Hugo, Stendhal, la France et nous
Un écrivain, par sa personnalité et par son œuvre peut-il incarner un pays ? Faut-il choisir Hugo ou Stendhal ? Gary ou Camus ? Ou Sagan ou Sand ? C’est à ce questionnement que se livre dans son dernier essai vibrionnant et plein d’allant, Régis Debray. Répondant à une consultation par le président de la République de la société des gens de lettres pour savoir quel écrivain devrait incarner la France lors de l’exposition universelle de 2020, le philosophe, médiologue Debray en profite pour interroger la notion de « Génie Français » récemment mis en avant par Emmanuel Macron. Et Debray de s'interroger sur le choix par la noble assemblée de la SGDL de Stendhal. Plutôt que de s’interroger il s’insurge, même. Comment Stendhal a-t-il pu détrôner Hugo ?
Il avance une réponse qui est en fait une réflexion sur notre époque. Si Stendhal est devenu un symbole, c’est qu’il l’incarne à merveille. A Waterloo, Fabrice Del Dongo vit un moment historique, mais ce qui intéresse l’intrigue et le lecteur n’est pas cet instant historique, mais bel et bien les tracasseries personnelles et individuelles du héros Stendhalien. Loin de Notre-Dame de Paris, des Misérables ou de Quatre-vingt-treize qui immergent complètement des personnages dans la grande Histoire. Au fond, note Debray, chez Stendhal la petite histoire prévaut sur la grande (celle-ci n’étant là que pour assurer le décor) tandis que chez Hugo les deux s’imbriquent et se nourrissent. Voilà donc le changement de paradigme. Si Stendhal est devenu l’idole des lettres, et du président de la République qui a laissé un exemplaire de l’auteur du Rouge et du Noir sur la photo officielle de la présidence c’est, nous dit Debray, parce que l’époque a oublié le collectif.
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