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Time To Philo passe le bac 

Lundi 17 juin, la grand-messe du baccalauréat s’ouvrait avec l’épreuve de philosophie. Parmi les différents sujet soumis à la sagacité des bacheliers en puissance, l’une des questions posées portait sur la culture : « la pluralité des cultures fait-elle obstacle à l’unité du genre humain ? »
 
En 1952, Claude Lévi-Strauss contribue avec Race et histoire à une entreprise de lutte contre le racisme, à l’initiative de l’Unesco. Quoi de plus contraire à l’unité du genre humain que le racisme ? Réfutant sa pertinence scientifique, Lévi-Strauss souligne toutefois que le racisme naît d’une difficulté à interpréter l’extrême diversité des cultures. Cette diversité s’explique par « des circonstances géographiques, historiques et sociologiques » plutôt que « des aptitudes distinctes liées à la constitution physiologique ou anatomique ».
 
De cette pluralité constatée peut alors découler la tentation de la hiérarchie. Lévi-Strauss nomme « ethnocentrisme » l’attitude qui consiste à s’appuyer sur ses propres règles et repères pour juger un autre ensemble culturel, sans chercher à le comprendre. Pourtant, en affirmant que « le barbare, c’est d’abord celui qui croit à la barbarie », il démontre que l’enquête ethnologique atteint au contraire l’unité du genre humain, c’est-à-dire ici le partage de structures de fonctionnement communes sur le plan culturel. En effet, rien n’est plus humain que de refuser l’humanité à ceux que nous jugeons barbares, et réciproquement.
 
L’ethnologie permet donc de comprendre que c’est cette diversité elle-même qui autorise à parler d’une humanité, laquelle « ne se développe pas sous le régime d’une uniforme monotonie, mais à travers des modes extraordinairement diversifiés de sociétés et de civilisations ».
 
Mais la reconnaissance de la pluralité des cultures, observée par l’ethnologue, ne suppose-t-elle pas au préalable l’unité du genre humain ? C’est ce que soutient Jean-François Mattéi dans Le Regard vide : « il a bien fallu que l’on constitue d’abord, de façon universelle, une idée de l’homme dont l’humanité serait présente dans toutes les sociétés, les races et les cultures ». Si les Grecs ont eux aussi stigmatisé les barbares, il n’en demeure pas moins que l’idée d’humanité « était donc en germe dès l’origine, sous une forme mythique, dans la conception européenne de l’homme ». L’homme européen a porté un regard sur des mondes éloignés.
 
Aussi est-ce le propre de l’Europe que d’avoir permis, par ses « catégories logiques et anthropologiques », de développer la « connaissance des autres cultures », sans qu’elle soit elle-même étudiée par elles. Loin d’être exemplaire dans son universalisme, l’Europe aurait néanmoins permis qu’on la rappelle à l’ordre, puisqu’on ne « dénonce la faiblesse de ses réalisations que pour mieux assurer la force de ses principes ».
 
Finalement, n’est-ce pas l’unité grandissante du genre humain qui constitue un obstacle à la pérennité de la pluralité des cultures ? Au cours d’une autre intervention à l’Unesco (Race et culture), Lévi-Strauss redoutait que l’avènement d’une « civilisation mondiale » ait pour conséquence de détruire les « vieux particularismes », mettant ainsi fin à la richesse que constitue cette pluralité des cultures.



Jean-Baptiste Juillard 

Claude Lévi-Strauss (1908 - 2009)

Anthropologue et ethnologue français ayant exercé une influence internationale décisive sur les sciences humaines et sociales dans la seconde moitié du XXe siècle. Ses travaux apportent un éclairage neuf sur un grand nombre de problématiques anthropologiques classiques jusqu'alors mal connues ou inexpliquées. En savoir plus.
Jean-François Mattéi (1941 - 2014)

Philosophe français, spécialiste d'histoire des idées. Ses réflexions portent principalement sur les différentes formes du monde moderne, notamment celles de la culture européenne. En savoir plus.
Time To Philo est illustré par Daniel Maja.
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