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Appeler un chat un chat

Tout journalistes qu’ils sont, certains confrères ont apparemment du mal à nommer les choses pour ce qu’elles sont. À commencer par les LGBTphobies. Même quand la haine envers les personnes LGBTI s’affiche ouvertement, des rédactions montent au créneau pour jurer que non, pas du tout, ça n’a rien à voir avec de l’homophobie, je ne vois pas le problème. Il y a quelques jours, après avoir assisté à un match de football PSG-OM, Roxana Maracineanu, ministre des Sports, s’est indignée des chants homophobes entonnés par des supporters et a évoqué la possibilité de punir les auteurs. Interrogée par le Le Parisien, Nathalie Boy de la Tour, présidente de la Ligue de football professionnel, a, quant à elle, estimé que cette homophobie décomplexée relevait du « folklore » et de la « ferveur populaire ».

Une vision partagée par certains médias, dont So Foot qui s’insurge et parle « d’atteintes à la liberté d'expression, de bonne conscience XIXe, de condescendance anti-foot et de mépris social ». Il se trouve que So Foot est signataire de la charte de l’AJL contre l'homophobie, et s’engage a fortiori à informer sans discriminer. On a peut-être changé d’avis ?

Reprise de volée in extremis pour le site d’informations footballistiques qui, dans un deuxième article, évoque  « un grand bazar médiatique pas toujours audible » (quelle ironie du sort), et invite à mener une réflexion sur le « grand tabou de l’homosexualité dans le football ». Le souvenir de l’édito publié deux jours plus tôt et de tweets récents représentant Arsène Wenger sur le point de « se faire prendre par le Bayern », ou évoquant « les petites tarlouzes » (NDLR : même dans une citation-hommage, c’est homophobe) pleurant la mort de Louis Nicollin, alors que l’homosexualité est un grand tabou dans le football, rend effectivement le tout assez inaudible à nos oreilles.

D’autres médias ont pourtant montré qu’on pouvait parler d’homophobie dans le sport. Dans l’interview de Nathalie Boy de la Tour dont on vous parlait plus haut, le journaliste du Parisien insiste lourdement sur le terme de « folklore » pour montrer tout ce qu’il a de problématique. Pendant ce temps-là, alors que le joueur français Patrice Evra criait dans une vidéo « Paris, vous êtes des pédés ! », plusieurs rédactions, dont 20 Minutes, LCI ou La Voix du Nord, ont parlé d’homophobie sans détour. Même chose en rugby lorsque Jean-Baptiste Aldigé, président du Biarritz Olympique, porte plainte après une vidéo homophobe. Sud Ouest, France Bleu, BFMTV ou encore L’Équipe n’ont pas eu besoin de se fendre d’une tribune à la So Foot pour défendre la « liberté d’expression » de ceux qui utilisent « pédé » comme une insulte.

On aimerait bien ne plus avoir à saluer ces choix, qui devraient s’imposer naturellement aux journalistes. On vous a déjà parlé de la responsabilité des médias dans la légitimation des actes et discriminations LGBTphobes ? Car voilà : nier l’homophobie quand elle est si évidente, c’est la dédramatiser, l’encourager et l’invisibiliser. Nier l’homophobie, c’est homophobe.

Et il en va de même lorsque l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de personnalités ouvertement LGBTI est occultée. La mort du chanteur breton Yann-Fañch Kemener en est un exemple récent : dans les hommages de Ouest France, Nova, et d’autres, nulle mention du coming-out gay qu’il avait fait dans Gai Pied en 1981. La grande voix bretonne est saluée à raison pour son apport à la musique, alors qu’il a au moins autant fait pour elle que pour la communauté LGBT, comme le rappellent Têtu et Komitid. Que dirait-on si les médias communautaires passaient sous silence qu’il était une figure de la chanson bretonne?

Dans la même veine, deux journalistes de L’Obs ont dressé la liste des “10 choses à savoir sur Muriel Robin, humoriste en colère”. L’article parle des violences faites aux femmes, de l’humour sexiste ou de la sous-représentation des femmes dans l’espace public. Et rien sur son orientation sexuelle ni, surtout, sur la lesbophobie. Muriel Robin est pourtant en couple avec une femme, et elle a déjà dénoncé les commentaires et lettres lesbophobes qu’elles a reçues après son coming-out – c’est d’ailleurs pour ça qu’à l’AJL, on l’avait nommée aux OUT d’Or 2018. Passer sous silence la lesbophobie dont est victime Muriel Robin n’est pas lui faire honneur.
Plus déterminé·es que jamais, nous sommes ravi·es de vous retrouver pour cette troisième newsletter et vous souhaitons une excellente lecture !
 
xoxo, l'AJL

Revue de presse

Reportages

On vous encourage à lire

 

  • Si L’Obs ne voit pas l’intérêt de mentionner l’homosexualité de Muriel Robin, comme on vous en parlait dans l’édito, l'hebdomadaire a  néanmoins publié ce mois-ci un reportage à Marseille pour saisir l’importance des fonds d’archives LGBTQI, par et pour les communautés concernées.

  • Dans un reportage consacré aux jeunes engagés pour le climat, Usbek et Rica mentionne tout naturellement un couple lesbien, sans en faire un sujet. Une excellente façon de visibiliser les personnes LGBT+.

  • De la belle histoire d’amour qui unit Anne et Judith, respectivement âgées de 89 et 100 ans, à la violence des LGBTphobies qui frappe les pensionnaires de maison de retraite : il faut lire ce papier de M Le Magazine du Monde pour comprendre que l’homosexualité est « interdite de séjour en Ehpad ».

  • Dans un article consacré à la « génération gender-fluid », L’ADN rend hommage à une jeune génération en lutte contre les normes de genre et « qui encourage à cultiver un entre-genre profondément émancipateur ».  

  • Les parents homosexuels font face à de nombreuses discriminations, avec des conséquences très concrètes. C’est ce que raconte très justement L’Indépendant dans cet article, consacré au traitement injuste subi par deux mamans alors qu’elles accompagnaient leur enfant aux urgences.  

  • Dans une tribune pour Libération, la journaliste Laure Bretton s’insurge contre les reports répétés de l’ouverture de la PMA pour toutes, et rappelle pourquoi, pour les femmes, le temps presse.


On vous encourage à voir et à écouter

  • À voir, ce sujet de France 24 au Japon sur l’obligation pour les personnes trans de se faire stériliser pour voir leur transidentité reconnue. Une pratique dénoncée par de nombreuses organisations internationales.

  • « San Francisco était le lieu où l’on venait pour être gay », sur France culture, Vincent Buren et Nicolas Mathias signent ce bel épisode de « L’Expérience », La parenthèse enchantée, San Francisco 1975-1981

Culture

On vous encourage à lire
  • Deux articles, chez Télérama et 20 Minutes, rendent hommage aux drag queens Minima Gesté et ses acolytes, qui animent les « Bingo drag apéros » du dimanche à la Folie, à Paris.

On est déçu·es
  • Arte a invité la metteuse en scène Phia Ménard sur le plateau de 28 Minutes, et multiplié les maladresses sur le plateau : mentions répétées du deadname, nombreuses et dérangeantes questions sur sa transidentité et sa « transformation », et même une blague déplacée sur l’émasculation. Dommage.

Portraits & interviews

On vous encourage à écouter


On est déçu·es

  • Pour sa « Question du jour » du 22 mars, sur France Culture, Guillaume Erner s’est intéressé aux identity politics. Il a interrogé Laurent Dubreuil, professeur de littérature et auteur de La dictature des identités. L'entretien manque cruellement de mise en perspective du contexte militant, use et abuse d’exemples délibérément outranciers, et utilise le concept de safe space pour agiter l’épouvantail du séparatisme. Il aurait mieux valu s’abstenir, ou faire preuve d’un peu plus d’honnêteté intellectuelle.

À l’étranger

  • On vous en parlait dans notre newsletter de février : le magazine marocain Tel Quel a fait le choix courageux de mettre Dina, une jeune femme trans, en Une. En mars, le journal a de nouveau parlé d’elle, pour raconter l’agression transphobe dont elle a été victime dans un café de Tanger.

  • L’excellente initiative de Broadly qui a mis au point une banque d’images de personnes trans et non binaires, libres d’utilisation à des fins non commerciales. Plus d’excuses cher·es collègues pour ne plus illustrer tout sujet dit « généraliste » avec des personnes LGBT #representationmatters

  • France 24 (en anglais) signe un focus France complet sur les débats autour de l’accès de la PMA aux couples de lesbiennes.

  • On a retrouvé les meurtriers de Marielle Franco : deux policiers ont été arrêtés, soupçonnés d’avoir criblé de balles l’élue brésilienne, bie et noire, assassinée avec son chauffeur à Rio l’an dernier. Récit par Libération.

Nos adhérents et adhérentes ont du talent

  • Alice Coffin était présente à la conférence annuelle de l’ILGA, aka l’International Lesbien, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association, qui s’est tenue du 18 au 22 mars dernier à Wellington, en Nouvelle-Zélande. Retrouvez les temps forts de cet évènement dans les tweets pointus et précis de notre adhérente, qui vous fait vivre la conférence comme si vous y étiez.
  • Sur les réseaux sociaux, des militantes lesbiennes sont forcées d’effacer le mot « lesbienne » du nom de leur association. Une situation « aussi ridicule que stupide » que nous explique Clément Pouré pour Vice.
     
  • En Inde, où l’homosexualité a été dépénalisée en septembre dernier, le cinéma a fait son coming-out lesbien avec un film, « Ek Ladki Ko Dekha Toh Aisa Laga ». Ingrid Therwath nous en parle pour Télérama.
     
  • Ambigüité de genre, femmes émancipées et bisexualité affichée : pour i-D, Aline Mayard nous explique en quoi le punk était d’abord un mouvement queer, et comment il l’a aidée à comprendre qui elle était.
     
  • Alors que sortait le dernier film de Xavier Dolan, Ma Vie avec John F. Donovan, Franck Finance-Madureira a rencontré le réalisateur. Ils ont parlé des discriminations LGBTphobes à Hollywood, de l’importance d’avoir des modèles pour les jeunes LGBT+ et des prix queers. Un entretien à lire sur Komitid.
     
  • Comme tous les mois, l'AJL était invitée pour une chronique médias dans le podcast Gouinement Lundi. L'épisode du mois, consacré aux drag kings et au burlesque, est à retrouver juste là
     
  • Yasmina Cardoze nous raconte, toujours sur Komitid, les difficultés rencontrées par les hommes trans et les personnes non-binaires transmasculines pour se procurer de la testostérone, révélant au passage le désintérêt et l’inaction des laboratoires pharmaceutiques sur la question.
     
  • Aymeric Parthonnaud prend le temps d’un thread explicatif pour rappeler que oui, ces chants de supporters sont homophobes (ça nous fatigue, sachez-le). 
  • Pour Komitid, Clémence Allezard, nous rappelle ce que le cinéma lesbien doit à Barbara Hammer, pionnière et icône butch, dont l'invisibilisation historique et médiatique est « symptomatique » du traitement réservé aux lesbiennes.
     
  • Anne-Laure Pineau a co-animé un épisode de “Quoi de meuf ?” sur la bisexualité, trop souvent niée. C’est à écouter à cette adresse.
On vous dit au mois prochain.

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