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N°92
SOMMAIRE
  • Ben Marc, casseur de verre
  • Tillous, au reboot de la civilisation
  • La playlist de la semaine avec The Soft Moon, Madcat, Carlina...

EN COUV'

Ben Marc, casseur de verre

Ambiance nomade, danse grisante, expérimentation savante... il y a de tout dans la musique du londonien, qui vous promet une chose : annihiler le concept de frontière, sous toutes ses formes. Présentation d'un futur grand nom du jazz-mais-pas-que, qui est en fait déjà là depuis un bail.


Si un mot devait rester de la découverte et de l'écoute du premier album du multi-instrumentiste britannique, ce serait probablement "réjouissance", pour deux raisons majeures. D'abord, le disque sur lequel vos oreilles s'apprêtent à se pencher se révèle particulièrement délicieux. Et ensuite, parce que voir un musicien de l'ombre éclore - qui plus est de la plus belle des manières - nous emplit toujours d'une certaine énergie. Et donc de joie. Attardons-nous néanmoins sur la seconde raison. Vous ne le connaissez sans doute pas - votre humble serviteur non plus pour tout dire - mais Neil Charles alias Ben Marc rôde depuis longtemps dans le secteur et a déjà croisé la route des plus grand.e.s.

Dix ans de tournée avec le père de l'éthio-jazz Mulatu Astatke, quelques travaux communs avec Charles Mingus, China Moses ou Tina Turner, des collaborations avec Johnny Greenwood (Radiohead) et Dizzee Rascal... inutile d'en dire plus pour juger de la crédibilité du musicien, qui a grandi entre Birmingham et les Caraïbes entouré d'un père fan de Bob Marley et d'une mère adoratrice de Blondie. D'abord porté sur le classique, il s'installe finalement à Londres pour étudier à la Trinity College of Music pour suivre les cours de la célèbre contrebassiste Chi-chi Nwanoku. Une période qui finit par s'avérer compliquée, comme ses dires le relatent sur le site de son label Innovative Leisure :

 

"Il n'y avait pas beaucoup de gens qui me ressemblaient dans la musique classique. Je me faisais tout le temps arrêté par la police dans le centre de Londres, alors que je me rendais à Trinity. [...] J'ai arrêté de jouer de la contrebasse pendant quatre ans parce que personne n'employait de gens comme moi [...] Je savais que j'étais bon mais je n'obtenais même pas d'auditions. Finalement, j'ai arrêté de pratiquer."


C'est ce fléau discriminatoire qui finit par s'imposer comme colonne vertébrale thématique de son premier album, baptisé Glass Effect, métaphore toute trouvée symbolisant la perception limitée des musiciens noirs comme n'appartenant qu'à un seul genre (comprenez ici le jazz, NDLR). Il poursuit :
 

"Il y a un plafond de verre dans la plupart des domaines dans lesquels j'ai travaillé : faire de la musique classique; le manque de producteurs noirs au sommet de la musique électronique [...] Il y a tellement de facettes différentes dans le fait d'être un musicien noir à Londres."


Sans surprise, le dit plafond se disloque en une poussière de verre qui tombe comme la pluie à travers treize morceaux riches en mélodies et complets en arrangements en tout genre. Jazz envoûtant qui flirte avec le psychédélisme (Sometimes Slow, Straight No Chasing, Jaw Bone), hip-hop rebondissant (Dark Clouds, Keep Moving, l'instrumental Make Way), sonorités traditionnelles asiatiques mélangées avec des éléments électroniques (Glass Effect) et même quelques virées vers l'ambient accompagnées d'une batterie libérée (Sweet Nineteen), Ben Marc flirte avec ses influences, du free-jazz d'Evan Parker à l'électronique folichonne de Mount Kimbie en passant par le rap hybride de Common.

Avant, on soufflait le verre. Aujourd'hui, on le casse.
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DANS LES BACS

Tillous - Emancipation EP

 

Avec son premier EP, le producteur français met en musique notre avenir - dystopique ou utopique - quand tout recommencera, quoi qu'il arrive.


La pop culture nous rappelle assez souvent que l'Humanité imagine parfois trop sa propre fin, fantasmant divers scénarios déclarés et débattus comme plus ou moins réalisables. Une curiosité maladive qui causera sans doute elle-même notre perte. La folie d'un humain fera-t-elle ruer une armée de machines sur le monde ? Une autre espèce, extraterrestre ou proche-humaine, nous envahira-t-elle ? Un COVID-72 nous tuera-t-il toutes et tous en un battement de cils ? Ou peut-être notre foyer naturel lui-même se révoltera-t-il subitement après avoir trop parlé aux médiateurs du GIEC, sans obtenir de résultats concrets ? Des questions qui se soulèvent mais qui devront rester des points d'interrogation sans réponses, car le premier EP du compositeur-producteur français (moitié du groupe l'Envoûtante) n'évoque pas tant les événements de notre extinction, mais plutôt le redémarrage de nos successeurs.

Entre un bel éventail de beatmaking, des nappes de synthétiseurs qui prennent énormément d'espace, des timbres numériques qui s'imprègnent sur les pistes... Tillous lorgne vers Four Tet, Boards Of Canada, Thylacine et Aphex Twin, et envoie un appel à l'émancipation, au détachement des questions évoquées plus haut comme si elles ne nécessitaient plus de débat.

Il est temps de nous interroger nous-mêmes et d'entrevoir le début d'un monde que notre civilisation ne verra pas (le mélancolique Emancipation, morceau-titre chargé en nostalgie), ou d'imaginer humblement un nouveau monde où l'Humain et la machine trouveront par chance un avenir commun (le subtil et guilleret Seq Sebtisynth). Peut-être que tout partira littéralement en couilles et que l'ombre nous attend, balayant notre existence d'un revers de clavier (le tendu Sioux Loop). Ou peut-être qu'une partie d'entre nous survivra après avoir tiré les leçons des précédentes générations, paralysées par la cécité ou par la croyance loufoque d'une place réservée dans une nouvelle arche de Noé 2.0 (l'acoustico-numérique Taire-Nerf, aussi éloquent en optimisme qu'en mise en garde). Quatre morceaux certes expérimentaux, mais dont l'écorce narrative affirmera le côté très pop.

La bande originale d'un scénario réel qui se fera plus limpide dans quelques milliers de jours.

Tillous
Emancipation EP
Disponible via Petrol Chips


LA PLAYLIST

Evan Marien - Ultima (feat. Dana Hawkins & Plini)
Jazz-Funk / Rock Progressif / Électronique
Des saltimbanques de la rythmique s'amusent sur des mélodies enjouées, pendant que d'autres se tapent la bourre la manette en main : le bassiste new-yorkais s'entoure avec soin pour livrer une musique hybride qui réunira les assoiffé.e.s du jazz zinzin et les geeks jamais rassasié.e.s en high score sur de vieux jeux vidéo. Intergénérationnel. 
Pour les fans de Jaco Pastorius, Herbie Hancock, Koji Kondo
Madcat - Hug The Police
Deep-House / Microhouse
Ça groove, ça plane et ça reboost comme un câlin. Après les emmerdeurs et les assassins de la police, le producteur français se pointe sur la nouvelle compil' de Pont Neuf Records avec une proposition de scénario autrement plus paisible. Utopie ou possible début de quelque chose de plus sain ? Hug The Police comin' straight from the underground.
Pour les fans de Moodymann, Seth Troxler, Tour-Maubourg
Carlina - Deeper
Indie / Bedroom-Pop
Nouvelle tête dans l'indie-pop underground (qui ne restera probablement pas underground très longtemps d'ailleurs), Carlina vous apporte sur un plateau la petite bombe que vous mettrez en soirée cet été pour chauffer votre target que vous aurez par chance réussi à faire venir à votre soirée. Il ne tient maintenant plus qu'à vous de faire en sorte de rentrer dans le vif du sujet, pour ne pas dire dans le fond des choses.
Pour les fans de Sky Ferreira, HAIM, Munya
The Soft Moon & Fish Narc - Him
Industrial / Post-Punk / Alternative
Verrouillage créatif dans son ancien logis berlinois, secrets de famille brusquement découverts et obstacles de la vie : sur son prochain album Exister, Luis Vasquez aborde toutes ses émotions, en témoigne un nettoyage auditif en règle à grands coups de sonorités synthético-métalliques. Mais qui est ce fameux "lui" ? Un voisin relou ou son oncle sorti subitement de prison après quarante ans derrière les barreaux ? Une tête en bazar dont l'état se résume de façon éloquente par l'intéressé : "J'ai vécu les montagnes russes du conflit". Prêt.e pour un tour de manège ?
Pour les fans de Cabaret Voltaire, Joy Division, Nine Inch Nails
Black Midi - Eat Men Eat
Alternative / Indie / Psychédélique
Des trompettes qui crient au désespoir, des guitares qui swinguent et une plongée dans les profondeurs d'un monde étrange : on dirait bien que les londoniens nous emmènent au fond de leur estomac, où se déroule une fête organique rythmée aux psychotropes. Dinguo.
Pour les fans de Tropical Fuck Storm, Squid, Broken Social Scene
Éclo - Brume
Indie-Folk / Indie-Rock
Il est loin le temps où le gamin, alors âgé de 17 ans, tournait avec Craft Spells. Déménagement de Seattle à Paris, virage de la dream-pop à l'indie-folk, passage de l'anglais au français : Peter Michel (connu auparavant sous le nom Hibou) quitte tout pour une nouvelle vie dans un 10m2 parisien. Reste à avoir si les klaxons intensifs dans la rue et le métro parfumé aux aisselles en plein mois de juillet auront raison de ses nouvelles douceurs acoustiques. Et s'il y a écrit Pierre Michel sur son visa bien entendu.
Pour les fans de Iron & Wine, Kings Of Convenience, Big Thief

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