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Hebdo n° 20/2019
27 mai 2019
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Au terme d’une lecture excessivement stricte de la communication sur la coopération de 2006, le Tribunal de l’Union rejette le recours en réduction d’une amende infligée pour la participation à l’entente du recyclage des batteries automobiles

JURISPRUDENCE UE : Le Tribunal de l’Union confirme la décision de la Commission autorisant, sous conditions, l'entreprise commune de télécommunications Vodafone/Liberty Global


JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Reprochant à la Commission d’avoir mené une analyse partielle quant à l’existence d’un avantage, le Tribunal de l'Union annule la décision constatant une aide de 18 millions d’euros illégalement octroyée au club de football du Real Madrid et incompatible avec le marché intérieur

JURISPRUDENCE : Dans l’affaire de la distribution exclusive de produits de grande consommation à Wallis-et-Futuna, la Cour d’appel de Paris prononce la caducité du recours de l’auteur de la pratique, mais admet la validité du recours de sa société mère

INFOS : Après l’affaire Brenntag, l’Autorité de la concurrence adopte sa première décision d’obstruction pour bris de scellés

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La Commission publie la décision de renvoi à l’Autorité de la concurrence de l’examen de la création de l’entreprise commune Salto par France Télévisions, M6 et TF1

INFOS : Jean-Pierre Bonthoux remplace Savinien Grignon Dumoulin comme conseiller auditeur de l'Autorité de la concurrence


ANNONCE COLLOQUE : « Demain la concurrence / New Frontiers of Antitrust 2019 », Paris —14 juin 2019 [message de Laurence Idot, Frédéric Jenny et Nicolas Petit]

ANNONCE COLLOQUE : « Séminaire Nasse — Ouverture du transport ferroviaire à la concurrence », Paris — 28 juin 2019 [message de Philippe Wen]

ANNONCE COLLOQUE : « Big Tech, Industrial Policy and Market Power: Rethinking Merger Control », Paris — 6 juin 2019 [message de Clément Pradille]

JURISPRUDENCE UE : Au terme d’une lecture excessivement stricte de la communication sur la coopération de 2006, le Tribunal de l’Union rejette le recours en réduction d’une amende infligée pour la participation à l’entente du recyclage des batteries automobiles


Le 23 mai 2019, le Tribunal de l’Union européenne a rendu un arrêt dans l’affaire T-222/17 (Recylex SA e.a. contre Commission européenne).

Le Tribunal y rejette le recours introduit par une entreprise de recyclage de plomb issu des déchets de batteries automobiles plomb-acide, active en France, en Belgique et en Allemagne — Recylex —, à la faveur duquel elle sollicitait principalement la réduction du montant de l’amende de 26 739 000 euros à elle infligée par la commission pour sa participation avec trois autres opérateurs à une entente de fixation de prix dans le secteur de l’achat de déchets de batteries automobiles plomb-acide utilisés pour la production de plomb recyclé au terme de la décision du 8 février 2017.

L’un des cartellistes a bénéficié d'une immunité totale pour avoir révélé l'existence de l'entente à la Commission, évitant ainsi une amende de 38 481 300 euros.

Deux autres cartellistes, dont la requérante, ont bénéficié d'une réduction du montant de leur amende en raison de leur coopération à l'enquête de la Commission. Toutefois, Recylex a été devancée dans la course à la clémence de second rang par Eco-Bat et n’a en conséquence obtenu une réduction d’amende que de 30 % au lieu de 50 % octroyée à Eco-Bat.

Comme l'entente se rapportait à une collusion sur les prix d'achat, la Commission a utilisé la valeur des achats (plutôt que la valeur des ventes) pour fixer le niveau des amendes. Étant donné que ces chiffres étaient vraisemblablement abaissés artificiellement en raison précisément du comportement collusoire, cet élément était susceptible de se traduire par un niveau d'amendes inférieur à l'importance économique de l'infraction. Par conséquent, afin d'éviter un effet dissuasif insuffisant, la Commission a utilisé le pouvoir d'appréciation que lui confèrent les lignes directrices pour le calcul des amendes pour augmenter de 10 % le montant de l'amende pour toutes les parties.

À l’appui de leurs conclusions en réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, les requérantes invoquaient cinq moyens, les premier, deuxième et quatrième moyens étant tirés d’erreurs dans l’application du paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006, le troisième moyen étant tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 37 des lignes directrices et le cinquième moyen tendant, expressément, à ce que le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction au vu du caractère prétendument inapproprié du montant de l’amende. À l’appui de leurs conclusions tendant à ce que le Tribunal leur octroie des délais de paiement, les requérantes invoquaient le sixième moyen.

Par le premier moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 concernant la durée de l’infraction, la requérante soutenait qu’elle avait fourni des preuves déterminantes utilisées par la Commission pour établir des éléments de fait supplémentaires qui étendent la durée de l’infraction d’un an et demi, et qu’en conséquence, ces faits n’auraient pas dû être pris en considération lors de la détermination du montant de base de l’amende, bref qu’elle aurait dû bénéficier d’une immunité pour cette période de l’infraction, comme le prévoit le paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006.

Optant pour une interprétation restrictive (pt. 85) de cette disposition de la communication sur la coopération de 2006, le Tribunal retient que le critère d’application de celle-ci repose sur l’apport par une des entreprises participant à une entente d’un élément de preuve portant sur un fait nouveau qui accroît la gravité ou la durée de l’infraction, et en excluant les cas où l’entreprise n’a fait que fournir des éléments permettant de renforcer les preuves relatives à l’existence de l’infraction (pt. 86). Par suite, si la Commission avait déjà connaissance des faits invoqués, la demande d’immunité partielle doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de comparer la valeur probante des information fournies par rapport à celle des informations précédemment fournies par d’autres parties (pt. 88). Ainsi, la disposition en cause n’exige pas que les informations déjà en possession de la Commission soient des preuves déterminantes, à savoir des preuves qui n’ont pas besoin d’être corroborées par d’autres éléments de preuve. Cette exigence s’applique aux preuves soumises à la Commission dans le but d’obtenir l’immunité partielle, mais pas aux preuves que la Commission détenait déjà. Partant, l’appréciation de la valeur probante des éléments de preuve soumis par un demandeur d’immunité partielle est requise uniquement dans les circonstances où celui-ci a fourni des informations portant sur un fait nouveau qui accroît la gravité ou la durée de l’infraction (pt. 89). Dès lors, même si la Commission est en possession d’éléments dont la valeur probante est insuffisante, l’apport d’informations donnant valeur probante aux éléments dont dispose déjà la Commission ne saurait être pris en compte pour l’attribution d’une immunité partielle, par cela seul qu’au niveau de la Commission, il ne s’agit pas d’un fait entièrement nouveau. Au cas d’espèce, la Commission avait refusé d’accorder l’immunité partielle à Recylex pour la période allant du 23 septembre 2009 au 4 avril 2011 en dépit des éléments apportés concernant la tenue de la première réunion multilatérale des cartellistes, au motif qu’elle avait déjà connaissance, avant la demande de clémence de Recylex du 23 octobre 2012, du fait qu’une réunion anticoncurrentielle s’était tenue le 23 septembre 2009 (pt. 91). En fait, constate le Tribunal, la Commission disposait de toutes les informations concernant cette réunion, à l’exception du lieu dans lequel elle s’est tenue. Jugeant qu’il n’est pas essentiel, pour déterminer la date du début d’une entente, d’avoir des informations sur l’endroit où la première réunion anticoncurrentielle a eu lieu (pt. 94), le tribunal retient que les informations fournies par Recylex n’ont fait que renforcer la capacité de la Commission à prouver ledit fait. Par conséquent, ces informations ne sauraient être considérées comme étant des éléments de preuve permettant d’établir des éléments de fait supplémentaires qui renforcent la durée de l’infraction au sens du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 (pt. 96). Dès lors, c’est sans commettre d’erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 que la Commission a refusé d’accorder l’immunité partielle à Recylex pour la période allant du 23 septembre 2009 au 4 avril 2011 (pt. 98).

Par le deuxième moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 concernant l’infraction relative à la France, la requérante affirmait encore qu’elle avait été la première à lui soumettre des preuves déterminantes concernant la partie de l’infraction relative à la France et que, dès lors, elle aurait dû bénéficier de l’immunité partielle par rapport à celle-ci. Même motif, même punition, le Tribunal retient que le fait que, dans la décision attaquée, la Commission se soit fondée sur certains des éléments de preuve que Recylex lui avait fournis pour établir l’existence de l’infraction relative à la France ne s’oppose pas au constat que, avant d’obtenir ces éléments de preuve, elle avait déjà connaissance du fait que le champ géographique de l’entente s’étendait à la France (pt. 107). Dès lors, c’est sans commettre d’erreur dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 que la Commission a refusé d’accorder l’immunité partielle à Recylex concernant la partie de l’infraction relative à la France (pt. 108).

Par son troisième moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 37 des lignes directrices concernant la majoration spécifique de 10 % dans le calcul du montant de l’amende, la requérante soutenait qu’en s’écartant de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices afin d'éviter un effet dissuasif insuffisant tenant à l’utilisation de la valeur des achats plutôt que la valeur des ventes, la Commission n’avait pas motivé à suffisance le recours à une méthodologie différente. Sur quoi, rappelant qu’en pareil cas la motivation doit être d’autant plus précise que le paragraphe 37 des lignes directrices se limite à une référence vague aux « particularités d’une affaire donnée » et laisse donc une large marge d’appréciation à la Commission pour procéder, comme en l’occurrence, à une adaptation exceptionnelle des amendes infligées (pt. 120), le Tribunal observe que la Commission a exposé à suffisance de droit et avec clarté les raisons pour lesquelles elle estimait qu’il y avait lieu d’appliquer une majoration (pts. 123-124). Au surplus, évoquant le bien-fondé des motifs avancés par la Commission, le Tribunal estime qu’en retenant que la valeur des achats, si elle constitue la valeur la plus adaptée à prendre en compte et d’ailleurs la seule disponible en l’absence de valeur des ventes, constitue un fondement imparfait pour assurer un effet dissuasif de l’amende, la Commission a , par cette évaluation de l’effet dissuasif de l’amende, à la fois à l’égard des destinataires de la décision attaquée, mais aussi de toutes les entreprises susceptibles de participer à une entente portant sur les prix d’achat, justifié, de façon adéquate, sa décision de majorer de 10 % le montant de l’amende imposée à Recylex (pt. 127).

Par son quatrième moyen, tiré d’une erreur dans l’application du paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006 concernant la coopération d’Eco-Bat, la requérante soutenait, en substance, que Eco-Bat, qui avait bénéficié d’une réduction d’amende de 50 % au titre de sa coopération à l'enquête de la Commission, n’avait pas satisfait à son devoir de coopération sous plusieurs aspects (pt. 137) et qu’au vu de la disqualification d’Eco-Bat, Recylex pouvait prétendre à la réduction maximale de 50 % dans la première fourchette du paragraphe 26, premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2006. Si la disqualification d’Eco-Bat venait à être confirmée, la revendication de Recylex ne manquait pas d’une certaine logique. Puisque, par hypothèse, Eco-Bat n’avait pas satisfait à son obligation de coopération à l’égard de la Commission, laquelle doit être véritable, totale, permanente et rapide tout au long de la procédure administrative (pt. 146), il y avait une certaine logique à considérer qu’elle ne pouvait plus prétendre avoir été la première à fournir une valeur ajoutée significative, de sorte que la second à l’avoir fait et à avoir coopéré effectivement avec la Commission était en droit de revendiquer la première place et, partant, une réduction comprise entre 30 et 50 %. C’était sans compter sur une lecture particulièrement stricte de la disposition en cause par le Tribunal. Selon lui, il ne ressort pas de la communication sur la coopération de 2006 qu’un manquement au devoir de coopération, qui entraîne pour son auteur la perte du bénéfice de la clémence de second rang (pt. 146), affecte l’ordre d’arrivée accordé aux demandes de clémence (pt. 147). Si l’on comprend bien, il s’agirait par dessus tout de préserver le prix de la course, l’ordre chronologique et la rapidité de la coopération offerte par les membres de l’entente constituant ainsi des éléments fondamentaux du système mis en place par la communication sur la coopération de 2006 (pt. 149). Il s’ensuit, selon le Tribunal, que ni le libellé de la communication sur la coopération de 2006 ni sa logique n’étayent une interprétation selon laquelle, dans le cas où deux entreprises ont fourni des éléments de preuve qui représentent une valeur ajoutée significative, celle qui les a fournis en second lieu prend la place de la première, si la coopération de celle-ci se révèle comme n’ayant pas été conforme aux exigences du paragraphe 12 de la communication sur la coopération de 2006 (pt. 150).

À dire vrai, le raisonnement du Tribunal ne convainc pas vraiment. Ainsi, on ne voit pas en quoi le fait d’admettre que, dans le cas où deux entreprises ont fourni des éléments de preuve qui représentent une valeur ajoutée significative, celle qui les a fournis en second lieu prendrait la place de la première, si la coopération de celle-ci se révèle comme n’ayant pas été conforme aux exigences du paragraphe 12 de la communication sur la coopération de 2006, pourrait mener à une situation hypothétique dans laquelle deux entreprises profiteraient des réductions visées à chacun des tirets du paragraphe 26, comme le note le Tribunal au paragraphe 151 du présent arrêt. Par suite, il ne nous semble pas qu’une telle reconnaissance contribuerait à affaiblir l’incitation, pour chaque entreprise participant à une entente anticoncurrentielle, à coopérer avec la Commission aussi rapidement que possible sans toutefois augmenter l’incitation à coopérer avec elle pleinement. Il ne nous semble pas que l’on puisse à ce point déconnecter la valeur ajoutée significative des informations fournies et l’obligation de coopération d’une part, et l’ordre chronologique et la rapidité de la coopération, d’autre part.

Par le cinquième moyen, tiré du caractère inapproprié du montant de l’amende, Recylex demandait au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende qui lui avait été infligée.

Sur quoi le Tribunal constate que, dans la mesure où les arguments invoqués par Recylex dans le cadre du cinquième moyen sont une répétition de ceux soulevés dans le cadre des quatre premiers, il y a lieu de les rejeter pour les mêmes raisons. En outre, l’examen de ces moyens ne décèle aucune raison de considérer comme inapproprié le montant de l’amende infligée à Recylex. Celle-ci a, certes, fourni des informations utiles sur le déroulement de l’entente, les contacts anticoncurrentiels qui ont eu lieu, la manière dont était organisée l’entente et les activités anticoncurrentielles sur le marché français. Toutefois, le degré de coopération fourni par Recylex a été pleinement reconnu par l’octroi de la réduction maximale dans la deuxième fourchette du paragraphe 26, premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 (pt. 163).

Pour le reste, le tribunal écarte pour les mêmes raisons le sixième moyen par lequel la requérante sollicitait l’octroi de délais de paiement de l’amende.

JURISPRUDENCE UE : Le Tribunal de l’Union confirme la décision de la Commission autorisant, sous conditions, l'entreprise commune de télécommunications Vodafone/Liberty Global

 

Le 23 mai 2019, le Tribunal de l’Union a également rendu un arrêt dans l’affaire T-370/17 (KPN BV contre Commission européenne).

Là encore, le Tribunal conclut au rejet du recours introduit.

Au cas d’espèce, la requérante — KPN BV — opérateur de réseaux câblés pour des services de télévision, d’Internet haut débit, de téléphonie fixe et de télécommunications mobiles aux Pays-Bas, demandait l’annulation de la décision de la Commission du 3 août 2016 déclarant compatible avec le marché intérieur, sous conditions, l’opération de concentration visant à l’acquisition par Vodafone Group et Liberty Global Europe Holding du contrôle conjoint d’une entreprise commune de plein exercice nouvellement créée.

Selon la décision attaquée, l’opération envisagée combinerait les activités des parties notifiantes aux Pays-Bas. Il ressort de ladite décision que la Commission a considéré que l’opération envisagée donnerait lieu à certains chevauchements horizontaux et relations verticales entre les activités des parties sur un certain nombre de marchés au long de la chaîne de distribution de contenu télévisuel et de la fourniture de services de télécommunication (téléphonie fixe et mobile et Internet haut débit) aux Pays-Bas.

Examinant les effets horizontaux de la concentration sur la concurrence, la Commission a considéré que l’opération envisagée soulevait des doutes sérieux sur les éventuels marchés des paquets de services fixes et de services fixes-mobiles « multiple play », en particulier en raison de l’élimination de Vodafone, un concurrent important sur ces marchés concentrés. Sur ce point, les parties notifiantes se sont engagées à céder les activités fixes de Vodafone aux Pays-Bas afin de répliquer la pression concurrentielle exercée par celles-ci sur les éventuels marchés des paquets de services fixes et fixes-mobiles « multiple play ».

En revanche, analysant les effets verticaux de l’opération, la Commission a conclu qu’une stratégie de verrouillage des intrants ayant des effets négatifs significatifs sur la concurrence était improbable.

Au soutien de son recours, la requérante, focalisant celui-ci sur la concurrence qui s’exerce sur les contenus télévisuels sportifs, soulevait trois moyens tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la définition du marché en cause, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux de la concentration concernant le marché de la fourniture et l’acquisition en gros des chaînes de télévision sportives premium payantes ainsi que le marché en aval pour la fourniture au détail de paquets de services fixes-mobiles « multiple play » et, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation.

Par son premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la définition du marché en cause, la requérante critiquait en substance l’absence de segmentation du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes. Selon elle, les chaînes Ziggo Sport Totaal, appartenant à l’entité issue de la concentration, et Fox Sports ne sont pas substituables en raison de l’absence de substituabilité du contenu sportif qu’elles diffusent et, dès lors, devraient être regardées comme constituant des marchés distincts. En réalité, chacune de ces chaînes constituerait en elle-même un marché distinct (pt. 65). Selon la requérante, certains contenus sportifs premium doivent être considérés comme indispensables pour les fournisseurs de services de télévision (pt. 43).

Sur quoi, le Tribunal, rappelant que la définition du marché en cause, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint de la part du juge de l’Union (pt. 59), estime que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission n’a pas segmenté davantage, dans la décision attaquée, le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes, compte tenu de la substituabilité des chaînes, notamment Ziggo Sport Totaal et Fox Sports, du côté de la demande, à savoir du point de vue des fournisseurs au détail de services de télévision (pt. 71). Ce qui est décisif est la substituabilité de ces chaînes du côté de la demande dans ce marché, composé par les fournisseurs au détail de services de télévision (pt. 74) et non du point de vue du consommateur final. Pour le Tribunal, le marché en cause est éventuellement celui de la fourniture au détail de services de télévision payante et non celui de la fourniture au détail de services de télévision payante de contenus sportifs et encore moins celui de la fourniture de services de télévision payante de contenus footballistiques. En effet, les contenus sportifs diffusés par des chaînes comme Ziggo Sport Totaal et Fox Sports font partie d’une offre globale de services de télévision proposés aux consommateurs finaux comportant divers éléments, dont le contenu sportif n’est qu’un composant, même s’il peut être important afin d’attirer des clients. Dès lors, du point de vue du consommateur final moyen de services de télévision en général, il n’y a pas d’indication qu’une offre globale de services de télévision incorporant la chaîne Ziggo Sport Totaal ne soit pas comparable à une offre globale de services de télévision incorporant la chaîne Fox Sports, malgré le fait que le contenu sportif de ces deux chaînes ne soit pas identique (pt. 75).

Par son deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux, la requérante soutenait que la décision attaquée était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les effets verticaux de la concentration, en particulier l’effet de verrouillage des intrants sur le marché de la fourniture et l’acquisition en gros des chaînes de télévision sportives premium payantes. Elle reprochait notamment à la Commission d’avoir examiné les effets de verrouillage des intrants liés à Ziggo Sport Totaal uniquement en ce qui concerne les réseaux mobiles, alors que l’entité issue de la concentration aurait été capable, selon elle d’offrir l’accès à Ziggo Sport Totaal à travers des paquets de services fixes-mobiles « multiple play ».

À cet égard, le Tribunal répond que la Commission a concentré son analyse sur les changements produits par la concentration. Or, le seul changement spécifique résultant de la concentration était l’addition du réseau mobile et de la clientèle essentiellement mobile de Vodafone. Partant, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission pouvait limiter son analyse, comme elle l’a fait, au risque de verrouillage de l’accès à la chaîne Ziggo Sport Totaal ayant des effets sur les marchés ayant un composant mobile, en particulier le marché de la fourniture au détail de paquets de services fixes-mobiles « multiple play » (pt. 116).

Quant aux risques tenant au verrouillage des intrants sur le marché de la fourniture et l’acquisition en gros des chaînes de télévision sportives premium payantes, le Tribunal commence par rappeler que la Commission est tenue d’examiner, premièrement, si l’entité issue de la concentration aurait, à l’issue de l’opération de concentration, la capacité de verrouiller l’accès aux intrants de manière significative, deuxièmement, si elle aurait intérêt à le faire et, troisièmement, si une stratégie de verrouillage du marché aurait une incidence négative sur la concurrence en aval et que ces trois conditions sont cumulatives (pts. 118-119). Or, estime le Tribunal, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu dans la décision attaquée que l’entité issue de la concentration n’aurait pas la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage des intrants concernant notamment Ziggo Sport Totaal sur le marché de la fourniture de paquets de services fixes-mobiles « multiple play » (pt. 122). De fait, la société verticalement intégrée issue de l’opération de concentration doit avoir un pouvoir substantiel sur le marché situé en amont, à savoir le marché de la fourniture en gros de chaînes de télévision sportives premium payantes en l’espèce. À cet égard, note le Tribunal, l’entité issue de la concentration avait une part de marché inférieure à 10 % dans l’éventuel marché de la fourniture et l’acquisition en gros de chaînes sportives premium payantes, qui était la segmentation du marché envisagée la plus étroite. De plus, Ziggo Sport Totaal comptait significativement moins d’abonnés que Fox Sports, en dépit des prix plus élevés pratiqués par cette dernière. Par ailleurs, Ziggo Sport Totaal comptait moins de 5 % du total d’abonnés à la télévision payante aux Pays-Bas. De surcroît, la consommation de contenus audiovisuels sur des appareils mobiles représentait moins de 3 % de la consommation totale de produits télévisuels, et seulement 12 % des consommateurs qui utilisent un appareil mobile pour accéder à du contenu audiovisuel regardent la télévision en direct et notamment les événements sportifs (pt. 121).

Par son troisième moyen, la requérante soutenait que la Commission avait violé l’obligation de motivation en ce qui concernait la définition du marché en cause et l’absence de risque de verrouillage des intrants à l’égard des concurrents sur le marché des paquets de services fixes-mobiles « multiple play ».

Sur quoi le Tribunal, constatant que les arguments avancés peuvent être compris en réalité comme une contestation de l’appréciation quant au fond réalisée par la Commission dans la décision attaquée, rejette le troisième moyen en renvoyant aux raisons exposées dans le cadre de l’analyse des premier et deuxième moyens.

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Reprochant à la Commission d’avoir mené une analyse partielle quant à l’existence d’un avantage, le Tribunal de l'Union annule la décision constatant une aide de 18 millions d’euros illégalement octroyée au club de football du Real Madrid et incompatible avec le marché intérieur

 

Le 22 mai 2019, le Tribunal de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire T-791/16 (Real Madrid Club de Fútbol contre Commission européenne).

Il y annule la décision de la Commission du 4 juillet 2016 qui avait constaté l’existence d’une aide d’État de 18 millions d’euros illégalement octroyée au club de football du Real Madrid et incompatible avec le marché intérieur.

Au terme du présent arrêt, le Tribunal estime que la Commission, en s’abstenant de procéder à une analyse complète de tous les éléments pertinents, aux fins de démontrer non seulement la question de l’évaluation du montant de l’aide, mais aussi et surtout celle de l’existence même d’un avantage découlant de la mesure en cause considérée dans tous ses éléments, n’a donc pas suffisamment démontré que cette dernière conférait un avantage au requérant, de sorte qu’au moins une des conditions cumulatives requises par l’article 107, § 1, TFUE n’était pas remplie, et, partant, que la Commission ne pouvait pas qualifier la mesure en cause d’aide d’État (pt. 128).

Dans cette affaire, le Real Madrid Club de Fútbol et la municipalité de Madrid ont, dans la perspective de la rénovation du stade Santiago Bernabéu à Madrid, conclu en 1998 une convention visant l’échange de plusieurs terrains. L’un des terrains — la parcelle B-32 —, objet de la transaction, s’est finalement avéré indisponible. En 2011, la municipalité de Madrid a décidé d’indemniser le Real Madrid, en lui versant un montant correspondant à la valeur de ladite parcelle en 2011, à une valeur de 22 693 054,44 euros, estimée par ses services techniques. Les parties sont alors convenues que l’indemnité serait réglée en remplaçant la cession de cette parcelle par la cession d’autres parcelles au requérant. Ces dernières parcelles ont été identifiées comme une propriété de 3 600 m2, divers terrains d’une superficie totale de 7 966 m2 et une zone de 3 035 m2 dont la valeur totale a été estimée à 19 972 348,96 euros. Les parties sont aussi convenues de compenser leurs dettes mutuelles. Le résultat a été un crédit net restant de 8,04 euros en faveur du requérant, dû par la même municipalité.

Dans la décision attaquée, la Commission avait considéré qu’un opérateur en économie de marché, dans des circonstances similaires à celles dans lesquelles se trouvait la municipalité de Madrid, n’aurait pas signé l’accord transactionnel de 2011. Elle a estimé en premier lieu que, au vu des incertitudes juridiques existantes en 2011 concernant la question de savoir si ladite municipalité avait la responsabilité d’indemniser le requérant pour n’avoir pas pu lui céder la parcelle B‑32 en vertu de la convention d’exécution de 1998, un opérateur en économie de marché se trouvant dans la même situation aurait commandé une expertise juridique avant de signer ledit accord, afin d’établir la probabilité qu’il soit effectivement tenu responsable d’un tel manquement. Or, a-t-elle retenu, la municipalité n’avait pas procédé à une telle expertise. En second lieu, elle a considéré qu’un opérateur en économie de marché se trouvant dans une situation similaire à celle de la même municipalité n’aurait pas accepté de payer au requérant une indemnisation de 22 693 054,44 euros en vertu d’un tel accord, puisque ce montant excèderait largement son niveau maximal de responsabilité juridique découlant du non-respect de l’obligation de céder ladite parcelle, qu’elle a estimé, au vu de plusieurs rapports d’expertise, à 4 275 000 euros.

Le Real Madrid a alors introduit un recours devant le Tribunal aux termes duquel il contestait les motifs retenus par la Commission pour conclure que la responsabilité de la municipalité de Madrid pour le non-transfert de la parcelle B‑32 a été à tort retenue, compte tenu notamment de la non-production d’une expertise externe établissant cette responsabilité. Par ailleurs, le requérant contestait l’existence de l’aide d’État et l’évaluation de son montant.

À cet égard, le Tribunal fait droit au troisième moyen du requérant tiré de la violation par la Commission de son obligation de motivation. À cet égard, le Real Madrid faisait valoir que la Commission s’était focalisée de manière sélective et isolée sur une partie de la transaction, à savoir la reconnaissance de dette découlant du non-transfert de la parcelle B‑32, alors qu’elle aurait dû prendre en considération l’ensemble de la transaction pour rechercher l’existence d’un avantage.

Sur quoi le Tribunal commence par rappeler que, afin d’apprécier si l’avantage aurait pu être obtenu dans des conditions normales de marché, la Commission est tenue de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte (pt. 116). Il observe à ce stade que selon l’accord transactionnel de 2011, les parties étaient convenues que l’indemnité serait réglée en remplaçant la cession de la parcelle B‑32 par la cession d’autres parcelles au requérant par la municipalité de Madrid ainsi que par la compensation de leurs dettes mutuelles et que le résultat avait été un crédit net restant de 8,04 euros en faveur du requérant, dû par ladite municipalité. De sorte que l’accord transactionnel de 2011 ne portait pas uniquement sur la reconnaissance de dette découlant du non-transfert de la parcelle B‑32, mais il visait à indemniser le requérant de ce non-transfert en lui transférant d’autres parcelles et en compensant des dettes mutuelles (pts. 120-121). Or, relève le Tribunal, il est constant que les parcelles cédées, au lieu de la parcelle B‑32, n’ont pas fait l’objet d’une évaluation par la Commission, laquelle s’est contentée de reprendre les valeurs retenues dans l’accord transactionnel de 2011. Ainsi, conclut le Tribunal, en examinant uniquement la valeur de la parcelle B-32, la Commission n’a pas pris en considération tous les éléments de l’opération litigieuse et de son contexte. Elle n’a donc pas pu, contrairement à ce qu’elle était tenue de faire, procéder à une analyse complète de tous les éléments pertinents, aux fins de démontrer non seulement la question de l’évaluation du montant de l’aide, mais aussi et surtout celle de l’existence même d’un avantage découlant de la mesure en cause considérée dans tous ses éléments (pt. 125).

Pour le reste, le Tribunal avait au préalable écarté les autres griefs formulés par le requérant.

S’agissant en premier lieu de la responsabilité de la municipalité tenant à l’indisponibilité juridique de la parcelle B-32, le Tribunal a d’abord cherché à déterminer si l’accord transactionnel de 2011 avait conféré un avantage économique au requérant, dans le cadre de l’application du principe de l’opérateur en économie de marché. À  cet égard, il estime que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant qu’un opérateur prudent en économie de marché conforté à une situation telle que celle en l’espèce aurait demandé une expertise juridique avant de signer l’accord transactionnel de 2011 et d’accepter la pleine responsabilité juridique de l’impossibilité de céder la parcelle B‑32 en vertu de la convention d’exécution de 1998 (pt. 58). Or, au cas d’espèce, il apparaît qu’aucune analyse juridique sur la responsabilité de cette municipalité concernant le non-transfert de la parcelle B‑32 n’a été communiquée à la Commission pendant la procédure (pt. 54). Dans la mesure où ni le Royaume d’Espagne ni la municipalité de Madrid ni le requérant n’ont fait parvenir à la Commission une telle analyse juridique, le Tribunal estime qu’il n’appartenait pas à cette dernière d’effectuer elle-même cette analyse et de procéder à une appréciation globale prenant en compte, outre les éléments fournis, tout autre élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si la mesure en cause ressortirait à la qualité d’opérateur en économie de marché ou à celle de puissance publique du Royaume d’Espagne. La Commission ne saurait supporter la charge de la preuve tendant à démontrer que ladite municipalité n’avait pas l’obligation de réparer le préjudice causé par l’inexécution de ses obligations contractuelles et à déterminer le niveau maximal de responsabilité de la même municipalité (pt. 70). Le grief du requérant se trouve donc rejeté.

S’agissant en second lieu de l’évaluation du montant de l’avantage et, notamment, de la valeur de la parcelle B‑32 telle qu’arrêtée par la Commission, le Tribunal estime que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant le scénario du rapport du cabinet d’expertise immobilière qu’elle a commandé le plus proche des circonstances de l’espèce (pt. 105), et écarté les autres scénarios en ce qu’ils ne se basent pas sur l’hypothèse d’une estimation d’un droit de superficie d’une parcelle faisant partie du domaine public, mais sur la valeur d’un bien pouvant être vendu en pleine propriété (pt. 106). Ce dernier grief se trouve ainsi également rejeté.

JURISPRUDENCE : Dans l’affaire de la distribution exclusive de produits de grande consommation à Wallis-et-Futuna, la Cour d’appel de Paris prononce la caducité du recours de l’auteur de la pratique, mais admet la validité du recours de sa société mère

 

À la faveur d'un arrêt rendu le 16 mai 2019, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris a prononcé la caducité d'un recours (General Import), la validité d'un autre (ADLP Holding) et rouvert les débats à la suite des recours formés contre la décision n° 18-D-21 du 8 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits de grande consommation sur les îles du territoire de Wallis-et-Futuna.

À la suite de la condamnation solidaire à une amende de 250 000 euros des sociétés General Import, en tant qu’auteur, et ADLP Holding, en qualité de société mère, pour avoir enfreint les dispositions de l’article L. 420-2-1 du code de commerce en bénéficiant de droits exclusifs d’importation sur le territoire de Wallis-et-Futuna pour l’importation des produits SunRice, Heinz, Campbell Arnott’s, Chelsea et Anchor, les sociétés mises en cause ont l’une et l’autre formé le 16 novembre 2018 un recours en réformation contre la décision de l’Autorité devant la Cour d’appel de Paris. Les requérantes ont par ailleurs déposé l’exposé des moyens de leur recours au greffe de la cour d’appel le 21 décembre 2018. Copie de ce mémoire a été adressée à la société Sodiwal, à l’Autorité et au ministre chargé de l’économie, par lettres recommandées avec avis de réception en date du 30 janvier 2019, soit plus d’un mois après le dépôt du mémoire à l’appui de la déclaration de recours effectuée au greffe de la cour d’appel le 16 novembre 2018.

Le 1er février 2019, le greffe de la Cour d’appel a transmis aux requérantes un avis de caducité rappelant qu’en application de l’article R. 464-15 du code de commerce, les requérants disposaient d’un délai de 5 jours à compter du dépôt du mémoire à l’appui de leur déclaration de recours effectuée au greffe de la cour d’appel le 16 novembre 2018.

En réponse les requérantes faisaient valoir que, adressée à leurs avocats et non aux sociétés General Import et ADLP Holding, cette notification a été faite en violation des dispositions de l’article 677 du code de procédure civile, 53 du règlement intérieur de l’Autorité de la concurrence et L. 464-8 du code de commerce, dont il ressort que les décisions de l’Autorité doivent être notifiées aux parties elles-mêmes, sans que l’élection de domicile permette de déroger à cette règle.

Sur quoi, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris, relevant que la décision attaquée a été notifiée aux sociétés General Import et ADLP Holding par l’Autorité par lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 octobre 2018 adressée auxdits avocats, valide, en application de l’article 25 du règlement intérieur de l’Autorité, la notification d’une décision de l’Autorité faite au cabinet d’avocat où l’entreprise sanctionnée par cette décision a élu domicile, estimant que cela satisfait à l’exigence de notification « aux parties en cause » figurant à l’article L. 464-8 du code de commerce, article dont il doit être souligné qu’il n’exige pas une notification aux parties elles-mêmes (pt. 24).

Ce faisant, la Cour, relevant que la société General Import a fait élection de domicile à ce cabinet d’avocats, estime que c’est donc à juste titre que l’Autorité a notifié la décision attaquée à la société General Import en adressant cette décision, par lettre recommandée avec avis de réception, au cabinet d’avocats Wilhelm & Associés (pts. 28-29). Par suite, la cour déclare caduc le recours de la société General Import.

En revanche, observant à propos de la société ADLP Holding, que cette dernière n’avait pas donné au même cabinet d’avocats Wilhelm & Associés mandat de la représenter, la Cour de Paris en déduit que la décision attaquée n’a pas été valablement notifiée à la société ADLP Holding. En conséquence, le délai prévu à l’article R. 464-15 du code de commerce n’a pu commencer à courir à son égard, de sorte que le recours qu’elle a formé n’est pas caduc (pt. 37).

INFOS : Après l’affaire Brenntag, l’Autorité de la concurrence adopte sa première décision d’obstruction pour bris de scellés

 

Le 22 mai 2019, l’Autorité de la concurrence a adopté la décision n° 19-D-09 à la faveur de laquelle elle sanctionne pour la première fois des pratiques d’obstruction tenant à des bris de scellés et à l'altération du fonctionnement d'une messagerie lors d’opérations de visites et saisies (OVS).

Les faits de l’espèce sont assez simples. Le 8 novembre 2018, l'Autorité de la concurrence a procédé à des OVS dans les secteurs de l'ingénierie et du conseil en technologies, des services informatiques et de l'édition de logiciels. Dans les locaux d’une des entreprises visitées, les services d’instruction ont d’abord constaté que les scellés qu’ils avaient apposés sur la porte d’un bureau — scellés particulièrement bien signalisés (pt. 28) —, avaient été brisés sur le site de Boulogne-Billancourt, tandis que, sur le site de Mérignac, ils relevaient que la réception de courriels sur la messagerie d’un salarié du groupe avait été altérée. À cet égard, il semble qu’un salarié qui n’était pas personnellement visé par les recherches des agents présents sur le site et qui, par conséquent, avait été autorisé à conserver et à utiliser son ordinateur durant les opérations, ait supprimé plusieurs courriels, dont deux après avoir retiré son supérieur hiérarchique, qui, lui, était visé par les OVS, de la chaîne active des destinataires au moment de l’opération afin de ne pas attirer l’attention des agents de l’Autorité sur ces messages. Mais que l’on se rassure, les messages ont pu être récupérés par les agents présents sur le site de Mérignac depuis le téléphone mobile du salarié, à la suite des indications de ce dernier, avant que la synchronisation entre son ordinateur, sur lequel lesdits messages avaient été supprimés, et son téléphone ait lieu.

Au cours de la procédure pour obstruction, l’entreprise a principalement fait valoir que le texte de l’article L. 464-2-V, second alinéa du code de commerce ne mentionne ni le bris de scellé, ni le refus de se soumettre à une inspection parmi les pratiques susceptibles de relever de l’obstruction, ni n’évoque le cas d’une simple négligence et qu’à défaut, le principe d’autonomie procédurale ne permettrait pas d’invoquer la pratique décisionnelle de la Commission européenne (pt. 42). Ce faisant, en appliquant cette disposition du code de commerce aux faits de l’espèce, l’Autorité violerait les principes de légalité des délits et des peines et de prévisibilité de la loi (pt. 43). Plus encore, l’Autorité s’arrogerait là les pouvoirs de poursuite dévolus à l’autorité judiciaire, le droit français prévoyant déjà un arsenal de sanctions suffisamment dissuasives à la disposition du juge pénal pour sanctionner les incidents de procédure tels que ceux visés en l’espèce (pt. 44). Poursuivant sur sa lancée, l’entreprise, arguant  du fait que l’on se trouvait là sur le terrain d’une infraction de procédure et non sur le fond des pratiques, opposait le principe de responsabilité personnelle des salariés, auteurs de ces pratiques d’obstruction, par suite inopposable à l’entreprise, en l’absence d’une stratégie d’obstruction conduite par celle-ci.

Bien évidemment, l’Autorité écarte un à un les arguments.

Nul doute, pour le cas où un recours devait être introduit, que ces arguments seront au cœur des débats, avec probablement à la clé une demande de transmission d’une QPC au Conseil constitutionnel…

Quoi qu’il en soit, l’entreprise écope d’une amende de 900 000 €.

L’Autorité a tenu compte de la nature particulièrement grave de l’infraction d’obstruction, du fait que deux incidents ont été relevés au cours de l’opération, de la taille de l’entreprise, de la nécessité d’assurer un effet suffisamment dissuasif à la sanction afin d’éviter qu’une entreprise puisse trouver avantage à se livrer à un comportement d’obstruction pour faire échec à une OVS et des circonstances de l’espèce.

Pour autant, et au regard de la sanction encourue — 13,34 millions d’euros au cas d’espèce, l’amende infligée peut sembler, sinon légère, du moins modérée. Cette relative modération s’explique sans doute par le fait qu’à la faveur de cette affaire, l’Autorité sanctionne pour la première fois une obstruction tenant à des bris de scellés et à l'altération du fonctionnement d'une messagerie. Mais cela pourrait également s’expliquer par le fait que la pratique d’altération du fonctionnement d'une messagerie n’a visiblement eu aucun effet, et qu’en tout état de cause, elle n’aurait pu avoir pour effet de supprimer des messages figurant déjà dans la messagerie qui faisait l’objet de la fouille par les agents de l’Autorité.

L’amende de 900 000 € est infligée solidairement à l’ensemble des sociétés du groupe, expressément visées par l’ordonnance du JLD autorisant les OVS, y compris à la société mère, qui détient 100 % du capital de ces filiales et qui n’a apporté aucun élément de nature à renverser la présomption d’imputabilité, de sorte que lui a été également imputée la pratique d’obstruction mise en œuvre par ses filiales en raison de sa qualité de société mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de ses filiales.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La Commission publie la décision de renvoi à l’Autorité de la concurrence de l’examen de la création de l’entreprise commune Salto par France Télévisions, M6 et TF1

 

Le 20 mai 2019, la Commission européenne a rendu publique la décision adoptée le 18 mars 2019 à la faveur de laquelle elle a décidé de renvoyer à l’Autorité de la concurrence l’examen dans sa totalité, à la demande des parties à la concentrations, de l'opération consistant en la création d’une entreprise commune — Salto — par France Télévisions, M6 et TF1, laquelle a vocation à proposer les chaînes de la TNT en clair (flux en direct et télévision de rattrapage) ainsi qu'une offre de services de vidéos à la demande par abonnement (« SVOD »).

Aux termes de la présente décision, la Commission parvient à la conclusion que l’opération risque d'affecter d'une manière significative la concurrence sur certains marchés du secteur de l’audiovisuel en France, constatation nécessaire pour qu’il puisse y avoir renvoi sur le fondement de l’article 4, § 4, du règlement européen sur les concentrations. Par ailleurs, elle considère que les marchés pour lesquels il existe des éléments indiquant un risque que la concurrence soit affectée de manière significative par l’opération sont limités à la France et présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts. Il importe en effet, pour qu’il puisse y avoir renvoi que le ou les marchés en cause soient situés à l'intérieur d'un État membre et présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de l’Autorité du 25 mars 2019.

INFOS : Jean-Pierre Bonthoux remplace Savinien Grignon Dumoulin comme conseiller auditeur de l'Autorité de la concurrence

 

Jean-Pierre Bonthoux, magistrat, a été nommé conseiller auditeur de l'Autorité de la concurrence par arrêté du ministre de l'économie du 17 mai 2019, publié au Journal Officiel le 22 mai 2019.

Il succède à Savinien Grignon Dumoulin, qui a été nommé membre du collège de l'Autorité de la concurrence en mars dernier.

Jean-Pierre Bonthoux connaît déjà la maison. Il a été rapporteur permanent du Conseil de la concurrence de 1993 à 1996.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 

Bonjour, 
 
Nous avons le plaisir de vous inviter à la 10ème édition de la conférence « Demain la concurrence » qui se tiendra au Ministère de l'Économie, vendredi 14 juin 2019 à partir de 8.30. 

Pour ce 10ème anniversaire, les quatre thèmes ci-dessous seront abordés :

— Au-delà d’Alstom-Siemens : Les objectifs du droit de la concurrence doivent-ils être revus ?

— Autorités de concurrence : Quel contrôle juridictionnel ?

— Pratiques commerciales déloyales et grande distribution : La directive peut-elle changer les comportements ?

— Données commerciales et données personnelles : Faut-il vraiment partager l’accès ?
 
Parmi les intervenants figurent notamment : Virginie Beaumeunier, Paul Csiszar, Daniel Fasquelle, Ian Forrester, Cecilio Madero, Thomas Kramler, Isabelle de Silva…

Le programme complet ainsi que la liste complète des intervenants sont disponibles sur le site dédié.

Pour toute question, merci de contacter par E-MAIL.

Bien cordialement,

Frédéric Jenny
OCDE - ESSEC

Laurence Idot
Université Paris II - Panthéon-Assas

Nicolas Petit
Université de Liège

Séminaire Nasse

Ouverture du transport ferroviaire à la concurrence

Paris — 28 juin 2019

 

Bonjour,

Le séminaire Philippe Nasse est co-organisé par la Direction générale du Trésor et l’Autorité de la concurrence. Il vise à confronter les regards des économistes et des juristes sur des problématiques ayant trait à la politique de concurrence. Il se réunit se réunit trois fois par an.
 
Le prochain séminaire Nasse sera consacré à l'ouverture du transport ferroviaire à la concurrence.
 
Afin d’apporter leur expertise sur ces questions, interviendront :

Marc Ivaldi, directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, chercheur à l’École d’économie de Toulouse (TSE), consultant auprès de NERA Economic Consulting ;

Adrien Giraud, avocat associé au cabinet Latham & Watkins (LW) - Antitrust & Competition Practice, expert non-gouvernemental au sein de l’ICN.

Le débat sera animé par Umberto Berkani, rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence.
 
Cette séance du séminaire Nasse se tiendra le vendredi 28 juin 2019 de 10:00 à 12:30
au Ministère de l’Économie et des Finances, au centre de conférences Pierre Mendès France (Paris 12e).
 
Plus d’informations et inscriptions en ligne ICI.
 
Bien cordialement,

Philippe Wen
Adjoint au chef du bureau Activités tertiaires et concurrence
POLSEC2 — Direction du Trésor

Big Tech, Industrial Policy and Market Power: Rethinking Merger Control

Paris — 6 juin 2019

 

Bonjour,

L’OCDE et l’association Antitrustitalia organisent une conférence sur la politique en matière de concentrations : « Big Tech, Industrial Policy and Market Power: Rethinking Merger Control ».

L'événement gratuit, aura lieu le jeudi 6 juin 2019 de 18h30 à 20h, au Centre de conférences de l'OCDE, 2 Rue André Pascal, 75016 Paris, dans le cadre de la Semaine de la concurrence de l'OCDE.
 
Cet évènement concerne le futur du contrôle des concentrations et vise à déterminer si ses objectifs et ses outils sont adaptés à l'ère de la « Big Tech » et des marchés mondialisés.

Quatre experts discuteront de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence en Europe ; à savoir, si elles sont trop laxistes, en autorisant des concentrations « excessives », ou trop agressives, en empêchant l'émergence de « champions européens ».
 
Les quatre intervenants sont :

— Pablo Ibáñez Colomo, Professeur de droit, London School of Economics ;

— Michele Piergiovanni, chef de l'unité C.5 (fusions - informatique, télécommunications et médias), DG COMP, Commission européenne ;

— Maria Luisa Stasi, Senior Legal Officer, ARTICLE 19 - une organisation britannique de défense et promotion de la liberté d'expression et d'information ;

— Lars Kjølbye, associé, Latham & Watkins, Bruxelles.

L'événement sera animé par Antonio Capobianco, chef par intérim de la Division de la concurrence de l'OCDE.
 
Le programme de la manifestation et les modalités d'inscription sont disponibles ICI.

Bien cordialement,
 
Clément Pradille
Avocat à la Cour, Paris

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