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Hebdo n° 45/2019
9 décembre 2019
SOMMAIRE
 
INFOS PROJET DE LOI SUR L’AUDIOVISUEL : À la suite de l’avis — sévère — du Conseil d’État sur l’organisation des dispositions concernant la régulation de la concurrence, le Gouvernement revoit l’architecture du dispositif de simplification des procédures de concurrence, sans apporter de modifications majeures sur le fond

INFOS : Publication au JO du décret précisant les conditions dans lesquelles les agents de l'Adlc et de la DGCCRF peuvent se faire communiquer les fadettes

JURISPRUDENCE : Quand la Cour de cassation se prononce de nouveau sur le comportement à l’origine du déséquilibre significatif [Commentaire de Muriel Chagny]

INFOS UE : Dans son projet de rapport concernant le rapport annuel sur la politique de concurrence de l’UE, Stéphanie Yon-Courtin invite instamment la Commission à muscler sa politique de concurrence sur les effets de la mondialisation et sur le digital

INFOS : L’Autorité de la concurrence formule de nouvelles recommandations sur l'installation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs à l’horizon 2022


ANNONCE : « 2020 Antitrust Writing Awards : les candidatures sont ouvertes » [message de Nicolas Charbit et Ariel Salvaro]

INFOS PROJET DE LOI SUR L’AUDIOVISUEL : À la suite de l’avis — sévère — du Conseil d’État sur l’organisation des dispositions concernant la régulation de la concurrence, le Gouvernement revoit l’architecture du dispositif de simplification des procédures de concurrence, sans apporter de modifications majeures sur le fond



Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique a été présenté en Conseil des ministres le jeudi 5 décembre 2019. Il est accompagné de son étude d’impact.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 5 décembre 2019.

S’agissant des dispositions concernant la régulation de la concurrence, à propos desquelles le Conseil d’État observe dans son avis qu’elles sont sans lien avec l’objet des autres dispositions du projet de loi, si le texte comporte toujours deux articles dédiés aux procédures de concurrence — à présent les articles 60 et 61 —, la distribution des dispositions entre ces deux articles a sensiblement évolué, à la suite des observations du Conseil d’État.

En fait, si l’habilitation du Gouvernement à transposer la directive ECN+ par ordonnance subsiste en l’état, l’article visant à modifier directement les dispositions du code de commerce sans passer par la voie de l’ordonnance ne comporte plus que cinq mesures au lien d’une douzaine dans l’avant-projet de loi. Pour autant, les mesures qui ne figurent plus à l’article 60 ne disparaissent pas toutes. En effet, le projet de loi prévoit en son article 61 que le Gouvernement est autorisé, au-delà de la transposition de la la directive ECN+, à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant, s’agissant des procédures mises en œuvre par l’Autorité de la concurrence et des enquêtes conduites par les agents de l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, de simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention concernant le déroulement des opérations de visite et saisie et de simplifier la procédure relative à la clémence.

Que s’est-il donc passé ?

Au stade de l’avant-projet de loi, le Gouvernement a donc décidé de scinder la réforme des règles de concurrence en deux : un article d’habilitation à transposer la directive ECN+ et un article emportant modification du code de commerce. La raison de cette architecture tenait à l’urgence. L’Autorité ne pouvait attendre que la directive ECN+ soit définitivement transposée pour mettre en œuvre un certain nombre de disposition visant à alléger la procédure.

Sur ce découpage, le Conseil d’État se montre particulièrement sévère : « la transposition partielle d’une directive n’est pas de bonne méthode et il est souhaitable que, pour chaque niveau de normes, la transposition d’une directive soit assurée par un seul et même texte. Dans les cas où le Gouvernement entend procéder à la transposition en recourant à deux instruments successifs – comme en l’espèce les disposition d’un projet de loi et une ordonnance dont l’habilitation serait prévue par le même projet –, il est souhaitable d’une part que l’étude d’impact apporte la justification du partage ainsi opéré et d’autre part que les dispositions ainsi transposées constituent un bloc homogène au sein de la directive ». Or, en l’espèce, relève le Conseil d’État, il n’existe « aucune justification convaincante au partage proposé. Celle de l’urgence ne peut en particulier être retenue. Compte tenu de ce que les États membres doivent avoir transposé la directive (UE) 2019/1 précitée avant le 4 février 2021, l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi mentionnées ci-dessus pourrait en effet ne précéder que de très peu celle des dispositions de l’ordonnance assurant la transposition intégrale de la directive. Sur le fond, le Conseil d’État relève que les dispositions en cause ne procèdent pas à la transposition de blocs homogènes de la directive et estime très nettement préférable que l’ordonnance résultant de l’habilitation mentionnée procède à cette transposition.  Il ne retient donc pas ces dispositions.

Il en va de même des dispositions du projet de loi relatives à la procédure de clémence, qui suppriment l’avis de clémence émis par le collège de l’Autorité de la concurrence. En effet, si elles n’ont pas directement pour objet de transposer la directive, cette dernière comporte un chapitre dédié aux « programmes de clémence pour les ententes secrètes », qui comprend nombre de dispositions à transposer, et formant un bloc homogène.

Ne figure donc plus dans l’article 60 du projet de loi, celui qui emporte directement modification du code de commerce que cinq mesures qui ne relèvent pas de la directive :

— Il s’agit d’abord des mesures visant à renforcer l’efficacité des enquêtes. Toutefois, dans le projet de loi, ne subsiste plus à l’article 60 que la disposition visant à permettre qu’un seul officier de police judiciaire par site visité assiste aux opérations, au lieu d’OPJ par équipe d’enquêteur auparavant. Par ailleurs, le texte prévoit que, si les opérations de visite et saisie se passent mal dans un établissement relevant d’un autre ressort que celui du JLD de l’autorisation, ce dernier peut saisir un JLD dudit ressort par le truchement d’une commission rogatoire.

Il reste qu’en l’état, le projet de loi s’avère plutôt bancal s’agissant de OVS. De fait, les nouvelles modalités de saisine du juge des libertés et de la détention, qui ont pour objet de permettre qu’un seul et même JLD puisse autoriser et contrôler l’ensemble des opérations de visite et de saisie dès lors qu’au moins l’un des lieux à visiter est situé dans le ressort de son tribunal judiciaire ne relève pas de l’article 60, mais est renvoyé à l’habilitation prévue à l’article article 61 autorisant le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention concernant le déroulement des opérations de visite et saisie. On avouera ne pas comprendre les raisons de ce découpage, d’autant plus qu’il risque d’y avoir un décalage temporel de plusieurs mois entre l’adoption du principe de la compétence nationale du JLD et la désignation d’un seul officier de police judiciaire par site visité…

Élargissement des décisions que le président, ou un vice-président désigné par lui, peut adopter seul. Cette extension des exceptions à la collégialité concernerait d’une part les décisions de saisine d’office réalisées sur proposition du rapporteur général de l’Autorité (III de l’article L. 462-5 du code de commerce) et d’autre part les décisions de révision des engagements prises en application de l’article L. 464-2 du même code.

Au stade de l’avant-projet de loi, on avait noté avec satisfaction qu’il était envisager de mettre fin à l’exception concernant les décisions adoptées à la suite de la transmission d’un dossier de « PAC locales » à l’Autorité après refus d’une transaction. Cette exception à la collégialité est réintroduit au stade du projet de loi, ce qui est regrettable. Cela accrédite l’idée selon laquelle les décisions ainsi adoptées seraient des sous-décisions ne justifiant pas la collégialité. De fait, si l’entreprise mise en cause a refusé la transaction proposée par le ministre, c’est qu’elle entend contester les poursuites et qu’elle dispose d’argument pour ce faire… L’affaire de l’élimination des déchets infectieux en Corse le démontre suffisamment. En outre, cette exception vient contredire le principe énoncé par l’étude d’impact du présent projet de loi, selon lequel « les affaires plus complexes, en particulier les décisions de sanctions […] demeurent en revanche soumises au principe de collégialité » (p. 418).

Suppression de l’information préalable de l’Autorité de la concurrence de tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés. Les auteurs du texte estiment que cette obligation d’informer l’Autorité au moins deux mois avant la révision envisagée est dépourvue d’utilité, dès lors que l’Autorité a toute latitude pour interroger le gouvernement sur ce point si nécessaire, dans l’optique par exemple de formuler un avis dans le cadre d’une auto-saisine.

Élargissement de la procédure simplifiée

Haro sur le double tour de contradictoire écrit ! Non seulement, il conduirait à allonger la procédure d’instruction de plusieurs mois, mais en outre, cette organisation serait quasiment unique en Europe, la plupart des autorités de concurrence de l’Union ne disposant que d’un tour de contradictoire écrit, et certaines, comme l’autorité espagnole ou la Commission n’utiliseraient que très rarement le tour de contradictoire oral.

Si les trois tours de contradictoire — deux écrits et un oral lors de la séance devant le Collège de l’Autorité — semblent devoir demeurer la règle, dans la mesure il n’est pas touché à l’article L. 463-2, en revanche, le dispositif proposé vise, au moins sur le papier, à élargir le plus possible le recours à la procédure simplifiée. En premier lieu, donc, le plafonnement de la sanction pécuniaire à 750 000 euros est supprimé, de sorte que la procédure simplifiée est appelée à s’appliquer à des pratiques justifiant des sanctions plus élevées. Par ailleurs, du fait de la disparition du plafonnement à 750 000 euros, la procédure simplifiée ne comporte plus de « récompense » pour les mises en cause en contrepartie de l’économie procédurale que représente pour l’Autorité l’absence d’établissement préalable d'un rapport et, partant, la disparition d’un tour de contradictoire écrit. Ce faisant, le rapporteur général sera d’autant plus incité à recourir, dès que cela est possible, à la procédure simplifiée. Sauf que, en pratique, le rapporteur général risque, davantage que par le passé, de se heurter aux demandes des entreprises mises en cause de bénéficier du deuxième tour de contradictoire écrit — le rapport —, puisqu’aussi bien elles ne peuvent plus profiter de la carotte consistant à voir le montant de la sanction pécuniaire plafonné à 750 000 euros.

En l’absence de limites posées par les textes, la précision selon laquelle la décision du rapporteur général de l’Autorité d’examiner une affaire sans établissement préalable d'un rapport n’est pas susceptible de recours, ne laisse pas d’inquiéter. À l’évidence, cette décision, en supprimant un tour de contradictoire écrit, fait grief aux mises en cause.
 
Seule concession, le texte prévoit que le rapporteur général peut en partie revenir sur sa décision au vu des observations des parties destinataires des griefs et décider de leur adresser quand même le rapport. Bref, si l’on comprend bien, il peut décider en cours de route de sortir de la procédure simplifiée pour réintégrer la procédure normale et ses trois tours de contradictoire. À notre sens, la décision par laquelle le rapporteur général refuserait de communiquer le rapport aux parties destinataires des griefs, en dépit de leurs observations le demandant, devrait aussi être susceptible de recours, en ce qu’elle est de nature à faire grief.

Dans son avis, le Conseil d’État estime que ces dispositions nouvelles n’apportent pas au principe des droits de la défense, déjà mis en œuvre à travers la réponse à la notification des griefs et la possibilité pour les parties de développer leurs arguments devant le collège lors de la séance, une atteinte excessive. Il avertit le rapporteur général de l’Autorité : elles devront faire l’objet d’une application attentive, en fonction de critères objectifs, afin de respecter le principe d’égalité de traitement entre les entreprises (pt. 103). Et le Conseil d’État d’attirer sur ce point l’attention du Gouvernement sur la nécessité de mieux justifier qu’il ne le fait, dans l’état actuel de l’étude d’impact jointe au projet, l’effet favorable attendu de cette mesure sur la durée de la procédure d’instruction, en examinant la question de savoir si les délais gagnés de ce côté ne risquent pas d’être reportés à d’autres étapes de la procédure. Il s’interroge notamment, dans le cas où un rapport n’est pas produit, sur la qualité de l’information donnée au collège appelé à prendre parti sur le bien-fondé des griefs notifiés.

Et il est vrai que, si la présente étude d’impact constitue un excellent exposé des motifs du projet de loi, elle est en revanche particulièrement indigente sur l’analyse des impacts (pp. 420-421) et se contente de quelques affirmations très générales ne comportant pas le début d’une démonstration…

Feu les PAC locales. Vive les micro-PAC !

Autre mesure visant à alléger la tâche de l’Autorité, l’article 60 du projet de loi sur l’audiovisuel propose d’élargir les cas dans lesquels le ministre de l’économie peut imposer des injonctions ou transiger avec les entreprises en supprimant la condition tenant à la dimension locale du marché, laquelle condition, du reste, n’était déjà plus guère respectée, notamment lorsque l’Autorité s’était abstenue de se saisir de pratiques certes précisément localisées mais dont les effets étaient appelés à se faire sentir bien au-delà d’un département ou d’une région (comme en attestent les différentes affaires concernant la commercialisation des vins de Savoie, du Languedoc, de la Loire et celle des saucisses de Morteau et de Montbéliard). En revanche, les seuils individuels et cumulés de chiffre d’affaires ne seraient pas modifiés, non plus du reste que la condition tenant à l’absence d’affectation du commerce entre États membres. Cela aurait pu tout à fait se concevoir. Les pratiques anticoncurrentielles relevant de la compétence du ministre auraient seulement été délimitées par le chiffre d’affaires des entreprises mises en cause. Mais il aurait fallu reconnaître aux services du ministre la qualité d’autorité de concurrence au sens de l’article 35 du règlement 1/2003, voire les convier aux réunions du Réseau européen de concurrence…

Qu’en est-il à présent des dispositions qui ne figurent plus à l’article 60 du projet de loi, celui qui emporte directement modification du code de commerce ?

Tout d’abord, les dispositions concernant les enquêtes et visant à simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention, comme les mesures qui ont pour objet de supprimer l’avis de clémence prévu à l’article L. 464-2 IV du code de commerce, tout en accompagnant cette suppression par des mesures d’information pour les demandeurs de clémence, afin de leur donner une prévisibilité sur la sanction encourue et le déroulement de la procédure relèvent désormais de l’habilitation du Gouvernement, prévue à l’article 61 du projet de loi, à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures permettant de simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention concernant le déroulement des opérations de visite et saisie, et de simplifier la procédure relative à la clémence.

S’agissant plus précisément de la simplification de la procédure de clémence, l’Étude d’impact relève que cette procédure d’avis préalable rendu par le Collège a pour effet de ralentir considérablement le déroulé de l’instruction, et notamment le lancement des opérations de visite et saisie et contribue à retarder le début de l’instruction à proprement parler. Par ailleurs, certains acteurs économiques font valoir que la procédure française, avec le recours à un avis de clémence, est lourde et longue et constitue ainsi un facteur dissuasif pour déposer une demande de clémence. La suppression de cet avis aurait également le mérite d’harmoniser davantage la procédure française avec celle appliquée par la Commission européenne et par les autres autorités nationales de concurrence en Europe (pp. 414-416).

La plupart des autres dispositions figurant initialement dans l’avant-projet de loi et qui ont disparu du texte de l’article 60 du projet de loi devrait être introduite à la faveur de la transposition de la directive ECN+ et donc par voie d’ordonnance. Il en va ainsi de l’opportunité des poursuites, de la possibilité pour l’Autorité de se saisir d’office afin d’imposer des mesures conservatoires, de la suppression de toute référence à la notion d’ « importance du dommage à l’économie » dans le calcul des sanctions, en espérant, sur ce dernier point, que cela ne soit pas l’occasion pour l’Autorité de faire procéder à une réécriture plus vaste de l’article L. 464-2, comme cela avait été envisagé dans l’avant-projet de loi, à l’instar de la disparition de l’individualisation de la sanction, ou encore de la disparition de la faculté, pour l'Autorité de la concurrence, de réduire le montant de la sanction pécuniaire infligée à une entreprise ou à un organisme lorsque cette entreprise ou cet organisme a, en cours de procédure devant l'Autorité, versé à la victime de la ou des pratiques anticoncurrentielles sanctionnées une indemnité due en exécution d'une transaction au sens de l'article 2044 du code civil…

À noter que le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique comporte également deux autres dispositions concernant la régulation de la concurrence.

En premier lieu, l’article 35 précise que, sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle, les informations dont disposent le CSA, qui deviendrait l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, et l’Autorité de la concurrence sont librement communicables entre ces deux autorités pour la mise en oeuvre des relations organisées par l’article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986. Cette dernière disposition prévoit, on le rappelle, la consultation pour avis du CSA par l'Autorité lorsqu'une opération de concentration concernant, directement ou indirectement, un éditeur ou un distributeur de services de radio et de télévision fait l'objet d'un examen approfondi ainsi que sur les pratiques anticoncurrentielles dont elle est saisie dans les secteurs de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande. Elle prévoit également que le CSA saisit l’Autorité de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles dont il a connaissance dans les secteurs de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande.

En second lieu, l’article 36 a pour objectif de renforcer la capacité d’expertise des AAI, dont l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF, dans leur mission de régulation des plateformes numériques, et ce, afin de pallier la situation d’asymétrie d’information manifeste et de carence dans leur capacité à appréhender avec une maîtrise suffisante les problématiques spécifiques inhérentes au numérique. Les besoins d’expertise et de ressources techniques portent tout particulièrement sur l’appréhension et la connaissance approfondie de l’économie des plateformes, des techniques de collecte et de traitement de méga-données (big data) et des systèmes algorithmiques utilisés par les plateformes numériques. Il s’agirait de créer un pôle commun d’expertise numérique au profit de l’ensemble des autorités et des administrations qui mettent en oeuvre la régulation des plateformes numériques

Avant même la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, saisie au fond, a désigné le 4 décembre 2019 la députée Aurore Bergé comme rapporteure générale. Elle est chargée des articles relatifs à la modernisation de la réglementation, à la transposition de la directive SMA et à l’adaptation de la régulation de la communication audiovisuelle. Elle sera assistée de deux autres rapporteurs : Sophie Mette pour les articles relatifs à la transposition de la directive Droits d’auteur et à la lutte contre le piratage et Béatrice Piron pour les articles relatifs à l’audiovisuel public. En toute logique, c’est la rapporteure générale du projet de loi et donc Aurore Bergé qui devrait couvrir le titre IV relatif aux dispositions diverses, transitoires et finales, et, partant, les dispositions relatives à la régulation de la concurrence, qui nous intéressent plus particulièrement.

S’agissant du calendrier des travaux parlementaires, après les auditions et le travail en commissions, la discussion du projet de loi en séance pourrait avoir lieu au cours du mois de février 2020.



INFOS : Publication au JO du décret précisant les conditions dans lesquelles les agents de l'Adlc et de la DGCCRF peuvent se faire communiquer les fadettes

 



Le décret d’application de la seule disposition « concurrence » de la loi PACTE à avoir survécu au passage de la loi devant le Conseil constitutionnel est paru au journal officiel du 29 novembre 2019.

Il s’agit du décret n° 2019-1247 du 28 novembre 2019 venant préciser les conditions dans lesquelles les agents de l’Autorité de la concurrence et ceux de la DGCCRF peuvent accéder aux données de connexion conservées et traitées par les opérateurs de télécommunication — bref se faire communiquer les fadettes — et qui sont nécessaires à la recherche et la constatation des infractions et manquements relatifs aux pratiques anticoncurrentielles. On se souvient que l’accès aux fadettes est soumis à une procédure d’autorisation préalable confiée à un magistrat (alternativement un membre du Conseil d’État et un magistrat de la Cour de cassation) — le contrôleur des demandes de données de connexion.

Le présent décret introduit dans le code de commerce cinq articles (R. 450-4 à R. 450-8) précisant, d'une part, les éléments de fait et de droit devant figurer dans la demande d'autorisation adressée au contrôleur des demandes de données de connexion et, d'autre part, la procédure de destruction des données de connexion ainsi recueillies. Il précise en outre les conditions de rémunération du contrôleur des demandes de données de connexion.

Cela dit, le présent décret n’en dit guère plus sur la nature des éléments recueillis laissant présumer l'existence d'une infraction ou d'un manquement aux règles de concurrence et justifiant l'accès aux données de connexion pour les besoins de l’enquête…

JURISPRUDENCE : Quand la Cour de cassation se prononce de nouveau sur le comportement à l’origine du déséquilibre significatif [Commentaire de Muriel Chagny]

 

C’est peu dire que l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 novembre 2019 (n° 18-12.823), qui aura les honneurs du Bulletin, était attendu.

Selon sa lettre même, inchangée sur ce point par l’ordonnance du 24 avril 2019, la règle sur le déséquilibre significatif est composée de deux éléments constitutifs correspondant, pour l’un, au résultat obtenu ou recherché, sous la forme d’« un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », et pour l’autre, au comportement de l’auteur de la pratique, à savoir « le fait de soumettre ou tenter de soumettre ».

Or, la Cour d’appel de Paris, dont il est à peine besoin de rappeler qu’elle est la seule juridiction d’appel appelée à mettre en œuvre la règle du code de commerce sur le déséquilibre significatif, avait rendu, le 20 décembre 2017 (Paris Pôle 5 Ch. 4, 20 décembre 2017, RG n° 13/04879), un arrêt paraissant marquer, à tout le moins, une inflexion dans l’approche adoptée jusqu’alors quant à la démonstration de cet élément comportemental.

Aussi bien cette question était-elle au cœur du pourvoi formé à titre principal par le ministre chargé de l'économie pour faire grief à la juridiction du fond d’avoir rejeté ses demandes. Le premier moyen articulé en deux branches  reprochait à la Cour d’appel, d’une part, d’avoir inversé la charge de la preuve et, partant, violé l'article L. 442-6 III du code de commerce aux termes duquel « il appartient au défendeur qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation », d’autre part, de ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses constatations quant à la démonstration de la tentative au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce et partant, d’avoir violé cette disposition.

Le pourvoi faisait valoir, pour commencer, une répartition du fardeau probatoire quant à la démonstration de l’élément comportemental : à le suivre, lorsque celui qui invoque le bénéfice de la règle sur le déséquilibre significatif établit, d’un côté, la rédaction unilatérale d’une convention type proposée à  l'ensemble des  cocontractants et contenant au moins une clause significativement déséquilibrée et, de l’autre, une forte asymétrie dans le rapport de force sur un marché structurellement déséquilibré au bénéfice de l’auteur allégué de la pratique, il incombe à ce dernier de prouver qu’il n’a pas abusé de sa position de force et, pour ce faire, qu’il a permis à ses  cocontractants de négocier réellement les clauses litigieuses, en particulier à ceux ne disposant manifestement pas d'une puissance de négociation.

L’auteur du pourvoi reprochait ensuite à la Cour d’appel d’avoir refusé d’appréhender la simple tentative : à le suivre, celle-ci est prouvée dès lors qu’est établie la rédaction unilatérale, par le bénéficiaire d’une forte asymétrie dans le rapport de force existant sur le marché, d’un contrat type comportant au moins une clause significativement déséquilibrée proposée à l’ensemble des cocontractants potentiels, ceux qui disposaient d'une puissance théorique de négociation comme ceux qui n'en disposaient pas.

Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation reprend, pour commencer, les énonciations contenues dans l’arrêt d’appel. La juridiction Parisienne y avait affirmé que « la soumission ou la tentative de soumission […], premier élément constitutif de la pratique de déséquilibre significatif, implique de démontrer l'absence de négociation effective des clauses incriminées ».  « Si la structure d'ensemble du marché de la grande distribution peut constituer un indice de l'existence d'un rapport de force déséquilibré, se prêtant difficilement à des négociations véritables entre distributeurs et fournisseurs, ce seul élément ne peut suffire et doit être complété par d'autres indices établissant l'absence de négociation effective », avait-elle également indiqué. S’agissant des conséquences susceptibles d’être inférées de l’examen des contrats, elle avait ajouté que « l'adoption, par un nombre significatif de cocontractants, de clauses identiques qui leur sont manifestement défavorables » peut constituer un autre indice. Cependant, en l’occurrence, le ministre n’avait produit aux débats que cinq contrats comportant les clauses litigieuses et n’avait apporté aucun élément de preuve quant aux circonstances factuelles dans lesquelles ils avaient été conclus, de sorte que la preuve n’était pas rapportée que ces contrats n'avaient pas fait l'objet de négociations effectives.

 « En l'état de ces constatations et appréciations souveraines, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que les clauses litigieuses pré-rédigées par le distributeur constituaient une composante intangible des cinq contrats examinés et n'avaient pu faire l'objet d'aucune négociation effective, ce dont elle a déduit que la preuve de la soumission ou tentative de soumission n'était pas rapportée », affirme alors la Chambre commerciale.

Il incombe sans nul doute à celui qui invoque le bénéfice de la règle sur le déséquilibre significatif d’administrer la preuve du « fait de soumettre ou tenter de soumettre ». S’agissant de la démonstration à effectuer pour ce faire, on retiendra, avec la prudence qu’appelle la lecture des arrêts de la Cour de cassation, spécialement au regard de la formulation ici employée, que la Chambre commerciale ne dissocie pas, contrairement à ce à quoi l’invitait le pourvoi, la simple tentative du comportement couronné de succès. Tout en reprenant fidèlement une rédaction qui était celle d’arrêts antérieurs (v. en particulier, Cass. com. 25 janvier 2017, n° 15-23.547, Galec, relevant que « les clauses litigieuses pré-rédigées par le distributeur constituaient une composante intangible de tous les contrats examinés et n’avaient pu faire l’objet d’aucune négociation effective »), la décision du 20 novembre 2019 paraît conforter une analyse plus concrète dans la démonstration de l’élément comportemental.  

Il ne fait guère de doute que la Cour de cassation sera appelée à se prononcer de nouveau sur cette question dans un avenir proche, à la faveur de pourvois formés à l’encontre d’autres décisions de la cour d’appel de Paris ayant adopté une position similaire à celle ici validée (Paris Pôle 5 ch. 4, 16 mai 2018, n° 17/11187 ; Paris Pôle 5 ch. 4 28 février 2018, n° 16/16802).

On suivra ces prochains développements avec d’autant plus d’attention que la refonte portée par l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, si elle a élargi le domaine d’application de la règle sur le déséquilibre significatif en supprimant la référence au « partenaire commercial », a conservé l’ancienne rédaction du texte en ce qui concerne les éléments constitutifs de la pratique.

Muriel Chagny 
Président de l’AFEC 
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay)
Directeur  du master de droit de la concurrence et de droit des contrats

INFOS UE : Dans son projet de rapport concernant le rapport annuel sur la politique de concurrence de l’UE, Stéphanie Yon-Courtin invite instamment la Commission à muscler sa politique de concurrence sur les effets de la mondialisation et sur le digital

 

À la faveur de la publication de son projet de rapport rendu au nom de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen sur le rapport annuel sur la politique de concurrence de l'Union européenne, daté du 26 novembre 2019, la députée (Renaissance) Stéphanie Yon-Courtin, invite instamment la Commission à muscler sa politique de concurrence autour de deux principaux axes : en renforçant le rôle de la politique de concurrence dans la mondialisation et en adaptant les règles de concurrence à l’ère numérique.

Sur le renforcement de la politique de concurrence dans la mondialisation, Stéphanie Yon-Courtin invite la Commission à procéder à un rééquilibrage des règles en faveur des opérateurs européens en contrôlant mieux les investissements directs étrangers, en garantissant la réciprocité avec les pays tiers dans les marchés publics et en assurant une application équilibrée du contrôle des aides d’État afin d’éviter des asymétries avec les concurrents non-européens qui n’y sont pas soumis. Par ailleurs, la rapporteure recommande à la Commission d’adopter une approche plus favorable à la pomitique industrielle. Enfin, rejet de la fusion Alstom/Siemens oblige, elle lui demande de revoir la définition du marché pertinent en adoptant une vision à plus long terme englobant la dimension mondiale et la concurrence potentielle future.

Sur l’adaptation des règles de concurrence à l’ère numérique, Stéphanie Yon-Courtin invite la Commission à renforcer le contrôle des concentrations en prenant en compte les effets de pouvoir de marché et de réseau associés aux données tant personnelles que financières. À cet égard, elle propose que chaque concentration sur le marché de ces données soit soumise à un contrôle préalable, indépendamment des seuils… Par ailleurs, la rapporteure invite la Commission à renverser la charge de la preuve lors des acquisitions start-ups par des acteurs dominants. Enfin, elle invite la DG Concurrence à conclure au plus vite son enquête préliminaire sur la plainte de Spotify contre les pratiques anticoncurrentielles d’Apple.

Pour le reste, Stéphanie Yon-Courtin appelle de ses vœux une action de la Commission plus rapide, notamment en recourant à des mesures conservatoires plus souvent, voire plus répressive : elle envisage même une séparation structurelle complète entre les services de recherche généraux et spécialisés de Google si des remèdes comportementaux ciblés, efficaces et testés au préalable ne sont pas trouvés. Enfin, elle exprime le souhait que le parlement européen joue un rôle accru dans la définition et l’évolution de la politique de concurrence, à l’instar du Congrès américain, qui a même le pouvoir d’ouvrir des enquêtes…

Il s’agit là d’un projet de rapport qui doit encore être soumis pour amendements et approbation aux membres de la Commission des affaires économiques et monétaires, avant de passer en session plénière.

INFOS : L’Autorité de la concurrence formule de nouvelles recommandations sur l'installation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs à l’horizon 2022

 

Le 2 décembre 2019, l’Autorité de la concurrence a rendu publics deux avis concernant l'installation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs pour les années 2020 à 2022, deuxième étape dans l’application des dispositions de la « loi Macron » dédiées à l’ouverture de ces professions.

Il s’agit de l’avis n° 19-A-16 du 2 décembre 2019 relatif à la liberté d’installation des huissiers de justice et à une proposition de carte révisée des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices d’huissiers de justice et de l’avis n° 19-A-17 du 2 décembre 2019 relatif à la liberté d’installation des commissaires-priseurs judiciaires et à une proposition de carte révisée des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices de commissaires-priseurs judiciaires.

Ce faisant, l’Autorité soumet aux ministres de la justice et de l’économie, de nouvelles cartes afin qu’ils procèdent à la révision, après deux ans, des cartes arrêtées en décembre 2017. Ces travaux de cartographie ont été menés en parallèle pour les deux professions afin de tenir compte de leur fusion programmée d'ici 2022.

L’Autorité estime que le potentiel à l’horizon 2026 est compris entre 450 et 500 installations de nouveaux huissiers de justice libéraux et entre 25 et 30 installations de nouveaux commissaires-priseurs judiciaires libéraux. Pour atteindre cet objectif, elle recommande au Gouvernement la création d’offices supplémentaires permettant l’installation libérale de 100 nouveaux huissiers de justice dans 32 zones d’installation et 3 nouveaux commissaires-priseurs judiciaires dans 3 zones d’installation sur la période de validité de la prochaine carte (2020–2022). L’Autorité assortit sa proposition de carte de six recommandations destinées à améliorer la mise en œuvre de la réforme et garantir, partant, la liberté d’installation des HJ et des CPJ.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de l’Autorité.

Les candidatures sont ouvertes

 

Bonjour,

Depuis plusieurs années, la revue Concurrences organise avec la George Washington University Law School, les « Antitrust Writing Awards ». Les candidatures aux 2020 Antitrust Writing Awards sont à présent ouvertes. Le présent appel à candidatures concerne 4 types de publications (en anglais) :

— Meilleurs articles : articles publiés ou acceptés pour publication en 2019, dans des revues spécialisées et des magazines professionnels.
 
— Meilleurs outils de soft law (droit souple) : La plupart des outils novateurs non-contraignants publiés par les autorités de concurrence en 2019, tels que des lignes directrices, des études de marché, des livres blancs, etc.
 
— Meilleures lettres d’information : principales lettres d'information antitrust publiées par des cabinets d'avocats qui se distinguent par leur couverture, leur contenu, leur lectorat ou leur innovation

— et, nouvelle catégorie, meilleurs articles d’étudiants : articles écrits ou publiés en 2019 par un étudiant en droit ou en économie en cours de cursus.

Pour proposer un article, un outil de soft law, une lettre d’information ou un article d’étudiant, et pour lire l'intégralité des règles d'éligibilité, voir ICI.

Les articles doivent être soumis au plus tard le dimanche 22 décembre 2019.

Les lauréats seront invités à assister au dîner de gala du mardi 21 avril 2019 à Washington DC, en présence des membres du Conseil d'administration et du Comité directeur. Pour consulter la liste complète des membres du jury, cliquez .

Pour tout savoir sur le jury, les catégories de prix et les règles, consultez le site Web dédié ICI.

Bien cordialement,

Nicolas  Charbit - Ariel Salvaro
Chief Editor - Associate Law & Economics Editor
Editorial Committee Antitrust Writing Awards & Ranking 2019
awards.concurrences.com

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