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Bonjour à toi,


La semaine dernière, j'étais en Normandie pour animer des ateliers d'écriture avec des publics très variés, puisqu'au fil des jours, j'avais rendez-vous au lieu d'accueil parents-enfants, à l'école maternelle, au parking de la dune, au centre social, à l'école primaire... et à l'EHPAD (l'équivalent des EMS en Suisse). 


Pour être tout à fait transparente, l'EHPAD, ce n'est pas le plus évident pour moi. Je ne suis pas très à l'aise avec les résident·e·s, je me pose douze mille questions à la minute, je cherche un peu le sens, j'ai plein de pensées contradictoires, j'hésite longuement sur quoi leur proposer, ça me rappelle aussi pas mal de souvenirs, et j'ai l'impression que ça suinte l'ennui, de l'ennui qui colle comme une table qu'on aurait oublié de nettoyer après le goûter. Bref, même si je parviens à me dire qu'il y aura sans doute de bons moments dans l'atelier (et il y en a toujours), j'appréhende à chaque fois un peu avant d'y mettre les pieds.


Heureusement, ce sont des ateliers intergénérationnels, et je suis à chaque fois bluffée par les enfants qui viennent nous rejoindre pour écrire. Les enfants ont ce truc-là - un mélange de désinhibition et de spontanéité - qui leur permet de prendre ce qui est là et d'être beaucoup plus dans le moment présent que moi avec mes cinquante couches de réflexion. On dirait qu'ils/elles s'en fichent, de devoir répéter quatre fois de plus en plus fort pour que Gaston comprenne, et c'est avec un naturel incroyable qu'ils/elles sortent à Madeleine "j'ai rien compris à ce que tu as dit là, tu peux répéter s'il te plaît ?". Il y a aussi le moment où ils/elles froncent des sourcils en disant, "euh Gisèle, t'as pas du tout répondu à ma question, là !" parce que la résidente n'avait pas bien entendu. De mon côté, je m'arrête avant, avec une espèce de gêne que je ne m'explique pas, je me sens à la fois ridicule et intimidée, comme à une boum où personne ne t'invite à danser et où tu essaies de disparaître, encastrée dans le mur. 


J'ai proposé aux enfants de se mettre en binôme avec un·e résident·e ("avec un papy une mamie, quoi" reformulent les enfants alors que je balbutie), et après leur avoir lu un texte du poète Thomas Vinau, "Cette catégorie de type" (extrait du très beau Comme un lundi, carnet de bord assis tout au bord du temps), je leur ai demandé de se trouver des points communs.


Extrait d'une conversation autour de la table :
Thibaut (9 ans) : Monsieur Gaston, vous faisiez quoi comme travail quand vous étiez assez jeune pour travailler ?
Gaston : Je fendais le bois. 
Thibaut : (moue un peu déçue) Ah... J'ai jamais fait ça moi.
Moi : Peut-être que tu aimes bien la forêt ?
Thibaut : (haussant les épaules) Euh, bof...
Moi : Tu aimes grimper aux arbres ?
Thibaut : Ah ouais !
Moi : Demande-lui ce qu'il en pense !
Thibaut : Monsieur Gaston, vous aimiez grimper dans les arbres, vous ?
Gaston : Oh ben oui hein, quand j'étais jeune !
Thibaut : Ah trop bien, j'écris ça alors, topez-la Monsieur Gaston, on a trouvé un point commun !


Quinze minutes plus tard, ils étaient arrivés à ça :

ON APPARTIENT À CETTE CATÉGORIE DE TYPE QUI
est fort pour grimper dans les arbres
a vu la Tour Eiffel
aime bien les dominos, faire des grimaces, l'anguille et les sardines grillées, être amoureux
et a quatre frères et sœurs.

C'était chouette.


En franchissant les portes coulissantes de l'EHPAD, je me suis dit que je leur piquerais bien leur potion magique, aux enfants, pour l'appliquer à la vie en général et à l'écriture. Tu imagines ? Un philtre pour écrire sans inhibition, sans être intimidé·e ou se sentir nul·le, en se donnant juste les moyens de faire ce qu'on a envie de faire parce que ça nous fait du bien. Wahou !


À bientôt,
Amélie

Et puis quoi encore ?


- L'atelier d'écriture "Jeter des ponts", c'est déjà demain ! Je me réjouis de partager mes découvertes avec vous et de vous faire écrire autour de ce thème passionnant. Il reste quelques places si ça te chante ! (18h30-21h30, à L-Imprimerie) !

- Bientôt bientôt, c'est le festival Vibrations poétiques (23 et 24 mars à La Rochelle). J'y animerai deux ateliers sur les cris (thème général du festival : Résonances). Pendant deux jours, l'écriture y sera brodée, chantée, jouée, végétalisée, dansée, lue... Ça va être bien !

 
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qui est-ce qui écrit ?

Je m’appelle Amélie, et mon but, c’est de donner aux gens des outils pour qu’ils s’approprient la langue à leur manière.

Je fais ça principalement en animant des ateliers d’écriture créative pour toutes et tous et en enseignant le français comme langue étrangère.

Pour en savoir plus : www.ameliecharcosset.com


Photo : Nirine Arnold

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Amélie Charcosset · c/o neonomia · Rue Prévost-Martin 21 · Genève 1205 · Switzerland

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