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Pour cette nouvelle saison, Time To Philo a le plaisir de vous annoncer qu'une fois par mois, nous ouvrirons nos colonnes à nos amis de Philosophie magazine et Philonomist (le site de Philosophie magazine sur la philosophie de l’économie et le sens du travail). 

Une bulle de fraicheur dans le désert

par Cédric Enjalbert (Philosophie magazine)

Le Qatar a entrepris de refroidir l’espace public. Selon une enquête du Washington Post, des climatiseurs ont été installés dans les rues, dans le pays le plus chaud de la planète, où les températures ont augmenté de 2 degrés en 30 ans et montent régulièrement jusqu’à 45°C. Elles pourraient devenir littéralement insupportables pour l’homme. Cependant, le remède risque d’être pire que le mal, car le Qatar, qui consacre deux tiers de sa production d’électricité à la climatisation, est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre par habitant, selon la Banque mondiale. Comment comprendre cette fuite en avant ?
 
Le philosophe allemand Peter Sloterdijk y voit l’aboutissement de la logique capitaliste. Guidé par la recherche du « luxe sécuritaire », l’Occident aurait ainsi conçu des bulles, qui intègrent « toute la vie sociale dans un habitacle protecteur ». Comme symptôme, il évoque la construction du Palais de cristal lors de l’Exposition universelle de Londres, en 1851. Climatisée, cette gigantesque serre dotée d’un « climat artificiel »  serait la métaphore de la civilisation occidentale qui englobe le monde entre ses parois transparentes. Sous cette sphère, comme il l’écrit dans Le Palais de cristal (Hachette, 2011), « tout doit être orienté vers l’avenir parce que c’est en lui que réside l’unique promesse que l’on doive absolument faire à une association de consommateur : le confort n’arrêtera pas de couler et de croître ». Une promesse qui vaut désormais au Qatar, transformé en bulle de fraîcheur dans le désert.
 
Il faut remonter aux prémices de la mondialisation pour trouver les premières mises en garde contre la mise en péril de l’humanité, au profit du progrès, des richesses et du luxe. En plein siècle des Lumières, Jean-Jacques Rousseau fustige ainsi l’artificialité de notre mode de vie. Selon lui, le développement des sciences et des techniques nous a dénaturés. En nous éloignant des besoins nécessaires et de la vertu naturelle, la société aurait assis notre misère. « Tout est source de mal au-delà du nécessaire physique, écrit-il dans son Discours sur les sciences et les arts (1750). La nature ne nous donne que trop de besoins ; et c’est au moins une très haute imprudence de les multiplier sans nécessité ». Par son activité et sa quête de confort, repoussant les limites du « nécessaire physique », l’homme aurait rendu son environnement invivable et compliqué les conditions de sa survie.
 
Le philosophe australien Clive Hamilton le regrette : « en laissant le climat se dérégler aux profits d’intérêts particuliers, d’un bien-être à court terme, nous avons fait la preuve de notre irrationalité en compromettant gravement notre avenir ». Pour ce professeur d’éthique publique, auteur d’un essai sur Les Apprentis Sorciers du climat (Seuil, 2013), le monde se diviserait maintenant en deux pôles : les « Prométhéens », d’un côté, croyant encore que la maîtrise technologique puisse sauver l’habitat terrestre ; les « Sotériens » (du grec soteria, « prudence »), de l’autre, mettant en garde contre notre hybris technologique et une forme de fuite en avant. Deux options éthiques que tout oppose : choisissez votre camp !


Cédric Enjalbert (Philosophie magazine)

Peter Sloterdijk (né en 1947)

Philosophe allemand influencé par l’École de Francfort, les doctrines asiatiques du salut et la théorie anthropologique, il façonne une œuvre originale au cœur de laquelle trône sa trilogie Sphères, une analyse des origines à la mondialisation. En savoir plus.
Jean-Jacques Rousseau (1712 - 1778)

Philosophe emblématique des Lumières, auteur du Contrat Social, il se demande comment régler la vie en société, à l’échelle collective et individuelle. À sa réflexion politique, il ajoute une introspection autobiographique, comme dans ses ConfessionsEn savoir plus.
Clive Hamilton (né en 1953)

Philosophe, professeur d'Ethique publique à l'université Charles-Sturt (Australie), il a signé un essai sur Les Apprentis Sorciers du climat, dans lequel il décrit les mécanismes de "géoingénierie", soit la manipulation du climat pour contrecarrer les effets indésirables du changement climatique. En savoir plus.
Time To Philo est illustré par Daniel Maja.
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