Art et Liberté

L’Egypte fut un centre de l’activisme politique entre 1938 et 1948, source d’inspiration pour un mouvement artistique formidable d’optimisme et de fraîcheur qui devait se baptiser « Art et Liberté ». Initié suite au manifeste (1937) intitulé « Longue Vie à l’art dégénéré » rédigé par Georges Henin en réaction immédiate aux attaques hitlériennes contre l’art moderne, « Art et Liberté » considéra le surréalisme comme la voie royale pour protester contre le fascisme et le communisme.

Leur expression artistique contestataire – censée accompagner, voire précipiter, les bouleversements sociaux – s’alignait sur André Breton tout en revendiquant leurs racines égyptiennes et en s’inspirant même pour certains de l’art religieux copte. Un peu comme les alter ego d’Europe Centrale et d’Amérique Latine de la vague surréaliste, « Art et Liberté » travailla assidument à sa propre redéfinition de ce mouvement artistiquepour l’adapter au modèle égyptien de révolution morale et sociale de l’époque. Un peintre comme Ramses Younane considérait ainsi que Dali et que Magritte n’allaient pas suffisamment loin et déplorait leur manque de spontanéité imaginative.

L’inclusion dans « Art et Liberté » d’artistes femmes engagées comme Amy Nimr mit par ailleurs la cause et la défense du féminisme au cœur de leurs combats. En bref, dans une Egypte alors sous occupation britannique, en proie aux vents contraires fascistes qui gagnaient du terrain, « Art et Liberté » devait donner au contexte égyptien une impulsion majeure vivifiant la dynamique démocratique, culturelle et artistique de ce pays et de la région. « Art et Liberté » devait par la suite permettre l’éclosion d’artistes modernes importants de l’Histoire de l’art moyen-oriental comme Abdel Hadi el-Gazzar, Hamed Nada ou Samir Rafi. « Art et Liberté » nous offre donc une perspective radicalement différente du Moyen-Orient – complexe, politique et intellectuel -, loin du simplisme que certains ne cessent de lui inculquer.