondaire et que ce qu’il importe de rechercher est de savoir si les conditions d'utilisation des données par Facebook sont abusives et si elle ne laissent aucun choix aux utilisateurs de Facebook.

Insistant le caractère biface du modèle économique de Facebook, la Cour retient qu’en tant qu'opérateur de réseau dominant, Facebook a la responsabilité particulière de maintenir la concurrence sur le marché des réseaux sociaux.

Le manque de choix des utilisateurs de Facebook non seulement affecte la protection de leur droit à l'autodétermination informationnelle, également protégé par le RGPD, mais constitue aussi, dans un contexte où il existe des barrières élevées au changement pour les utilisateurs du réseau (effets de verrouillage), un abus d’exploitation dans la mesure où la concurrence n'est plus efficace en raison de la position dominante de Facebook. Or, ce dernier ne permet pas aux utilisateurs de son service d’opter pour une moindre divulgation de leurs données personnelles.

Les conditions d'utilisation ainsi conçues entravent la concurrence en raison des effets de réseau, qui veut que les avantages pour les utilisateurs comme pour les agences de publicité augmentent à mesure que le nombre total de personnes connectées au réseau croît. La position de Facebook sur le marché ne peut être attaquée avec succès que si un concurrent réussit à rallier un nombre suffisant d'utilisateurs dans un délai raisonnable à son réseau. Cependant, l'accès aux données n'est pas seulement un paramètre concurrentiel important sur le marché de la publicité, il l’est également sur le marché des réseaux sociaux. L'accès de Facebook à une base de données considérablement plus grande renforce encore les « effets de verrouillage » déjà observés. De plus, cette base de données plus importante améliore les possibilités de financement du réseau social avec les revenus des contrats publicitaires, qui dépendent également de l'étendue et de la qualité des données disponibles.

INFOS UE : Avant de décider si et comment elle doit actualiser sa communication de 1997 sur la définition du marché, la Commission consulte ses utilisateurs pour savoir comment ils apprécient son fonctionnement

 

Première concession opérée par Bruxelles en réponse aux critiques qui ont accompagnées le rejet de la fusion Siemens/Alstom, l’entreprise de mise à jour de la communication de 1997 sur la définition du marché entre aujourd’hui dans une phase active.

Après l’annonce le 3 avril 2020 de sa feuille de route, la Commission a lancé le 26 juin 2020 une phase de consultation publique de 15 semaines, jusqu’au 9 octobre 2020.

Il ne s’agit pas là d’évaluer l’obligation même de définir le marché en cause aux fins de l’application du droit communautaire de la concurrence. Cela est acquis. Il s’agit d’évaluer les orientations fournies par la communication.

La consultation prend la forme d’un questionnaire auquel chacun est invité à répondre. Ce questionnaire vise à recueillir des éléments d’information et l’avis du public et des parties prenantes sur la manière dont la communication de 1997 fonctionne de leur point de vue. Il s’articule autour de cinq chapitres :

— Pertinence (les objectifs de la communication sont-ils toujours en adéquation avec les besoins ou les problèmes actuels ?) ;

— Efficacité (la communication répond-elle à ses objectifs ?). L’efficacité de la communication est évaluée sur deux plans : d’une part, à la lumière de son objectif de fournir des orientations correctes, complètes et claires et, d’autre part, à la lumière des principales tendances et évolutions depuis sa publication tenant à un rythme du changement de plus en plus rapide et à un monde qui devient de plus en plus numérique et interconnecté. Des changements tels que l'accroissement du commerce mondial, y compris avec de grands marchés émergents, l'élimination progressive des entraves nationales au commerce au sein du marché unique, la numérisation et l'apparition de nouveaux acteurs de premier plan dans certains secteurs, font que de nombreux marchés peuvent aujourd'hui fonctionner différemment ;

— Rentabilité (les coûts encourus sont-ils proportionnés aux bénéfices ?)

— Cohérence (la communication est-elle cohérente sur le plan interne ? Complète-t-elle d’autres mesures ou y a-t-il des contradictions ?) ;

— Valeur ajoutée de l’Union (la communication au niveau de l’UE apporte-t-elle clairement une valeur ajoutée ?).


La Commission publiera les résultats de cette évaluation en 2021.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS TEST DE MARCHÉ : Estimant que le rapprochement à l’achat entre Casino, Auchan, Metro et Schiever pourrait fragiliser les fournisseurs de MDD et diminuer la concurrence entre enseignes, l’Autorité de la concurrence obtient des engagements visant à réduire le périmètre de l’accord de coopération

 

Le 25 juin 2020, l’Autorité de la concurrence a lancé un test de marché ouvert jusqu’au 27 juillet 2020 portant sur les engagements proposés par les parties au rapprochement à l’achat entre Casino, Auchan, Metro et Schiever visant à répondre aux préoccupations de concurrence que soulève cet accord.

Depuis 2018, l’Autorité a la faculté, en matière de rapprochements à l’achat, de se saisir d’office en mesures conservatoires sur le fondement de l’article L. 462-10, al. III, du code de commerce introduit par la loi EGALIM, ce qui peut déboucher sur la suspension des accords. C’est dans ce cadre que l’Autorité s’est autosaisie au fond puis en mesures conservatoires.

Les préoccupations de concurrence

Elles concernent principalement les produits de marques de distributeur (MDD). L’Autorité craint que le rapprochement à l’achat ne vienne fragiliser un peu plus des fournisseurs déjà vulnérables — souvent des PME et TPE — qui seraient conduit à diminuer leur capacité à investir et à innover.

Si l’on comprend bien, mais les choses ne sont pas très claires sur ce point, le rapprochement à l’achat aurait pour effet de réduire le rôle que joue les fournisseurs en amont lors de la phase de définition des produits. La mise en œuvre des accords de coopération pourrait ainsi fragiliser des entreprises faisant partie du processus d’innovation pour les produits MDD et diminuer la capacité, voire l’incitation, des fournisseurs à investir et à innover, et ainsi nuire au bien-être des consommateurs sur le marché de détail.

Par ailleurs, l’Autorité identifie un risque de diminution de l’animation concurrentielle entre enseignes. Cela tiendrait au fait que les distributeurs commercialiseraient les mêmes gammes de produits MDD. Pour l’Autorité, la variété de l’assortiment proposé aux clients en serait limitée. Partant, le rapprochement à l’achat serait  de nature à diminuer l’intensité concurrentielle entre les deux distributeurs, voire leur incitation à se livrer concurrence à l’avenir.

Les engagements proposés

Afin de répondre aux préoccupations de concurrence de l’Autorité, les parties à  propose une réduction du périmètre de leur accord de coopération à l’achat.

En pratique, il s’agit d’exclure, pour 5 ans, certaines familles de produits de la coopération, soit en raison de la sensibilité des fournisseurs (producteurs agricoles notamment) aux baisses de prix d’achat ou de volumes achetés de la famille de produits en question, soit en raison du caractère potentiellement « différenciant » de ces références.

Par ailleurs, les groupes s’engagent à limiter leur coopération à hauteur de 15 % du volume du marché pour plusieurs familles de produits.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, sous réserve de remèdes structurels et comportementaux, la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot (GBH) sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire et non-alimentaire à La Réunion est en ligne, ainsi que celle autorisant, sans conditions, la prise de contrôle exclusif du groupe Sinoué par le groupe Orpea (+ 4 décisions)

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 6 nouvelles décisions d'autorisation.

Commençons par la décision n° 20-DCC-72 du 26 mai 2020 à la faveur de laquelle elle a autorisé la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot (GBH) sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire et non-alimentaire à La Réunion.

Par ailleurs, les parties sont présentes sur les marchés amont de l’approvisionnement, tandis que Vindémia est présent sur le marché de la distribution de gros de produits alimentaires. Enfin, GBH est présent sur le marché de la production de produits laitiers.

L’opération concerne notamment le changement de contrôle d’un grossiste-importateur (SDCOM), de 5 magasins de distribution de gros en libre-service, sous enseigne Supercash, de 7 hypermarchés, sous enseigne Jumbo Score, de 14 supermarchés, sous enseigne Score et de 7 points de vente de restauration rapide à bas prix, sous enseigne La Croissanterie.

Au terme de son analyse concurrentielle, l’Autorité a identifié deux principaux risques d’atteinte à la concurrence, sur les marchés de la distribution au détail et de l’approvisionnement de produits alimentaires et non-alimentaires.

S’agissant du marché de la distribution au détail de produits alimentaires, l'Autorité de la concurrence a considéré qu’il existait des risques d’atteinte significative à la concurrence dans dix zones de chalandises. Si l’Autorité considère que la méthode de calcul des parts de marché en fonction des surfaces de vente reste la plus pertinente, elle a néanmoins consenti, dans une optique conservatrice, à tenir compte également des chiffres d’affaires réalisés par chacun des points de vente. Dans ces zones où les parts de marché de la nouvelle entité dépassait le seuil de 50 % au-dessus duquel la pratique présume l’existence d’un pouvoir de marché important, les consommateurs risquaient d’être privés d’une alternative concurrentielle satisfaisante à l’issue de l’opération. L’Autorité a abouti à la même conclusion pour le marché de la distribution au détail de livres dans les zones de Sainte-Marie, Saint-Benoît et Saint-André.
 
S’agissant du marché de l’approvisionnement, l’Autorité a constaté que l’opération était de nature à renforcer la dépendance économique de certains fournisseurs locaux des parties à l’opération. En effet, elle a identifié un nombre significatif de fournisseurs qui réaliseront plus de 22 % de leur chiffre d’affaires individuel auprès de la nouvelle entité, seuil au-delà duquel il est convenu qu’un producteur ne peut remplacer la perte d’un client sans subir de pertes financières considérables (pts. 144-146). Ainsi, l’opération entraînera un franchissement du seuil de référence pour une vingtaine d’entre eux. Par ailleurs, elle accroîtra une éventuelle dépendance économique pour pratiquement une centaine d’autres, tandis que certains fournisseurs ne travaillant à ce jour pas ou peu avec GBH réaliseront plus de 22 % de leur chiffre d’affaires avec la nouvelle entité (pt. 147).

Par ailleurs, l’Autorité a identifié un possible risque de verrouillage de la clientèle au titre des effets verticaux de l’opération, et ce, entre les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires et les marchés de l’approvisionnement en produits à dominante alimentaire à La Réunion. Ainsi, la nouvelle entité pourrait décider, pour ses magasins, de ne plus s’approvisionner auprès de ses concurrents sur les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaire à destination des GSA et à destination des RHF, privant ses concurrents d’un débouché en vue de les évincer du marché, étant entendu qu’il n’était pas exclu que la part de marché de la nouvelle entité soit supérieure à 30 % sur le marché de l’approvisionnement en produits à dominante alimentaire (pts. 284-285).

Pour remédier aux risques concurrentiels identifiés par l’Autorité, GBH a déposé une série d’engagements qui répondent à ces préoccupations de concurrence.

Tout d’abord, les engagements proposés conduisent l’acquéreur à céder quatre hypermarchés, deux supermarchés, ainsi qu’un magasin sous enseigne Agora. Ces cessions règlent les problèmes identifiés dans chacune des zones dans laquelle l’opération était susceptible de porter atteinte à la concurrence. En effet, les engagements de cession pris sur le marché aval de la distribution alimentaire ont pour conséquence de maintenir la part que représente GBH sur le marché amont à un niveau équivalent à celle que détenait Vindémia avant l’opération (pt. 344).

GBH a du reste proposé d’emblée deux repreneurs pour ces cessions : Make Distribution qui reprend les quatre hypermarchés ainsi que le point de vente Agora, et le groupe Tak qui reprend les deux supermarchés. L’Autorité a agréé ces deux repreneurs, estimant notamment que Make Distribution, quoique nouvel entrant sur le marché, avait la capacité de reprendre les magasins cédés et d’animer la concurrence de façon durable sur le marché de la distribution au détail (pt. 316). En identifiant préalablement les repreneurs des actifs concernés par le remède, l’engagement permet une résolution anticipée des difficultés concurrentielles (ou « fix-it-first »), qui permet de réduire l'incertitude et le délai de mise en œuvre de l'engagement, en supprimant la période de recherche et d'agrément des repreneurs. Ces cessions d’actifs étant concomitantes à la réalisation de l’opération, elles permettent de rétablir une concurrence suffisante sur les marchés concernés dans un délai bien moindre que dans le cas d’engagements de cession qui seraient réalisés après l’autorisation (pt. 306).

S’agissant à présent des effets de l’opération sur le marché amont de l’approvisionnement, GBH a souscrit une série d’engagements comportementaux souscrits pour une durée de 5 ans, renouvelable une fois, qui visent à préserver les fournisseurs « amont » de risques de dégradation de leur situation concurrentielle du fait de l’opération. Ces engagements sont inédits dans la pratique décisionnelle de l’Autorité. Le suivi de ces engagements comportementaux sera assuré par un mandataire indépendant.

GBH s'est ainsi engagé :

— à maintenir le niveau actuel des approvisionnements de ses GSA auprès de la production locale,

— à mettre en place un dispositif interne afin, d’une part, d’identifier les cocontractants en possible état de dépendance économique et, d’autre part, de les accompagner dans la sortie de cet état de dépendance s’ils le souhaitent,

— et à prévoir dans les contrats avec ses fournisseurs une stipulation spécifique visant à prévenir les risques d’effet négatif pour les cocontractants identifiés susceptibles d’être en état de dépendance économique vis-à-vis de GBH et qui en feraient expressément la demande par écrit, en leur permettant notamment de conclure un contrat d’une durée de deux ans au lieu d’un contrat annuel.

L’Autorité a, par ailleurs, a mis en ligne la décision n° 20-DCC-69 du 19 mai 2020 concernant la reprise des quatre hypermarchés par les sociétés mères de Make Distribution, ainsi que la décision n° 20-DCC-74 du 26 mai 2020 concernant la reprise de deux supermarchés par la société Ah-Tak.

Pour mémoire, ces trois décisions ont fait l’objet d’une demande de référé suspension introduite par plusieurs acteurs de la distribution alimentaire à La Réunion, que le juge des référés du Conseil d’État a rejetée par ordonnance du 17 juin 2020. Observant que la part de marché de la société GBH en surface de vente sera, postérieurement à l’opération contestée, inférieure à celle dont disposait la cible avant cette opération, tandis que sa part de marché en chiffres d’affaires ne dépassera pas 35 % sur l’île de La Réunion, le juge des référés du Conseil d’État a donc estimé, sans qu’il soit besoin d’examiner l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées, que la condition d’urgence ne pouvait être regardée comme remplie.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



On verra également la décision n° 20-DCC-63 du 30 avril 2020 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé sans conditions, la prise de contrôle exclusif du groupe Sinoué par le groupe Orpea.

Le groupe Orpea est un groupe de santé pluridisiplinaire regroupant des maisons de retraite médicalisées, des résidences de services, des cliniques de soins de suite et de réadaptation (SSR), cliniques psychiatriques) ou à domicile, tandis que le groupe Sinoué est spécialisé dans le domaine de la santé mentale (psychiatrie) et des soins de suite et de réadaptation.

Les entreprises concernées par l’opération sont donc simultanément actives sur les marchés des soins de suite et de réadaptation (SSR) — qui recouvre les activités d’hébergement temporaire de personnes dépendantes, notamment après une intervention chirurgicale — et de la psychiatrie.

L’opération ne donne lieu qu’à des effets horizontaux. Quels que soient les marchés et segmentations retenues, l’opération n’entraînera qu’une addition de parts de marché limitée (le plus souvent avec l’acquisition d’un seul établissement par zone géographique et un incrément compris entre [0-5] % et [5-10]% sur le segment le plus étroit), lequel ne permettra pas à la nouvelle entité de renforcer son pouvoir de marché et ne lui permettra pas de réduire la diversité des soins offerts aux patients dans ce territoire.

En fait, la présente décision vaut essentiellement par la délimitation des marchés en cause retenue, plus particulièrement en ce qui concerne les marchés de l’offre de soins psychiatriques.

En premier lieu, l’Autorité y envisage une segmentation distinguant l’offre publique de soins psychiatriques de l’offre privée, tenant notamment au monopole des établissements publics en matière d’hospitalisation sous contrainte et à leur sectorisation géographique, différente de celle des établissements privés, contrairement à ce qui est retenu par la pratique décisionnelle nationale pour les autres segments du marché de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers. À cet égard, il apparaît qu’une grande partie de la patientèle — pour les adultes — est placée dans l’établissement sous contrainte, donc dans des établissements publics (pt. 13). En outre, seuls les établissements publics sont en capacité de traiter l’intégralité des pathologies psychiatriques (pt. 15). Dès lors, pour les patients qui ne sont pas hospitalisés dans le cadre d’une mesure de contrainte, la qualité de l’accueil des patients, la situation géographique des cliniques privées et la modularité des soins complémentaires pourraient justifier le choix d’une clinique privée par rapport à l’offre publique (pt. 17). De même, pour ces patients, les prestations hôtelières (taille de l’établissement, localisation, chambre individuelle, conciergerie…) et le libre choix de l’équipe médicale pourraient justifier le choix d’une clinique privée par rapport à l’offre publique (pt. 22), pour autant qu’ils disposent d’une couverture de santé complémentaire (pt. 27).

En second lieu, l’Autorité envisage une autre segmentation entre les établissements privés à but non lucratif et les établissements privés à but lucratif. Le fonctionnement des premiers les rapproche des seconds tandis que leur financement les rapproche des établissements publics. À cet égard, l’Autorité insiste sur le fait que la souscription d’une complémentaire santé n’est pas aussi stratégique pour les patients qui choisissent d’être hospitalisé dans un établissement privé à but non lucratif. Par ailleurs, elle note que ces établissements traitent l’ensemble du spectre des pathologies psychiatriques, à l’instar des établissements publics (pt. 31).

Quoi qu’il en soit, la question de la définition exacte des marchés de l’offre de soins psychiatrique a été laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle restaient inchangées, quelle que soit la segmentation envisagée. Par suite, l’analyse concurrentielle de l’opération sur le marché de l’offre de soins psychiatriques a ainsi été conduite non seulement en prenant en compte l’offre globale, mais également en prenant en considération les différentes segmentations distinguant l’offre publique et l’offre privée, d’une part, et distinguant l’offre privée à but non lucratif et l’offre privée à but lucratif, d’autre part.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



Enfin, on verra la décision n° 20-DCC-59 du 5 mai 2020 autorisant la prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Albéa par Silgan Holdings Inc. sur les marchés de la production et commercialisation d’emballages primaires (flacons, pots, bouteilles, systèmes de distribution et bouchons).

Compte tenu du fait que la nouvelle entité disposera d’une part de marché inférieure à 25 % quelle que soit la segmentation retenue sur l’ensemble des marchés, à l’exception du marché relatif aux pompes atmosphériques sur lequel la part de marché de la nouvelle entité atteindra [20-30] % avec une addition de parts de marché de [10-20] points, tout risque tenant aux effets horizontaux de l’opération sont écartés. Il est vrai que sur ce dernier marché, la nouvelle entité fera face à la concurrence d’acteurs significatifs et sera confrontée à la pression concurrentielle exercée par de nouveaux acteurs implantés en Chine. En outre, il apparaît que les parties ne sont pas les plus proches concurrents.

S’agissant à présent des effets verticaux et congloméraux, l’Autorité note qu’il existe un lien entre les différents emballages primaires produits par les parties (système de distribution, bouchon et contenant) et que la nouvelle entité disposera d’une part de marché supérieure à 30 % sur le seul segment des pompes mousses, les actifs cibles disposant d’une part de marché de [30-40] % au niveau européen. Toutefois, tout risque de vente liée peut être écarté : la nouvelle entité fera face à la concurrence de plusieurs concurrents importants. Les barrières à l’entrée sur le marché sont faibles et la capacité à mettre en place une stratégie de vente liée est limitée par les spécialisations différentes des parties. En effet, la production de contenants en plastique de l’acquéreur est majoritairement orientée vers le secteur de l’alimentation et de l’hygiène, alors que la production de pompes de la cible est essentiellement à destination du secteur des cosmétiques. Par ailleurs, ces marchés fonctionnent par appels d’offres, qui ne visent en général qu’un type d’emballage et un seul type de produit à commercialiser. Enfin, les clients de la nouvelle entité sont des entreprises disposant d’un pouvoir de marché certain dans le secteur des cosmétiques ou de l’hygiène, aptes à désamorcer tout mécanisme de verrouillage.

 


 
Décision n° 20-DCC-77 du 3 juin 2020 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Dutscher par LBO France Gestion.
 

Quelle politique de concurrence pour faire face
aux défis du XXIeme siècle ?

avec Stéphanie Yon-Courtin

29 juin 2020, 18 h

 

Bonjour,

L'AFEC — Association française d’étude de la concurrence — vous convie à sa nouvelle édition des webconférences de l’@fec le lundi 29 juin 2020 à 18 h.

Cette conférence promet d’être tout à fait exceptionnelle. Intervenant sur « Quelle politique de concurrence pour faire face aux défis du XXIeme siècle ? »,  Mme la députée européen, Stéphanie Yon-Courtin, présentera à cette occasion le rapport annuel de la politique de concurrence.

L’inscription préalable est obligatoire, se fait par E-MAIL.

Bien à vous,

Muriel Chagny
Président de l'AFEC

29 juin 2020 15:30 CEST

 


Bonjour,

Concurrences, en partenariat avec les cabinets Arnold & Porter et Avisa Partners, a le plaisir de vous inviter au prochain webinaire de la série #NewAntitrust qui aura lieu ce lundi, le 29 juin 2020, à partir de 15h30 CEST : « Security of Supply Chains: How to address it in Covid-19 and beyond? »

Les intervenants sont :

— Paul Csiszar | Directeur - Marchés et cas IV: Industries de base, secteur manufacturier et agriculture, DG COMP, Bruxelles

— Pascal Belmin | Head of EU regulatory affairs, Airbus, Paris

— Andrea Collart | Associé, Avisa Partners, Bruxelles

— Luc Gyselen | Associé, Arnold & Porter, Bruxelles

Les présentations se feront en anglais.

Inscription libre et gratuite sur le site dédié.

Nous espérons vous accueillir — virtuellement — nombreux lundi pour ce webinaire.

Meilleures salutations,

Nicolas Charbit
Directeur
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