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juin-juillet 2021

Dans ce numéro : 

Parution du livre : "AMR & the Environment, a Global and One Health Security Issue, A4,132 pages, couleurs, avec des experts: OMS EMRO, Institut Pasteur, Universités de Hong Kong, Chine et de Ehime, Japon, et de l'Australie au Bénin, au Royaume uni, en Écosse et du Wellcome Trust.
Info ou commander : www.amrthinkdotank.org; ou : editor@AMR-COVID19.info

Assemblée mondiale de la Santé, mai 2020, une déception. L'OMS applaudie mais affaiblie ?
Opinion libre, Dr Am.

Webinaire (Francophone) AMR & L'Environnement, A la Mémoire du Dr Jacques Acar, expert mondial AMR, 1931-2020. Re-écouter en ligne.

Glyphosate induisant la résistance aux antibiotiques en Asie, Afrique ?
AMR dans les légumes au Bénin.

Interview en exclusivité : Bon Usage des Antibiotiques, Stewardship, dans les pays en développement, Dr Dilip Nathwani, expert mondialement reconnu.
Table des Matières :

Interview en exclusivité : Qu’en est-il de l’utilisation raisonnée des antibiotiques dans les pays à ressources limitées ? Interview du Dr Dilip Nathwani, par Garance F Upham, rédactrice en chef
Dr Dilip Nathwani, FRCP, FRSE, OBE - Professeur honoraire contrôle infectieux, Université de Dundee, Écosse
« L’utilisation raisonnée des antibiotiques consiste à savoir ce qui fonctionne et dans quelle mesure, pourquoi, où, et avec qui (contexte),
et pour combien de temps (durabilité). »


Le professeur Nathwani est un expert mondial dans la formation et l’implémentation du Bon usage, autrement dit de l’Utilisation Raisonnée des Antimicrobiens (URA), concernant la Résistance aux Antimicrobiens (RAM, ou AMR). De 2008 à 2017, il a dirigé le programme national très performant de l’Écosse, un des tout-premiers au monde, et depuis il a dirigé plusieurs initiatives au niveau européen et mondial aux fins d’établir des plateformes d’échanges et d’apprentissage en ligne sur l’AMR et l’URA, et de parvenir à l’implémentation de l’URA en santé humaine dans plusieurs pays par son travail avec bien des sociétés professionnelles, BSAC (qu’il a dirigé), CIDRAP, ou ICARS, ainsi que pour l’Organisation mondiale de la Santé, et la Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD).

 
Question : Vous êtes un pionnier dans le domaine de l’utilisation raisonnée des antibiotiques – ce qu’en anglais on appelle ′AMR Stewardship’, et qu’ici on appellera « Utilisation Raisonnée des Antimicrobiens » (URA) – adaptée aux situations où il n’y a que de faibles ressources, pouvez-vous expliquer comment vous y travaillez ?
 
Dr Nathwani : Dans le contexte de la résistance aux antimicrobiens (AMR), un certain nombre de définitions ont été proposées. Ma préférence va à celle adoptée par l’OMS qui définit l’Utilisation Raisonnée des Antimicrobiens (URA) comme “un ensemble cohérent d’actions qui favorisent l’utilisation responsable des antimicrobiens.” Il s’agit d’une stratégie d’ensemble, plutôt que d’une intervention spécifique. Une utilisation raisonnée, responsable, des antimicrobiens, en vérité, doit définir l’ensemble des pratiques à appliquer, pour cette stratégie, et devrait varier en fonction du contexte, des ressources, et ainsi de suite. C’est cette capacité à adapter les interventions ou les solutions, puis de les adopter efficacement dans le cadre des soins de santé en question, qui est la clé de notre façon d’aborder cela dans chaque environnement à faibles ressources.
La fidélité à la mise en œuvre des activités pour cette utilisation raisonnée dans les systèmes de santé est au cœur du changement et de l’amélioration des résultats. En effet, cette fidélité décide si une intervention ou un programme est mis en œuvre comme prévu, et dans quelle mesure. C’est seulement en comprenant et en mesurant si une intervention a été mise en œuvre avec fidélité que les chercheurs et les praticiens peuvent comprendre comment et pourquoi une intervention fonctionne, et dans quelle mesure les résultats peuvent être améliorés.
En bref, il s’agit de savoir ce qui marche et dans quelle mesure, pourquoi, où, et avec qui, (contexte), et pendant combien de temps (durabilité) ?
En outre, ce n’est qu’en commençant à voir les obstacles et barrières dans une série de contextes, de cultures, de géographies et de niveau de ressources, différents les uns des autres, que nous pourrons élaborer et mettre en œuvre des solutions appropriées. Beaucoup d’évaluations sur l’utilisation raisonnée des antimicrobiens sont simplement effectuées dans le contexte de pays à revenu élevé ou de pays développés, et sont donc inappropriées pour d’autres situations.
La composante “fidélité dans l’implémentation” de ces évaluations, même dans ces contextes, est souvent absente ou sous-optimale.
Cependant, on assiste à l’émergence d’études de bonne qualité qui fournissent des preuves suggérant que les actions afin de mettre en oeuvre l’utilisation raisonnée des  antimicrobiens sont indubitablement bénéfiques, et ont de bons résultats, en particulier dans le cadre hospitalier et, dans une moindre mesure – moins d’études – dans le cadre communautaire.
Il y a même encore moins d’évaluations de bonne qualité démontrant les avantages de l’URA dans les pays à ressources limitées, bien qu’on admette que de bons programmes URA soient largement bénéfiques. Il y a également peu d’études portant sur les communautés ou le milieu non hospitalier, où la majeure partie de la mauvaise prescription d’antibiotiques se produit en général dans les pays à ressources limitées.
L’amélioration de la fidélité de la mise en œuvre étant l’objectif principal de notre collaboration avec l’OMS, nous avons tout d’abord créé une liste de contrôle de base des éléments essentiels des actions pour l’utilisation raisonnée des antimicrobiens (boîte à outils) dans les pays à ressources limitées, en ciblant le milieu hospitalier.
Cette liste sera, à l’avenir, soutenue par d’autres mises à jour et adaptations basées sur les recherches existantes et émergentes sur la « mise en œuvre » dans ce contexte. En effet, l’un de ces exemples est le programme TAP : Tailoring Antimicrobial Resistance Programmes, (Adaptation des Programmes sur la Résistance aux Antimicrobiens) développé par l’OMS. Ce TAP est, étape par étape, un guide pour la conception et la mise en œuvre d’une intervention visant à une modification-de-comportement de groupes ciblés spécifiques afin de contenir les moteurs de l’AMR. Il sera testé dans le contexte de l’utilisation raisonnée des antimicrobiens dans le cadre du projet ICARS (International Centre for Antimicrobial Resistance Solutions) en Géorgie. L’OMS, en collaboration avec d’autres organisations, a l’intention de poursuivre le développement de conseils qui soient spécifiquement pour les milieux ambulatoires et communautaires.

Question : Moi-même, en tant qu’expert, pendant 10 ans, dans le comité directeur du Programme Patients pour la Sécurité des Patients, lorsque le programme OMS-Royaume-Uni pour la Sécurité des Patients a été lancé en 2004 – je suis contente de vous lire lorsque vous écrivez : “La gestion globale des antibiotiques commence par des usagers individuels qui se rapprochent les uns des autres pour partager leurs expériences, leur formation et leurs ressources, pour collaborer à la recherche et à la publication, et pour mettre en place des programmes de mentorat”, car votre projet semble partir de la base ? Avez-vous mis cela en œuvre dans des pays à ressources limitées ?

Dr Nathwani : En effet, un certain nombre d’entre nous, en tant qu’individus mais aussi en tant que leaders professionnels appartenant à des sociétés savantes du domaine de l’infection, avons été des défenseurs passionnés et ardents du rôle des stewards et des organisations professionnelles avec un état d’esprit de stewardship globale, c’est-à-dire la gestion d’une utilisation raisonnée au niveau mondial.
Par le biais de ma présidence (2015-2018) de la British Society of Antimicrobial Stewardship (BSAC), et en collaboration avec un corps international de gestionnaires partageant les mêmes idées, ainsi qu’avec d’autres parties prenantes, j’ai conduit « le principe d’un apprentissage global et contextuel de l’utilisation raisonnée des antimicrobiens à partir d’une expérience partagée et d’une éducation en libre accès et de plus en plus numérique. Dans ce cadre, nous sommes en train de construire des réseaux portant sur l’utilisation raisonnée des antimicrobiens, tant dynamiques que collaboratifs, au niveau local ou régional, qui permettent le mentorat et l’établissement de relations. Un tel exemple est celui du Golfe, de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, ainsi que des travaux au Kenya, en Inde, en Russie et en Amérique latine. D’autres initiatives comprennent l’accréditation et le partage des connaissances sous ses différentes formes – informations, données, éducation, formation et recherche. Ce Global Infection Learning Hub (dont le nom définitif est en cours d’examen, Hub Mondial d’Apprentissage de l’Infection) comprendra une série d’activités liées à l’utilisation raisonnée des antimicrobiens et à l’AMR, y compris des ressources portant sur la COVID-19, compte tenu de son impact indéniable sur l’URA et sur les capacités, les aptitudes et la résilience des systèmes de santé. Il s’agira notamment d’un forum de partenariat international, d’un système d’accréditation AMS / URA Usage Raisonné de l’Antimicrobien/ mondial, d’un référentiel d’apprentissage en ligne sur la résistance aux antimicrobiens et le Bon Usage, et la préparation aux pandémies, d’un centre d’éducation sur les infections, de la formation sur les infections, de l’engagement civique et de l’AMR, de la COVID-19 et de la communauté des investisseurs. Un exemple de cette dernière est un partenariat public-privé unique de la BSAC avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ainsi que Pfizer, et des philanthropes, entre autres, qui soutiendra le développement indépendant et progressif du hub. Nous espérons que d’autres se sentiront poussés à nous rejoindre dans ce voyage d’apprentissage et de partage des connaissances.

Question : Le Dr Acar était absolument ravi de ses responsabilités au sein du Fonds Fleming – même s’il en avait beaucoup d’autres aussi ! Pouvez-vous nous en dire plus sur le rôle du Fonds dans le soutien des efforts des pays africains pauvres ?
 
Dr Nathwani : Bien que je ne sois pas directement impliqué dans le travail du Fleming Fund, je soutiens les principaux volets de son travail en Asie du Sud, en Asie du Sud-Est et en Afrique en ce qui concerne la surveillance, de la capacité des laboratoires et du soutien à la création et à l’utilisation de données pour appuyer la prise de décision en matière d’AMR, de pharmaco-résistance, ainsi que l’éducation concernant la sensibilisation aux données et à l’AMR. Ma légère frustration, et donc la prémisse de ma présentation (mémorial pour le Dr Acar organisé en mars dernier par le Fund), était que le Fleming Fund et les personnes sur le terrain qui mettent en œuvre ces objectifs doivent s’engager davantage avec la communauté des utilisateurs d’antimicrobiens et les cliniciens. Il ne s’agit pas des personnes chargées spécifiquement des maladies infectieuses, mais des chirurgiens, des internes, des pédiatres, etc.
Nous devons penser aux données et leur utilisation à partir du concept de la science de l’amélioration qualité,  une approche plus scientifique de l’utilisation des données afin de les rendre pertinentes pour “la pratique quotidienne du clinicien”. À l’heure actuelle, les données sont plutôt considérées comme une mesure de recherche, d’usage raisonné ou d’examen/jugement, plutôt que comme un élément permettant d’éclairer la prise de décision clinique et d’améliorer les résultats pour les patients. La nécessité d’établir des relations, une compréhension et des relations de travail étroites entre les laboratoires, épidémiologistes et les prescripteurs – et beaucoup ajouteraient la communauté des patients –  est au cœur de ce problème. Pour faire évoluer les mentalités des systèmes de soins de santé en matière de création et d’utilisation des données, il faut un leadership local, une appropriation et un changement culturel – il faut que cela compte pour eux ! Dans de nombreuses cultures, les données sont considérées comme secrètes et ne doivent pas être partagées ouvertement ou faire l’objet d’un apprentissage – c’est là qu’un changement culturel est nécessaire. Les données peuvent également être considérées, malheureusement, comme un outil punitif plutôt que bénéfique !
 
Le Fleming Fund a le mérite d’investir dans le développement de ressources pédagogiques de qualité pour soutenir ses initiatives – conclut le professeur Nathwani – j’ai personnellement le sentiment que ces ressources doivent s’inscrire dans le cadre plus large de « l’usage raisonné conforme face à l’AMR », en collaborant et en s’alignant sur les travaux d’autres organismes, tels que la BSAC et d’autres (mentionnés ci-dessus), car cela constituerait un pas important dans la bonne direction.
Je serais certainement heureux que le Fleming Fund soit impliqué dans la plateforme d’apprentissage que nous sommes en train de créer, laquelle pourrait être intéressante pour l’AMR Think-Do-Tank.
L'Assemblée mondiale de la Santé (AMS) de mai 2021 : pour faire face à la COVID-19, l'OMS a besoin d'être renforcée et non pas diminuée !
Une Assemblée mondiale de la Santé 2021 décevante, où l'OMS est vivement remerciée.... mais désargentée.


L'AMS de cette année a été une véritable déception à bien des égards. Les gros titres ont fait croire que la pandémie était derrière nous, même du côté de l'OMS, (comme l'a écrit Jeffrey Sachs de l’Université Columbia dans son évaluation un peu cynique du G7 et du Sommet mondial Santé, "We don't need the G7"/ Pas besoin du G7), et que gouvernants ou société civile, nous n'avions à nous préoccuper que d'une future pandémie, d'où la discussion sur un « Traité sur les Pandémies », - (voir la société civile sur le sujet) qui doit reprendre en novembre. L'épineuse question des droits de propriété intellectuelle (DPI) a également été reportée à novembre.

La proposition de lever les DPI - proposée par l'Afrique du Sud et l'Inde - et soutenue par le président américain Biden, par le DG de l'OMS, le Dr Tedros, ainsi que par le DG de l'ONU, António Guterres - a été strictement et fermement bloquée par les États membres de l'UE, ainsi que par la Suisse et Israël. D'autres bulletins d'information sont mieux équipés pour couvrir les enjeux des débats de l'OMC (Geneva Health Files). Il nous a semblé – nous qui sommes impliqués dans les débats sur l’avenir économique en Afrique – que la question des capacités de fabrication industrielle / qui pourraient être réellement augmentées par la levée des DPI, était plus importante que l’Accès aux produits existants en tant que tel, car leur efficacité dans la durée sont incertaines. Notons que le PDG de Moderna et celui de Pfizer ont tous deux admis qu'un "troisième rappel en août" (Moderna à la presse française) ou quelques "6 semaines supplémentaires seulement de R&D" (Pfizer) seraient nécessaires pour faire face aux variants émergents et leurs mutations. The Lancet a publié l'étude la plus sérieuse sur le déclin de l'efficacité des vaccins contre les variants. En Inde, des virologues de haut niveau mettent en garde contre les mutations du variant Delta qui annulent partiellement l'immunité acquise par des vaccins ou une infection précédente, dans le journal The Wire : « L'un des plus grands virologues indiens, Shahid Jameel, a déclaré qu'il craignait que la mutation Delta+, également connue sous le nom de AY.1 (B.1.617.2.1), puisse échapper à l'immunité conférée par la vaccination ainsi qu'à celle conférée par des infections antérieures. »

Des États-Unis on nous apprend qu'il y a déjà eu plus de 4000 décès dus à la COVID-19, chez des personnes entièrement vaccinées... ce qui indique que si les vaccins sont excellents, ils sont nécessaires mais pas suffisants, ils ne sont pas magiques, malheureusement. La prévention doit être maintenue et renforcée partout, et du Portugal à l'Australie, un certain re-confinement est déjà en cours. L’OMS même a dit : gardez vos masques. La levée de l’obligation du masque par les CDC aux USA a donné lieu à une pétition nationale pour revenir sur cette (mauvaise) décision. Il est clair qu'il faut aussi entreprendre plus sérieusement du séquençage, partout dans le monde pour surveiller l'émergence de mutations.
Ce que je veux dire, mais je ne représente pas une entité manufacturière publique ou privée, c'est qu'il faut moins se concentrer sur l'accès aux produits existants, car les vaccins d'aujourd'hui ne fonctionneront peut-être pas demain, mais plutôt sur l'augmentation des capacités de fabrication, de R-D, et leur décentralisation, afin que nous ayons collectivement les capacités de produire ce qui serait nécessaire dans six mois ou un an, ainsi que de faire face aux mutations des coronavirus et à l'apparition de nouveaux agents pathogènes. Dans ce sens, la levée des DPI et le partage du savoir-faire en matière de R-D peuvent apporter la Santé et la Sécurité sanitaire pour tous. Nous avons besoin d'une politique industrielle et d'une meilleure planification, comme l'a souligné le webinaire de la CNUCED, notamment, par exemple, par le ministre éthiopien Arkebe Oqubay.

Dans l'ensemble, ce récent séminaire organisé par la CNUCED (voir le replay sur Youtube) avec Richard Kozul-Wright, Jayati Ghosh, Ha-Joon Chang, Mariana Mazzucato, J. Ocampo, Arkebe Oqubay, a été plus précis sur la question de la technologie des vaccins, même si ce n'était pas du tout le sujet central : aujourd'hui, nous devons repenser la politique industrielle, et ce sont ceux qui s'attardent sur la question, ou sur la façon dont les DPI en matière de R&D peuvent être trop limitatifs pour l'innovation (Mazzucato), qui sont plus à même de comprendre les problèmes que de nombreux experts des questions de santé et de médicaments en soi. La professeure M. Mazzucato a signalé l'importance de la note d'information très polémique de l'OMS sur l'innovation et sa position sans équivoque sur les vaccins et autres produits de santé, publiée par le Conseil sur l’Economie de la Santé pour Tous de l'OMS, qu'elle préside, le 9 juin, Governing Health Innovation for Health for All. Il est à noter que ce Conseil comprend des personnalités bien connues comme les professeures Jayati Ghosh ou Illona Kickbush.

Lors de l'Assemblée mondiale de la Santé, il a été étonnant d'entendre que les gouvernements des pays riches puissent tous prétendre vouloir renforcer et financer l'OMS, tout en ayant l’animal tiré et écartelé, comme un cheval, pour ainsi dire, puisquon notera les annonces suivantes officielles :

  • la France lance l'Académie de l'OMS à Lyon ;
  • l'Allemagne, un centre R&D avec l'OMS à Berlin ;
  • le Royaume-Uni, un super centre de Surveillance à Londres avec l'OMS ;
  • et la Suisse annonce un grand laboratoire à Sciez avec toujours l'OMS!

Si cela ne signifie pas détourner de l'argent et des ressources qui autrement iraient directement à l'OMS  je ne sais pas ce que c'est.
C'est un peu du déjà-vu : l’ex- DG de l'OMS Gro H. Brundtland avait essayé d'apporter des ressources à une OMS à court de fonds il y a quelques années avec l'Initiative de Winterthur sur les Maladies de la Pauvreté. Cela a abouti au Fonds mondial de Lutte contre le SIDA, plus tard traitant aussi de la tuberculose et du paludisme, devenu une fondation suisse, très bien, mais il aurait pu faire partie d'une OMS plus grande et plus forte ?

Puis deux flèches pour déstabiliser l'OMS :
- Les allégations d'un scandale sexuel en République démocratique du Congo, par du personnel employé par l'OMS, et l'insistance pour des prises de positions de la direction (Dr Tedros, et puis son très proche Dr M. Ryan). Franchement, cela rappelle la chasse aux sorcières contre le Dr Michel Sidibé, qui s'est depuis révélée sans fondement. Imaginez : demanderiez-vous à un PDG de faire acte de contrition si un membre du personnel était en faute ?
- La pression sur l'organisation avec des demandes d'enquêtes sur les origines du coronavirus, qui semblent s'inscrire dans une ambiance plutôt " guerre froide " dans les relations internationales, telle qu'introduite par Trump. Nous avons lu et parlé de l'intéressant livre en français de Brice Perrier (voir The BRIEF du mois dernier). Pourtant, toutes les nations riches ont des laboratoires qui travaillent sur le "gain de fonction" et il est certain que la sécurité, au niveau local et national, est faiblement appliquée.

L'énergie ne serait-elle pas mieux utilisée dans des réglementations plus strictes et dans la prévention ? Le fait est que les dirigeants de la majorité des pays n'ont pas pris de mesures de confinement sévères, comme le professeur William Haseltine l'a dit des États-Unis.

Cela dit, la reconnaissance par l'OMS de la transmission par voie aérienne du SRAS-CoV-2 avance vraiment à petits pas de tortue. La prévention de la transmission par voie aérienne est encore terriblement négligée. La surveillance des eaux usées est sous-utilisée, alors qu'il s'agit d'un excellent outil pour prévenir les clusters, grâce à une identification précoce, des tests et une mise en quarantaine.

Les virus de la nature ne prennent pas de congés, ils voyagent plutôt avec les fêtards, les vols aériens via les systèmes de ventilation et l'air conditionné des restaurants.

Nous risquons de payer terriblement cher dans les semaines à venir le plaisir de l'humeur vacancière des pays riches d'aujourd'hui.

Pendant ce temps, mon continent bien-aimé, l'Afrique, se porte mal, confrontée à des invasions de criquets pèlerins (qui affectent les réserves alimentaires d'un habitant sur dix dans le monde et dont l'essaim devrait atteindre bientôt 500 km de large, selon la FAO) et à des maladies dont la tuberculose, et toutes les autres, auxquels les services de santé ne peuvent faire face en plus de la COVID19.

Opinion invitée, Dr Am, MD, chercheuse, collaboratrice, AMR-COVID19, Conakry, Guinée.

Choléra et bactéries résistantes à Cotonou, Bénin
Comment faire pour éradiquer le choléra à Cotonou ? Dr Bawa BOYA, PhD, microbiologiste. Juin 2021

L’éradication du choléra à Cotonou passe par une démarche portant sur plusieurs fronts. Les mesures doivent associer la surveillance, l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable, de l’assainissement et de l’hygiène, la mobilisation sociale.

Au Bénin, le choléra est apparu en 1970. Depuis, les épidémies de choléra sont devenues presque annuelles et surviennent généralement au décours de la saison des pluies. Les quatre départements côtiers du sud du Bénin (Littoral, Atlantique, Ouémé et Mono) sont les plus touchés. La commune de Cotonou représente près de la moitié des cas de choléra chaque année. Les causes d’un tel constat résident certainement dans les conditions socioéconomiques et sanitaires qui ne favorisent pas l’application des dispositions d’hygiène et d’assainissement dans le milieu. Le grand collecteur du marché Dantokpa permet de drainer la plus grande partie des eaux de pluie de la ville de Cotonou vers le lac Nokoué. Mais depuis quelque temps, il sert de dépotoir d’ordures pour certains usagers indélicats du plus grand marché de la capitale économique du Bénin. Cette pratique malsaine peut favoriser l’épidémie du choléra parce que cette eau est souvent utilisée pour le maraîchage. Ces différents produits maraichers se retrouvent quotidiennement dans les mets surtout à base de laitues. Et aussi, c’est dans cette eau que les pêcheurs captent au filet des poissons destinés à la consommation. De plus, la recherche faite sur les souches de Vibrio responsables du choléra isolées de ces milieux se sont révélées résistantes à des antibiotiques couramment utilisés à l’hôpital. Par conséquent le Benin continuera d’être une zone endémo-épidémique pour le cholera s’il n’y a pas une politique nationale de l’hygiène et de l’assainissement. Car les dépotoirs sauvages deviennent des lieux de défécation des populations. Pendant la saison des pluies, les eaux de ruissellement drainent les matières fécales dans certains puits non couverts et sans margelle qui sont des sources d’approvisionnement en eau de boisson pour certaines populations. Les mauvaises pratiques d'hygiène augmentent le risque de prolifération des mouches, de contamination des sols comme des ustensiles, de l'eau et des cuisines et augmentent ainsi le risque de choléra. Dans les pays développés, ce sont les mesures d’hygiène qui ont permis l’éradication du choléra, tandis que dans les pays en développement, l’élévation des niveaux d’hygiène à des bases acceptable, est loin d’être réalisée pour des raisons socio-culturelles et de sous-investissements.


Photo : La berge lagunaire de Cotonou occupée par des populations produisant des déchets ménagers et fécaux.

Production de toxines et résistance aux antibiotiques des souches de Staphylococcus aureus isolées des produits maraîchers et de leur eau d'irrigation à Cotonou, Bénin

Lamine Baba-Moussa et al, 2020, Laboratoire de Biologie et de Typage Moléculaire en Microbiologie ; Département de Biochimie et de Biologie Cellulaire, Faculté des Sciences et Techniques, Université d’Abomey-Calavi, Bénin)


La consommation de légumes du jardin entraîne des cas d’empoisonnement alimentaire, car ces produits maraîchers sont consommés crus. L’objectif de cette étude fut d’établir les profils de résistance aux antibiotiques et de production de toxines de la souche Staphylococcus aureus isolée des produits maraîchers et de l'eau d'irrigation à Cotonou. Les auteurs ont collecté 4 sortes de produits maraîchers et les échantillons d'eau d’irrigation auprès de quatre maraîchers et les ont analysés : laitues, carottes, choux et grande morelle. Ils ont trouvé que 69,81 % de 112 échantillons analysés étaient contaminés par S. aureus. Ce taux observé variait en fonction du type d’eau.

Ils ont montré que 17,56 % des eaux d'irrigation et 82,44 % des produits maraîchers étaient contaminés par S. aureus. Ces souches de S. aureus isolées étaient résistantes aux antibiotiques. Le légume grande morelle était le plus contaminé (32,79%), suivi de laitues (27,86%), choux (21,31%) et carottes (18,04%). Les eaux de puits étaient contaminées pour plus de la moitié.

Le pire niveau de résistance : la lincomycine (62,06%), la résistance à la méticiline (MRSA) atteignait 20,69%. Par contre, pas de résistance à la ciprofloxacine. 70,27 % ont produit des toxines. Ainsi, les souches résistantes à la méticilline (SARM), productrices de la leucotoxine de Panton et Valentine (PVL), productrices d’épidermolysines (A et B) et productrice la leucotoxine LukE-D ont été isolées aussi bien dans les eaux d’arrosage que dans les produits maraîchers.

En revanche, les souches de Staphylococcus aureus sensibles à la méticilline (MSSA) ont produit l’épidermolysine B, suivie de leukotoxine LukS-F. La présence de SARM- PVL dans ces aliments constitue un risque supplémentaire pour le consommateur. (…)
Les risques de contamination des légumes existent donc au Bénin.

Journal of Agriculture and Food Research
Manquements au contrôle infectieux
Bactéries résistantes aux carbapénèmes dans les unités de soins intensifs pendant la pandémie de COVID-19 : étude transversale multicentrique avant-après

Renato Pascale et al. (Unit, Policlinico Sant'Orsola, Bologne, Italie)
 
Afin d’évaluer l'incidence de la colonisation et de l'infection par des entérobactéries productrices de carbapénémase (CRE ou EPC) et des Acinetobacter baumannii résistants aux carbapénèmes dans les unités de soins intensifs des hôpitaux (à Bologne) avant et pendant la pandémie de COVID-19. Les auteurs ont effectué une étude transversale multicentrique avant-après visant à comparer les taux de colonisation et d'infection par des EPC et par des A. baumannii-RC dans deux périodes d'étude, la période 1 (jan.-avril 2019) et la période 2 (jan.-avril 2020). Il n’est apparu aucune différence dans la colonisation et l'infection par des EPC entre les deux périodes (sans/avec SARS-CoV-2).
Par contre concernant les Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes, A.baumannii-RC, ceux-ci ont augmenté de manière significative pendant la période COVID-19.
La probabilité d’une transmission horizontale transparaît notamment dans un des trois centres par le fait que les isolats cliniques appartenaient à un même groupe monophylétique.
En conclusion, notre étude montre que, parallèlement à la nécessité d'appliquer les principes de bonne gestion – d’utilisation raisonnée - des antibiotiques pendant la pandémie COVID-19, le contrôle infectieux visant à lutter contre la propagation de la pharmacorésistance au sein des hôpitaux et entre eux durant la pandémie de COVID19, doit être bien poursuivi, et si nécessaire reorganisé, en fonction des nouvelles structures organisationnelles imposées par la pandémie.

Source : Infection Control & Hospital Epidemiology


Programme de Bon Usage des antimicrobiens, COVID-19 et contrôle infectieux :
Propagation de la colonisation par Klebsiella Pneumoniae résistantes aux carbapénèmes chez les patients de l'unité de soins intensifs COVID-19. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?


Beatrice Tiri et al 2020, Antimicrobial Stewardship Unit, Department of medicine, St. Maria Hospital, 05100 Terni, Italy.

Ce travail a eu pour objectif d’évaluer l'incidence de la colonisation par des entérobactéries résistantes aux carbapénèmes (CRE) et l'acquisition de CRE dans l'unité de soins intensifs (USI) à l'ère pré-COVID-19, pendant la pandémie de COVID-19 et à l'ère post-COVID-19. Pour y parvenir, les auteurs ont effectué une surveillance active chez les patients contaminés par des entérobactéries résistantes aux carbapénèmes selon les lignes directrices de l'ESCMID pour les mesures de contrôle infectieux visant à réduire la transmission des bactéries Gram négatifs multi-résistantes chez les patients hospitalisés à l’hôpital de Terni (Ombria, Italie), l’incidence de l'acquisition de carbapénèmes est passée de 5 % en moyenne en 2019 à 50 % pendant la pandémie COVID-19 malgré la formation de toutes les équipes sur les mesures de prévention et contrôle infectieux.
67 % des patients dont la posture a été modifiée en position couchée (retournés sur le ventre) ont été contaminés par les carbapénèmes, et parcontre, 37 % des patients dont la posture n'a pas été modifiée. Le mécanisme d'acquisition des entérobactéries résistantes aux carbapénèmes est la transmission croisée des microbes, des infections nosocomiales. Tous les carbapénèmes isolés étaient des Klebsiella pneumoniae KPC (Klebsiella Pneumoniae Carbapenemase). La position initiale de nombreux patients COVID-19 a dû être changée en position ventrale couchée et la propagation de Klebsiella pneumoniae KPC dans l'unité de soins intensifs COVID-19 en a résulté.

Source : Journal of Clinical Medicine

Klebsiella pneumonie résistantes aux carbapénèmes chez les patients COVID-19 admis en soins intensifs : Rester alerte.

G. Montrucchio et al. 2020, Anestesia e Rianimazione 1U, Department of Anesthesia, Intensive Care and Emergency, ‘Città della Salute e della Scienza’ Hospital, Turin, Italy.

Ce travail a eu pour objectif d'évaluer l'incidence et l'évolution dans le temps des infections à Klebsiella pneumonie productrices de carbapénémase (KPC) pendant les séjours dans l’Unité de Soins intensifs (USI) pour une cohorte de patients affectés par le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) lié à la COVID-19. Pour y parvenir, les auteurs ont effectué une identification bactérienne, les tests de sensibilité aux antimicrobiens et la caractérisation des isolats producteurs de carbapénèmases à l'aide du système MALDI-TOF. La détection des gènes de résistance aux carbapénèmes a été effectuée à l'aide du test Xpert Carba-R. Au terme de leurs observations, il est apparu que tous les patients avaient été précédemment traités par des antibiotiques à large spectre, pour une co-infection bactérienne antérieure documentée avant l’infection à Klebsiella pneumonie productrice de carbapénémase. La mortalité liée au choc septique KPC était de 28,6 %. Toutefois, les facteurs de risque connus pour le développement des infections à KPC ne semblent pas entièrement applicables dans cette cohorte de patients. En effet, leur population d’étude était relativement jeune et exempte de comorbidités importantes, à l'exception de l'obésité (57,1 %). À l'inverse, les facteurs potentiellement impliqués dans le risque d'infections par des agents pathogènes multirésistants sont : l'augmentation des transferts de patients due à la pandémie qui touche l'ensemble de l'Italie du Nord, l'administration préalable d'un traitement antibiotique à large spectre avant l'admission à l'hôpital, la présence d'une autre co-infection bactérienne invasive antérieure, et la gravité de la cohorte de patients nécessitant une oxygénation par membrane extra-corporelle veineuse dans 71,4 % des cas, et une thérapie de remplacement rénal continue dans 28,6 % des cas. Il est nécessaire de maintenir une attention majeure sur les infections à CP-KPC même, et surtout, chez les patients COVID-19 en raison de leur extrême fragilité.

Source: J Glob Antimicrob Resist.

Augmentation de l'infection et de la colonisation hospitalière par Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes (CRAB) dans un hôpital de soins aigus lors d'une hausse des admissions au COVID-19 - New Jersey, février-juillet 2020

Stephen Perez et al 2020. US Department of Health and Human Services, Centers for Disease Control and Prevention. MMWR.
 
Ce travail a eu pour objectif d’évaluer l’augmentation de l'infection et de la colonisation hospitalière par Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes ABRC,ou CRAB en anglais), un organisme typique des infections-acquises-à-l'hôpital, dans un hôpital de soins aigus lors d'une hausse des admissions COVID-19 - New Jersey, février-juillet 2020. Les auteurs ont effectué une enquête à but analytique sur 34 patients atteints d'une infection ou d'une colonisation à Acinetobacter baumannii multirésistante acquise à l’hôpital dans deux unités de soins intensifs pour des patients atteints de COVID-19. Au terme de leur étude, il est apparu qu’une augmentation des hospitalisations liées au COVID-19 avait entraîné une pénurie de personnel, d'équipements de protection individuelle et d'équipements médicaux, ce qui a conduit à modifier les pratiques conventionnelles de prévention et de contrôle infectieux avec en conséquence, une augmentation des isolats Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes.  En effet, 82 % de l'infection ou la colonisation par  CRAB s'est produite pendant la recrudescence des cas de COVID-19 dans l'établissement. 50 % des infections par CRAB avaient une infection confirmée par le SRAS-CoV-2. Pendant  la recrudescence des cas de COVID-19 qui s'en est suivie, la diminution de la vigilance pour le contrôle des transmissions de CRAB, y compris la suspension du groupe de travail sur les organismes multirésistants, la réduction des cultures de surveillance, la réduction des effectifs a probablement contribué à ce cluster de CRAB. Pour réduire la propagation des organismes multirésistants et le risque d'infection pour les patients, les hôpitaux doivent rester vigilants pour prévenir et détecter les clusters d'infections inhabituelles et réagir rapidement lorsqu'elles sont détectées.

Source : Morbidity and Mortality Weekly Report

Flambée épidémique de bactéries résistantes aux antibiotiques liée à l'augmentation du nombre de patients COVID-19

Bridget M. Kuehn, 2021. News From the Centers for Disease Control and Prevention.

L’hôpital est un environnement favorable à la persistance d'Acinetobacter baumannii. La transmission aux patients est favorisée par la ventilation mécanique, la présence de cathéters intraveineux, les procédures invasives et l'administration d'antibiotiques à large spectre, particulièrement chez les patients qui sont hospitalisés en unité de soins intensifs. Lorsque ces risques ne sont pas maîtrisés, on assiste à une augmentation du taux d’infection à A. baumannii. C’est ce qui s’est passé à l’hôpital du New Jersey, où l'afflux des patients atteints de COVID-19 avait entraîné des pénuries de personnel, d'équipements de protection individuelle et d'équipements médicaux. Cette situation avait conduit à la modification de certaines méthodes de contrôle des infections à Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes. En effet, des manquements involontaires se sont produits. Le dépistage des infections à Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes dans l'unité de soins intensifs a diminué de 43 % et les bains de chlorhexidine étaient moins fréquents. Par conséquent, ces failles dans les pratiques de contrôle infectieux lors de la vague de COVID-19 ont contribué à l'apparition d'un cluster (34 patients) d'infections à Acinetobacter baumannii résistant aux carbapénèmes (CRAB) dans un hôpital du New Jersey. En réponse à l'épidémie de CRAB, l'hôpital a amélioré non seulement le nettoyage de l'environnement, mais également renforcé le respect et rétabli les audits de routine des pratiques de contrôle infectieux.

Source: The Journal of the American Medical

Le microbiome des voies respiratoires inférieures des patients gravement malades atteints de COVID-19

Paolo Gaibani et al 2021 (Operative Unit of Clinical Microbiology, IRCCS Azienda Ospedaliero-Universitaria di Bologna, 9 via G. Massarenti, 40138 Bologna, Italy).

Ce travail a eu pour objectif d'étudier la composition bactérienne des voies respiratoires inférieures des patients atteints d'une infection par le SRAS-CoV-2 et d'examiner l'association de l'infection opportuniste avec des pathogènes gram-négatifs en relation avec leur abondance dans le microbiome pulmonaire. Pour y parvenir, les auteurs ont réalisé un profilage de l'ARNr 16S sur des échantillons de lavage broncho-alvéolaire prélevé entre avril et mai 2020 sur 24 sujets malades critiques COVID-19 et 24 patients atteints de pneumonie non COVID-19. Au terme de leurs recherches, il est apparu que le profil du microbiote pulmonaire des patients atteints de COVID-19 était dominé par les phyla Proteobacteria (48 %), Firmicutes (37 %) et Bacteroidetes (9 %). Les familles bactériennes dominantes étaient les Pseudomonadaceae (25 %), les Enterobacteriaceae (19 %), les Streptococcaceae (12 %), les Staphylococcaceae (11 %). Les résultats ont par ailleurs montré que, Pseudomonas (25 %), Streptococcus (12 %), Enterobacteriaceae (12 %), Staphylococcus (11 %), Klebsiella (7 %), Enterococcus (5 %) et Prevotella (4 %) étaient les genres prédominants. En revanche, les taxons qui caractérisaient le microbiome des voies respiratoires inférieures chez les patients négatifs au test COVID-19 comprenaient Streptococcus spp, Haemophilus influenzae, Granulicatella spp, Veillonella dispar, Porphyromonas spp et Neisseria spp. La communauté microbienne des voies respiratoires inférieures des patients gravement malades atteints d'une infection à COVID-19 diffère significativement de celle des patients COVID-19 négatifs atteints de pneumonie. Cette différence se caractérise par la prédominance de bactéries gram-négatives prédisposé à des phénotypes de multirésistance. D'autres études de plus grande envergure devraient être menées pour déterminer si un traitement anti-inflammatoire et/ou antiviral spécifique pourrait être associé à une composition spécifique du microbiome et prédire la prédisposition des patients gravement malades à une infection secondaire.

Source : Scientific Reports (2021)

Le rôle du glyphosate dans l'émergence de la résistance aux antibiotiques ?



Jean-Marc Rolain, et al. 2021.
Institut Hospitalo-universitaire Méditerranée Infection, Marseille, France ; Aix Marseille Université', Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (APHM), Microbes Évolution Phylogénie et Infections (MEPHI), Marseille, France.

Depuis plusieurs années, on assiste à l'émergence des bactéries multipharmaco-résistantes (BMR) en provenance de la zone intertropicale, alors que l'utilisation d'antibiotiques chez l'homme reste assez faible dans cette partie du monde. Cette discordance entre l'utilisation d'antibiotiques chez l'homme et la fréquence de la résistance aux antibiotiques fait l'objet de débats et plusieurs hypothèses sont actuellement discutées dans la communauté scientifique. En Inde, en Chine et en Afrique, la résistance a considérablement augmenté alors que l'utilisation clinique de certains antibiotiques est restée relativement faible (1). La première hypothèse pour expliquer cette divergence a souligné que si l’utilisation des antibiotiques restait modeste, ils étaient mal gérés.
La deuxième hypothèse a été l'énorme utilisation de médicaments dans l'industrie agricole (2) ; on peut probablement accepter cette explication pour la résistance à la colistine (3) et aux tétracyclines, mais probablement pas pour les antibiotiques carbapénèmes, qui ne semblent pas avoir une utilisation vétérinaire disproportionnée (4). À l'inverse, la résistance à l'imipénem médiée par la production de la métallo-Ɓ-lactames de New Delhi (NDM) est apparue en Inde (5), tandis que des travaux récents en Afrique ont montré que les animaux sauvages vivants dans la ville de Nairobi étaient porteurs d'Escherichia colis MR, ce qui ne peut pas s'expliquer par une consommation artificiellement accrue pour des raisons agricoles (6).
(…) Toutes ces données montrent qu'il existe une discordance dans la zone intertropicale entre un faible niveau d'utilisation des antibiotiques chez l'homme et un niveau élevé de résistance aux antibiotiques chez les bactéries isolées dans différents écosystèmes.
(…) il existe clairement d'autres sources qui peuvent exercer une pression sélective dans l'environnement pour expliquer l'émergence contemporaine de la résistance aux antimicrobiens chez les bactéries (4). À cet égard, plusieurs nouvelles hypothèses ont été proposées. La première est qu'il existe dans la zone intertropicale des bactéries qui sécrètent naturellement des antibiotiques b-lactamines à large spectre, comme les carbapénèmes, car nous connaissons plusieurs bactéries qui sécrètent ce type d'antibiotiques, notamment : Streptomyces, Serratia ou Erwinia (10), et la sélection peut provenir d'un écosystème non lié à l'utilisation d'antibiotiques par les humains.
La deuxième hypothèse concerne le rôle du glyphosate comme moteur possible de la résistance aux antibiotiques chez les micro-organismes, car ce composé a été largement utilisé par l'homme en agriculture au cours des 40 dernières années (11). Le glyphosate est un acide phosphonique largement utilisé comme herbicide dans le monde entier, et c'est aussi un médicament antibiotique, et utilisé dans des pays en particulier de la zone intertropicale à des doses supérieures à celles qui pourraient être utilisées dans l'agriculture normale, mais aussi dans la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) 11. Le mode d'action du glyphosate est l'inhibition de la voie du shikimate, en particulier de l'enzyme 5-enolpyruvylshikimate-3-phosphate synthase (EPSPS) ; cette enzyme est couramment présente chez certaines bactéries et champignons, mais est absente chez les mammifères (12). En fait, les OGM ont été modifiés pour porter ce gène EPSPS d'origine bactérienne pour la résistance au glyphosate et ainsi le glyphosate joue un rôle dans la sélection des plantes portant cette résistance en ne laissant pousser que les OGM. Dans ces conditions, on peut imaginer des quantités de glyphosate déversées dans les champs de riz, par exemple, ou dans les cultures de maïs, qui sont probablement les OGM les plus répandus dans le monde, cultivés massivement dans la zone intertropicale, notamment en Asie. En fait, le glyphosate a un effet antibiotique direct sur l'EPSPS bactérienne comme la fosfomycine (un autre acide phosphonique utilisé chez l'homme comme antibiotique), ce qui est bien connu puisqu'un brevet a été pris par Monsanto sur l'activité antimicrobienne du glyphosate contre une large gamme de bactéries, champignons et parasites qui contiennent l'enzyme EPSPS (13).
(…) Il a été récemment démontré qu'il y avait une corrélation entre l'émergence de la résistance chez les bactéries et les champignons et l'utilisation du glyphosate dans le monde au cours des 40 dernières années (11). Ceci est corrélé avec une énorme quantité de résidus de glyphosate dans l'environnement (sol, eau), mais aussi dans les plantes (11). Il existe également un effet inducteur ou répresseur de la résistance aux antibiotiques, qui a été démontré chez la bactérie E. coli et Salmonella enterica (14).

Note : Les références des références sont disponibles par hyperliens intégrés dans le texte de l'article en ligne.

Source :  Journal of Antimicrobial Chemotherapy
Black Fungus 
'Champignon Noir' et and COVID-19: Mythes et faits

En Inde, la COVID-19 a entraîné une recrudescence des cas d'une infection fongique potentiellement mortelle appelée mucormycose, communément appelée "champignon noir". L'infection est tout aussi dangereuse que les médias l'ont dépeinte, mais plusieurs mythes circulent sur les médias sociaux concernant les sources potentielles de l'infection et son traitement.

Myths and Facts 

Mucormycosis: Le "champignon noir" qui mutile les patients atteints de COVID-19 en Inde.

Samedi matin, le Dr Akshay Nair, un chirurgien ophtalmologiste basé à Mumbai, attendait d'opérer une femme de 25 ans qui s'était remise d'un épisode de COVID-19 il y a trois semaines.

 
À l'intérieur du cabinet, un oto-rhino-laryngologiste était déjà au travail sur la patiente, une diabétique. Il avait inséré un tube dans son nez et retirait les tissus infectés par la mucormycose, une infection fongique rare mais dangereuse. Cette infection agressive affecte le nez, l'œil et parfois le cerveau. Une fois que son collègue aura terminé, le Dr Nair effectuera une intervention de trois heures pour retirer l'œil de la patiente.
"Je vais lui enlever l'œil pour lui sauver la vie. C'est ainsi que fonctionne cette maladie", m'a dit le Dr Nair.
Alors même qu'une deuxième vague mortelle de COVID-19 ravage l'Inde, les médecins signalent maintenant une série de cas impliquant une infection rare - également appelée "champignon noir" - parmi les patients atteints de Covid-19 en voie de guérison ou guéris.

 Mucormycosis in India 

 Inde: COVID-19 à Maharashtra : le nombre de cas de maladies dues aux 'Champignons noirs' grimpe à 7395 !

Le nombre cumulé de cas de champignon noir ou mucormycose au Maharashtra a atteint 7 395 dimanche, selon le département de la santé de l'État. Parmi eux, 644 personnes infectées par le champignon noir sont décédées, tandis que 2 212 se sont remises de la maladie. Le nombre maximum de cas de champignon noir a été signalé dans les districts de Pune, Nagpur, Nashik et Solapur. Récemment, le gouvernement de l'État a plafonné les tarifs de traitement de la mucormycose, ou champignon noir, dans les hôpitaux privés.

Maharashtra coronavirus update
Francophones, à réécouter : Webinaire à la mémoire du Docteur Jacques Fouad ACAR, en souvenir d’un grand homme de la microbiologie, de la médecine, un formidable bâtisseur et citoyen du monde, 1931-2020

« Non, faire face à la résistance aux antibiotiques, c’est pas la chasse au lapin ! » disait-il.
UNE SEULE SANTÉ : car la résistance aux antibiotiques passe par l’environnement
Replay : Cliquez ici 
Intervenants :
Prof. J.C. Manuguerra (Institut Pasteur, Paris, France); G.F. Upham (AMR TDT); L. Varobieff, conférencière, doctorante AMR. Prof. A. Andremont (AGISAR-OMS 2008-18); Dr B. Boya, Univ. Abomey-Calvi, Bénin, Dr A. Germond, INRAE, Clermont Ferrand, France
Première partie. Souvenirs & initiatives avec Jacques. Témoignages et Discussions : 13h30-14h15
  1. Pr. J.C. Manuguerra, (CIBU, Institut Pasteur) : 20 ans d’amitié avec Jacques Acar
  2. G.F. Upham, (AMR Think-Do-Tank) : Construire avec Jacques
  3. L. Varobieff (philosophe, doctorante AMR) : Dernière entrevue avec Jacques
  4. Dr A. Andremont : Travailler avec Jacques, AGISAR-OMS 2008-2018
Discussion : Comment honorer la mémoire de Jacques ?
Interventions de 3 à 5 mn suivies de discussions - débats avec les participants
Deuxième partie : La RAM / AMR prend sa source dans l’Environnement. Discussions : 14h15-15h
  1. Introduction : Garance Upham, Leçon d’un maître extraordinaire Jacques Acar : l’AMR trouve sa source dans l’environnement : pesticides (dont le glyphosate), produits chimiques, métaux, biocides. Notre livre & Dr Acar : « AMR & the Environment, a Global & One Health Security Issue »
     
  2. Pr Jean-Claude Manuguerra, Cellule Biologique d'Intervention d'Urgence, CIBU, Institut Pasteur, Paris, France : Surveillance des eaux usées : AMR à COVID-19
     
  3. Léonie Varobieff, conférencière, philosophe, doctorante AMR : Aspects éthiques de l’AMR : Rejet des approches néocoloniales ou culpabilisantes
     
  4. Prof. Antoine Andremont, expert AGISAR-OMS, consultant MinSanté France : la Santé Globale n’est pas synonyme de ‘Une Seule Santé’, et la Solidarité?
     
  5. Dr Bawa Boya, PhD, Université Abomey Calvi, Bénin, collaborateur AMR TDT : La Couverture Sanitaire Universelle (CSU) adoptée par l’ONU: ne pas oublier le mot « sanitaire » (et pas juste 'santé'), car eau, eaux usées, déchets, sont sources majeures de résistance aux antibiotiques dans les pays en développement
     
  6. Dr Arno Germond, ex-Riken Labs, Japon; INRAE, France ; V-Pres. AMR Think-Do-Tank) : Eco-toxicologie et recherche publique fondamentale sur AMR
(Affiliations pour id seulement) Interventions de 4 à 5 mn suivies de discussions - débats avec les participants
AMR & COVID‑19 BRIEF
Ce BRIEF est publié par le Think Tank AMR Think-Do-Tank, la Genève Internationale
Clause de non-responsabilité : Les auteurs et éditeurs cités sont seuls responsables des opinions exprimées dans cette publication, et les opinions exprimées n'engagent pas la responsabilité du AMR TDT.
Contact : editor@amr-covid19.info
Le comité de rédaction :
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- Arno Germond, PhD, Chercheur, co-rédacteur, AMR Think-Do-Tank, la Genève Internationale
- Mostafa El Yamany, rédacteur (Égypte et Pays-Bas), pharmacien et doctorant AMR
- Nora Mahfouf, PhD, Assistante rédactrice, édition française, (Algérie & Dubaï, EAU)
- Dr Bawa Boya, PhD, Microbiologie, rédacteur associé (Bénin)
- Dr Aye Mandibo, PhD, MD, Assistante, (Afrique de l’Ouest)
- Jean-Jacques Monot, Ingénieur informaticien (France), base de données et édition

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