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Hebdo n° 21/2022
30 mai 2022
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Rejetant le recours de Canon, le Tribunal de l’Union valide la décision de la Commission sanctionnant pour la première fois l’existence d’une violation des obligations de notification et de suspension dans le cadre d’une opération de concentration unique impliquant une structure de portage

JURISPRUDENCE UE : Le Tribunal de l’union rejette en tous points le recours contre la décision de la Commission interdisant le projet d'acquisition d'Aurubis Rolled Products et de Schwermetall par Wieland

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Apportant des précisions sur l’application de l’article 22 des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration d’entreprises, le Tribunal de l'Union rejette le recours de Ryanair contre la décision de la Commission concluant à la compatibilité de l’aide au sauvetage en faveur de la compagnie aérienne allemande Condor à la suite de la mise en liquidation de sa société mère, le groupe Thomas Cook


INFOS UE : Le texte consolidé du compromis obtenu sur le DMA est en ligne

JURISPRUDENCE : À dessein d’éviter un déni de justice dans l’affaire des frigos polynésiens, la Cour d’appel de Paris, confirmant l’absence de compétence de l’Adlc à appliquer le droit de la concurrence polynésien avant d'annuler sa décision pour avoir clôturé la procédure dont elle avait été saisie, évoque le cas, puis se résout à renvoyer le dossier à l’instruction devant l’Autorité polynésienne de la concurrence, autrement composée

JURISPRUDENCE : Estimant que l’administration a entretenu la confusion sur l’application des règles de concurrence au secteur agricole, de nature à atténuer l’appréciation de la gravité des pratiques, la Cour d’appel de Paris, qui confirme pour le reste l’analyse de l’Autorité de la concurrence, divise par deux les sanctions infligées à deux organisations professionnelles des vins d’Alsace pour une entente sur le prix du raisin et pour l’élaboration et la diffusion de recommandations tarifaires sur le vin en vrac


INFOS : L’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie fait le ménage dans le secteur des pompes funèbres

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant le groupe Inovie à prendre le contrôle exclusif de la société Bio Pôle Antilles, sous réserve de renoncer à faire l’acquisition d’une participation minoritaire dans le seul concurrent de la cible sur le marché des examens de biologie médicale de routine en Guadeloupe et à Saint-Martin, est en ligne, ainsi que celle autorisant, sans condition, la prise de contrôle exclusif de la société Bimédia par le fonds d’investissement TA Associates dans le secteur des solutions globales de caisse à destination des commerces de tabacs/presse (+ 27 décisions, dont 26 simplifiées)

 

JURISPRUDENCE UE : Rejetant le recours de Canon, le Tribunal de l’Union valide la décision de la Commission sanctionnant pour la première fois l’existence d’une violation des obligations de notification et de suspension dans le cadre d’une opération de concentration unique impliquant une structure de portage

 

Le 18 mai 2022, le Tribunal de l’Union européenne a rendu son arrêt dans l’affaire T-609/19 (Canon contre Commission européenne).

Rejetant le recours introduit par la société japonaise Canon contre la décision de la Commission du 27 juin 2019, le Tribunal confirme les deux amendes pour un montant total de 28 millions d’euros infligées par la Commission pour avoir partiellement mis à exécution son rachat de Toshiba Medical Systems Corporation  (TMSC), filiale de Toshiba avant la notification de l’opération et donc avant d’obtenir l'autorisation au titre du contrôle des concentrations.

Pour cette acquisition, Canon a utilisé une structure de transaction en deux étapes dite de « portage » faisant intervenir un acheteur provisoire. Dans un premier temps, l'acheteur provisoire a acquis 95 % du capital social de TMSC pour un montant de 800 €, alors que Canon a versé 5,28 milliards € pour les 5 % restants et pour des options sur la participation de l'acheteur provisoire. Cette première étape a été effectuée avant la notification à la Commission ou l'autorisation accordée par cette dernière. Dans un second temps, une fois la concentration autorisée par la Commission, Canon a exercé ses options sur actions, acquérant ainsi 100 % des parts de TMSC. Au terme de ces deux étapes, TMSC est devenue une filiale à 100 % de Canon.

Cette acquisition échelonnée visait à permettre à Toshiba d’inscrire la vente de sa filiale comme un apport en capital dans ses comptes au plus tard le 31 mars 2016, sans que Canon en acquière formellement le contrôle avant d’avoir obtenu le feu vert des autorités de concurrence compétentes.
 
Après une prénotification envoyée par la requérante en mars 2016, la concentration a été notifiée à la Commission en août et autorisée par cette dernière en septembre de la même année.

Aux termes de la décision attaquée, la Commission, sanctionnant pour la première fois l’existence d’une violation des obligations de notification et de suspension dans le cadre d’une opération de concentration unique impliquant une structure de portage, a considéré que, en procédant à l’opération provisoire, la requérante avait partiellement réalisé la concentration unique consistant en l’acquisition de TMSC et avait de ce fait violé à la fois ses obligations de notification de l’opération et de suspension de celle-ci.
 
Canon a alors introduit un recours en annulation devant le Tribunal.

Par la première branche de son premier moyen, la requérante soutenait que l’opération provisoire ne constituait pas l’acquisition de contrôle de TMSC et ne serait dès lors pas constitutive d’une violation des obligations de notification et de suspension prévues par le règlement sur les concentrations.

Confirmant que TMSC n’était pas contrôlée par la requérante pendant l’opération provisoire (pt. 59), le Tribunal s’attache à déterminer si, comme le soutient la requérante, il ne peut y avoir de réalisation anticipée d’une concentration que dans l’hypothèse d’un contrôle de l’entreprise cible (pt. 60). À cet égard, il commence par rappeler que la réalisation d’une concentration, au sens de l’article 7, § 1, du règlement n° 139/2004, a lieu dès que les parties à une concentration mettent en œuvre des opérations contribuant à changer durablement le contrôle sur l’entreprise cible (pt. 61). Répond ainsi à l’exigence d’assurer un contrôle efficace des concentrations la circonstance que toute réalisation partielle d’une concentration relève du champ d’application de ce même article. De fait s’il était interdit aux parties de réaliser une concentration au moyen d’une seule opération, mais qu’il leur était loisible de parvenir au même résultat par des opérations partielles successives, cela réduirait l’effet utile de l’interdiction édictée à l’article 7 du règlement n° 139/2004 et mettrait ainsi en danger le caractère préalable du contrôle prévu par ce règlement ainsi que la poursuite des objectifs de celui‑ci (pt. 62). C’est dans cette optique que le considérant 20 dudit règlement prévoit qu’il convient de traiter comme une concentration unique des opérations étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel ou prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref, exception faite des opérations qui, bien qu’accomplies dans le cadre d’une concentration, ne sont pas nécessaires pour parvenir à un changement du contrôle d’une entreprise concernée par cette concentration (pts. 63-64). C’est donc à juste titre que la Commission a soutenu que la Cour a opéré une distinction entre les notions de « concentration » et de « réalisation d’une concentration » (pt. 67). De sorte qu’une concentration est réputée réalisée « lorsqu’un changement durable du contrôle » a lieu, alors que la « réalisation d’une concentration » peut avoir lieu « dès que les parties à une concentration mettent en œuvre des opérations contribuant à changer durablement le contrôle sur l’entreprise cible », c’est-à-dire éventuellement avant l’acquisition du contrôle de l’entreprise cible (pt. 68).

Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le critère retenu par la Cour, pour déterminer si l’article 7, § 1, du règlement n° 139/2004 a été violé n’est pas celui de savoir s’il y a eu acquisition du contrôle de l’entreprise cible, mais, comme le soutient la Commission, celui de savoir si l’opération en cause a contribué, en tout ou en partie, en fait ou en droit, au changement de contrôle de ladite entreprise. Un tel critère est applicable, par analogie, s’agissant de l’article 4, § 1, du règlement n° 139/2004 (pt. 73).

Pour le reste, le Tribunal juge erronée l’argument de la requérante selon lequel le contrôle de l’opération par la Commission n’aurait à aucun moment et en aucune façon été entravé, étant donné qu’elle n’aurait acquis le contrôle sur TMSC qu’après avoir obtenu toutes les autorisations des autorités de concurrence concernées (pt. 75). Selon elle, les concentrations sont définies comme des acquisitions qui conduisent à un changement durable du contrôle direct ou indirect, de sorte que, tant que le contrôle n’est pas acquis, il n’y a pas de réalisation anticipée de la concentration (pt. 76). Sur quoi, le Tribunal, estime que la requérante confond les notions de « réalisation » et d’« acquisition », alors que le terme « réalisation » est relatif à la concentration (ou à la transaction) tandis que le terme « acquisition » est relatif au contrôle, de sorte que l’« acquisition » du contrôle, à la différence de la « réalisation » de la concentration, ne peut s’inscrire dans la durée. Il déduit de là que, soit le contrôle est acquis, dès lors qu’une entité a la possibilité d’exercer une influence déterminante sur la société cible, soit il n’est pas acquis. De sorte que la notion d’acquisition du contrôle ne saurait recouvrir une acquisition « partielle ». Partant, un prétendu « contrôle partiel » ne peut être la condition d’une réalisation partielle de la concentration (pt. 79). Ainsi, le contrôle de la Commission, pour être effectif, doit être réalisé non seulement avant l’acquisition du contrôle, mais également avant la réalisation, même partielle, de la concentration (pt. 80).

Par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante soutenait encore que l’acquisition des actifs cibles par la société de portage ne constituait pas la réalisation partielle d’une concentration unique. Sur quoi le Tribunal rappelle qu’une opération de concentration, au sens de l’article 3, § 1, du règlement n° 139/2004, peut se réaliser même en présence d’une pluralité de transactions juridiques formellement distinctes dès lors que ces transactions sont interdépendantes, de sorte qu’elles ne seraient pas réalisées les unes sans les autres et dont le résultat consiste à conférer à une ou à plusieurs entreprises le contrôle économique, direct ou indirect, sur l’activité d’une ou de plusieurs autres entreprises (pt. 114). En pareil cas, il revient à la Commission d’apprécier si ces transactions présentent un caractère unitaire de sorte qu’elles constituent une seule opération de concentration au sens de l’article 3 du règlement n° 139/2004. Une telle démarche vise à identifier, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à chaque cas d’espèce et dans un souci de rechercher la réalité économique qui sous-tend les opérations, la finalité économique poursuivie par les parties, en examinant, en présence de plusieurs transactions juridiquement distinctes, si les entreprises concernées auraient été disposées à conclure chaque transaction prise isolément ou si, au contraire, chaque transaction ne constitue qu’un élément d’une opération plus complexe, sans laquelle elle n’aurait pas été conclue par les parties (pts. 110-111).

Dans ce contexte, la Commission n’a pas commis d’erreur en qualifiant l’opération provisoire de réalisation partielle de la concentration. En effet, c’est à bon droit qu’elle a constaté qu’à partir de la date de l’opération provisoire, et indépendamment des résultats de l’autorisation de concentration, la requérante avait acquis la possibilité d’exercer un certain degré d’influence sur TMSC puisque, suite à la réalisation de ladite opération, elle détenait la compétence exclusive de déterminer l’identité de l’acquéreur final de cette dernière (pt. 223).

Le Tribunal conteste également l’argument de la requérante tiré du fait que l’opération provisoire ne présenterait pas un lien fonctionnel direct avec le changement de contrôle de TMSC et n’aurait donc pas contribué au changement dudit contrôle. Le Tribunal estime que l’opération provisoire était nécessaire, car, premièrement, sans la structure de transaction en deux étapes proposée par la requérante, Toshiba aurait été dans l’impossibilité de renoncer au contrôle de TMSC et de percevoir de manière irréversible le paiement de TMSC avant la fin du mois de mars 2016. Deuxièmement, dans le cadre de cette structure en deux étapes, l’opération provisoire constituait une étape nécessaire pour parvenir à une modification du contrôle de TMSC. L’objectif de cette structure en deux étapes était que l’opération provisoire permette, d’une part, à un acheteur intermédiaire d’acheter tous les titres de vote de TMSC, mais sans qu’il soit nécessaire de satisfaire aux exigences en matière de notification et, d’autre part, à la requérante de verser le prix de TMSC à Toshiba de manière irréversible tout en obtenant le plus de certitudes quant au fait qu’elle acquerra finalement le contrôle de TMSC (pt. 232).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.

JURISPRUDENCE UE : Le Tribunal de l’union rejette en tous points le recours contre la décision de la Commission interdisant le projet d'acquisition d'Aurubis Rolled Products et de Schwermetall par Wieland

 

Le 18 mai 2022, le Tribunal de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire T-251/19 (Wieland-Werke contre Commission européenne).

Il y rejette le recours introduit par Wieland-Werke AG contre la décision de la Commission du 5 février 2019 à la faveur de laquelle elle avait interdit le projet d'acquisition d'Aurubis Rolled Products et de Schwermetall par Wieland, tous deux producteurs de produits laminés en cuivre. Par cette concentration, Wieland aurait également pris le contrôle de l'ensemble de Schwermetall, qui fabrique des bandes prélaminées et les vend à Wieland et à Aurubis Rolled Products, ainsi qu'à d'autres fabricants de cuivre. Schwermetall assure plus de 60 % des ventes européennes de bandes prélaminées, lesquelles entrent dans la fabrication des produits laminés en cuivre.

Aux termes de sa décision, la Commission a constaté que les deux opérations parallèles d’acquisition constituant ladite concentration aboutiraient à de très larges parts de marché combinées, tant en termes de volumes de production que de chiffre d’affaires, et à un fort degré de concentration sur le marché des produits laminés, qu’aucun des concurrents sur le marché des produits laminés ne pourrait pas faire échec à une probable hausse des prix, en particulier sur le segment « haut de gamme » dudit marché, que les clients industriels n’auraient pas de possibilités suffisantes pour changer de fournisseurs, de sorte que les effets horizontaux de ladite concentration aboutiraient probablement à une entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective sur le marché des produits laminés ainsi qu’à la création d’une position dominante de la requérante sur ce même marché.

Par ailleurs, la Commission a considéré que l’acquisition par la requérante des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, impliquant le passage d’un contrôle conjoint, exercé par Aurubis et la requérante, à un contrôle exclusif, exercé par cette dernière, sur Schwermetall, produirait des effets verticaux qui renforceraient et aggraveraient l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective sur le marché des produits laminés résultant déjà des effets horizontaux de la concentration en cause, dès lors que ladite acquisition permettrait à la requérante d’accéder à des informations sensibles sur les clients de Schwermetall sur le marché libre des bandes prélaminées et d’entraver le développement ou d’augmenter les coûts desdits clients, qui étaient également ses concurrentes sur le marché des produits laminés, situé en aval, et ce sans qu’aucun gain d’efficacité n’en résulte.

Enfin, la Commission a estimé que les engagements proposés ne permettaient pas de répondre de manière exhaustive à tous les problèmes de concurrence constatés, dans la mesure où ils n’élimineraient pas l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective identifiée sur le marché des produits laminés, du fait de l’élimination des importantes contraintes concurrentielles exercées sur la requérante par ARP ou de la création d’une position dominante de la requérante sur ce marché.

À l’appui de son recours, la requérante invoquait pas moins de onze moyens.

Le Tribunal commence par examiner le deuxième moyen, tiré d’une délimitation erronée du marché global des produits laminés fondée sur une distinction entre les alliages « haut de gamme » et « standard ». Ne constatant aucune segmentation floue et arbitraire du marché en cause de la part de la Commission, le Tribunal conclut qu’elle n’a pas manqué à son obligation de définir ledit marché de manière adéquate (pt. 43) et qu’elle a fondé son appréciation relative à l’existence d’une telle distinction sur un ensemble d’éléments fiables, étayés, cohérents, pertinents et suffisants (pt. 48).

Par son premier moyen, la requérante reprochait en substance à la Commission d’avoir apprécier les effets sur la concurrence de la concentration et les engagements proposés, sur un marché différent de celui qu’elle avait préalablement défini comme étant le marché en cause. Rappelant qu’il convient d’opérer une distinction entre la définition du marché en cause, à savoir le marché sur lequel intervient la concentration notifiée et qui est, donc, potentiellement affecté par celle-ci, et l’appréciation des effets de ladite concentration sur la concurrence qui s’exerce sur ce marché, dans la mesure où l’appréciation concurrentielle de la concentration notifiée peut conduire à constater que celle-ci n’entrave pas la concurrence de la même manière sur toutes les parties du marché en cause, sans que cela affecte ou remette en cause la définition même de ce marché (pt. 64), le Tribunal estime, au terme d’une analyse peu convaincante, que, dès lors que le segment des produits laminés « haut de gamme », ou des sous-segments relevant, pour l’essentiel, de ce dernier, représentait une partie du marché global des produits laminés, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir ainsi, dans la décision attaquée, commis une erreur de droit en ayant apprécié les effets sur la concurrence de la concentration en cause, telle qu’éventuellement modifiée par les engagements proposés, sur un marché différent de celui qu’elle avait préalablement défini comme étant le marché en cause (pt. 67).

Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante faisait, en substance, grief à la Commission d’avoir entaché la décision attaquée d’erreurs manifestes d’appréciation en prenant en compte, pour la première fois dans celle-ci, une théorie du dommage fondée sur un test sui generis, mêlant les effets horizontaux et verticaux. Bref, d’avoir appliqué un test incorrect mélangeant différents standards (pts. 82-83). Sur ce point, le Tribunal parvient à la conclusion que la Commission n’a pas commis d’erreur en examinant les effets verticaux de la concentration en cause conformément aux principes généraux énoncés au paragraphe 36 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales, dans la mesure où ils permettent de prendre en compte les aspects verticaux de certains projets de concentration horizontale (pt. 87), et aux paragraphes 18 et 78 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales, plutôt qu’au regard de l’ensemble des règles spécifiques énoncées aux paragraphes 28 à 77 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales (pt. 91).

Par son cinquième moyen, divisé en trois branches, la requérante invoquait des erreurs manifestes entachant les appréciations qui ont été portées par la Commission, aux sections 6.3 et 6.4 de la décision attaquée, sur la situation concurrentielle existant sur le marché en cause, pris globalement, ou sur le prétendu segment « haut de gamme » de celui-ci ou des sous-segments particuliers de ce dernier, pris spécifiquement.

Le Tribunal commence par confirmer l’appréciation de la Commission selon laquelle la requérante était le leader incontesté du marché en cause, en particulier du segment « haut de gamme » de celui-ci, et disposait déjà d’un pouvoir de marché important. Sur ce point, la requérante n’a pas réussi à remettre en cause l’analyse effectuée par la Commission (pt. 122). Par ailleurs,   le Tribunal rejette les critiques formulées par la requérante sur la prétendu surestimation de l’importance et la proximité de la concurrence existant entre les parties à la concentration en cause, en particulier sur le prétendu segment « haut de gamme » du marché en cause (pts. 138, 146 et 151). Symétriquement, la requérante reproche à la Commission d’avoir sous-estimé la pression concurrentielle exercée par les concurrentes des parties à la concentration en cause et leur capacité à réagir pour faire obstacle à une hausse des prix qu’elle déciderait sur le marché en cause, notamment sur le prétendu segment « haut de gamme » de celui-ci. Écartant le reproche de la requérante concernant la sélection prétendument partiale des preuves par la Commission (pt. 166), le Tribunal rejette le grief d’erreur manifeste d’appréciation de la Commission concernant l’existence d’importantes barrières à l’entrée et au développement sur le segment des produits laminés « haut de gamme », en raison de la nécessité de réaliser d’importants investissements, en matière de recherche et développement et d’équipements, aux fins de pouvoir répondre aux exigences élevées des clients industriels, en particulier dans le cadre de leurs procédures de qualification (pt. 200). Quant à l’erreur manifeste d’appréciation tenant au constat erronée de l’existence de contraintes de capacité sur le prétendu segment des produits laminés « haut de gamme », le Tribunal conclut que la Commission était fondée, en l’espèce, à tenir compte du fait que, sur le marché en cause, différentes dynamiques concurrentielles étaient à l’œuvre selon les segments du marché concernés et que, en particulier et ainsi qu’il ressortait du faisceau d’indices qu’elle avait réuni, le segment des produits laminés « haut de gamme » était caractérisé par des contraintes de production, liées, notamment, à la demande croissante des clients industriels pour ce type de produits qui avait été constatée par la Commission (pt. 206). Pour le reste, le Tribunal estime que la requérante est en défaut de démontrer que la Commission aurait sous-estimé la contrainte concurrentielle exercée sur le marché en cause par, respectivement, KME/MKM (pt. 237), Sofia Med (pt. 252) et des concurrentes autres que ces dernières (pt. 262).

Par son sixième moyen, la requérante contestait le constat de possibilités limitées, pour les clients industriels, après la concentration en cause, de changer de fournisseurs de produits laminés, en particulier sur le segment « haut de gamme » du marché en cause, où les activités des parties à la concentration en cause se recoupaient. À cet égard, le Tribunal confirme que les procédures de qualification des clients industriels, qui étaient parfois longues et exigeantes, entravaient leur capacité à changer de fournisseur sur le segment « haut de gamme » du marché en cause et qu’une majorité de clients industriels actifs sur le segment « haut de gamme » du marché en cause n’avaient pas changé de fournisseur, pour l’intégralité ou une part significative de leurs commandes de produits laminés, au cours des trois années précédentes. De même qu’il confirme le constat de la Commission selon lequel les stratégies de diversification des sources d’approvisionnement suivies par les clients industriels limitaient encore les possibilités pour ces derniers de s’adresser à d’autres fournisseurs de produits laminés.

Par son septième moyen, la requérante contestait les conclusions de la Commission selon lesquelles la concentration en cause déboucherait probablement sur des hausses de prix sur le marché en cause et donnaient ainsi une forte indication de l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective dans l’EEE ou dans une partie substantielle de celui-ci qui pourrait découler de ladite opération. À cet égard, le Tribunal relève que la Commission a procédé à une en balance des différents éléments de preuve ou d’indices en présence et a examiné la crédibilité relative de chacun d’eux (pt. 325).

À la faveur de son huitième moyen, la requérante contestait l’appréciation de la Commission selon laquelle les effets anticoncurrentiels horizontaux de la concentration en cause, découlant des deux opérations parallèles constitutives de celle-ci, seraient aggravés par les effets anticoncurrentiels verticaux de cette même concentration, découlant de l’acquisition, par elle, des 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, qui lui aurait permis d’entraver le développement de ses concurrentes sur le marché en cause. Le Tribunal considère d’abord que la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que Schwermetall disposait d’un avantage concurrentiel lié à sa large gamme de bandes prélaminées (pt. 361). Il confirme également que les concurrentes des parties à la concentration sur le marché en cause étaient dépendantes de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées, en raison d’une analyse insuffisante, par celle-ci, des solutions de remplacement qui existaient pour une large part des volumes fournis par Schwermetall. Ainsi, la Commission était fondée à considérer que MKM, KME et KME/MKM ne pouvaient pas être regardées comme représentant une solution de remplacement à la place de Schwermetall pour approvisionner Diehl, Griset, Kemper et Messingwerk Plettenberg en bandes prélaminées en AHP (pt. 397). De même, le Tribunal confirme que l’accès que la requérante pourrait avoir, après la concentration en cause, à des informations commerciales individualisées, qualifiées de sensibles, concernant celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui étaient également clientes de Schwermetall ainsi que le pouvoir qu’elle aurait de décider seule des conditions de prix et de la gamme de bandes prélaminées vendues par Schwermetall sur le marché libre lui donneraient la possibilité de restreindre le développement desdites concurrentes sur le marché en cause ou encore que le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif, exercé de sa part, sur Schwermetall renforcerait probablement son incitation à augmenter les coûts de production de celles de ses concurrentes sur le marché en cause qui dépendaient de Schwermetall pour leurs approvisionnements en bandes prélaminées. Au final, le Tribunal constate que la requérante n’a pas réussi à remettre en cause, dans le cadre du présent recours, les appréciations qui ont conduit la Commission à conclure, que les effets anticoncurrentiels verticaux de la concentration en cause, liés au contrôle exclusif que la requérante exercerait sur Schwermetall, renforceraient et amplifieraient l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective qui résulterait déjà des seuls effets anticoncurrentiels horizontaux de celle-ci, en permettant à la requérante d’entraver le développement d’importantes concurrentes sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » de celui-ci, où la requérante concentrait ses activités et qui deviendrait encore plus concentré qu’il ne l’était déjà, après la disparition d’ARP (pt. 459).

Par son neuvième moyen, la requérante dénonçait des erreurs de droit et des erreurs manifestes commises par la Commission dans les appréciations qui l’ont ainsi conduite, à la section 7 de la décision attaquée, à rejeter les engagements proposés, et notamment les engagements de cession contenus dans les troisièmes engagements proposés. Compte tenu du fait que l’entité à céder était intégrée dans une activité fonctionnant de manière verticalement intégrée au sein du groupe Aurubis, c’est à bon droit, estime le Tribunal, que, en l’espèce, la Commission a vérifié, au-delà de la seule question de savoir si ladite entité était d’une taille suffisante pour constituer une force concurrentielle et remédier aux effets anticoncurrentiels horizontaux imputables à la concentration en cause sur le marché en cause, en particulier sur le segment « haut de gamme » de ce dernier, si, une fois dissociée de ladite activité et en tenant compte des engagements proposés, cette entité serait viable et autonome et si les risques pour la viabilité et la compétitivité de celle-ci seraient réduits au minimum, conformément au point 36 de la communication sur les mesures correctives (pt. 482). Par ailleurs, le Tribunal estime qu’aucune violation, par la Commission, de l’obligation de diligence et du principe de bonne administration ne peut être relevée, en l’espèce, dans le cadre de l’analyse et de l’élaboration des engagements successifs proposés au cours de la procédure administrative (pt. 523). Le Tribunal confirme également qu’en l’absence de cession de l’actif clé correspondant aux 50 % détenus par Aurubis dans Schwermetall, l’entité à céder était structurellement inadéquate pour éliminer l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective identifiée et résultant de l’élimination de la contrainte concurrentielle importante exercée, sur elle, par ARP ou de la création d’une position dominante occupée, par elle, sur le marché en cause (pt. 575).

Enfin, au terme de l’examen du dixième moyen, le Tribunal valide l’appréciation qu’a faite la Commission des réponses au test de marché portant sur les troisièmes engagements proposés, relevant que la Commission ne s’est pas limitée à examiner de manière séparée les réponses des acteurs du marché à la consultation sur les troisièmes engagements proposés, mais les a mises en balance avec toutes les appréciations qu’elle avait tirées de l’ensemble des éléments et des indices qu’elle avait réunis au cours de la procédure administrative (pt. 612). Dans le cadre de cette mise en balance des différents éléments de preuve ou d’indices en présence, la Commission était fondée, sans pour autant les négliger, à accorder moins de poids aux déclarations des concurrentes, notamment celles qui s’étaient déclarées intéressées pour reprendre tout ou partie de l’entité à céder (Sofia Med, GBC et KME/MKM), qu’à d’autres éléments, tels que les déclarations des clients industriels (pt. 624).

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Apportant des précisions sur l’application de l’article 22 des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration d’entreprises, le Tribunal de l'Union rejette le recours de Ryanair contre la décision de la Commission concluant à la compatibilité de l’aide au sauvetage en faveur de la compagnie aérienne allemande Condor à la suite de la mise en liquidation de sa société mère, le groupe Thomas Cook

 

Le 18 mai 2022, le Tribunal de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire T-577/20 (Ryanair contre Commission européenne) à propos de l’aide au sauvetage via une prêt temporaire d’une durée de six mois d’un montant de 380 millions d'euros en faveur de la compagnie aérienne allemande Condor, qui, en 2019, a connu une grave pénurie de liquidités à la suite de la mise en liquidation de sa société mère, le groupe Thomas Cook. Il s’agissait de permettre à la compagnie aérienne de poursuivre ses activités jusqu’à ce qu’elle parvienne à un accord avec ses créanciers et que, le cas échéant, sa cession soit effectuée.

Par décision du 14 octobre 2019, la commission avait conclu que la mesure était compatible avec les règles de l'UE en matière d'aides d’État.

Ryanair a alors introduit un recours en annulation de la décision de la Commission devant le Tribunal.

À l’appui du recours, Ryanair invoquait cinq moyens tirés, pour les trois premiers, d’une contestation de l’application à la mesure en cause des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration d’entreprises, la requérante soutenant tour à tour que les difficultés de Condor résultaient d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe Thomas Cook, que l’aide au sauvetage ne remplissait pas la condition de la compatibilité, selon laquelle l’aide doit contribuer à un objectif d’intérêt commun véritable, non plus que la condition de « non-récurrence » requise pour une aide au sauvetage. Par son quatrième moyen, elle reprochait à la Commission de n’avoir pas ouvert de procédure formelle d’examen en dépit de graves difficultés et d’avoir violé de ce fait les droits procéduraux de la requérante.

Observant que, dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante faisait valoir que trois indices relatifs au contenu de la décision attaquée correspondant à ses trois premiers moyens démontraient, selon elle, les doutes que la Commission aurait dû éprouver lors de l’examen préliminaire de la mesure en cause, le Tribunal s’en est tenu à l’examen du quatrième moyen dès lors qu’il est parvenu à la conclusion, à la suite de l’examen des trois indices concernant l’application à la mesure en cause des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration d’entreprises, que la requérante n’avait pas démontré l’existence de doutes de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

Sur l’indice relatif à une violation du point 22 des lignes directrices

Le point 22 des lignes directrices prévoit qu’« Une société qui fait partie d’un groupe ou est reprise par un groupe ne peut en principe pas bénéficier d’aides au titre des présentes lignes directrices, sauf s’il peut être démontré que ses difficultés lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe, et que ces difficultés sont trop graves pour être résolues par le groupe lui-même. […] ». Selon la requérante, le point 22 des lignes directrices prévoit trois conditions distinctes et cumulatives pour l’octroi d’une aide au sauvetage à une entreprise faisant partie d’un groupe. Se lançant dans l’exégèse du texte, le Tribunal parvient quant à lui à la conclusion que le membre de phrase « sauf s’il peut être démontré que ses difficultés lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe » figurant au point 22 des lignes directrices constitue une seule et même condition devant être interprétée en ce sens que les difficultés d’une entreprise faisant partie d’un groupe doivent être considérées comme lui étant spécifiques, si elles ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein dudit groupe (pt. 48).

La finalité dudit point 22 est donc d’éviter qu’un groupe d’entreprises ne se décharge de ses coûts, de ses dettes ou de son passif sur une entité du groupe en la rendant de la sorte éligible au bénéfice d’une aide au sauvetage, alors qu’elle ne le serait pas autrement. En d’autres termes, ledit point 22 vise à faire obstacle au contournement des règles en matière d’aides d’État par le biais de mécanismes artificiellement créés au sein d’un groupe. En revanche, l’objectif de ce point n’est pas d’exclure du champ d’application des aides au sauvetage une entreprise faisant partie d’un groupe au seul motif que ses difficultés ont pour origine les difficultés rencontrées par le reste du groupe ou par une autre société du groupe, pour autant que lesdites difficultés n’ont pas été artificiellement créées ou arbitrairement réparties au sein dudit groupe (pt. 46).

Contrairement à la requérante, pour laquelle les difficultés de l’intervenante trouvaient leur origine dans l’organisation interne du groupe Thomas Cook, le Tribunal estime qu’elles résultaient principalement de la mise en liquidation du groupe Thomas Cook qui a notamment entraîné la radiation de créances de montants importants détenues par l’intervenante à l’égard dudit groupe dans le cadre de la mise en commun de la trésorerie de celui-ci, l’arrêt du financement intra-groupe et la perte de son principal client, à savoir les voyagistes du groupe Thomas Cook (pt. 50). À cet égard, la requérante n’est pas parvenue à démontrer l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure en cause avec la condition prévue au point 22 des lignes directrices, selon laquelle les difficultés de l’intervenante doivent lui être spécifiques et ne pas résulter d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe (pt. 58). Ainsi, la mise en commun de la trésorerie au sein d’un groupe ne constitue pas un indice de difficultés. Premièrement, la mise en commun de la trésorerie au sein d’un groupe est une pratique courante et répandue au sein des groupes de sociétés. Ce système, qui est géré par une entité du groupe créée à cette fin, vise à faciliter le financement du groupe en permettant aux sociétés du groupe d’économiser sur les coûts de financement (pt. 51). Deuxièmement, au cas d’espèce, la mise en commun de la trésorerie au sein du groupe existait depuis plusieurs années et était dès lors opérationnelle longtemps avant la survenance des difficultés du groupe, de sorte que sa mise en place était sans rapport avec celles-ci (pt. 52). Troisièmement, ce système de mise en commun de la trésorerie n’était pas à l’origine de ces difficultés (pt. 53).

Sur la question de savoir si les difficultés de l’intervenante étaient trop graves pour être résolues par le groupe lui-même, le Tribunal parvient là encore à la conclusion que la requérante n’était pas non plus parvenue à démontrer l’existence de doutes à cet égard (pt. 64). Non seulement, le groupe Thomas Cook était en liquidation judiciaire avec une dette équivalente à 1,91 milliard d’euros) et avait cessé toutes ses activités (pt. 60), de sorte qu’il n’avait pas lui-même la capacité de résoudre les difficultés de sa filiale (pt. 61), mais en outre, la Commission n’était pas obligée d’attendre l’issue des discussions portant sur une éventuelle cession de Condor en vue de résoudre ses difficultés financières, compte tenu de l’urgence entourant toute aide au sauvetage et de l’incertitude inhérente à toute négociation commerciale en cours (pt. 62).

Sur l’indice relatif à une violation du point 44, sous b), des lignes directrices, lequel exige des États membres qu’ils établissent que la défaillance du bénéficiaire serait susceptible d’entraîner de graves difficultés sociales ou une importante défaillance du marché, et, partant, que la mesure d’aides poursuit un objectif d’intérêt commun. Pour ce faire, les États membres doivent démontrer qu’« il existe un risque d’interruption d’un service important qu’il est compliqué de reproduire et qu’un concurrent (par exemple un fournisseur national d’infrastructures) pourrait difficilement assurer à la place du bénéficiaire » (pt. 70). En l’espèce, le Tribunal examine si la Commission pouvait parvenir, sans éprouver de doutes, à la conclusion que le service en cause était « important » et qu’il était compliqué de le reproduire. À cet égard, la Commission avait fait valoir deux éléments, à savoir, premièrement, la difficulté d’organiser le rapatriement des passagers de l’intervenante bloqués à l’étranger par d’autres compagnies aériennes et, deuxièmement, l’impossibilité, pour lesdites compagnies, de répliquer à court terme le service fourni par l’intervenante aux voyagistes et aux agences de voyages indépendants en Allemagne.

Pour qu’un service soit considéré comme « important », il n’est pas exigé, selon le Tribunal, que l’entreprise qui fournit ce service joue un rôle systémique essentiel pour l’économie d’une région de l’État membre concerné ni qu’elle soit chargée d’un service d’intérêt économique général (pt. 75). Il n’est pas non plus exigé que le service en cause revête une importance pour toute l’économie d’un État membre. ou d’un service ayant une importance à l’échelle nationale (pts. 76-77).

Quant à la question de savoir si les services effectués par Condor étaient compliqués à reproduire au sens du point 44, sous b), des lignes directrices, le Tribunal, constatant qu’un rapatriement immédiat des 200 000 à 300 000 passagers de Condor répartis dans 50 à 150 destinations différentes n’aurait pas pu être assuré par d’autres compagnies aériennes concurrentes à brève échéance, considère considère que la Commission pouvait, sans éprouver de doutes, conclure qu’il existait un risque d’interruption d’un service important qu’il est compliqué de reproduire sur la base du fait que la sortie de l’intervenante du marché aurait laissé un grand nombre de passagers bloqués à l’étranger, dont certains dans des destinations lointaines, et que leur rapatriement, par d’autres compagnies aériennes, serait compliqué à effectuer en raison de l’ensemble des éléments étayés de façon concrète et précise dans la décision attaquée. En raison de ce risque, la sortie de l’intervenante du marché était susceptible d’entraîner une importante défaillance dudit marché (pt. 80).

Sur l’indice relatif à une violation du point 74 des lignes directrices, concernant la condition de non-récurrence de l’aide au sauvetage et en vertu duquel la Commission n’autorisera en principe pas l’octroi d’une nouvelle aide au sauvetage ou à la restructuration au groupe lui-même ni à aucune des entités qui en font partie, à moins qu’une période de dix ans se soit écoulée depuis l’octroi de l’aide, depuis que la période de restructuration a pris fin ou depuis que la mise en œuvre du plan de restructuration a cessé, selon l’événement survenu en dernier, le Tribunal, constatant que la requérante n’avance aucun élément susceptible de démontrer que le groupe Thomas Cook aurait bénéficié d’une quelconque aide au sauvetage, d’une aide à la restructuration ou d’un soutien temporaire à la restructuration au cours des dix dernières années (pt. 93), écarte également comme non fondé le grief de la requérante selon lequel la Commission aurait effectué un examen incomplet et insuffisant de la condition de non-récurrence de l’aide au sauvetage prévue au point 74 des lignes directrices (pt. 94).

Par suite, le Tribunal conclut que la requérante n’a pas démontré l’existence de doutes de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen (pt. 96).

Enfin, par son cinquième moyen elle dénonçait la violation de l’obligation de motivation par la Commission. Sur ce point, le Tribunal ne détecte aucune insuffisance dans le raisonnement de la Commission.


Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.

INFOS UE : Le texte consolidé du compromis obtenu sur le DMA est en ligne

 

Le 16 mai 2022, la Commission du marché intérieur du Parlement européen a approuvé l'accord provisoire conclu avec les gouvernements de l'UE sur la loi sur les marchés numériques (DMA) par 43 voix pour, une contre et une abstention.

À cette occasion, le texte consolidé du compromis obtenu le 24 mars 2022 dans le cadre du trilogue a été rendu public, et ce, a la suite de l’approbation de ce compromis le 11 mai 2022 par le Comité des représentants permanents (Coreper) du Conseil de l’Union européenne.

L'accord provisoire sur la proposition sœur relative à la réglementation des plateformes en ligne, la loi sur les services numériques (DSA), a été conclu le 23 avril 2022. Les deux propositions devraient être soumises à un vote final au Parlement en juillet 2022 avant d'être formellement adoptées par le Conseil et publiées au Journal officiel de l'UE. Le règlement DMA entrera en vigueur 20 jours après sa publication et les dispositions commenceront à s'appliquer six mois plus tard.

Andreas Schwab, le rapporteur du DMA pour la Commission du marché intérieur du PE a précisé qu’après le vote en plénière, le Parlement s’assurerait que la Commission mette en œuvre avec célérité les dispositions du DMA.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Parlement européen.

JURISPRUDENCE : À dessein d’éviter un déni de justice dans l’affaire des frigos polynésiens, la Cour d’appel de Paris, confirmant l’absence de compétence de l’Adlc à appliquer le droit de la concurrence polynésien avant d'annuler sa décision pour avoir clôturé la procédure dont elle avait été saisie, évoque le cas, puis se résout à renvoyer le dossier à l’instruction devant l’Autorité polynésienne de la concurrence, autrement composée

 

Éviter à tout prix un déni de justice, tel est le leitmotiv de l’arrêt rendu le 12 mai 2022 par la Chambre de la régulation économique et financière de la Cour d’appel de Paris sur le recours introduit dans l’affaire dite des frigos polynésiens contre la décision n° 20-D-18 du 18 novembre 2020. À la faveur de cette décision, l’autorité métropolitaine de concurrence avait, on s’en souvient, décliné sa compétence à connaître de pratiques mises en œuvre en Polynésie française, estimant que son pouvoir juridictionnel était strictement limité à l’application du droit de la concurrence national et européen sur le territoire métropolitain, dans les départements d’outre-mer, ainsi que dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, et à l’application du seul droit national de la concurrence dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre et Miquelon et Wallis et Futuna.

Toutefois, l’Autorité métropolitaine ne s’était pas contentée de décliner sa compétence à connaître le dossier qui lui avait été transmis par l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC), en exécution d’une ordonnance du 29 juillet 2020 du premier président de la Cour d’appel de Paris, lequel, après avoir déclaré recevable la requête pour cause de suspicion légitime, et estimant que l’affaire devait être traitée par une juridiction de même nature et de même degré afin que les parties ne soient pas privées d’un double degré de juridiction, avait renvoyé le dossier devant l’Adlc. L’autorité métropolitaine de concurrence avait en outre décidé de clore le dossier, sur le fondement de l’article L. 462-8 du code de commerce.

Poursuite de la procédure polynésienne n° 20/0091F, anciennement enregistrée sous le n° 16/0009F, par l’autorité métropolitaine de concurrence

Aux termes du présent arrêt, la Cour d’appel de Paris commence par examiner la question de la poursuite de la procédure polynésienne n° 20/0091F par l’autorité métropolitaine de concurrence. Sur ce point, la Cour confirme pour partie l’analyse de l’Adlc. Cette dernière n’était pas compétente pour en connaître. Seule l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) est compétente pour mettre en œuvre le droit de la concurrence polynésien (pt. 49) en application de règles d’ordre public de valeur supra législative (statut d’autonomie de la Polynésie française) faisant échec à l’exécution d’une ordonnance — celle du premier président de la Cour d’appel de Paris en date du 29 juillet 2020 — rendue dans le cadre d’une procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime (pt. 50). L’autorité métropolitaine était en conséquence fondée à déclarer sa saisine irrecevable en application de l'article L. 462-8 du code de commerce, dès lors que ce texte ne réserve pas son application à la saisine directe par plainte et ne distingue pas selon la nature de la saisine en cause (pt. 51).
 
En revanche, et faisant droit à l’argumentation des parties plaignantes (pt. 37), et plus encore à celle du ministère public (pt. 48), la Cour retient que ces dispositions ne lui permettaient pas de clôturer la procédure n° 20/0091F, anciennement enregistrée sous le n° 16/0009F, celle-la même qui lui avait été transmise après que l'APC en a été dessaisie par ordonnance du 29 juillet 2020, laquelle procédure comportait notamment une saisine et des actes d'instruction dont la validité n'avait pas été remise en cause par l'arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2020 à la faveur duquel la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation avait dit pour droit que les autorités administratives indépendantes qui prononcent des sanctions sont soumises à un contrôle ex ante de leur impartialité et peuvent faire l’objet d’une procédure de suspicion légitime (pt. 52). La décision attaquée du 18 novembre 2020 est en conséquence partiellement annulée, en ce qu'elle a clôturé une procédure qui n'a donné lieu à aucune décision permettant de vider la saisine initiale enregistrée auprès de l’APC (pt. 53).

Ce faisant, en retenant que la procédure n° 20/0091F est celle « anciennement enregistrée sous le n° 16/0009F » (pt. 52), la Cour d’appel de Paris semble considérer comme substituables entre elles la procédure initiale, enregistrée sous le n° 16/0009F, à la suite de la saisine de l’APC et la procédure n° 20/0091F ouverte par l’Adlc à la suite de transmission du dossier ordonnée par le premier président de la Cour d’appel de Paris, de sorte, selon la Cour, qu’en clôturant la procédure n° 20/0091F, elle aurait également clôturer la totalité du dossier n° 16/0009F. Si tel est bien le raisonnement de la Cour, une telle conclusion ne semble pas aller de soi. En fait, il apparaît que, pour pouvoir évoquer l’affaire, la Cour d’appel devait au préalable annuler la décision de l’Autorité de la concurrence…

Évocation de l’affaire par la Cour d’appel de Paris

Constatant l’absence de compétence de l’autorité métropolitaine de concurrence à connaître de la procédure polynésienne, la Chambre de la régulation de la Cour d’appel de Paris décide de faire application de l'article 568 du code de procédure civile, dont elle constate que les conditions sont réunies et, partant, d’évoquer le dossier, estimant qu’il est de bonne justice d'examiner la plainte déposée le 28 avril 2016 auprès de l'APC et de statuer sur le bien fondé des griefs notifiés dans la procédure n° 16/0009F, sous réserve toutefois de la régularité de la procédure suivie devant l’APC contestée (pt. 60). Quant au droit à un double degré de juridiction, la Cour estime que ce dernier n'a pas de valeur constitutionnelle, de sorte que sa suppression n'est pas de nature à faire obstacle à l’évocation du dossier (pt. 61).

En fait, ce point suscite une certaine perplexité. On a bien compris que l’une des deux conditions posées par l’article 568 du code de procédure civile était que la décision déférée ait été infirmée ou annulée, ce que la Cour a pu faire dès lors qu’elle a considéré que la décision attaqué avait mis fin à l’instance — la procédure n° 20/0091F, anciennement enregistrée sous le n° 16/0009F. L’autre condition posée par l’article 568 du code de procédure civile est qu’il soit de bonne justice d’évoquer l'affaire afin qu’il lui soit donné une solution définitive. Au cas d’espèce, était-il de bonne administration de la justice que la Cour d’appel de Paris évoque l’affaire ? De fait, cette dernière insiste elle-même à deux reprises — aux points 60 et 106 du présent arrêt — sur le fait que la cause de suspicion, qui a conduit à l’annulation de la décision de l’APC, a disparu à la date à laquelle la Cour statue, par suite du renouvellement substantiel de la composition de l’APC. Elle constate ainsi qu'à la suite de l'arrêté du président de la Polynésie française de démission d'office du 31 juillet 2020 et après l'intérim confié au membre du collège le plus ancien (Compte rendu du Conseil des ministres de la Polynésie française du lundi 3 août 2020), l'APC est dotée d'une nouvelle présidence depuis le 15 juillet 2021 (compte rendu du Conseil des ministres de la Polynésie française du mercredi 14 avril 2021), d'une nouvelle rapporteure générale depuis le 15 juillet 2020, de même que d'un nouveau membre du collège (rapport annuel 2020 de l'APC pages 9 à 11) et deux nouveaux membres suppléants (communiqué de l'APC du 27 mars 2022). C’est si vrai qu’immédiatement après avoir évoqué l’affaire, la même Cour d’appel décide de renvoyer celle-ci à l’instruction… de l’APC, autrement composée, estimant ne disposer elle-même ni des pouvoirs ni des moyens de procéder à l'instruction d'une saisine de l'APC dans les conditions prévues par le code de la concurrence applicable en Polynésie française (pt. 104). Mais pourquoi, ce qui vaut pour les services d’instruction de l’APC ne vaudrait-il pas pour le Collège de l’APC, autrement composé ? Si la cause de suspicion a disparu du chef des services d’instruction, n’a-t-elle pas également disparu du chef des organes de jugement ? Pourquoi la Cour d’appel de Paris ne s’est pas contentée, comme le lui demandait du reste les parties plaignantes (pt. 36) de désigner la juridiction compétente pour statuer au fond dans l'affaire n° 16/0009F, en l’occurrence l’Autorité polynésienne de concurrence, seule compétente pour mettre en oeuvre le droit de la concurrence polynésien ? D’autant qu’une telle solution aurait permis de préserver le double degré de juridiction. Que serait-il advenu si la Cour de Paris avait validé la décision de l’Autorité de la concurrence et s’était abstenue d’évoquer l’affaire ? À cet égard, est-il bien certain que la clôture de la procédure n° 20/0091F a irrémédiablement entraîné celle subséquente de la procédure initiale n° 16/0009F ? La cause de suspicion ayant disparu, n’était-il pas envisageable que la procédure soit réouverte devant l’Autorité polynésienne de la concurrence en l’état du dossier d’instruction et sous réserve du contrôle de la régularité de la procédure suivie devant l’APC. Il est clair que ce qu’a voulu éviter à tout prix la Cour d’appel de Paris dans la présente affaire, c’est que les parties plaignantes se trouvent dans la situation de devoir saisir à nouveau et ex nihilo l’Autorité polynésienne de la concurrence, c’est-à-dire en devant renoncer aux éléments issus du travail d’instruction initialement produit par l’APC. En somme, il fallait sauver, au moins en partie, le dossier d’instruction.

Régularité de la procédure suivie devant l’Autorité polynésienne de la concurrence

Restait donc à la Cour à déterminer ce qui subsistait de la procédure conduite par l’Autorité polynésienne de la concurrence. À la suite du dessaisissement en conséquence de ladite autorité de l’affaire au fond et de l’annulation implicite mais nécessaire de la décision de sanction du groupe Wane du 22 août 2019, demeuraient dans la procédure des notifications de griefs, un rapport, les observations des parties et du commissaire du gouvernement auprès de l'APC en réponse à ces deux actes d'instruction, ainsi que 74 annexes comprenant de nombreuses auditions et les pièces transmises aux services d’instruction.

Constatant à son tour l’immixtion du président de l’APC dans l’instruction du dossier et observant qu’elle est intervenue à une date à laquelle l'instruction de deux griefs était en cours et alors qu'aucun rapport n'avait encore été notifié par les services d’instruction, la Cour de Paris retient que cette immixtion et une connaissance fine par le président de l'APC du contenu d'un dossier mettant en cause le groupe Wane sont de nature à créer un doute raisonnable concernant le respect du principe de séparation entre les organes chargés d'instruire et ceux chargés de juger l'affaire au sein de l'APC et, partant, sur l'indépendance des services d'instruction dans la conduite de leurs investigations et analyses (pt. 88).

La Cour indique par ailleurs que cette analyse est confortée par les éléments relevés aux points 42-43 et 46 de la décision de l’APC n° 2019-PAC-02 du 26 novembre 2019 rendue dans l’affaire du gardiennage. Elle souligne à cet égard que la position de principe énoncée par l’ancien président de l’APC dans un mail du 24 mai 2018 envoyé à l’ancien rapporteur général adjoint de l’APC, selon laquelle « La séparation entre instruction et jugement et le fait que tu travailles sous l’autorité du rapporteur général, n’est pas opposable à la volonté du collège de t’auditionner sur la gestion de ce dossier », (i) est contemporaine de notre affaire, et (ii) révèle qu’au printemps 2018 un membre du collège s’immisçait dans les instructions en cours (« Le collège à qui des informations avaient été données sur la gestion de ce dossier et qui se trouve aujourd’hui avec une proposition différente réitère donc sa demande d’audition sur la conduite du dossier » ; le collège « souhaite en outre faire le point sur d’autres dossiers dont la prévision d’arrivée à échéance le concerne ») (pt. 91). La Cour de Paris conclut que les termes de l’attestation de l’ancien président de l’APC et l’intervention des notifications de griefs 3 semaines seulement après le message électronique du 24 mai 2018 cité dans la décision gardiennage sont de nature à créer un doute raisonnable concernant l’indépendance des services d’instruction dans le choix de procéder à ces notifications de griefs (pt. 92) et qu’il convient en conséquence, eu égard à l’atteinte portée aux droits des sociétés du groupe Wane de voir leur affaire instruite et jugée conformément aux exigences du procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et aux principes repris par le code de la concurrence applicable en Polynésie française, d’annuler le rapport du service d’instruction en date du 19 décembre 2018 et les notifications de griefs adressées le 15 juin 2018 aux sociétés du groupe Wane (pt. 93).
 
En revanche, et dans le dessein de sauver du naufrage le dossier d’instruction et afin que les parties plaignantes ne repartent pas de zéro, la Cour estime qu’aucun élément ne permet de considérer que la cause d'annulation précitée — l’immixtion du président de l’APC dans l’instruction — a affecté la saisine en date du 28 avril 2016, les auditions et les communications de pièces recueillies au cours de la procédure (pt. 94).

La Cour de Paris s’attache alors à déterminer la régularité des mesures d'instruction réalisées au cours des premiers mois de l’instruction, alors même que les rapporteurs qui y avaient procédés n’était à cette date pas encore commissionnés ni assermentés. Considérant que le commissionnement et l'assermentation visés à l'article 809 du code de procédure pénale sont requis lorsque les rapporteurs procèdent au constat d'une infraction, mais non lorsqu'ils se bornent à en rechercher l'existence par des actes d'enquête dits simples (audition, recueil d'éléments versés au dossier…), la Cour d’appel de Paris écarte donc la nullité de la procédure d'instruction au motif que les rapporteurs ont débuté leurs investigations sans avoir fait l'objet d'aucun commissionnement ni d'aucune assermentation (pt. 100). Elle va même jusqu’à valider la régularité des mesures d'instruction réalisées par les rapporteurs après le dépôt du rapport qui ont conduit à la transmission aux sociétés du groupe Wane de 70 nouvelles pièces, rien ne s’opposant, selon elle, à ce que ces pièces, qui ne révèlent aucune cause de nullité intrinsèque et qui ont donné lieu à des observations spécifiques, soient maintenues au dossier (pt. 102). Pourtant, la Cour d’appel relève elle-même que les sociétés du groupe Wane ont « à juste titre, mis en exergue cette communication tardive, qui affecte la régularité de la procédure en ce que le rapport notifié le 19 décembre 2018 n’était pas accompagné de l’intégralité des pièces et analyses afférentes permettant au collège de se prononcer sur le bien fondé des griefs notifiés ». En fait, si l’on comprend bien, la Cour considère que si, à l’origine, il y a bien eu un vice de procédure — l’intégralité des pièces et analyses afférentes n’ayant pas été annexée au rapport —, ce vice est quelque sorte purgé du fait de l’annulation même du rapport…

La Cour d’appel de Paris prononce donc l'annulation partielle de la procédure — notifications de griefs et rapport —, laquelle, selon elle n’affecte ni l'acte du 28 avril 2016 par lequel les sociétés plaignantes ont saisi l'APC, ni les éléments versés à la procédure et parvient ainsi à sauver le dossier d’instruction et à éviter le déni de justice. Sur ce point, les mises en cause ne devraient pas manquer de faire valoir que la Cour a, ce faisant, procédé à une espèce de division de l’instruction entre les éléments qui, selon elle, sont affectés par le doute raisonnable concernant l’indépendance des services d’instruction et ceux qui n’en sont pas affectés et opposer que, lorsque les doutes concernant la conduite de l’instruction d’une affaire sont si prégnants, il est difficile de ne pas considérer que l’instruction affectée est indivisible.

Au final, la Cour de Paris décide de renvoyer l’affaire devant l’Autorité polynésienne de la concurrence aux fins de reprise de l'instruction.

Pour rappel, en avril 2016, l'Union des importateurs de Polynésie française (UIPF) avait dénoncé auprès de l’APC des pratiques prétendument abusives mises en œuvre par la centrale de référencement pour les magasins exploités sous les enseignes Carrefour, Champion et Easy Market, laquelle centrale appartient au groupe Wane. Or, dans le cadre de cette procédure, les mises en cause avaient pris connaissance, parmi les pièces du dossier, d'une attestation délivrée par le président de l'Autorité polynésienne de la concurrence en faveur d'un ancien cadre dirigeant du pôle distribution du groupe Wane dans le cadre d'une procédure prud’homale opposant ce cadre à son ancien employeur. Le président y reconnaissait avoir discuté du dossier au cours de l'instruction avec l'une des parties, être en contact avec les services d'instruction du dossier et en être régulièrement informé avec la circonstance aggravante qu’il aurait émis un jugement sur le caractère robuste de l'instruction menée contre le groupe Wane, alors qu'il devait être neutre et impartial par rapport aux griefs formulés lors de l’instruction. Décelant là ce qu’elles considèrent comme une preuve de partialité, les mises en cause avaient alors demandé le renvoi de la procédure pour cause de suspicion légitime à l’égard de l’Autorité polynésienne de la concurrence devant la Cour d'appel de Paris, juridiction de recours de l’APC.

JURISPRUDENCE : Estimant que l’administration a entretenu la confusion sur l’application des règles de concurrence au secteur agricole, de nature à atténuer l’appréciation de la gravité des pratiques, la Cour d’appel de Paris, qui confirme pour le reste l’analyse de l’Autorité de la concurrence, divise par deux les sanctions infligées à deux organisations professionnelles des vins d’Alsace pour une entente sur le prix du raisin et pour l’élaboration et la diffusion de recommandations tarifaires sur le vin en vrac

 

Le même jour, le 12 mai 2022, la Chambre de la régulation économique et financière de la Cour d’appel de Paris (Ch. 5-7) a rendu un autre arrêt, dans l’affaire des vins d’Alsace.
 
On se souvient que par décision n° 20-D-12 du 17 septembre 2020, l’Autorité de la concurrence avait sanctionne deux organisations syndicales, l’une de viticulteurs, l’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA) et l’autre de négociants-producteurs, le Groupement des Producteurs-Négociants du Vignoble Alsacien (GPNVA), ainsi qu’une organisation interprofessionnelle, le Comité Interprofessionnel des Vins d’Alsace (CIVA), pour deux pratiques d’entente contraires à l’article 101 TFUE et l’article L. 420-1 du code de commerce : en premier lieu, une entente unique complexe et continue qui comportait deux branches : d’une part, une concertation sur le prix du raisin au sein de la commission paritaire du CIVA, et d’autre part, une concertation sur le prix du raisin sous l’égide de l’AVA – qui avait notamment conduit à la publication de recommandations de prix du raisin dans la revue des Vins d’Alsace ; en second lieu, une entente mise en œuvre par le CIVA, visant à donner, pour chaque récolte, à ses adhérents des consignes tarifaires sur un prix minimum du vin en vrac.

Estimant qu’aucune des exceptions aux règles de concurrence concernant le secteur agricole n’était applicable en l’espèce, l’Autorité avait considéré que les pratiques visées par les griefs notifiés ne sauraient être exclues du champ d’application du droit de la concurrence : Le CIVA, le GPNVA et l’AVA ne constituent pas des OP ou AOP au sens du règlement OCM). En outre, les pratiques de l’espèce n’ont pas été notifiées à la Commission européenne.

S’agissant donc des exceptions aux règles de concurrence concernant le secteur agricole, d’emblée, s’est posée la question de l'application immédiate et rétroactive de deux dispositions du règlement n° 2021/2117 qui est venu modifier le règlement OCM, l'une en insérant un nouvel article 172 ter, l'autre en modifiant les termes de son article 210, la Cour s’est dès lors attachée à examiner d’office si ces textes peuvent être appliqués à des faits intervenus antérieurement à leur entrée en vigueur et, dans l'affirmative, si les conditions d'application en sont réunies. Mais encore faut-il, pour admettre leur application immédiate et rétroactive au litige, que ces dispositions constituent une disposition plus douce (pt. 91). Considérant que les articles 172 ter et 210 du règlement n° 2021/2117 sont plus favorables que le cadre juridique antérieur, la Cour d’appel de Paris conclut à ce stade qu’il convient d'admettre, en son principe, l'applicabilité immédiate et rétroactive des dispositions des articles 210 et 172 ter, dans leur nouvelle rédaction (pt. 97). Cependant, au terme de son examen, la Cour de Paris relève que les modifications apportées au règlement OCM par le règlement n° 2021/2117 ne sont pas susceptibles d'entraîner l'annulation de la décision attaquée, faute d'établir que les pratiques en cause, s’agissant du grief n° 1 comme du grief n° 2, remplissent les conditions des articles 210 modifié et 172 ter. Les règles de la PAC, issues de ce nouveau règlement, ne permettent donc pas de soustraire ces pratiques du champ du TFUE (pt. 131).

Sur la compétence de l'Autorité pour sanctionner des pratiques mises en oeuvre par un syndicat professionnel et une organisation interprofessionnelle, la Cour, observant que les comportements visés par les griefs n° 1 et n° 2 excèdent l'action légitime de défense des intérêts confiés aux organismes professionnels en cause (pt. 148) et sortent des limites de l'action syndicale légitime (pt. 150), conclut que c’est à juste titre que l'Autorité a retenu, dans la décision attaquée, que les comportements visés aux griefs n° 1 et n° 2 entraient dans le champ matériel du droit de la concurrence et qu'elle était ainsi compétente pour apprécier le caractère anticoncurrentiel des pratiques reprochées à des organisations professionnelles, qui constituent par ailleurs des associations d'entreprises au sens de l'article 101 du TFUE (pt. 151).
 
Sur la qualification de restriction par objet appliquée aux pratiques, la Cour d’appel estime tant pour le grief n° 1 que pour le grief n° 2 les pratiques visées présentent, de façon manifeste, un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'elles puissent être considérées comme constitutives d'une restriction de concurrence par objet (pts. 220 et 285). D’une part, les pratiques en cause constituaient une incitation, à l'égard d'opérateurs en situation de concurrence, à ne pas déterminer leurs prix de façon autonome et à aligner leurs comportements (pt. 187) et sont de nature à détourner les opérateurs d'une appréhension directe et personnelle de leurs coûts, limitant ainsi le libre jeu de la concurrence (pt. 251). D’autre part, et s’agissant de l'existence d'une expérience acquise, la Cour observe qu’il est constant que les pratiques consistant en l'élaboration et la diffusion par un groupement professionnel de barèmes de prix ou de méthodes de calcul de prix qui ne prennent pas en considération les coûts effectifs propres à chaque entreprise sont considérés comme ayant un objet anticoncurrentiel, nonobstant le caractère non impératif des consignes tarifaires données (pts. 192 et 253). Par ailleurs et s’agissant du contexte économique dans lequel s'insère les pratiques, la Cour considère qu’il n'est en tout état de cause pas établi que les pratiques litigieuses seraient inhérentes à la singularité du contexte économique dans lequel opéraient les organismes en cause (pts. 206 et 263). Quant au contexte juridique et au rôle joué par l’administration, la Cour de Paris retient qu’il ne ressort pas de l'analyse conduite que les pratiques visées tant par le grief n° 1 que par le grief n° 2 ont été imposées ou clairement admises par la réglementation applicable à la date des faits tandis qu'il résulte clairement des éléments précités qu'elles s'écartent de simples indicateurs de valeurs agrégées passées (pts. 217 et 275). Toutefois, ajoute immédiatement la Cour, cette analyse est sans préjudice des conséquences qui pourront être tirées des incertitudes et de l'ambivalence des administrations qui ont été associées aux travaux du CIVA, dont il sera tenu compte au stade de l'appréciation de la gravité des pratiques.

Sur les sanctions, la Cour d’appel, examinant en premier lieu la gravité des pratiques, confirme d’abord que tant les pratiques visées par le grief n° 1 et celles visées par le grief n° 2 relèvent des pratiques les plus graves (pts. 336-337). Toutefois, la Cour revient à ce stade aux conséquences qu’il convient de tirer des incertitudes et de l'ambivalence des administrations qui ont été associées aux travaux du CIVA. À cet égard, elle observe que la décision attaquée a écarté à tort des circonstances de nature à atténuer la gravité des pratiques, sans tirer les conséquences de ses propres constatations (pt. 341). Ainsi, l'attitude adoptée par l’administration lors des réunions de la commission paritaire démontre que la légalité des discussions auxquelles les représentants des différentes administration ont participé n'a suscité aucune réserve jusqu'en 2012. Ce n’est qu’en 2013 que l’administration a indiqué qu’elle ne souhaitaient plus s'associer et cautionner des discussions de prix. Cette situation, estime la Cour, révèle que loin d'avoir adopté une attitude passive, l'administration a concouru, jusqu'en 2012 au minimum, à entretenir la confusion sur le sens de la réglementation et les limites posées aux échanges intervenant au sein de la commission paritaire du CIVA. Dans un tel contexte il ne saurait donc être reproché aux requérants de ne pas avoir saisi la Commission européenne, dans la mesure où, jusqu'en 2012, l'attitude de l'administration ne les conduisaient nullement à douter de la légalité des pratiques (pt. 342). La Cour relève, en outre, le contexte d'évolution de la PAC et les contraintes inhérentes aux règles du droit de la concurrence qui rendaient complexe l'articulation de leurs règles respectives, contrairement à ce que la décision attaquée a retenu (pt. 342). Faisant le même constat à propos des pratiques relevant du grief n° 2, la Cour d’appel de Paris conclut que cette circonstance est de nature à atténuer la gravité des pratiques résultant notamment de leur durée, nonobstant leur caractère anticoncurrentiel par objet et, partant, à justifier la réformation de la décision attaquée (pt. 346). En revanche, la Cour confirme l’analyse de l’Autorité s’agissant de l’évaluation du dommage à l’économie (pt. 358), de sorte que la décision attaquée n’est réformée qu'en ce qui concerne l'appréciation de la gravité des pratiques, en tenant compte de la circonstance atténuante tenant à l’attitude de l’administration (pt. 359).

À l’issue de cette réformation, la Cour d’appel de Paris divise par deux les amendes infligées par l’Autorité à l'Association des Viticulteurs d'Alsace et au Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace et fait injonction à l’Autorité de modifier le résumé figurant au § 449 de la décision réformée en indiquant qu’à la suite de l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la Cour d'appel de Paris sur les recours exercés par le CIVA et l'AVA, qui ont été partiellement accueillis, les sanctions pécuniaires ont été réduites.

INFOS : L’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie fait le ménage dans le secteur des pompes funèbres

 

À la faveur de deux décisions rendues le 17 mai 2021, l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie a sanctionné deux abus de position dominante, ainsi qu’une entente dans le secteur des pompes funèbres

Dans la première affaire qui a donné lieu à la décision n° 2022-PAC-02 du 17 mai 2022, l’Autorité sanctionne la société Pompes Funèbres Calédoniennes (PFC), sur le fondement de l’article Lp. 421-2 du code de commerce, pour avoir exploité de façon abusive sa position monopolistique sur le marché de la prise en charge des corps des patients décédés et la gestion de la salle de dépôt de corps à la clinique Kuindo-Magnin en mettant en œuvre des pratiques destinées à évincer ses concurrents sur le marché connexe des services funéraires, pendant plus de deux ans.

La mise en cause avait développé, d’une part, des pratiques de confusion et de captation de la clientèle constituée des familles des défunts pour orienter leurs choix afin d’être retenue pour le transport et l’organisation des obsèques à la sortie de la clinique, et d’autre part, leur avait facturé des prestations non souhaitées.

L’Autorité lui a enjoint de cesser immédiatement ces pratiques anticoncurrentielles et lui a infligé une sanction d’un montant d’environ 29 000 € pour abus de position dominante, correspondant à 25 % du montant maximal de la sanction encourue.

Par ailleurs, et dans la même affaire, l’ACNC a également sanctionné les sociétés PFC et AZ Décès pour avoir mis en œuvre une entente illicite, contraire à l’article Lp. 421-1 du code de commerce, consistant à se répartir les tours de garde des opérateurs de pompes funèbres auprès du CHT Gaston Bourret (Médipôle) et du CHS Albert Bousquet entre 2014 et 2021. En conséquence, et compte tenu du chiffre d’affaires respectifs des entreprises concernées, l’Autorité a infligé au groupe PFC une sanction d’un montant d’environ 48 000 € et aux sociétés AZ Décès/Pacific Granit une sanction de 4 200 €, correspondant à 30 % du montant maximal de la sanction encourue.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie.

 



Dans l’autre affaire, celle qui a donné lieu à la décision n° 2022-PAC-03 du 17 mai 2022, l’Autorité a sanctionné la société Transfunéraire, sur le fondement de l’article Lp. 421-2 du code de commerce, pour avoir exploité de façon abusive sa position monopolistique sur le marché de la prise en charge des corps des patients décédés et de la gestion de la salle de dépôt de corps réfrigérés au CHT Gaston Bourret (Médipôle) en mettant en œuvre des pratiques destinées à évincer ses concurrents sur le marché connexe des services funéraires, entre le 11 octobre 2018 et le 1er avril 2021. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la convention de gestion de la salle de dépôt des corps réfrigérée au CHT, la société Transfunéraire a développé des pratiques de confusion et de captation de la clientèle constituée des familles des défunts pour orienter leurs choix afin d’être retenue pour le transport de corps et l’organisation des obsèques à la sortie de l’hôpital.

Prenant en considération le fait que ces pratiques ont été mises en œuvre par une petite entreprise qui a vu son chiffre d’affaires diminuer pendant cette période, elle a infligé au groupe Transfunéraire — constitué de la SARL Pompes funèbres Transfunéraire, la SARL Transfunéraire et la SARL Transport de corps — une sanction d’environ 16 800 € correspondant à 25 % du montant maximal de la sanction encourue.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant le groupe Inovie à prendre le contrôle exclusif de la société Bio Pôle Antilles, sous réserve de renoncer à faire l’acquisition d’une participation minoritaire dans le seul concurrent de la cible sur le marché des examens de biologie médicale de routine en Guadeloupe et à Saint-Martin, est en ligne, ainsi que celle autorisant, sans condition, la prise de contrôle exclusif de la société Bimédia par le fonds d’investissement TA Associates dans le secteur des solutions globales de caisse à destination des commerces de tabacs/presse (+ 27 décisions, dont 26 simplifiées)

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 29 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 26 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la décision n° 22-DCC-35 du 27 avril 2022 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé le groupe Inovie, qui exploite plus de 400 laboratoires de biologie médicale implantés pour l’essentiel dans la moitié sud de la France, en Île-de-France et à La Réunion, à prendre le contrôle exclusif de la société Bio Pôle Antilles, qui, elle, exploite 14 laboratoires de biologie médicale, dont 11 implantés en Guadeloupe, 2 à Saint-Martin et 1 à Saint Barthélémy. Toutefois, cette autorisation n’a été accordée que sous la condition que le groupe Inovie renonce purement et simplement à une autre opération, l’acquisition d’une participation non contrôlante de la société Synergibio, l’unique concurrent privé de Bio Pôle Antilles en Guadeloupe (14 laboratoires) et à Saint-Martin (1 laboratoire), projet suffisamment engagé et certain pour que le groupe Inovie demande le 3 mars 2022 une lettre de confort relative à ce projet d’acquisition d’une participation minoritaire et pour que l’Autorité la prenne en compte pour les besoins de l’analyse concurrentielle concernant l’autre projet d’acquisition, celui qui lui a été notifié (pt. 53).

Pourtant, les deux acquisitions se présentaient sensiblement de la même façon. Dans les deux cas, le groupe Inovie envisageait d’acquérir 25 % du capital social et des droits de vote mais 99,99 % des droits financiers (droits à distribution de dividendes et de réserves et aux droits de liquidation). Le fait que l’acquisition du capital social et des droits de vote des cibles soit ainsi capée à 25 % des droits tient aux règles posées par le code de la santé publique, qui limite à 25 % du capital la participation d’associés n’exerçant pas la profession de biologiste (pt. 62).

Mais dans un cas — l’acquisition de Bio Pôle Antilles —, celle-ci se traduit par la prise de contrôle exclusif, tandis que dans l’autre — l’acquisition de Synergibio —, l’opération n’entraînera pas un changement de contrôle de l’entreprise concernée. La faute aux projets de statuts applicables dans les deux situations.

Dans le premier cas — l’acquisition de Bio Pôle Antilles —, les statuts prévoyaient que le président de la cible serait nommé par Inovie Group et que le comité de direction sera composé de trois membres, dont le président d’Inovie et le président de la cible nommé par Inovie. Ce comité prendra les décisions stratégiques au sens du droit de la concurrence à la majorité des voix. Dans la mesure où Inovie détiendra la majorité des voix (2/3) au sein du comité de direction, elle sera en mesure d’exercer une influence déterminante sur la cible (pt. 4).

Dans le second cas — l’acquisition de Bio Pôle Antilles —, le projet de statuts prévoyait que la gestion et la direction de la société seraient assurées par un comité de direction composé de trois membres : le président de la cible, un membre nommé par les biologistes et le président d’Inovie. En outre, les décisions du comité de direction seraient prises à la majorité des voix des membres présents ou représentés par au moins deux membres. En cas de partage des voix au sein du comité de direction, les décisions collectives de l’entreprise, telles que celles portant sur l’approbation des comptes annuels, la désignation et la révocation du président de la société, la révocation du membre élu du comité de direction, l’augmentation et la réduction du capital, la fusion, scission ou dissolution de la société seraient adoptées à la majorité de plus de 50 % des voix des actionnaires présents ou représentés (pts. 50-51). De sorte que l’acquisition de 25 % du capital et des droits de vote de la société Synergibio par la société Inovie Group ne permettra pas à cette dernière d’exercer une influence déterminante sur l’activité de la cible (pt. 52).

Quoique cette dernière opération concerne un projet d’acquisition de participation minoritaire, elle est de nature, en combinaison avec l’opération notifiée, à porter atteinte à la concurrence sur les marchés des examens de biologie médicale de routine en Guadeloupe et à Saint Martin (pt. 63).

De fait, Synergibio est le seul concurrent privé de Bio Pôle Antilles en Guadeloupe et à Saint-Martin, ces deux groupes représentant la totalité de l’offre d’examens de biologie médicale de routine à Saint-Martin et la quasi-totalité de l’offre en Guadeloupe (96 %, le CHU de Pointe-à-Pitre proposant des examens de routine à des tiers) (pt. 54). Dans ces conditions, la prise de participation minoritaire de Synergibio, concomitante au projet de prise de contrôle exclusif de Bio Pôle Antilles, confèrera à Inovie des droits à revenus lui permettant de bénéficier de la quasi-intégralité des bénéfices dégagés par la cible, ainsi que et (ii) des droits de représentation et d’information susceptibles de porter atteinte à la concurrence (pt. 55).

À ce stade, l’Autorité fait l’hypothèse que, si Inovie décidait d’augmenter significativement les prix des examens hors nomenclature ou de baisser la qualité de service du groupe Bio Pôle Antilles, le report de patientèle qui ne manquerait pas de s’en suivre au bénéfice du seul concurrent présent —Synergybio — profiterait quasi exclusivement à Inovie via la détention des droits financiers dans Synergybio (pt. 58).

Par ailleurs, la nouvelle entité serait en mesure, du fait de la présence du président d’Inovie au sein du comité de direction, d’obtenir des informations stratégiques de son unique concurrent et d’en tirer un avantage concurrentiel. Cette présence au sein du conseil d’administration, en augmentant la transparence sur le marché, est également susceptible d’engendrer une coordination des comportements de Bio Pôle Antilles et de Synergibio (pt. 61).

Enfin, l’acquisition de 25 % du capital de Synergibio par Inovie verrouillerait toute possibilité d’entrer d’un autre groupe privé concurrent dans le capital de cette société et ainsi sur le marché des examens de biologie médicale de routine en Guadeloupe et à Saint-Martin, puisqu’aussi bien le code de la santé publique limite à 25 % du capital la participation d’associés n’exerçant pas la profession de biologiste (pt. 62).

Afin de remédier au risque d’atteinte à la concurrence identifié sur le marché des examens de biologie médicale en Guadeloupe et à Saint-Martin, la partie notifiante a pris l’engagement de renoncer à acquérir, pendant 10 ans, toute prise de participation dans le capital de la société Synergibio (pts. 77-78).

Pour l’Autorité, cette mesure permettra de répondre aux préoccupations de concurrence identifiées en Guadeloupe et à Saint-Martin puisqu’elle permet de maintenir une offre alternative crédible et suffisante de la part du seul opérateur concurrent présent sur les marchés concernés (pt. 79).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



On verra encore la décision n° 22-DCC-74 du 25 avril 2022 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé, sans condition, la prise de contrôle exclusif de la société Bimédia par un fonds d’investissement — TA Associates — qui détient la société Devlyx. Cette dernière société et la cible sont toutes deux actives dans le secteur des solutions globales de caisse, principalement à destination des commerces de tabacs/presse.

Devlyx et Bimedia n’ont pas le même modèle économique. Bimedia assure directement, par l’intermédiaire de sa propre force de vente, la commercialisation de ses solutions globales de caisse auprès des commerces de proximité. Devlyx, en revanche, est un fournisseur de solutions globales de caisse qui approvisionne uniquement des distributeurs-grossistes indépendants spécialisés dans la distribution de ces produits auprès des commerces de proximité.

Les solutions globales de caisse sont des équipements matériels et logiciels permettant aux commerçants de réaliser différentes tâches liées à leur activité de vente au détail (l’encaissement, la gestion du stock, la saisie de commandes d’approvisionnement, ou encore, dans certains cas, la commercialisation de produits et services tiers, dits « services dématérialisés »). Il s’agit d’outils dédiés à la vente et au pilotage de l’activité des commerçants autour d’un terminal de point de vente (TPV). Elles combinent ainsi les fonctions habituelles des caisses enregistreuses des commerces de détail (la réalisation de transactions) et la gestion logicielle de l’activité du point de vente.

Les effets de l’opération ont été analysés, d’une part, sur le marché de la fourniture de solutions globales de caisse et plus particulièrement sur le marché national de la fourniture de solutions globales de caisse destinées aux seuls tabacs/presse, et, d’autre part, sur le marché national de l’intermédiation pour la vente de services dématérialisés par le biais de solutions globales de caisse, là encore en considération des seuls commerces de type tabacs/presse.

Sur ce dernier marché, les fournisseurs de solutions globales de caisses jouent un rôle d’intermédiation pour la commercialisation de services entre, d’une part, les fournisseurs tiers de ces services et, d’autre part, les commerces de proximité de tabacs/presse qui cherchent à diversifier leurs sources de revenus en les proposant au grand public et en n’engageant que peu de risques commerciaux (absence de stocks). Les fournisseurs de solutions globales de caisse peuvent ainsi intégrer au sein de leurs solutions des services dématérialisés permettant aux tabacs/presse d’offrir à la vente à leur propre clientèle des services financiers, téléphoniques, administratifs, ou encore de « contenus dématérialisés » (cartes cadeaux, recharges pour jeux en ligne, etc.).

S’agissant de l’analyse concurrentielle menée sur le marché de la fourniture de solutions globales de caisse, l’Autorité a constaté que l’opération, une fois réalisée conduirait à une situation de quasi-duopole, la part cumulée de la nouvelle entité s’établissant à [40-50] %, un niveau légèrement inférieur à la part de marché détenue par le principal opérateur du secteur, Logista, qui est de l’ordre de [50-60] %, de sorte que le seul véritable autre concurrent subsistant représenterait environ [0-5] % de part de marché (pt. 95).

En l’espèce, le marché était déjà fortement concentré avant l’opération (IHH pré-opération de 3 617). L’accroissement du degré de concentration du marché résultant de l’opération n’en sera pas moins conséquent avec un IHH de 4 573 après l’opération, soit un delta d’IHH de 956. En conséquence, les seuils relatifs au degré de concentration prévus dans les lignes directrices sont franchis et l’existence d’effets horizontaux découlant de l’opération peut être présumée (pt. 98). L’Autorité note toutefois une certaine fluidité du marché, tenant à la forte dynamique de conquête de points de vente par la société Logista dont les taux de recrutement de nouveaux clients à la concurrence au cours des dernières années sont globalement supérieurs aux taux constatés pour ses concurrents (pt. 106).

Ce faisant, l’Autorité commence par examiner la probabilité d’effets non-coordonnés ou d’effets coordonnés. Elle a d’abord exclu que l’opération ne conduise à des effets non-coordonnés sous forme de hausse des prix. Compte tenu de la stratégie tarifaire agressive du leader du marché, l’entreprise Logista/Stator, et du fait que le marché connaît, plus généralement, une tendance globale à la baisse des tarifs des solutions globales de caisse (pt. 109), l’Autorité estime que les parties n’auront pas d’incitation ni de capacité à augmenter leurs prix du fait du risque de perdre leurs clients au bénéfice de Logista/Strator ou des distributeurs de Devlyx (pt. 107).

Quant aux risques d’effets coordonnés entre la nouvelle entité et de son principal concurrent, ils sont accrédités par le fait que les deux membres du duopole sont des opérateurs historiques solidement implantés sur le marché et que les nécessités du marché induisent un échange entre eux (pt. 117). Pourtant,  l’Autorité considère qu’ils sont peu probables. Certains éléments pourraient limiter la capacité de coordination des comportements des entreprises concernées sur le marché des solutions globales de caisse. Il existe en effet des doutes quant à l’existence d’une transparence suffisante pour permettre une coordination (critère de la détection) ou quant à l’absence de capacité de réaction de la concurrence (critère de la non-contestation) (pt. 119). Sur ce dernier point, l’Autorité observe que la société Aleda qui, bien qu’elle ne représente aujourd’hui que [0-5] % du marché, est solidement implantée sur ce marché depuis plusieurs années, présente une offre comparable à celle des entreprises concernées et estime être en capacité d’adresser aisément une demande additionnelle (pt. 123). Au final, si une coordination entre Logista/Strator d’une part et la nouvelle entité d’autre part, bien que peu probable, ne peut être catégoriquement exclue en considération du seul marché des solutions globales de caisse pris isolément, elle apparaît en revanche peu plausible, compte tenu du lien étroit existant entre ce marché et celui de la vente de services dématérialisés et du fait qu’aucun risque de coordination ne peut être identifié sur ce second marché (pt. 124). Le lien entre les deux marchés apparaît ainsi comme un élément central dans la détermination par les fournisseurs de leurs stratégies commerciales (pt. 131).

S’agissant de l’analyse concurrentielle menée sur le marché de l’intermédiation pour la vente de services dématérialisés par le biais de solutions globales de caisse, l’Autorité, constatant que l’opération est également susceptible d’aboutir à un quasi-duopole sur ce marché, examine d’abord la probabilité qu’elle ne conduise à des effets non-coordonnés.

Premièrement, constatant l’existence d’incitations pour les fournisseurs de solutions globale de caisse à proposer une gamme de services dématérialisés la plus variée et profonde possible (pt. 138) et le coût limité d’intégration d’un service dématérialisé à une solution globale de caisse par rapport au revenu susceptible d’être généré (pt. 133), l’Autorité exclut que l’opération ne conduise à une réduction de l’offre ou à un verrouillage de l’accès au marché pour les fournisseurs de services dématérialisés (pt. 139).

Deuxièmement, l’Autorité exclut, en dépit du renforcement de la puissance d’achat découlant de l’opération, que l’opération ne conduise à une modification des conditions tarifaires au détriment des fournisseurs de services dématérialisés compte tenu du fait que ces derniers disposent d’un chiffre d’affaires et d’une surface financière importants, bien plus conséquents que ceux des fournisseurs de solutions globales de caisse leur permettant d’exercer un fort pouvoir de négociation vis-à-vis de ces derniers (pt. 144), d’autant plus qu’il existe des canaux alternatifs de distribution (pt. 145).

Troisièmement, elle exclut que l’opération ne conduise à une modification des conditions tarifaires au détriment des tabacs/presse, via une baisse des remises ou commissions qui leurs sont versées par la nouvelle entité, compte tenu notamment du fait que les fournisseurs de solutions globales de caisse considèrent le niveau des revenus que les tabacs/presse peuvent tirer de la vente de services dématérialisés au travers de leur solution globale de caisse comme un levier de concurrence important. Comme les revenus tirés des services dématérialisés sont pris en considération par les tabacs/presse au moment de choisir leur solution globale de caisse, pour les fournisseurs de solutions de caisse, les revenus que les tabacs/presse peuvent tirer de la vente de services dématérialisés, dont ils font du reste un argument commercial auprès de leurs clients, constituent ainsi un facteur disciplinant (pts. 149-150).

Quant aux risques d’effets coordonnés sur le marché de l’intermédiation pour la vente de services dématérialisés par le biais de solutions globales de caisse, l’Autorité exclut là encore que l’opération n’aboutisse à une coordination de la nouvelle entité et de son principal concurrent compte tenu de l’opacité et du dynamisme du marché de l’intermédiation pour la vente de services dématérialisés par le biais de solutions globales de caisse. Tout d’abord, l’offre de services dématérialisés est caractérisée par sa variété et son évolutivité (pt. 154). Ensuite, il existe une variété selon les différentes catégories de services dématérialisés concernant les modalités de rémunération tant des fournisseurs que des tabacs/presse (pt. 155). Enfin, l’activité d’intermédiation pour les services dématérialisés n’est pas nécessairement gérée par les mêmes entités selon les services dématérialisés concernés (pt. 156).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



On verra enfin la décision n° 22-DCC-67 du 25 avril 2022 à la faveur de l’Autorité de la concurrence a autorisé sans conditions la prise de contrôle exclusif de la société Coriolis par le groupe Altice France, tous deux actifs dans le secteur des télécoms.

Quoiqu’il s’agisse d’une décision simplifié en l’Autorité s’est fendue d’un communiqué à la lecture duquel je vous renvoie pour le surplus.

 



L’autre décision non simplifiée n'appelle pas, nous semble-t-il, de commentaires spécifiques :

Décision n° 22-DCC-55 du 20 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Yourlab par le groupe Cerba.

 



Les 25 autres décisions simplifiées :

Décision n° 22-DCC-20 du 17 février 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Flama et Gorrine par la société ITM Entreprises ;

Décision n° 22-DCC-27 du 21 mars 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Log’S par le groupe Deret ;

Décision n° 22-DCC-41 du 8 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Atlas For Men par la société Motion Equity Partners ;

Décision n° 22-DCC-45 du 8 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe WeAre par le groupe Mecachrome ;

Décision n° 22-DCC-48 du 13 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Financière Bacalan par la société BlackFin Capital Partners ;

Décision n° 22-DCC-49 du 13 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Eurobio Scientific par la société NextStage AM ;

Décision n° 22-DCC-50 du 25 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Wifirst par la société Atalante ;

Décision n° 22-DCC-51 du 27 avril 2022 relative à la création d’une entreprise commune de plein exercice par les sociétés Bridgepoint SAS et Mentor ;

Décision n° 22-DCC-52 du 6 avril 2022 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe Cegos par les sociétés NCP3B et Bridgepoint ;

Décision n° 22-DCC-53 du 8 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Financière Chopot par le groupe JMJ Automobiles ;

Décision n° 22-DCC-54 du 25 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Océalliance par la société Ardian France ;

Décision n°22-DCC-56 du 22 avril 2022 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Octopus Energy Group Limited par les sociétés Canada Pension Plan Investment Board, Octopus Capital Limited, Origin Energy International Holdings Pty Ltd. et Generation Investment Management ;

Décision n° 22-DCC-58 du 25 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Géosel Manosque par la société Ardian France ;

Décision n° 22-DCC-59 du 25 avril 2022 relative à la création d’une société de groupe assurantiel de protection sociale par BPCE Mutuelle et la CGPCE ;

Décision n° 22-DCC-60 du 15 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés du groupe ERI par Andera Partners ;

Décision n° 22-DCC-61 du 20 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Diagnovie par le groupe Biogroup ;

Décision n° 22-DCC-63 du 14 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Alpha et Deyris Lafourcade par la société Groupe Etchart SAS ;

Décision n° 22-DCC-64 du 13 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Videlio par la société Hivest Capital Partners ;

Décision n° 22-DCC-65 du 22 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société The Surgical Company France Holding par la société Duomed France  ;

Décision n° 22-DCC-66 du 27 avril 2022 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Laro par les sociétés Claipie, Clinvest et ITM Entreprises  ;

Décision n° 22-DCC-68 du 25 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Alixio par la société Ardian France ;

Décision n° 22-DCC-70 du 22 avril 2022 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Ardico et Nodico par les sociétés Maxion et ITM Entreprises ;

Décision n° 22-DCC-71 du 22 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Garage Napoléon par le groupe GCA ;

Décision n° 22-DCC-73 du 22 avril 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Carré d’Or Distribution par la société C.S.F. ;

Décision n° 22-DCC-79 du 3 mai 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de fonds de commerce de concessions automobiles appartenant à la société NDN Paris par la société Robert Rousseau Automobile.

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