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Numéro 32, septembre 2019
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Bienvenue à nos Actualités trimestrielles sur la responsabilité juridique des entreprises. Précédemment Bulletin trimestriel, nos Actualités mettent en relief un fait saillant tous les trimestres, de même que des développements importants en matière de responsabilité juridique des entreprises. La plateforme d'information sur la responsabilité juridique des entreprises sur notre site internet fournit des informations objectives et concises sur des procès contre des entreprises dans lesquels sont avancées des allégations de violations des droits de l'homme.

Ces Actualités et les numéros précédents sont également disponibles en anglais, allemand, chinois, espagnol, et russe.
Thème du trimestre 

Développements dans les procès
 
Nouvelles traductions

Autres actualités Événements et offre d'emploi
Thème du trimestre
La longue marche vers un Traité sur les entreprises et les droits de l'homme

Cinq années se sont écoulées depuis qu'en juillet 2014, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a voté pour la première fois en faveur de la négociation d'un instrument juridiquement contraignant visant à réglementer, en droit international relatif aux droits de l'homme, les activités des entreprises transnationales et autres entreprises commerciales. Les éléments, la portée et l’essentiel du Traité ont fait l'objet d'un débat sain, que le Centre des Ressources sur les Entreprises et des Droits de l’Homme a facilité dans notre série de blogs Débattre sur le Traité.

La discussion en cours a été marquée par plusieurs jalons essentiels, dont le plus récent est la publication du projet de traité révisé par le gouvernement de l'Équateur en juillet 2019. Ce projet sera discuté au niveau du Groupe de travail intergouvernemental des Nations Unies en octobre. Nous avons fait valoir ailleurs que, pour être efficace, tout traité doit satisfaire à trois critères essentiels: il doit 1. répondre aux besoins des groupes vulnérables, 2. assurer un accès effectif aux voies de recours et à la justice, et 3. renforcer la transparence et la diligence raisonnable obligatoires. Comment le projet de traité révisé se compare-t-il à ces critères par rapport au « Projet Zéro » de 2018?

Groupes vulnérables

Depuis 2015, nous avons suivi près de 2 000 meurtres, passages à tabac, menaces et autres formes d'intimidation à l'encontre de défenseurs des droits de l’homme travaillant sur les questions liées aux entreprises. Il s'agit notamment du harcèlement judiciaire des défenseurs des droits de l'homme, qui font de plus en plus l'objet de poursuites bâillons. Nos dernières recherches montrent qu'entre 2015 et 2018, 12 grandes compagnies pétrolières, gazières et minières et une association industrielle ont déposé au moins 24 poursuites-bâillons contre 71 défenseurs, totalisant une demande cumulée de 904 millions de dollars en dommages et intérêts. Un traité efficace doit répondre aux besoins de ces défenseurs et à ceux d’autres personnes qui courent un risque élevé de vulnérabilité dans les opérations et les chaînes d'approvisionnement des entreprises.

Le projet de traité révisé accorde une plus grande reconnaissance et une protection accrue aux défenseurs des droits de l'homme, tant dans son préambule que dans diverses dispositions opérationnelles, et apporte des améliorations essentielles pour garantir la justice entre les sexes et la protection des personnes vivant sous occupation et dans d'autres zones touchées par les conflits. Le Traité reconnaît à juste titre d'autres groupes à risque tels que les enfants, les personnes handicapées, les peuples autochtones, les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées internes.
 
Accès aux voies de recours et à la justice

Parmi les plus grandes entreprises du monde, une centaine a obtenu un résultat moyen de seulement 15% pour leurs mécanismes de recours et de résolution des griefs dans le dernier classement 2018 du Corporate Human Rights Benchmark. Cela indique que la plupart des victimes de violations des droits de l'homme par les entreprises n'ont généralement pas accès à un mécanisme de recours effectif et à la justice. L'absence actuelle de voies de recours est exacerbée par le fait que les entreprises se cachent derrière des structures corporatives pour se soustraire à leur responsabilité légale en cas d'atteinte aux droits de l’homme par leurs filiales. Un traité efficace doit donc renforcer l'accès à un recours effectif et à la justice, tant sur le plan national qu'extraterritorial, en brisant le « voile corporatif » que les filiales utilisent pour éviter la justice.

L'un des aspects les plus convaincants du projet révisé est peut-être qu'il « place justement sa raison d'être sur les victimes et leur protection », comme le note Antonella Angelini. Les dispositions renforcées sur la responsabilité juridique des entreprises ont également été largement saluées, notamment par Carlos Lopez qui a souligné leur « importance considérable dans l'application du droit pénal international et du droit international humanitaire en ce qui concerne les entreprises ».
 
En revanche, de nombreuses parties prenantes ont critiqué à raison le manque de clarté et de précision du projet dans les dispositions majeures, telles que celles relatives au renversement de la charge de la preuve et à la responsabilité civile. Alors que le projet révisé exige aux États d’établir leur responsabilité légale pour la complicité dans certains crimes (internationaux), le professeur Doug Cassel soutient à juste titre que « rien dans le projet n'exige explicitement la "responsabilité civile" des entreprises qui se rendent complices de violations des droits humains commises par les États ».
 
Transparence et diligence raisonnable

De nombreux États ont reconnu que les mesures volontaires - bien qu'importantes - sont insuffisantes pour garantir le respect des droits de l'homme par les entreprises. L'échec de cette approche a entraîné un mouvement croissant en faveur d'une diligence raisonnable obligatoire en matière de droits de l'homme aux niveaux national et régional. En Europe, la France a été le fer de lance du mouvement avec sa loi 2017 sur le devoir de vigilance; d'autres pays, dont la Suisse et l'Autriche, envisagent des initiatives similaires. La loi néerlandaise sur la diligence raisonnable relativement au travail des enfants oblige les entreprises à déterminer l’existence ou pas du travail des enfants dans leur chaîne d'approvisionnement; et la société civile allemande vient de lancer une campagne pour une législation sur les droits de l'homme et la diligence raisonnable en matière d'environnement. Il est important de noter que le gouvernement finlandais - qui assure actuellement la présidence de l'UE - s'est engagé à explorer la possibilité d'une législation obligatoire en matière de diligence raisonnable sur les droits de l'homme et à l'élever au niveau de l’UE.

Le Traité offre une occasion unique d'accélérer et de renforcer ces tendances, afin de veiller à ce que les entreprises prennent des mesures adéquates pour prévenir les abus. Le projet révisé comprend d'importantes dispositions obligeant les États à adopter des lois rendant obligatoire la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et à « prendre les mesures idoines pour prévenir les violations ou abus des droits humains dans le cadre de leurs activités commerciales ». Bien qu'il s'agisse d'une étape particulièrement importante dans la bonne direction, les défenseurs des droits de l’homme sont allés plus loin et ont demandé plus de clarté dans la relation entre la prévention et la réparation des violations des droits de l’homme.Dans son commentaire le plus récent, Gabriela Quijano, d'Amnesty International, suggère des moyens par lesquels les États peuvent et doivent aller au-delà de la diligence raisonnable pour prévenir les dommages.

Observations finales

Le Traité révisé apporte de nombreuses améliorations, dont certaines ont été décrites ci-dessus. Deux autres améliorations méritent d'être signalées: l'élargissement du champ d'application du projet révisé s'applique à toutes les entreprises, transnationales et locales, et le préambule renvoie explicitement aux Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme (Principes directeurs). Il s'agit là d'une affirmation importante de la complémentarité du processus du traité avec les Principes directeurs, qui peuvent et doivent se renforcer mutuellement en tant que système international qui recherche une protection et un recours véritables pour les victimes.

Certaines préoccupations doivent encore être prises en compte dans les négociations à venir. Il s'agit notamment des questions susmentionnées et bien d’autres, notamment la non-reconnaissance des obligations directes en matière de droits de l'homme par les entreprises dans le projet. Cela dit, il semble y avoir un consensus entre les juristes, les universitaires et la société civile sur le fait que, dans l'ensemble, le projet révisé est plus solide que le « Projet Zéro », « sur le plan politique et sur le fond ». Nous espérons que le prochain cycle de négociations marquera une nouvelle étape dans le long processus vers un traité efficace.
 
***
Jetez un coup d'œil à notre Portail sur le traité contraignant et à notre Blog Débattre sur le Traité, qui comprend des réflexions de divers leaders d'opinion sur les éléments et le processus du traité, le Projet Zéro et le projet révisé de traité. Un résumé non officiel du projet révisé est disponible ici.
 
Nouvelles séries de blogs: Réflexions sur le Projet de traité révisé (en anglais)

Un nouveau projet de traité sur les entreprises et les droits de l’homme et une belle promesse d’évolution, Gabriela Quijano, Amnesty International, 10 sept 2019

Cinq moyens de renforcer le nouveau projet de traité sur les entreprises et les droits de l'homme, Doug Cassel, Professeur émérite de Droit, Université Notre-Dame, 2 sept 2019

Ce que la nouvelle définition du mot « victime » dans le projet de traité signifie pour l'accès aux voies de recours, Antonella Angelini, Institut des droits de l’homme, Université de Columbia, 2 sept 2019

Projet de traité révisé de l'Équateur : Mettons nous au travail:  Doug Cassel, Professeur  émérite de Droit, Université Notre-Dame, 2 sept 2019

Évolution lente en période de changements dynamiques? Perspectives féministes sur la voie du traité contraignant, Felogene Anumo, AWID, 27 août 2019

Projet révisé de traité des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme: Quelques pas en avant, quelques questions sans réponse, Isedua Oribhabor, Accountability Now, 20 août 2019 

Garder du recul - Commentaire d’Article 30 sur le projet révisé de traité sur les entreprises et les droits de l'homme, Dr Matthew Mullen, Fondateur, Article 30, 20 août 2019
Développements dans les procès

Nouveaux résumés de procès


Procès contre Globe Metals & Mining (absence de réinstallation et d'indemnisation au Malawi) : En 2006, Globe Metals & Mining a lancé un projet d'exploitation minière dans la région de Kanyika, occupée par la communauté de Kanyika depuis des siècles. La communauté de Kanyika affirme que Globe Metals ne les a pas consultés au sujet des opérations minières. Le 28 août 2017, les membres de la communauté ont porté plainte contre Globe Metals devant le Tribunal de Grande Instance du Malawi pour absence d'indemnisation et de réinstallation. Le 31 août 2018, à l'issue d'une procédure de médiation, Globe Metals a accepté d'indemniser les membres de la communauté qui ont perdu leurs terres et ont subi les conséquences négatives des activités minières.

Poursuite intentée par Inversiones Cobra et CXI (invasion illégale de terres et incinération d'huile de palme, Guatemala) : Le 4 février 2017, le défenseur autochtone Maya Q'eqchi' Abelino Chub Caal a été arrêté et placé en détention provisoire suite à une plainte déposée par Inversiones Cobra et CXI. Les entreprises ont accusé Chub d'avoir incité des membres de la communauté à mettre le feu aux récoltes d'huile de palme et pour association illégale pour avoir servi de médiateur lors de l'expulsion par la police de manifestants pacifiques qui défendaient leurs terres. Le 8 mai 2018, Chub a été officiellement inculpé. Un an plus tard, le 26 avril 2019, il a été libéré et acquitté de tous les chefs d’accusation par le Tribunal  de haut risque A  du Guatemala. Le juge a accusé les entreprises d'avoir utilisé le système judiciaire pénal pour incriminer le défenseur, l'accusant injustement de crimes sans présenter aucune preuve tangible.

Procès intenté par Socfin et Socapalm (diffamation par des ONG et des médias, France) : le 29 mai 2016, la multinationale agro-industrielle Socfin et sa filiale camerounaise Socapalm ont poursuivi trois médias français (Mediapart, L'Obs, Le Point) et deux ONG (Sherpa et ReAct) pour diffamation sur des allégations d'accaparement de terres par ces deux entreprises au Cameroun. Socfin et Socapalm ont nié les allégations. Le 29 mars 2018, le Tribunal de Grande Instance de Paris a a relaxés les prévenus, mais a convenu avec le Ministère Public que les allégations étaient diffamatoires. Il a toutefois noté qu'une plainte diffamatoire peut être justifiée si elle poursuit un intérêt légitime et n'est pas accompagnée d'animosité personnelle. Le 13 février 2019, Socfin et Socapalm ont retiré leur demande d’appel de la décision et l'affaire est maintenant close.

 

Développements dans les procès en cours 


Procès contre le CACI (pour torture à la prison d'Abu Ghraib) : Le 23 août 2019, une cour d'appel américaine a rejeté l'appel de CACI. La société a invoqué son immunité souveraine et fait valoir que le tribunal n'était pas compétent. Le procès  pour cette affaire instruite il y a plus de 10 ans, peut maintenant se tenir.

Procès contre des sociétés minières aurifères (maladie de la silicose en Afrique du Sud) : Le 26 juillet 2019, le Tribunal de Grande Instance de Johannesburg a approuvé le règlement du recours  collectif de 5 milliards de rands (353 millions de dollars) entre les compagnies minières et les cabinets d'avocats représentant les milliers de mineurs souffrant de maladies pulmonaires.

Procès contre Hudbay Minerals (viols présumés au Guatemala) : Lors d'une audience tenue le 17 septembre 2019, 11 femmes Q'eqchi' ont modifié leur requête afin de fournir plus de détails sur les allégations contre Skye Resources (qui fait maintenant partie de Hudbay Minerals). La poursuite allègue que l'entreprise a participé à l'expulsion violente de leur communauté en janvier 2007, et que les agents de sécurité qu'ils ont engagés ont commis un viol collectif sur les femmes.

Procès contre Samsung (publicité mensongère et violations des droits des travailleurs) : le 17 avril 2019, un juge d'instruction d'un tribunal de Paris a inculpé Samsung Electronic France pour publicité mensongère. La poursuite allègue que les engagements éthiques publics de Samsung constituent une publicité mensongère à la lumière des violations présumées des droits de l’homme dans plusieurs des usines de la société.

Procès contre Shell (déversements d'hydrocarbures et les communautés Ogale & Bille au Nigeria - Okpabi v Shell) : En mai 2019, des organisations de la société civile ont demandé à la Cour suprême du Royaume-Uni d'autoriser les communautés de pêcheurs à faire appel d’une décision de 2017, affirmant que Shell n'avait pas une obligation de diligence à leur égard. Le 24 juillet 2019, la Cour suprême du Royaume-Uni a accordé une autorisation d'appel.

Procès contre Tahoe Resources (blessures présumées lors d'une manifestation au Guatemala) : Pan American Silver a acquis Tahoe Resources en février 2019. Le 30 juillet 2019, la société est parvenue à un accord avec les plaignants guatémaltèques et a présenté publiquement ses excuses aux victimes et à la communauté.

Procès contre Unilever (violence ethnique au Kenya) : Le 17 juillet 2019, la Cour suprême du Royaume-Uni a rejeté la demande d'autorisation des requérants de faire appel du jugement de la Cour d'appel. La Cour d'appel n'a pas trouvé suffisamment de preuves pour démontrer qu'Unilever PLC a dicté ou conseillé les conditions du plan de gestion de crise d'Unilever Tea Kenya.
Nouvelles traductions

En espagnol


Demanda de Inversiones Cobra & CXI (sobre la invasión ilegal de territorio y la quema de aceite de palma, Guatemala)
[Procès intenté par Inversiones Cobra & CXI (invasion illégale de territoire et l’incinération d'huile de palme, Guatemala)]
Autres actualités

Du Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme


Faire taire les critiques: Comment les grands pollueurs tentent-ils de paralyser la défense de l'environnement et des droits de l’homme devant les tribunaux, sept 2019
 

Rapports, articles et orientation par d'éminents experts et organisations


Commentaires : L'acte d'accusation de Samsung en France : Combattre les violations des droits de l'homme commises par les sociétés transnationales par le biais du droit de la consommation,
Sherpa, sur le blog de Freedom Fund, 9 sept 2019  

Des victimes zambiennes intentant un procès collectif contre Anglo American Afrique du Sud pour les souffrances causées par l’intoxication au plomb, Leigh Day; African mining market, 23 août 2019

L'Association du barreau américain approuve à l'unanimité et exhorte les entreprises commerciales à mettre en œuvre le cadre de
« Shared Space Under Pressure », Centre pour les droits de l’homme de l’Association du barreau américain, 13 août 2019

Le journal des Entreprises et des droits de l'homme se concentre sur l'agro-industrie, les pesticides et la responsabilité:·    
Commentaires d'experts sur le projet révisé de traité  sur les entreprises et les droits de l'homme, juillet 2019: Pologne : ClientEarth gagne un procès d'actionnaires contre Enea dans une affaire historique de risque climatique, ClientEarth ; Reuters, 1er août 2019
Événements
5e session du groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises au regard des droits de l'homme,

Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme (14 – 18 octobre 2019, Genève)

Normes internationales du travail et responsabilité sociale des entreprises, Pacte mondial des Nations Unies (21-25 octobre 2019, Turin)

Forum annuel des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme :« Il est temps d'agir : les gouvernements en tant que catalyseurs du respect des droits de l'homme par les entreprises », Groupe de travail des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme (25-27 novembre 2019, Genève)

Chercheur juridique, défenseurs des droits de l’homme et poursuites bâillons , Centre des Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme (Lieu: Londres; Date limite:8 octobre)

 
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