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L'actualité la plus récente du droit de la concurrence
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Hebdo n° 46/2019
16 décembre 2019
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE PRIVATE ENFORCEMENT : La Cour de justice de l’Union dit pour droit que tout préjudice ayant un lien de causalité avec une infraction à l’article 101 TFUE doit pouvoir donner lieu à réparation, y compris lorsque les personnes n’opèrent pas comme fournisseur ou comme acheteur sur le marché concerné, mais ont accordé des subventions, sous la forme de prêts incitatifs, du fait que, le montant de ces subventions ayant été plus élevé qu’il ne l’aurait été en l’absence de l’entente, elles n’ont pas pu utiliser ce différentiel à d’autres fins plus lucratives

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice rejette en tous points le pourvoi formé par le bénéficiaire de l’aide dans l'affaire du tarif préférentiel de l'électricité accordé à un électro-intensif grec

JURISPRUDENCE : Nouvelle déconvenue pour l’Autorité polynésienne de la concurrence… dès le stade des OVS : le premier président de la Cour d’appel de Papeete annule une ordonnance d’autorisation du JLD pour une violation manifeste du contradictoire

INFOS : L’Autorité de la concurrence rejette la saisine concernant les clauses de parité tarifaire mises en œuvre par Expedia et HRS au motif que la pratique a déjà été traitée par d’autres ANC


INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant la prise de contrôle exclusif de la société CarPostal France, filiale La Poste suisse, par la société Keolis, filiale de la SNCF, ainsi que la décision autorisant la prise de contrôle exclusif du groupe Bacacier par Kingspan Group sont en ligne (+ 20 décisions d’autorisation dont 8 simplifiées)

INFOS UE : Margrethe Vestager annonce la révision prochaine de la communication de 1997 sur la définition du marché pertinent

INFOS UE : Olivier Guersent succède à Johannes Laitenberger comme directeur général de la DG concurrence à la Commission européenne

INFOS : À la lumière de l’affaire Alstom/Siemens, le rapport Anato/Le Grip sur le droit européen de la concurrence face aux enjeux de la mondialisation de l’Assemblée nationale prône une réforme radicale du contrôle des concentrations européen

INFOS : L’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie favorable au dispositif de sortie du plafonnement généralisé des marges de l’ensemble des entreprises proposant des produits ou services au 1er octobre 2019


EN BREF : L’examen des dispositions « concurrence » du PJL audiovisuel confié à la Commission des affaires économiques

JURISPRUDENCE PRIVATE ENFORCEMENT : La Cour de justice de l’Union dit pour droit que tout préjudice ayant un lien de causalité avec une infraction à l’article 101 TFUE doit pouvoir donner lieu à réparation, y compris lorsque les personnes n’opèrent pas comme fournisseur ou comme acheteur sur le marché concerné, mais ont accordé des subventions, sous la forme de prêts incitatifs, du fait que, le montant de ces subventions ayant été plus élevé qu’il ne l’aurait été en l’absence de l’entente, elles n’ont pas pu utiliser ce différentiel à d’autres fins plus lucratives

 

Décidément, les participants au cartel des ascenseurs et escaliers mécaniques sanctionnés par la Commission européenne en 2007 auront, certes bien malgré eux, apporté une vive contribution à l’élargissement des actions en réparation des dommages causés par une entente anticoncurrentielle dans l’Union européenne.

Déjà, la Cour de justice de l’Union européenne avait admis, à la faveur d’un arrêt rendu le 5 juin 2014 dans l’affaire C-557/12 (Kone, Otis, Schindler et ThyssenKrupop) du noms de ces fabricants d’ascenseurs sanctionnés par la Commission, et déjà en réponse à une demande préjudicielle soulevée par la Cour suprême autrichienne, que la responsabilité civile des parties à une entente pour des effets d’ombrelle sur les prix, c’est-à-dire en cas de dommages résultant de prix qu’une entreprise ne participant pas à cette entente a fixés, en considération des agissements de ladite entente, à un niveau plus élevé que celui qui aurait été appliqué en l’absence d’entente, est une question relevant du droit de l’Union, responsabilité, partant, qu’une législation nationale ne peut exclure de manière catégorique.

Par arrêt rendu le 12 décembre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne, à nouveau interrogée par la Cour suprême autrichienne à la faveur d’une nouvelle demande préjudicielle, franchit une nouvelle étape. Elle énonce à titre de principe que tout préjudice ayant un lien de causalité avec une infraction à l’article 101 TFUE doit être susceptible de donner lieu à réparation, afin d’assurer l’application effective de l’article 101 TFUE et de préserver l’effet utile de cette disposition (pt. 30). Et elle s’attache immédiatement à traduire ce principe en admettant qu’il s’applique y compris lorsque les personnes n’opèrent pas comme fournisseur ou comme acheteur sur le marché concerné, dès lors qu’elles ont accordé des subventions, sous la forme de prêts incitatifs, du fait que, le montant de ces subventions ayant été plus élevé qu’il ne l’aurait été en l’absence de l’entente, elles n’ont pas pu utiliser ce différentiel à d’autres fins plus lucratives (pt. 35).

Ce faisant, la Cour entend reconnaître aux actions en réparation du préjudice découlant d’une infraction à l’article 101 TFUE le champ d’application le plus vaste possible et, partant, vient renforcer l’effet dissuasif des règles de concurrence de l’Union, en augmentant le coût qu’est susceptible d’engendrer du chef des cartellistes la participation à une entente anticoncurrentielle (pt. 24).

Dans l’affaire au principal, le Land Oberösterreich, qui a accordé à des clients direct des membres de l’entente dans le secteur des ascenseurs des prêts à taux avantageux pour la réalisation de projets de construction de logements sociaux, estime avoir été affecté par le cartel. En conséquence du renchérissement, causé par l’accord collusoire, des ascenseurs installés dans les bâtiments résidentiels subventionnés, le montant des prêts aurait été considérablement plus élevé que si les prix avaient été fixés dans le cadre d’une concurrence libre. Il a donc demandé des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi de ce fait.

la Cour suprême autrichienne estimait quant à elle que le droit autrichien ne permettait pas de réparer les préjudices indirects de ce type, dans la mesure où les victimes, qui n’ont agi sur le marché en cause ni en tant que fournisseur ni en tant qu’acheteur, ne seraient pas couvertes par l’objectif de protection que poursuit l’interdiction des ententes. Sur ce point, la Cour de justice de l’Union précise que la possibilité de demander réparation du préjudice causé par une entente n’est pas limitée aux fournisseurs et aux acheteurs du marché concerné par l’entente, sans quoi tant la garantie de la pleine efficacité et de l’effet utile de l’article 101 TFUE que la protection efficace contre les conséquences préjudiciables d’une violation du droit de la concurrence seraient gravement compromises (pt. 27). Ainsi, il n’est pas nécessaire que le préjudice subi par la personne concernée présente, en outre, un lien spécifique avec l’« objectif de protection » poursuivi par l’article 101 TFUE (pt. 31), bref qu’il ne se matérialise que sur le marché concerné par cette entente (les concurrents), ou encore sur un marché situé en amont (les fournisseurs), en aval (les acheteurs) ou voisin dudit marché. Peu importe dès lors que les effets de l’entente se fassent sentir au-delà du marché sur lequel la collusion s’est produite et au-delà des marchés amont ou aval. Le préjudice est réparable même s’il fait sentir ses effets sur n’importe quel marché ! Ce qui importe avant tout, c’est que tout préjudice ayant un lien de causalité avec une infraction à l’article 101 TFUE puisse donner lieu à réparation.

Et c’est en cela que la Cour franchit une nouvelle étape. Même après la reconnaissance de l’effet d’ombrelle de l’entente, l’action en réparation demeurait cantonnée au marché aval du marché affecté par l’entente puisqu’aussi bien la victime était un client d’un concurrent, certes n’ayant pas pris part à l’entente, mais d’un concurrent tout de même des cartellistes. De même, en étendant à la faveur de l’arrêt Skanska Industrial Solutions e.a du 14 mars 2019 l’application de la notion d’entreprise et, partant, du principe de continuité économique aux actions privées en réparation, de sorte que puisse être engagée la responsabilité de la société qui a poursuivi l’activité économique de l’entité ayant participé à une entente, la Cour de justice de l’Union n’a traité que les conséquences de l’entente sur le marché affecté par la collusion et, au cas d’espèce sur le marché aval afin de réparer le préjudice subi par un acheteur public. Dans la présente affaire en revanche, les produits dont les prix ont été rendus, du fait de l’entente, supraconcurrentiels ne constituent pas des intrants pour la victime, ici prêteur d’argent, actif non pas comme ses clients sur le marché aval, mais sur un tout autre marché.

En l’occurrence, le préjudice subi par le prêteur d’argent tient à ce qu’il a dû accorder des subventions plus importantes que si l’entente n’avait pas existé et n’a, par suite, pas pu placer ce différentiel dans des investissements plus lucratifs (pt. 32). Seule contrainte, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, en l’occurrence, le prêteur a subi concrètement un tel préjudice, en vérifiant, notamment, s’il disposait ou non de la possibilité d’effectuer des placements plus lucratifs, et, dans l’affirmative, s’il apporte les preuves nécessaires de l’existence d’un lien de causalité entre ce préjudice et l’entente en cause (pt. 33).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice rejette en tous points le pourvoi formé par le bénéficiaire de l’aide dans l'affaire du tarif préférentiel de l'électricité accordé à un électro-intensif grec

 


Le 11 décembre 2019, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-332/18 (Mytilinaios Anonymi Etairia/Omilos Epicheiriseon).

Dans cette affaire, la requérante, producteur d'aluminium en Grèce, est un industriel électro-intensif, qui a obtenu dès 1960, donc bien avant l'adhésion de la Grèce à la Communauté européenne, un tarif préférentiel par contrat reconductible auprès l'opérateur historique grec. En février 2004, ce dernier a avisé la requérante de la résiliation de son contrat et a cessé, à compter de la fin du mois de mars 2006, de lui appliquer le tarif préférentiel. La requérante a alors contesté la résiliation devant les juridictions nationales compétentes. Le Tribunal de grande instance d'Athènes, statuant en référé, a suspendu les effets de la résiliation, estimant que la résiliation n’était pas valide. Ordonnance de référé que l'opérateur historique a contesté auprès d'une autre juridiction qui lui a donné gain de cause au terme d'une seconde ordonnance. En conséquence, entre la résiliation et la première ordonnance et après l'adoption de la seconde ordonnance, le tarif normal avait été appliqué. En revanche, entre la première et la seconde ordonnance, c'est le tarif préférentiel initial qui avait continué de s’appliquer.

Rappelant que la prolongation de la durée de validité d’une aide d’État existante, fût-ce par une juridiction nationale statuant en référé, doit être considérée comme la modification de cette aide et donc comme une aide nouvelle, la Cour de justice de l'Union avait ainsi censuré le Tribunal, à la faveur d’un arrêt du 26 octobre 2016, pour une qualification erronée d'aide existante dans l'affaire du tarif préférentiel de l'électricité accordé à un électro-intensif grec.

On se souvient que, par arrêt en date du 13 mars 2018, le Tribunal de l’Union, statuant à la suite du renvoi du dossier après annulation par la Cour, avait rejeté le recours du bénéficiaire de l’aide contre la décision adoptée le 13 juillet 2011 aux termes de laquelle la Commission, forte de la jurisprudence en vertu de laquelle la prolongation d’une aide existante constitue une nouvelle aide qui doit être notifiée, avait décidé que la République hellénique avait illégalement octroyé à la requérante une aide d’État d’un montant de 17,4 millions d’euros par l’application du tarif préférentiel pour la fourniture d'électricité de janvier 2007 à mars 2008, en violation de l’article 108, § 3, TFUE, et, jugeant au surplus ladite aide incompatible avec le marché intérieur, avait enjoint à la République hellénique de la récupérer auprès de la requérante.

Dans son pourvoi, la requérante invoquait trois moyens.

La Cour de justice commence par examiner le troisième moyen du pourvoi tiré d’une violation des droits de la défense. Elle confirme que, dès lors que la procédure de contrôle des aides d’État n’est pas une procédure ouverte à l’encontre du bénéficiaire ou des bénéficiaires des aides, celui-ci ou ces derniers ne sauraient se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels et qu’en tout état de cause la requérante a été en mesure de soumettre des observations, de sorte qu’elle ne saurait invoquer une violation de ses droits de la défense (pts. 54-55).

La Cour examine ensuite le premier moyen dirigés contre la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État. Tiré d’une violation de l’article 107, § 1, TFUE, est divisé en trois branches qui portent sur l’appréciation, par le Tribunal, respectivement, de l’existence d’un avantage, de la sélectivité de l’avantage invoqué, ainsi que de l’incidence de la mesure en cause sur les échanges entre les États membres et sur la concurrence.

Sur l’existence d’un avantage, la Cour rejette d’abord comme étant non fondée la deuxième branche du premier moyen du pourvoi, en ce qu’elle repose sur la prémisse erronée, selon laquelle la mesure en cause constitue un régime général d’aide. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la mesure en cause, à savoir celle résultant de la première ordonnance de référé, constitue non pas un régime général d’aide, mais une aide individuelle. Ainsi que le Tribunal l’a relevé, la première ordonnance de référé a produit ses effets ex nunc de telle sorte que ceux-ci ont été cantonnés aux seules parties au litige en cause, à savoir la requérante et l'opérateur historique grec. Ladite mesure ne saurait, dès lors, être envisagée comme constituant un régime général d’aide (pts. 68-69).

Sur les effets sur les échanges entre États membres et sur la concurrence, la Cour, rappelant que la Commission est tenue non pas d’établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (pt. 82), relève à son tour que la requérante était présente dans un secteur où les produits faisaient l’objet d’échanges intensifs entre les États membres et que la mesure en cause renforçait la position de la requérante par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges entre les États membres, de sorte que le Tribunal a pu valider la constatation de la Commission que ces dernières étaient lésées par ladite mesure et, partant, que le critère de la distorsion de concurrence et de l’incidence sur les échanges entre États membres était rempli (pt. 84).

Enfin, le Cour examine la première branche du premier moyen et le deuxième moyen tiré de ce que le Tribunal aurait, d’une part, commis plusieurs erreurs de droit et se serait livré à une dénaturation des faits dans l’appréciation qu’il a portée sur l’existence d’un avantage et, d’autre part, violé l’obligation de motivation qui lui incombe.

À cet égard, la Cour relève à propos de la charge de la preuve de la justification économique dudit avantage, que le Tribunal a effectivement commis une erreur de droit en jugeant que, lors de la procédure administrative, la Commission devait uniquement tenir compte des arguments relatifs à la justification économique avancés par l’État membre concerné (pt. 124). En effet, observe la Cour, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État, de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, et, partant, de prendre en considération les justifications économiques avancées, le cas échéant, par le bénéficiaire de l’aide durant la procédure d’examen (pt. 123). Toutefois, ajoute immédiatement la Cour, cette erreur n’est pas de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué, dans la mesure où les arguments invoqués par la requérante, relatifs à la justification économique de l’avantage en cause, ont été présentés de manière tardive et étaient, dès lors, irrecevables (pts. 125-126).

Par ailleurs, la Cour approuve le Tribunal d’avoir implicitement jugé que le critère de l’investisseur privé n’était pas applicable en l’espèce. De fait, la mesure en cause, à savoir une ordonnance rendue par un juge national statuant en référé, octroyant à la requérante des mesures provisoires visant à protéger ses intérêts financiers découlant du contrat de 1960, présente, au regard de sa nature, du contexte dans lequel elle s’inscrit, de son objectif ainsi que des règles auxquelles elle est soumise, les caractéristiques d’un acte juridictionnel relevant des prérogatives de puissance publique de l’État membre concerné et non en sa qualité d’actionnaire. Par conséquent, le critère de l’investisseur privé ne saurait lui être applicable (pts. 133-134).

Pour le reste, la Cour ne décèle dans le raisonnement du Tribunal ni dénaturation des éléments de preuve ni violation de l’obligation de motivation qui lui incombe.

JURISPRUDENCE : Nouvelle déconvenue pour l’Autorité polynésienne de la concurrence… dès le stade des OVS : le premier président de la Cour d’appel de Papeete annule une ordonnance d’autorisation du JLD pour une violation manifeste du contradictoire

 

Que se passe-t-il au royaume de l’Autorité polynésienne de la concurrence (bis) ?

À la faveur d’une ordonnance rendue le 4 décembre 2019 par le premier président de la Cour d'appel de Papeete, l’APC essuie une nouvelle déconvenue, la troisième dans la toute jeune histoire de l’institution (la première décision contentieuse de l’APC remonte au 22 août 2019…). Merci à Jamal Henni pour la communication de ces ordonnances.

Comme dans les précédentes affaires, le présent dossier a fait l’objet d’une recension dans la presse locale.

Cette fois-ci la déconvenue apparaît dès le stade des opérations de visite et saisie (OVS). La présente ordonnance porte sur la légalité de l'autorisation de mener lesdites OVS accordée par le juge des libertés et de la détention à la rapporteure générale de l'Autorité polynésienne de la concurrence qui l’avait sollicité, soupçonnant une entente dans le secteur des travaux routiers de bitumage à  l’occasion de deux marchés de travaux. Elle conclut non seulement à l'annulation de l’ordonnance du JLD, mais également et, par voie de conséquence, à l'annulation du procès-verbal des visites et saisies du 21 mai 2019. Elle interdit en outre toute utilisation subséquente dudit procès-verbal et des pièces saisies et ordonne la restitution à la société visitée des pièces saisies sous scellés I à IV annexés au procès-verbal du 21 mai 2019. Par une seconde ordonnance du même jour, portant, quant à elle, sur le déroulement des opérations de visite et saisie, le premier président de la Cour d'appel de Papeete prend acte de l’annulation de l’ordonnance du JLD et de l’annulation subséquente du procès-verbal de visite et de saisies du 21 mai 2019 pour dire que le recours sur le déroulement des opérations de visite et saisies tendant aux mêmes fins d'annulation du procès-verbal et de restitution des pièces, est devenu sans objet.

Aux termes de l’ordonnance sur le contentieux de l’autorisation des OVS, le premier président de la Cour d’appel de Papeete annule ladite autorisation au motif que les éléments figurant au dossier de nature à justifier l'autorisation étaient non seulement anonymisés, ce qui peut se concevoir, mais carrément caviardés, c’est-à-dire, pour au moins l’un d’entre eux, entièrement occulté, de sorte ni les entreprises visitées ni le premier président de la Cour d’appel de Papeete n'étaient en mesure de savoir si lesdits documents étaient suffisants pour justifier l’autorisation…

Plus encore, le JLD a visiblement eu accès à la version originale, non expurgée, du document litigieux, là où l’entreprise visitée et le premier président de la Cour d’appel de Papeete n’ont eu droit qu’à la version occultée du document.

En clair, pour autoriser les OVS, le JLD s’est fondé sur un « tableau d'analyse des offres » (émanant du ministère de l'Equipement de Polynésie française) censé montrer que les prix unitaires proposés par deux entreprises mises en cause étaient en très grande partie (104 sur 116 lignes, soit dans 90 % des cas) identiques alors qu'elles ont candidaté à titre individuel, sauf que dans la version de ce document figurant au dossier, les offres faites en regard des 401 rubriques que comporte ledit tableau, étaient totalement occultées, que ces offres émanent des entreprises mises en cause ou du groupement qui a emporté le marché, de sorte que toute comparaison entre les différentes offres était rendue impossible.

Sur quoi le premier président de la Cour de Papeete constate que le JLD s'est appuyé, concernant l'annexe 39 et l'indice qu'il constitue à ses yeux, sur des éléments chiffrés qui ont ainsi été soustraits au débat contradictoire devant s'instaurer a posteriori devant lui, éléments chiffrés que la société appelante se trouve dès lors dans l'incapacité de discuter.

Et, ajoute le premier président , si la protection du secret des affaires peut justifier la présentation au JLD de documents en partie expurgés, et qui seront ultérieurement soumis comme tel à l'examen contradictoire, encore faut-il que ces documents laissent subsister suffisamment d'éléments pour que le magistrat ait pu y trouver la justification d'une présomption de pratiques anticoncurrentielles. Tel n'est pas le cas de l'annexe 39 de la requête dès lors que c'est la teneur même de l'indice telle qu'analysée dans son ordonnance par le JLD, qui est entièrement occultée. Encore faut-il également que l'occultation soit effectivement justifiée par la protection du secret des affaires. Or, en l'espèce, loin de concerner un tiers, les offres occultées émanent toutes de sociétés suspectées par l'Autorité polynésienne de la concurrence d'ententes illicites et expressément visées à ce titre par la requête aux fins d'autorisation de visites domiciliaires et de saisies chez chacune d'entre elles, outre le fait qu'il s'agit d'un appel d'offres ancien, afférent à un marché déjà attribué.

En tout cas, alors qu'il est de principe que le premier président doit contrôler que le JLD a vérifié l'existence d'indices sur la seule base des éléments qui seront ensuite soumis au débat contradictoire, force est de constater qu'en l'espèce, l'annexe 39 ne remplit nullement cette condition, et ce, alors que c'est précisément sur ce document que le magistrat s'est fondé pour estimer qu'il existerait une présomption de pratiques anticoncurrentielles dans le déroulement de la procédure d'appel d'offres afférente au marché de travaux publics de revêtement des chaussées de l'île de Moorea de 2015. L'ordonnance attaquée encourt dès lors la nullité de ce chef.

Même si l’occultation à laquelle il a été procédé s’agissant du document sur lequel le magistrat s'est fondé pour estimer qu'il existerait une présomption de pratiques anticoncurrentielles dans le déroulement de la procédure d'appel d'offres afférente au second marché, concernant le revêtement des chaussées de l'île de Tahiti ayant fait l'objet d'un avis d'appel à la concurrence du 12 septembre 2016, n’est que partielle — 15 sur 17 composantes de l'offre —, le premier président de la Cour de Papeete relève que cette occultation est sans aucune justification et qu’elle ne permet pas à la société appelante de présenter utilement sa défense dans le débat contradictoire et, en tout cas, ne permet pas davantage au premier président de contrôler que le JLD a vérifié l'existence d'indices sur la seule base des éléments soumis au débat contradictoire.

En fin de compte, devant les graves irrégularités qui ont ainsi affecté l'appréciation que le JLD a pu porter sur les indices tirés des deux marchés de travaux publics — postérieurs à l'entrée en vigueur le 25 février 2015 des règles de concurrence en Polynésie française — invoqués par le Rapporteur général de l'APC au soutien de sa requête aux fins d'autorisation de visites et saisies, le premier président de la Cour d’appel de Papeete prononce l'annulation de l'ordonnance rendue par le JLD le 6 mai 2019.

À noter que l’appelante faisait également valoir que le Rapporteur général de l'Autorité Polynésienne de la Concurrence avait exploité comme indices d'infraction des faits non condamnables à l'époque concernée relatifs au marché des routes de Tahiti de 2013, alors que les règles de la concurrence, et notamment l'interdiction des ententes, ne sont entrées en vigueur en Polynésie française qu'en février 2015…

La présente ordonnance est, semble-t-il, frappé d’un pourvoi en cassation.


INFOS : L’Autorité de la concurrence rejette la saisine concernant les clauses de parité tarifaire mises en œuvre par Expedia et HRS au motif que la pratique a déjà été traitée par d’autres ANC

 



Le 13 décembre 2019, l’Autorité de la concurrence a rendu publique une décision n° 19-D-23 du 10 décembre 2019 à la faveur de laquelle elle entend mettre un terme à l’affaire des clauses de parité tarifaire en vigueur dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne.

On se souvient qu’à la suite d’une saisine en 2013 par plusieurs organisations hôtelières et par la société Accor, l’Autorité de la concurrence avait, après disjonction de la partie relative aux pratiques concernant les sociétés Expedia et HRS, accepté les engagements pris par booking à la faveur d’une décision n° 15-D-06 du 21 avril 2015. Elle s’y engageait, pour une durée de 5 ans, à modifier la clause de parité tarifaire et à supprimer toute clause imposant des obligations de parité en termes de disponibilités de chambres ou de conditions commerciales, non seulement à l'égard des plateformes concurrentes mais également des canaux de vente directs hors ligne des hôtels et d'une partie de leurs canaux de vente en ligne. On se souvient également que l’article 133 de la loi Macron, du 6 août 2015, était venue interdire toute clause de parité tarifaire, restreinte et étendue et que, par arrêt du 21 juin 2017, la Cour d’appel de Paris avait, de son côté, considéré que les clauses de parité tarifaire et de disponibilité contenues dans les contrats liant les hôteliers à des sociétés du groupe Expedia caractérisaient un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l’article L. 442-6 du code de commerce et avait, en conséquence, condamné les sociétés du groupe Expedia à une amende de 1 million d’euros et enjoint aux parties de cesser les pratiques consistant à mentionner lesdites clauses dans leurs contrats signés avec les hôtels adhérents de leur plateforme.

En fin de compte, il apparaît que l’évolution du contexte juridique du secteur de la réservation hôtelière en ligne a incité les hôteliers à mieux maîtriser leur politique commerciale et a probablement contribué à une relative stabilisation du taux des commissions d’intermédiation.

À la faveur de la présente décision, l’Autorité traite donc le volet de l’affaire qui avait fait l’objet d’une décision de disjonction et donc de la saisine concernant les pratiques mises en œuvre par Expedia et HRS.

Prenant acte de l’évolution du secteur, l’Autorité parvient d’abord à la conclusion que la pratique liée aux clauses de parité a déjà été traitée par d’autres autorités nationales de concurrence en Suède, Italie, Grèce, Pologne et Royaume-Uni, devant lesquelles Expedia s’est engagée à renoncer à ses clauses de parité tarifaire, de conditions commerciales et de disponibilités et à procéder à la modification de ses contrats avec tous les hôtels dans l’ensemble de l’EEE. En conséquence, l’Autorité a décidé de rejeter pour ce motif la partie de la saisine afférente à celle-ci.

S’agissant ensuite des autres pratiques mises en cause — taux de commission prohibitifs, mainmise sur les clients, soumission des hôteliers à des clauses de suspension et/ou résiliation unilatérale et clauses d’exonération de responsabilité —, l’Autorité rejette la saisine au motif que celle-ci n’est pas appuyée d’éléments suffisamment probants permettant d’établir leur incidence sur le fonctionnement de la concurrence en application du deuxième alinéa de l’article L. 462-8 du code de commerce. Elle rappelle à cet égard qu’elle a déjà considéré à propos des mêmes pratiques de Booking qu’elles n’étaient qu’une des conséquences de la mise en œuvre des clauses de parité et comme telles, insusceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles. Par ailleurs, elle rappelle que ces pratiques ont été examinées par la Commission d’examen des pratiques commerciales au regard de l’article L. 442-6 du code de commerce, en particulier sous l’angle du déséquilibre significatif et de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture de la présentation de l'Autorité de la concurrence.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant la prise de contrôle exclusif de la société CarPostal France, filiale La Poste suisse, par la société Keolis, filiale de la SNCF, ainsi que la décision autorisant la prise de contrôle exclusif du groupe Bacacier par Kingspan Group sont en ligne (+ 20 décisions d’autorisation dont 8 simplifiées)

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 22 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 8 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la décision n° 19-DCC-181 du 25 septembre 2019 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle exclusif de la société CarPostal France, filiale du groupe suisse La Poste, par la société Keolis, filiale de la SNCF.

La présente opération emporte des chevauchements d’activité horizontaux sur les marchés du transport public de voyageurs hors Île-de-France, plus précisément sur les marchés du transport public urbain de voyageurs et du transport interurbain routier de voyageurs dans les départements de l’Isère, de la Loire, de la Saône-et-Loire, de l’Hérault et des Bouches-du-Rhône.

Dans le secteur du transport public de voyageurs, la concurrence s’exerce généralement entre les opérateurs lors de leurs réponses aux appels d’offres lancés par les autorités organisatrices dans leur zone géographique de compétence, les communes et leurs groupements pour l'organisation des transports urbains de voyageurs et les départements pour les transports interurbains de personnes. Du fait que l’organisation du transport urbain et du transport interurbain relève d’autorités organisatrices différentes, les autorités de concurrence distinguent deux marchés : le marché du transport public urbain de voyageurs hors Île-de-France, tous modes de transport confondus, lequel est de dimension nationale, et le marché de service englobant l’ensemble du transport interurbain routier de voyageurs hors Île-de-France, lequel est de dimension départementale.

S’agissant d’abord du marché du transport urbain de voyageurs, hors Île-de-France, si la part de marché de la nouvelle entité sera d’un peu plus de 30 % en nombre de réseaux urbains exploités, là où Transdev détient une part de marché de [30-40] %, en revanche, la part de marché de la nouvelle entité, estimée en valeur, sera de [40-50] % contre [10-20] % pour Transdev. Toutefois, l’incrément dû au rachat de CarPostal France est inférieure à 2 points. En outre, l’arrivée d’un nouvel entrant sur le marché est mentionnée. Par ailleurs, les parties à l’opération soumissionnent généralement peu aux mêmes appels d’offres et, dès lors, exercent actuellement, une pression concurrentielle limitée l’une sur l’autre. Ainsi, sur l’ensemble des appels d’offres relatifs au transport public urbain de voyageurs hors Île-de- France depuis 2016, Keolis et CarPostal se sont rencontrés dans moins de [10-20] % des procédures.

Quant au marché du transport interurbain de voyageurs, hors Île-de-France, si les parties exerçaient entre elles une certaine pression concurrentielle à l’occasion des appels d’offres locaux dans l’Hérault, dans la Loire et dans les Bouches-du-Rhône, la nouvelle entité détiendra partout des parts de marché limitées en valeur. Par ailleurs, des concurrents crédibles sont également actifs sur ces marchés, dont Transdev en Saône-et-Loire, dans l’Hérault et dans les Bouches-du-Rhône. De sorte que l’Autorité a pu écarter tout risque d’atteinte à la concurrence au titre des effets horizontaux sur ces marchés.
 
Enfin, l’Autorité a pu écarter tout risque d’effets congloméraux entre le marché du transport urbain de voyageurs et celui du transport interurbain routier de voyageurs, dans la mesure où les clients sont différents d’un marché à l’autre, rendant la venté liée impossible.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



On verra également la décision n° 19-DCC-203 du 28 octobre 2019 à la faveur de laquelle elle a autorisé la prise de contrôle exclusif du groupe Bacacier par Kingspan Group, tous deux actifs dans les secteurs de la production et de la commercialisation de tôles métalliques profilées et de produits sidérurgiques plats et finis au carbone.

Si la part de marché cumulée des parties à l’opération sur le marché des tôles métalliques profilées sera d’environ 40 %, elles seront néanmoins confrontées à la concurrence de plusieurs opérateurs puissants, parmi lesquels ArcelorMittal, leader actuel du marché avec une part de marché estimée à environ 35-40 %, et TataSteel (Monopanel), lesquels possèdent en outre un avantage concurrentiel par rapport à la nouvelle entité, en ce qu’ils produisent eux-même l'acier qui est le principal intrant des tôles métalliques profilées.

Par ailleurs, l’Autorité observe que les barrières à l’entrée sur le marché sont faibles, que les clients n’encourent pas de coûts importants lorsqu’ils changent de fournisseurs et qu’il existe d'importantes capacités de production inutilisées,  de sorte que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de la production et de la commercialisation de tôles métalliques profilées.

Quant aux marchés de la production et de la fourniture de produits sidérurgiques plats et finis au carbone et de la production et de la commercialisation de systèmes de montage pour modules photovoltaïques, l’Autorité observe que la nouvelle entité disposera de parts de marché largement inférieures à 25 %, quelle que soit la délimitation exacte des marchés concernés.

 


Les autres décisions n'appellent pas, nous semble-t-il, de commentaires spécifiques :

Décision n° 19-DCC-186 du 16 octobre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Sunbank Family of Companies, Souriau USA et Souriau SAS par la société Eaton Corporation ;

— Décision n° 19-DCC-190 du 22 octobre 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce Géant Casino par M. Machillot et la société Coopérative U Enseigne ;

— Décision n° 19-DCC-192 du 18 octobre 2019 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Marandis aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc ;

Décision n° 19-DCC-194 du 30 octobre 2019 relative à la fusion entre la Fondation Hôpital Saint-Joseph et l’Association Marie Lannelongue ;

Décision n° 19-DCC-197 du 24 octobre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de fonds de commerce exploités sous enseigne Auchan et Chronodrive par Aldi Sar ;

Décision n° 19-DCC-204 du 28 octobre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la SEMADER par CDC Habitat ;

Décision n° 19-DCC-206 du 8 novembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de certains éléments des fonds de commerce des sociétés Relais de Champagne et Relais de l’Automobile par la société Holding Tuppin Mary ;

Décision n° 19-DCC-207 du 8 novembre 2019 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Mapa par les sociétés ITM Entreprises et Julolilu ;

Décision n° 19-DCC-208 du 8 novembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SSCP Eleanor 1 par la société Naxicap Partners ;

Décision n° 19-DCC-209 du 8 novembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de trois fonds de commerce de Famar, de Famar Montreal et Famar Nederland par Delpharm Industrie ;

Décision n° 19-DCC-212 du 18 novembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de certaines sociétés du groupe Valeur et Capital par la société Montefiore Investment ;

Décision n° 19-DCC-213 du 18 novembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Morin Développement par la société Financière Grimonprez.

 



Les 8 décisions simplifiées :

— Décision n° 19-DCC-193 du 18 octobre 2019 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Niort Distribution par les sociétés ITM Entreprises et Gatex ;

Décision n° 19-DCC-196 du 18 octobre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif du fonds de commerce de distribution et réparation de motocycles de BMW Distribution par BI19 ;

Décision n° 19-DCC-200 du 30 octobre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société ISS Hygiène & Prévention SAS par la société Weinberg Capital Partners ;

Décision n° 19-DCC-201 du 30 octobre 2019 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Caroube par les sociétés ITM Entreprises et Herakles ;

Décision n° 19-DCC-202 du 30 octobre 2019 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Castel par les sociétés Ardilla et ITM Entreprises ;

Décision n° 19-DCC-211 du 14 novembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de trois fonds de commerce de distribution automobile par la société Amplitude ;

Décision n° 19-DCC-214 du 21 novembre 2019 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Leatwo par les sociétés Vicoise et ITM Entreprises ;

 

Décision n° 19-DCC-230 du 2 décembre 2019 relative à la prise de contrôle conjoint du fonds de commerce Hyper U de Vierzon et de la cafétéria Toquenelle par M. Geoffray Gauthier et Expan U Ouest.

INFOS UE : Margrethe Vestager annonce la révision prochaine de la communication de 1997 sur la définition du marché pertinent

 

Le temps est venu de réviser la communication de 1997 sur la définition du marché pertinent.

À la faveur d’une intervention intitulée « Defining markets in a new age », prononcée lors de la conférence organisée par Chillin’Competition à Bruxelles le 9 décembre 2019, la vice-présidente de la Commission européenne, Margrethe Vestager, a donc annoncé la révision prochaine de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence.

Selon la commissaire à la concurrence, cette révision serait rendue nécessaire par la mondialisation des échanges et par la digitalisation de l’économie.

Alors qu’en 2002 et 2003, le marché géographique avait une dimension au moins européenne dans la moitié des décisions de concentration adoptées par la Commission, en 2017 et 2018, ce chiffre était proche des deux tiers.

Toutefois, il ne s’agit pas, comme le demandent certains (voir ci-dessous la proposition n° 13 du rapport d’information sur le droit européen de la concurrence face aux enjeux de la mondialisation des députés Patrice Anato et Constance Le Grip), de se priver de l’outil de la délimitation du marché en cause et d’abandonner la notion de marché pertinent. Il s’agit davantage d’affiner le concept pour pouvoir continuer à examiner chaque marché selon ses propres caractéristiques et ses propres mérites, bref de s’assurer que l’évaluation à laquelle se livre la Commission demeure appropriée. Toutefois, Margrethe Vestager consent à considérer que la concurrence potentielle doit être davantage prise en compte que par le passé.

Quant à la digitalisation de l’économie, elle impose de nouveaux défis à la définition du marché en termes de produits. À cet égard, la commissaire à la concurrence reconnaît les limites du « test SSNIP » qui a pour objet de délimiter le marché, en observant les produits vers lesquels les consommateurs se reporteraient en cas de hausse limitée des prix. Or, relève-t-elle, le problème de ce test lié à l'évolution des prix, est qu’il ne peut pas être utilisé avec un produit que les consommateurs utilisent gratuitement, ce qui est le cas de nombreux produits proposés dans l’économie digitale. À titre d’illustration, Margrethe Vestager cite la décision récente adoptée dans l’affaire du système d'exploitation mobile Android de Google, pour la délimitation du marché pertinent duquel le test SSNIP s’est avéré inutilisable du fait qu'Android est accessible gratuitement. À la place, la Commission s’est demandée ce qui se passerait si Google réduisait un peu la qualité d'Android. Elle a alors conclu que cela ne conduirait pas les consommateurs à se reporter sur Apple. À défaut d’une certaine expertise, les consommateurs ne percevraient même pas la baisse de qualité. Et s’ils possèdent une telle expertises, les coûts induits pour se reporter sur les produits d’Apple les décourageraient tout changement. Sur quoi, la Commission a pu conclure que la position dominante de Google pour l'octroi de licences Android aux fabricants de smartphones n'était pas affectée par l'existence d'iOS d’Apple.

Autre difficulté que soulève la digitalisation de l’économie, l’existence d’écosystème mis en place par les grandes entreprises du numérique, qui ont pour effet d’emprisonner le consommateurs.

À ce stade, la commissaire à la concurrence ne précise pas le calendrier de la révision annoncée de la communication de 1997 sur la définition du marché pertinent.

INFOS UE : Olivier Guersent succède à Johannes Laitenberger comme directeur général de la DG concurrence à la Commission européenne

 

Olivier Guersent ne sera donc sans doute pas le prochain secrétaire général de la Commission européenne. Son nom circulait pourtant parmi les candidats possibles à la fonction.

En effet, il vient d’être nommé directeur général de la DG concurrence en remplacement de Johannes Laitenberger, qui est juge au Tribunal de l’Union à compter depuis le 1er septembre 2019. Olivier Guersent était jusqu’à présent le directeur général de la DG Stabilité financière, services financiers et union des marchés des capitaux (FISMA).

Même s'il peut tout à fait postuler à la fonction de secrétaire général de la Commission, dont le poste, vacant depuis le départ de Martin Selmayr cet été, est ouvert aux candidatures jusqu’au 19 décembre 2019, il serait pour le moins curieux qu’Olivier Guersent obtienne le poste de secrétaire général de la Commission quelques jours seulement après avoir été transféré « dans l'intérêt du service » à la fonction de directeur général de la DG Concurrence…

Diplomé de l’Institut d'études politiques de Bordeaux et de l’École nationale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, Olivier Guersent a fait ses armes comme commissaire de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à la Direction nationale des enquêtes de concurrence entre juillet 1986 et mai 1992, avant de rejoindre la Commission européenne. Il a alors successivement occupé pendant 22 ans des postes au cabinet de différents commissaires européens et dans les services de la DG Concurrence, avant d’être le chef de cabinet du commissaire Michel Barnier en charge du Marché intérieur et services (de Février 2010 à Juin 2014).

Pour de plus amples informations, je vous renvoie à la lecture de son CV.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS : À la lumière de l’affaire Alstom/Siemens, le rapport Anato/Le Grip sur le droit européen de la concurrence face aux enjeux de la mondialisation de l’Assemblée nationale prône une réforme radicale du contrôle des concentrations européen

 

Après une présentation le 27 novembre 2019 par ses auteurs, les députés Patrice Anato et Constance Le Grip, le rapport d’information sur le droit européen de la concurrence face aux enjeux de la mondialisation, déposé par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a été mis en ligne le 6 décembre 2019.

Le présent rapport vise à analyser dans quelles mesures et selon quelles modalités la mondialisation économique transforme voire bouleverse la conception traditionnelle du droit de la concurrence, en ciblant deux phénomènes en particulier : l’émergence de la Chine comme acteur économique mondial et la numérisation croissante des économies.

Si le présent rapport fait le constat que le droit européen de la concurrence fait l’objet de critiques infondées, lesquelles relèvent en réalité d’autres politiques (principalement la politique industrielle et la politique commerciale) et il reste efficace dans la mondialisation, ses auteurs estiment que l’application qui en est faite doit évoluer, afin de rendre les décisions de la Commission européenne plus transparentes et prévisibles, d’adapter le contrôle des concentrations à l’économie mondialisée et de prendre en compte les spécificités de l’économie numérique.

En fait, le rapport Anato/Le Grip concentre l’essentiel de ses 19 propositions sur le contrôle des concentrations opéré par la Commission européenne. Très visiblement, les rapporteurs ont été impressionnés pour ne pas dire influencés par l’audition — par ailleurs intéressante — du PDG d’Alstom, M. Henri Poupart-Lafarge (p. 89).

Ce faisant, les auteurs du rapport propose une réforme radicale du contrôle des concentrations européens. Celle-ci doit également passer par une refondation de la DG COMP, qui serait placée directement sous la responsabilité de la Présidence de la Commission européenne, serait davantage ouvertes sur les autres directions générales de la Commission, fonctionnerait sur une véritable collégialité tout au long processus et reposerait véritablement sur le principe du contradictoire (Proposition n° 5). Les auteurs du rapport appellent également de leurs voeux diverses mesures plus générales comme le renforcement de la coopération internationale (Proposition n° 4), la création d’un tribunal spécialisé dans le contentieux concurrentiel, afin de rendre le droit de recours juridictionnel enfin effectif (Proposition n° 6), l’allègement des conditions de mise en oeuvre par la Commission des mesures provisoires, en s’inspirant du système français (Proposition n° 9).

S’agissant plus particulièrement des propositions concernant le contrôle des concentrations européen, les auteurs du rapport s’opposent à une politisation de la prise de décision. C’est la raison pour laquelle ils se montrent hostiles à l’idée avancée à la suite de l’affaire Alstom/Siemens par les ministres de l’économie français et allemand d’un droit d’évocation des décisions adoptées par la Commission qui serait reconnu au Conseil qu’il juge difficilement réalisable, impraticable et indésirable.

En revanche, ils suggèrent à la Commission de définir des secteurs de souveraineté stratégique européenne — ferroviaire, sidérurgie, industrie chimique, énergie thermiques et renouvelables, construction navale, transports maritimes et les opérations portuaires, équipements de télécommunications et véhicules électriques — dans lesquels l’application du droit européen de la concurrence prendrait en considération l’enjeu de souveraineté européenne, en particulier en ce qui concerne le contrôle des concentrations (Proposition n° 1).

Cette réforme emporterait évidemment révision du règlement n° 139/2004 avec une suppression du mode actuel de notification et son remplacement par un mécanisme de notification volontaire inspiré du système britannique, sans pour autant permettre aux autorités  européennes de la concurrence d’interdire une opération de concentration déjà réalisée, comme c’est le cas au Royaume-Uni. Il s’agirait également de renforcer le comité consultatif (Proposition n° 8), de prévoir une revue ex-post des décisions adoptées (Proposition n° 10), de recourir davantage aux remèdes comportementaux, notamment lorsque l’évolution du contexte concurrentiel est peu prévisible (Proposition n° 11).

Plus radicalement encore, les auteurs du rapport proposent purement et simplement d’abandonner la notion de « marché pertinent » au profit de la notion de « concurrence potentielle » dont l’analyse devrait être faite dès le début du contrôle (Proposition n° 13). Pour faire bonne mesure, l’horizon temporel de l’analyse serait étendu pour aller au-delà des deux ans actuellement retenus, et porté si besoin à cinq ans (Proposition n° 12). L’analyse ainsi conduite devrait prendre en compte la possibilité qu’un concurrent étranger entre sur le marché européen par ancrage sur un autre marché (Proposition n° 14), mais aussi l’octroi de subventions étrangères (Proposition n° 15). La réforme devrait aboutir à une meilleure prise en compte des gains d’efficacité (Proposition n° 16) et à une réorientation de la prise en compte de la notion de bien-être des consommateurs, d’une part en considérant spécifiquement le bien-être des consommateurs européens (Proposition n° 18) et d’autre part les revenus du consommateur (Proposition n° 17).

Seule la 19e et dernière proposition du rapport, prônant l’adoption d’un règlement européen relatif à l’application du droit européen de la concurrence aux plateformes ultra-dominantes, concerne à proprement parler la digitalisation de l’économie. Et encore s’agit-il là aussi de lutter contre les « killer acquisitions » en obligeant les plateformes ultra-dominantes à notifier à la Commission toutes leurs acquisitions, quel que soit le chiffre d’affaires de la cible.

Pour le reste, il s’agirait d’interdire aux plateformes ultra-dominantes la vente de leurs propres services et d’exiger la division structurelle entre la plateforme et les services et de faire en sorte que le refus abusif d’accès aux données soit identifié comme un comportement anticoncurrentiel susceptible de permettre aux autorités de la concurrence d’accorder aux tiers l’accès aux données.

INFOS : L’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie favorable au dispositif de sortie du plafonnement généralisé des marges de l’ensemble des entreprises proposant des produits ou services au 1er octobre 2019

 

Le 9 décembre 2019, l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie a rendu public un avis n° 2019-A-05 du 6 décembre 2019 sur l’avant-projet de loi du pays de soutien à la croissance de l’économie calédonienne, lequel envisage à l’article 42 du texte d’introduire le dispositif d’inspiration plus libérale dit du « bouclier-qualité-prix » à l’article Lp. 411-2-1 du code de commerce censé accompagner la sortie au 1er octobre 2019 du dispositif de plafonnement généralisé des marges de l’ensemble des entreprises proposant des produits ou services en vigueur entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019.

Le dispositif du « bouclier qualité prix » ou « BQP » est innovant dans la mesure où, contrairement à la tradition interventionniste calédonienne consistant à fixer administrativement les prix ou les marges de certains produits ou services, dont le point culminant fut le dispositif temporaire de gel généralisé des marges de l’ensemble des entreprises proposant des produits ou services entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019 afin de lutter contre le risque inflationniste lié à l’entrée en vigueur de la taxe générale sur la consommation (TGC), le gouvernement serait conduit à négocier annuellement avec les principaux acteurs de la chaîne de distribution le montant maximal d’un panier global de produits de première nécessité ou de grande consommation répondant à certains critères de qualité, dont le nombre serait adapté en fonction de la taille des magasins qui les vendent, tout en leur laissant la liberté de fixer le prix de chaque produit du panier dès lors qu’ils s’assurent de la disponibilité de ces produits pour mieux faire jouer la concurrence au bénéfice des consommateurs (pt. 16).

Aux termes de son avis, l’Autorité calédonienne considère que, dans le contexte de sortie du dispositif de plafonnement généralisé des marges au 1er octobre 2019 et compte tenu de la problématique de vie chère observée en Nouvelle-Calédonie en raison de plusieurs facteurs, les articles 42 et 43 de l’avant-projet de loi du pays portent une atteinte limitée, adaptée et proportionnée à la liberté d’entreprendre des opérateurs engagés dans le processus de négociation du BQP, en particulier celle des distributeurs, pour éviter un ressaut d’inflation et protéger les consommateurs.

Toutefois, l’Autorité prévient les distributeurs qui seraient tenter par un report de marge sur d’autres produits non inclus dans le BQP (« effet de rattrapage ») conduisant à une augmentation des prix de ces autres produits, que l’article Lp. 422-1 du code de commerce lui permet d’engager une procédure d’injonction structurelle à l’égard des opérateurs ayant une puissance de marché importante, si elle constate de leur part une dérive des prix ou des marges en comparaison des moyennes habituellement constatées, quel que soit le type de produit considéré.

Sur cette question, l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie y formule 9 recommandations à l’attention du législateur calédonien.

Par ailleurs, l’avant-projet de loi du pays comporte plusieurs dispositions visant à améliorer des procédures devant l’Autorité de la concurrence, à simplifier les démarches des entreprises et à faciliter le travail de l’Autorité, ce dont l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie se réjouit. Il s’agit d’abord du relèvement des seuils de déclenchement du contrôle des opérations de concentration et des opérations dans le secteur du commerce de détail pour simplifier les démarches des entreprises et permettre à l’Autorité de se concentrer sur les opérations les plus sensibles (articles 49 et 50). Il s’agit ensuite de l’augmentation du plafond de sanctions pécuniaires à 5 % du chiffre d’affaires mondial en cas de pratiques anticoncurrentielles, ce qui rétablit une équité entre les entreprises calédoniennes et les entreprises extérieures à la Nouvelle-Calédonie et qui s’avère plus dissuasive (articles 51 et 53). Enfin, il s’agit de l’élargissement du nombre de membres du collège de l’Autorité de 4 à 5 grâce à la nomination d’un nouveau membre non-permanent qui facilitera l’organisation des séances de l’Autorité à budget constant (article 52).

Sur cette question, l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie y formule 2 recommandations à l’attention du législateur calédonien.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence calédonienne.

 



Par ailleurs, on notera que l'Autorité a mis fin pour la première fois, à la faveur d’une décision n° 2019-PAC-04 du 11 décembre 2019, à une pratique d'accords exclusifs d'importation entre un fabricant d'ascenseurs métropolitain (la société Sodimas) et un installateur en Nouvelle-Calédonie (la société Intec), et ce, grâce à la mise en œuvre d'une procédure d'engagements.

Sur ce point, je vous renvoie également à la lecture du communiqué de l’ACNC.

EN BREF : L’examen des dispositions « concurrence » du PJL audiovisuel confié à la Commission des affaires économiques

 

C’est finalement la Commission des affaires économiques et non la Commission des affaires culturelles et de l’éducation qui examinera au fond les dispositions « concurrence » du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, à savoir les articles 60 et 61 (procédures de l’Autorité de concurrence et habilitation à transposer par ordonnance la directive ECN+).

Le député Éric Bothorel, membre de la Commission des affaires économiques, est nommé rapporteur pour avis de ce projet de loi.

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