La Table d'Aline, la newsletter, table 1

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Table 1
8 couverts
Baignade en eaux troubles

J'avais évidement écrit tout autre chose.
Quelque chose qui lisait le temps, qui parlait de mes errances dans la ville, qui causait quotidien et habitudes.
Cette première bouteille à la mer avait un goût de rigolade et de légèreté.
Celle-ci le sera peut-être aussi mais j'ai tenté de lui insufflé beaucoup de douceur, de folie et de délicatesse.
Parce qu'il va nous en falloir, de ce beau mélange.
Cette première lettre est salvatrice (pour moi, c'est sûr, pour toi on verra).
Ta seule obligation sera de te baigner sans fin dans la musique italienne.

Vraiment.

Pantelleria et moi, tu sais...

Un bout de temps que ça me travaillait.
Te parler de plus.
Et te parler dans une lettre, que tu recevrais par mail, que tu lirais quand tu veux, tranquillement.
Bien sûr, il y aurait encore des recettes et le principal serait autour de la nourriture, évidemment.
Mais, il y aurait aussi des livres, des films, de la musique, des belles choses vues et entendues, des conversations de table, des belles personnes en lumière..
Tu m'as donné ton plat favori comme un pacte et j'ai tellement aimé ça.
Donc, évidemment, ceci sera mon nouveau terrain de jeu et tu es mon nouveau copain.
Et si tout va bien, on jouera une fois par mois..

Andrea Lazslo de Simone

J'ai un amour.
Ou deux, mais passons.
Mais lui.
Il panse mes plaies les plus profondes.
Bien sût, j'écoute en boucle Andrea Lazslo De Simone et il me sort la tête de l'eau, tout le temps, souvent.
Moustachu, chevelu, couillu, turinois, effronté, gentil et entier.
Tout est dit, je ne sais pas parler musique, je la danse.
Ouvre grand les bras, mets le son très fort, ferme les yeux et mets Sogno l'amore en boucle.
Quand tu seras légèrement lassé et curieux du reste, passe à Immensità, puis Conchiglie, et encore Meglio, Che Cosa, puis fais ta vie, hein!
Ca cause amour, immensité, vie, mort, regarde ça aussi et jouis!
(Uomo Donna, et Immensità donc)

Je l'ai eu d'un coup, un soir d'ivresse, il a aimé

Je n'ai jamais cessé non plus d'écouter Gino Paoli et son Il Ciele in Una stanza.
Et Ivan Graziani et Lugano Addio
Et enfin, il maestro, Lucio Batisti, qui a toujours gonflé mon cœur de bonheur.
Tout.
Mais surtout ça, E pensa a te.
Tout ceci est à chanter à tue-tête, fort, très fort, à grande dose!

Lucio B., beau, si beau...

Et tant qu'on y est, L'Avventura, non?
C'est le moment de s'en enivrer.
Une île, un disparition, des amours contrés, ce parfum italien , encore..le tout filmé dans les îles éoliennes, dans ma Sicile adorée.
C'est long, c'est bon, c'est même délicieux.
C'est Monica vitti (forever), Marcello (and ever) et Antonioni (amore sensa fine)
Rien à dire, qu'à regarder et vivre!

Voilà, je t'ai envoyé du rêve italien, je vais continuer avec du très beau de chez nous.
Ici, un fil instagram me hante depuis des mois.
Une plume, active et émotionnelle, qui raconte beaucoup sur ce petit écran amour-haine.
Cha coco, c'est Charlotte Chauvin, elle dessine, elle dessine, elle dessine.
Tous ses dessins, son journal de vie ou presque sont des pépites où les joies, chagrins, frustrassions, heurs de la vie se balancent sans cesse les uns contre les autres.

C'est d'une poésie crue et bouleversante, ça va loin et pourtant ça reste léger.
Charlotte, ti amo!

Et puis, il y a Matilde...Matilde Gony.
Puisque le dessin est à nouveau rentré dans ma vie comme une évidence, je fouille, cherche et trouve encore des pépites.
Elle dessine aussi et c'est au détour d'une librairie où j'erre sans cesse qu'on se rencontre.
Ses dessins sont d'une beauté troublante.
Envoûtés/envoûtants.
J'y croise mes rêves.

Je suis aussi tombée en amour d'un magazine en ligne, Départementales Magazine.
Sur les réseaux, je suis sans cesse happée par les très belles photos d'Axel Clody et les justes mots de Fanny Broissand.
Ils ont éveillé ma curiosité et j'ai creusé.
j'ai découvert un univers complètement décalé, une pépite!
Je me suis baladée dans leur journal de bord au fil des départementales et des tables, et j'ai été émue, c'est toujours beau et bon..

Des récits courts et délicieux, de déjeuners à l'ancienne, de nappes désuètes, d’œufs aux cèpes et au foie gras avec du pain aux noix,
de pot au feu pied-noir, de quatre saisons à la Grenouillère, chez Alexandre Couillon, d'envies de reviens-y à tout va.

Mais aussi des fantasmes de recettes..

"Nous avons toujours rêvé d’interviewer Catherine Deneuve. A la place, nous avons cuisiné ses pâtes. Les pâtes aux champignons et au lard fumé qu’elle mange dans « La Vérité », de Kore Eda. Les pâtes de Catherine."
(merveille, j'ai tellement ri)

Les tagliatelles aux champignons de Catherine, donc..

Voilà, tu n'as plus qu'a glisser un œil sur leurs haïkus du confinement, un sacré vent de douceur dans ce monde de brutes.

Et télécharge leur "La Beauté du quotidien"
"14 jours pour apprécier ce qui vous entoure.
14 jours d’exercices rigolos pour s’émerveiller
Des photographies et poèmes originaux pour s’évader et s’autoriser à rêver
Un manifeste à la joie de vivre."
Je n'ai rien à ajouter.
Cours-y.

On continue à parler manger..
Si il y a bien un truc qui m'a toujours démangé, c'est de savoir comment vider un placard (en étant certaine de pouvoir le remplir à nouveau).
J'ai été hantée par un récit perdu, de Paul Auster que j’idolâtrais très jeune, soit.
Deux choses.
Un récit où le héros n'a pas un sous et où il vit avec des œufs, littéralement, il survit grâce aux œufs, sous toutes ses formes.
Un autre où, par mégarde, le héros se retrouve plusieurs jours dans une baraque isolée, avec une amie, et où il ne reste que des oignons où presque.
S'en suit un sombre récit de tarte aux oignons.
Bref, fantasma mal aisé mais là tout de même, je voudrais surtout t’aider à manger le sec de ton placard.
Une bible va t'y aider.
Avec Le Répertoire des Saveurs tu vas pouvoir ouvrir ton placard, ton frigo, ton garde manger, tes fonds de cuisine, autrement.
Si il te reste une betterave, du café et de la cardamome (j'invente), tu auras un plat.
Niki Segnit s'interroge sur ce qui fait une assiette mémorable et recueille les saveurs, ce qui fait la magie des mariages.
Elle a fait des familles: marine, sulfurée, carnée, terreuse, agrume, fruitée florale, fruitée crémeuse, boisée, épicée, verte et herbacée, saumurée et salée..
Après t'as plus qu'a découvrir par toi-même, j'suis tentée d'en dire peu mais bien pour que tu veuilles l'avoir!
S'il devait n'en rester qu'un, ce serait celui-là, il est divin.
Elle raconte beaucoup d'histoires autour des vivres, ce n'est pas un livre de recettes, c'est une bible du manger, j'te dis!

(tu peux le commander, chez Tropismes en tous cas!

Lis-moi juste ce délicieux chapitre sur la myrtille et tu auras la température.

J'inventais presque pas..regarde.

Dans ce doux mouvement culinaire, j'ai aussi très envie de te parler de mon obsession pour les ustensiles de cuisine désuets.
Je vais tenter d'en collecter un par mois pour voir.
Voir l'usage que l'on en faisait à leur origine, bref, regarder un peu vers le passé.
Un par mois, ce serait vraiment bien, si t'as des idées, viens.
Ici, parmi mes souvenirs d'enfance, il y a les frites chez ma Taty ( j'y ai passé une grande partie de mon enfance, en cuisine, dans la joie et la volupté).
Elle pelait les patates, je les glissais dans le coupe-frite orangé en plastique.
Les frites étaient divines, cuites deux fois, souvenir de midis radieux, joyeux.

Et sinon, on a le temps, non?
J'ai remarqué un engouement certain pour le pain au levain..
Enfin!
J'ai pris une journée pour, heure par heure, te conter comment on fait, comment je fais, à ma plus grande fierté, ce pain incroyable qu’est celui-ci.
Tout est à toi, fonce!!
(par contre, j’ai la chance d’avoir un levain ancestral ou presque qui me vient, encore, de ma chère Taty qui n'est plus mais qui est encore là grâce au levain, le sien.
Elle m'a toujours dit qu'il fallait le partager sinon on le tuait à petit feu.
Je t'en donne quand tu veux, viens.
Sinon, cherche sur les internets, tu peux créer le tien en quelques jours..
A toi!
4et si tu extrêmement déçu parce que tu n'as pas de levain, il y a une belle recette de pain à la levure, fraîche ou sèche, sur mon blog, il est au noix, mais tu sais hein, fais ta vie)

Il est 11h.
Pour deux pains, mélange, dans l'ordre:
-500gr de farine de blé complet ou d'épeautre (quand tu auras la main, tu pourras tenter tes mélanges de farines)
-1 bonne c à c de sel
-un peu de pavot ou de sésame si tu le sens, des graines de courges et quelques noix si tu es aventureux
-200 à 250gr de levain délayé dans 330ml d'eau tiède.
(à ce stade, renourris ton levain pour obtenir la quantité que tu avais avant de démarrer ton pain et glisse ton bocal à sa place, au frigo)

Pétris doucement, en tentant de garder une belle boule de pâte.
(ça je ne peux que te l'expliquer en vrai, ici, c'est compliqué. Sois doux, imagine un coussin à ramollir..plus tu serras délicat, plus ton pain le serra)
Tu dois toujours avoir un côté bien dodu et doux, celui que tu malaxes contre ton plan de travail, l'autre côté, celui où tu glisses ta main est plus fracturé, l'air va y rentré.
Dépose-le dans un plat, sous un linge propre, à l’abri des courant d’air, là où il fait bon.
Tu vas pétrir toutes les 30min, 5 à 6 fois, 1 min seulement.
(c'est le truc que j'ai trouvé pour dynamiser mon pain, ça fait dix ans que je le fais, fais -moi confiance, allez)
T'es chez toi de toute façon.

Dès 11h30 et à 12h, 12h30, 13h, 13h30 et 14h, tu vas reprendre ton pâton sous son linge, pour le pétrir, juste 1 minute, et le remettre à chaque fois sous ce linge, bien au chaud.
Tu vas vite remarquer qu'il ne monte pas comme monte un pain sous levure.
Ici, il va s'écarter, faire des alvéoles, se donner du temps, c'est bon signe, tout va bien.
A chaque pétrissage, la pâte est souple quand tu la sors de ton plat, elle se durcit allégrement quand tu l'as pétris, c'est parfait, tout va bien, je te le redis.

Au dernier pétrissage, à 14h, la pâte se détends plus dans ton saladier, bon signe.

Tu vas alors pétrir légèrement ton pâton et le séparer en deux.
Façonne deux jolis pains de la forme de ton choix. Chez moi, le pain est ovale, je le mets en moule, mais tu peux le laisser rond si tu le mets sur plaque, ce sera sa forme définitive en tous cas.
Tu peux aussi former quelques incisions si tu le souhaites, je ne le fais jamais mais fais-toi plaisir.
Couvre et laisse reposer bien au chaud, hors courant d'air (si il y a encore un rayon de soleil, vas-y) 2h30 à 3h idéalement.

Préchauffe ton four en chaleur tournante à 220° voir 240° si c'est un paresseux et enfourne ton pain pour 25 à 30 minutes.

Il doit ressortir dorer, le cul qui sonne creux.
Laisse-le tiédir mais offre-toi une mini-tranche après quelques minutes, c'est une tradition chez moi, une récompense en extase à chaque fois.
Car oui, c'est une merveille, tu peux imaginer.
J'aime que ce soit trop beau pour être vrai, c'est vrai.
Mets du beurre, cuits des œufs et fais ton paradis, le matin, c'est l'heure des possibles, rien ne peux t'atteindre, tu es roi/reine et j'aime ça.
La croûte est croûte, bien croustillante, le goût prononcé et salin, tout va bien.
Tu es chez toi et tu déguste ton pain.

Si tu n'as jamais tenter ça.
Cette fantaisie du pain, quel qu'il soit.
Fonce.
C'est con, mais ça remets en place.
Quelle que soit ton humeur, elle s'embellira, et tu en ressortiras plus beau, crois-moi.

Nous sommes des sauvages et plus tu fais ce que tu manges plus c'est la fête!

Je sors de cette baignade en eaux troubles avec une photo d'émotions fortes,
Lui, là, qui mange sa banane, c'est mon amoureux, mon mari, Sergio, lui qui es si calme, drôle et aimant en ces temps fracassants.
Il est entouré de Filomena, sa mère, Gianni, son frère et Cécilia, sa marraine tant aimée.
J'aime la douceur de cette photo.
Voir mon amoureux, petit, malicieux, déjà tellement lui...
Sa mère a fait de lui ce qui l'est, une femme comme les autres.
Sa marraine l'a hypnotisé de visions de rouleaux démesurés de pasta sur des tables grandes comme des maisons.

C'est surtout que je voulais terminer par ce vent italien, penser à ces gens magnifiques qui ont des frères, sœurs, tantes, oncles, là-bas, dans notre pays adoré, en Italie, où tout s'écroule.

Forza.

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La Table d'Aline · grand place 1 · Bruxelles 1000 · Belgium