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Hebdo n° 25/2021
5 juillet 2021
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Dans l’affaire de l’arbitrage en faveur d’investisseurs suédois en Roumanie, l’avocat général Szpunar, se plaçant au moment où le litige a été tranché par la sentence arbitrale, estime que le droit de l’Union était applicable à la mesure en cause et que la Commission était compétente pour examiner l’indemnisation accordée à l’aune du droit des aides d’État, et partant, invite la Cour à annuler l’arrêt du Tribunal de l'Union déniant la compétence de la Commission

JURISPRUDENCE : Estimant que la question complexe de l’articulation entre les règles de la PAC et les règles de concurrence est demeurée incertaine jusqu’à la clarification opérée par la Cour de justice de l’Union en 2017, ce qui vient tempérer significativement la gravité des pratiques sanctionnées, la Cour d’appel de Paris réduit drastiquement le montant des amendes prononcées dans l’affaire des endives

INFOS RENVOIS ARTICLE 22 : Quels arguments la société Illumina avance-t-elle pour demander l'annulation de la décision de la Commission acceptant la demande de renvoi adressée par l’Autorité de la concurrence ?

INFOS TEST DE MARCHÉ CONCENTRATION : La fourniture de services d’espaces de travail partagés (co-working) constitue-t-elle un marché pertinent distinct ?

EN BREF : L’Autorité de la concurrence et l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie signe une convention-cadre d’assistance technique


ANNONCE WEBINAIRE : « Évaluations économiques dans les procédures d’arbitrage » — Paris, 7 juillet 2021 [annonce d'Alexandre Carbonnel et Elie Kleiman]

ANNONCE WEBINAIRE : « The EU Foreign Subsidies Proposal » — 8 juillet 2021, 15:30 CEST [Message de Nicolas Charbit et Achet-Billa Saleh]

 

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Dans l’affaire de l’arbitrage en faveur d’investisseurs suédois en Roumanie, l’avocat général Szpunar, se plaçant au moment où le litige a été tranché par la sentence arbitrale, estime que le droit de l’Union était applicable à la mesure en cause et que la Commission était compétente pour examiner l’indemnisation accordée à l’aune du droit des aides d’État, et partant, invite la Cour à annuler l’arrêt du Tribunal de l'Union déniant la compétence de la Commission

 

Le 1er juillet 2021, l’avocat général Maciej Szpunar a présenté ses conclusions dans l’affaire Micula (C-638/19), du nom de deux frères, investisseurs suédois résidant en Roumanie, qui s’étaient vus accorder par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), à la faveur d’une sentence arbitrale rendue le 11 décembre 2013, des dommages et intérêts à la charge de la Roumanie pour un montant s’élevant à quelques 82 millions d’euros, au motif que la Roumanie n’avait pas assuré un traitement juste et équitable des investissements en cause, ce qui constituait une violation par la Roumanie de l’article 2, § 3, du traité bilatéral d’investissement (TBI) conclu en 2002 entre la Suède et la Roumanie pour la promotion et la protection réciproque des investissements. En effet, en août 2004, dans la perspective de son adhésion prochaine à l’Union européenne, la Roumanie avait abrogé des incitations à l’investissement prévues par une ordonnance gouvernementale d’urgence (OGU). S’estimant floués, les investisseurs suédois avaient alors fait jouer l’article 7 du traité bilatéral d’investissement, qui prévoit que les différends entre les investisseurs et les pays signataires sont réglés par un tribunal arbitral placé sous l’égide du CIRDI.

Par décision du 30 mars 2015, la Commission avait considéré que la condamnation de la Roumanie, par une sentence arbitrale du CIRDI, à verser des dommages et intérêts à des investisseurs suédois, pour n’avoir pas respecté une disposition d’un accord bilatéral d’investissements conclu en 2003 avec la Suède, constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.

Les frères Micula ont alors formé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne, qui, par arrêt rendu le 18 juin 2019 dans les affaires jointesT-624/15, T-694/15 et T-704/15 a prononcé l’annulation de l’intégralité de la décision de la Commission sur la seule question de l’application de la loi dans le temps. En substance, comme l’ensemble des faits du litige pris en compte par le tribunal arbitral est intervenu avant l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne le 1er janvier 2007, le tribunal arbitral n’était pas tenu d’appliquer le droit de l’Union aux faits survenus avant l’adhésion. En sorte que les dommages et intérêts octroyés aux requérants ne pouvaient être considérée comme l’indemnisation du retrait d’une aide illégale ou incompatible avec le droit de l’Union.

La Commission a formé un pourvoi sollicitant l’annulation de l’arrêt du Tribunal.

Aux termes des présentes conclusions, l’avocat général Maciej Szpunar invite la Cour de justice de l’Union à annuler l’arrêt attaqué et à renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les moyens restants.

S’attachant dans un premier temps au pourvoi incident du Royaume d’Espagne, faisant valoir que la procédure arbitrale en cause et la sentence arbitrale subséquente portent atteinte au principe de confiance mutuelle et à l’autonomie du droit de l’Union, au regard des principes dégagés par la Cour dans l’arrêt Achmea, aux termes duquel le droit de l’Union s’oppose à un mécanisme de règlement des différends prévu par un TBI conclu entre deux États membres et impliquant qu’un tribunal arbitral, hors du système juridictionnel de l’Union et non soumis au contrôle d’une juridiction d’un État membre, soit susceptible d’interpréter ou d’appliquer le droit de l’Union (pt. 64).

Selon l’avocat général, si toute procédure arbitrale initiée sur le fondement d’un TBI liant la Roumanie à un autre État membre après l’adhésion à l’Union de la Roumanie est incompatible avec le droit de l’Union (pt. 67), en revanche, une telle conclusion est discutable s’agissant de procédures arbitrales initiées avant l’adhésion à l’Union de la Roumanie, de sorte qu’il convient d’analyser dans quelle mesure les principes découlant de l’arrêt Achmea s’appliquent à ces situations (pt. 68). Or, examinant l’application ratione materiae de la jurisprudence issue de l’arrêt Achmea, l’avocat général Szpunar parvient à la conclusion que l’application, à compter de l’adhésion, du droit de l’Union à une procédure d’arbitrage initiée sur le fondement d’un TBI intra-UE avant l’adhésion à l’Union de l’État partie à l’arbitrage ne saurait faire disparaître la nature particulière de cette procédure, initiée alors valablement, relative à un différend antérieur à l’adhésion (pt. 76).

S’agissant du principe d’autonomie du droit de l’Union, à propos duquel la Cour a précisé que l’autonomie du droit de l’Union est la garantie par l’institution, par les traités, d’un système juridictionnel destiné à assurer la cohérence et l’unité dans l’interprétation du droit de l’Union. À  cet égard, la procédure du renvoi préjudiciel en constitue la clef de voûte en instaurant un dialogue de juge à juge, entre la Cour et les juridictions des États membres, qui a pour but d’assurer l’unité d’interprétation du droit de l’Union (pt. 79). Or, le recours à une procédure arbitrale initiée sur le fondement d’un TBI conclu entre deux États membres est susceptible de soustraire du système juridictionnel le règlement d’un litige pouvant impliquer l’application ou l’interprétation du droit de l’Union et porte ainsi atteinte au principe d’autonomie du droit de l’Union, que reflètent les articles 267 et 344 TFUE (pt. 80). S’agissant d’une procédure arbitrale initiée sur le fondement d’un TBI conclu entre deux États membres avant l’adhésion à l’Union de l’État partie à l’arbitrage, il estime qu’aucun litige susceptible de concerner l’interprétation ou l’application du droit de l’Union n’est soustrait au système juridictionnel de l’Union (pt. 82). En effet, si une juridiction roumaine avait été saisie, en lieu et place d’un tribunal arbitral, du litige relatif à une violation alléguée par cet État des dispositions du TBI, cette juridiction n’aurait, estime-t-il, pas pu interroger la Cour par le biais d’un renvoi préjudiciel si une question d’interprétation ou d’application du droit de l’Union était survenue (pt. 85), puisque saisie d’une potentielle violation par cet État membre des dispositions du TBI, avant l’adhésion à l’Union de la Roumanie (pt. 86). Et dès lors que la Cour n’est pas compétente pour répondre à une question préjudicielle posée par une juridiction roumaine si cette juridiction en avait été saisie, le litige à l’origine de la procédure arbitrale ne saurait relever de l’ordre juridique de l’Union, ni avant ni après l’adhésion à l’Union de la Roumanie (pt. 93).

Sur ce point, l’avocat général Szpunar estime qu’une procédure arbitrale, telle que celle en cause en l’espèce, initiée sur le fondement d’un TBI conclu entre deux États membres avant l’adhésion à l’Union de l’État partie à l’arbitrage n’est pas susceptible de porter atteinte à l’autonomie du droit de l’Union, même après cette adhésion, de sorte que, à la différence de la procédure arbitrale en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Achmea, on ne saurait conclure à une violation des articles 267 et 344 TFUE (pt. 94), de sorte que les principes découlant de l’arrêt Achmea ne sauraient par conséquent trouver application s’agissant d’une procédure arbitrale, telle que celle en cause en l’espèce, initiée sur le fondement d’un TBI conclu entre deux États membres avant l’adhésion à l’Union de l’État partie à l’arbitrage, et encore en cours au moment de cette adhésion (pt. 107).

L’avocat général Szpunar examine ensuite le pourvoi principal formé par la Commission, à la faveur duquel elle invoque trois moyens tirés de ce que le Tribunal a commis, en premier lieu, une erreur de droit et une qualification juridique des faits erronée en ce qu’il a conclu que la Commission n’était pas compétente pour adopter la décision attaquée ; en deuxième lieu, une erreur de droit en jugeant que le droit de l’Union ne s’appliquait pas à l’indemnisation accordée et, en troisième lieu, une erreur de droit en ce qu’il a conclu que la décision attaquée avait erronément qualifié l’octroi d’une indemnisation par le tribunal arbitral comme un avantage. Il commence donc par examiner les deux premiers moyens du pourvoi, qui visent à déterminer le moment auquel l’aide d’État doit être considérée comme étant accordée par l’État membre, afin d’établir si le droit des aides d’État était alors applicable, et si la Commission était compétente pour adopter la décision litigieuse (pts. 114-115).

À cet égard, l’avocat général insiste sur le fait que que le moment d’octroi d’une mesure d’aide ne se confond pas nécessairement avec le moment de son versement effectif (pt. 122). L’élément déterminant pour établir le moment d’octroi d’une aide supposée est l’acquisition, par le bénéficiaire de la mesure en cause, d’un droit certain à la recevoir, et l’engagement corrélatif, à la charge de l’État, d’accorder la mesure. Un tel critère apparaît logique à la lumière de l’objectif du droit des aides d’État, lequel vise à appréhender les actions étatiques, dès lors que le simple engagement par l’État d’agir au soutien d’une entreprise bénéficiaire peut déjà, en lui-même, impliquer une distorsion de concurrence sur le marché, avant même que le soutien ne soit effectivement mis en œuvre (pt. 125). Ce faisant, il s’écarte ostensiblement de l’appréciation du Tribunal selon laquelle le droit des requérantes de recevoir la supposée mesure d’aide qu’est l’indemnisation accordée par la sentence arbitrale est né au moment de la violation par la Roumanie des dispositions du TBI (pt. 126). Ce n’est qu’une fois que le litige a été tranché que la Roumanie a été tenue d’accorder l’indemnisation en cause et que le droit de la recevoir a été conféré, en droit des aides d’État et au sens de la jurisprudence aux requérantes (pt. 129). Dès lors que le droit des aides d’État vise le comportement des États membres et leur engagement à accorder certaines mesures, on ne saurait considérer que la Roumanie était tenue d’indemniser les requérantes au moment même où elles contestaient précisément l’existence d’une telle obligation (pt. 130). En sorte que le Tribunal, estime-t-il, a commis une erreur de droit et une qualification juridique des faits erronée en jugeant que l’aide en cause avait été accordée au moment de la violation par la Roumanie du TBI (pt. 132).

Et l’avocat général Szpunar de conclure que la supposée mesure d’aide a été octroyée non pas au moment de la violation du TBI, mais au moment où le droit de European Food e.a. et de Viorel Micula e.a. de recevoir l’indemnisation a été reconnu et où, corrélativement, la Roumanie a été tenue de verser cette indemnisation, soit après l’adoption de la sentence arbitrale, lors de sa mise en œuvre par la Roumanie. Or, ce moment était postérieur à l’adhésion à l’Union de la Roumanie. Il en résulte que le droit de l’Union était bien applicable à cette mesure et que la Commission était compétente au titre de l’article 108 TFUE pour examiner l’indemnisation en cause à la lumière du droit des aides d’État (pt. 135).

Enfin, l’avocat général examine le troisième moyen du pourvoi principal de la Commissio tiré d’une interprétation erronée du Tribunal de l’existence d’un avantage au sens de l’article 107 TFUE

À cet égard, il relève une certaine contradiction dans les motifs de l’arrêt attaqué tenant au fait que le Tribunal constate d’un côté l’absence d’avantage du fait de l’inapplicabilité du droit de l’Union à l’indemnisation en cause, tout en admettant, d’autre part, qu’il était en réalité applicable en ce que l’indemnisation visait le retrait des OGU pour la période postérieure à l’adhésion (pt. 143). En outre, il estime que ces deux motifs sont entachés d’une erreur de droit (pt. 144).

En premier lieu, en ce qu’il a été jugé que la Commission ne pouvait valablement conclure à l’existence d’un avantage au sens de l’article 107 TFUE dans la mesure où elle n’était pas compétente pour examiner l’indemnisation à la lumière du droit des aides d’État, le Tribunal s’est fondé exclusivement sur une prémisse erronée que le droit de l’Union n’était pas applicable et que la Commission n’était pas compétente, s’agissant de l’indemnisation en cause (pt. 145).

En second lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la partie de l’indemnisation correspondant à la période antérieure à l’adhésion relèverait de la jurisprudence issue de l’arrêt Asteris e.a., ainsi que le fait valoir la Commission, l’application de cette jurisprudence, dans les circonstances de la présente affaire, ne dépend pas uniquement du point de savoir si l’indemnisation conduit au rétablissement d’une mesure qui pouvait être qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE ou non avant l’adhésion. En effet, dans la décision litigieuse, la Commission a exclu que cette jurisprudence pouvait être appliquée à une procédure arbitrale, hors des règles nationales générales de responsabilité civile des États membres, et s’est fondée également sur le fait que les incitations accordées au titre de l’OGU avaient été qualifiées d’« aides » sur le fondement de l’accord de 1995 par le conseil de la concurrence roumain (pt. 149). Indépendamment du point de savoir si ces deux éléments étaient fondés, l’avocat général relève que le Tribunal n’a apprécié la légalité que de l’un des motifs ayant conduit la Commission à écarter la jurisprudence issue de l’arrêt Asteris e.a. (pt. 150). Il considère donc que le Tribunal ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, conclure à l’existence d’une illégalité entachant la décision de la Commission s’agissant de la qualification d’avantage sans vérifier, dans le même temps, que la Commission avait, à tort, exclu l’application de la jurisprudence issue de l’arrêt Asteris e.a (pt. 151).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE : Estimant que la question complexe de l’articulation entre les règles de la PAC et les règles de concurrence est demeurée incertaine jusqu’à la clarification opérée par la Cour de justice de l’Union en 2017, ce qui vient tempérer significativement la gravité des pratiques sanctionnées, la Cour d’appel de Paris réduit drastiquement le montant des amendes prononcées dans l’affaire des endives

 


Le 2 juillet 2021, l’Autorité de la concurrence a mis en ligne l’arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire des endives.

Le présent arrêt intervient sur renvoi après cassation. On se souvient qu’à la faveur d'un arrêt rendu le 12 septembre 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, intervenant à la suite de l’arrêt rendu le 14 novembre 2017 par la Cour de justice de l’Union dans l'affaire des endives (C-671/15, APVE e.a.), sur la demande préjudicielle de cette dernière, était venue censurer le premier arrêt rendu le 15 mai 2014 par la Cour d’appel de paris, laquelle était venue réformer en toutes ses dispositions la décision n° 12-D-08 du 6 mars 2012 aux termes de laquelle l'Autorité de la concurrence avait constaté et sanctionné, à hauteur d’environ 4 millions d’euros, une entente complexe et continue d’une durée de quatorze ans sur le marché français des endives.

Dans son arrêt, la Cour de justice de l’Union avait clarifié les enjeux en proposant une grille de lecture permettant de faire le départ entre, d’une part, les interventions des OP et AOP, reconnue par un État membre et celles d’entités non reconnues par un État membre pour poursuivre l’un des objectifs de l’organisation commune du marché (OCM) concerné, et, d’autre part, entre les pratiques mises en œuvre au sein des organisations de producteurs reconnues par un État membre, qui strictement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, peuvent échapper à l’application du droit de la concurrence et celles qui s'en écartent et ne peuvent être soustraites à l'application de l'article 101 TFUE.

En clair, les pratiques qui portent sur la fixation collective de prix minima de vente, sur une concertation relative aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d'informations stratégiques, telles que celles en cause au principal, ne peuvent être soustraites à l'interdiction des ententes prévue à l'article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu'elles sont convenues entre différentes organisations de producteurs ou associations d'organisations de producteurs, ainsi qu'avec des entités non reconnues par un État membre aux fins de la réalisation d'un objectif défini par le législateur de l’Union européenne dans le cadre de l'organisation commune du marché concerné, telles que des organisations professionnelles ne disposant pas du statut d'organisation de producteurs, d'association d'organisations de producteurs ou d'organisation interprofessionnelle au sens de la réglementation de l'Union européenne.

En revanche, les pratiques qui portent sur une concertation relative aux prix ou aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d’informations stratégiques, telles que celles en cause au principal, peuvent être soustraites à l'interdiction des ententes prévue à l'article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu'elles sont convenues entre membres d'une même organisation de producteurs ou d'une même association d'organisations de producteurs reconnue par un État membre et qu'elles sont strictement nécessaires à la poursuite du ou des objectifs assignés à l'organisation de producteurs ou à l'association d'organisations de producteurs concernée en conformité avec la réglementation de l'Union européenne.

Dans le présent arrêt, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris s’attache à faire une application rigoureuse de la grille de lecture établie par la Cour de justice. Elle recherche donc pour chacune des pratiques mises en oeuvre par les mises en cause — échange d'informations au moyen du système « Infocl@r », mesures dites de « dénaturation », pratiques portant sur la politique tarifaire, qu’il s’agisse des prix des endives génériques et de marque (fixation d’un « prix minimum » ou d’un « cours pivot », mise en place d'une bourse aux échanges et fixation d'un prix cliquet, offres promotionnelles et fixation d’un « prix de retrait ») ou des prix de certaines endives de marque (« Perle du Nord » et « Carmine ») — si les trois conditions cumulatives posées par la Cour de justice de l’Union sont remplies pour parvenir à l'exclusion de certaines pratiques du champ d’application des règles de concurrence (pt. 96).

Ainsi, pour chacune des pratiques concernées, elle a recherché d’abord si elles peuvaient être considérées comme nécessaires pour atteindre un ou plusieurs objectifs de l'OCM considéré, ce qui suppose qu’elles ont été mises en œuvre par des entités effectivement habilitées pour ce faire, c’est-à-dire par des entités qui ont fait l’objet d’une reconnaissance par un État membre, en tant qu’OP, AOP ou 0I (pt. 97). Elle s’est attachée ensuite à vérifier si les pratiques en cause revêtaient un caractère purement interne à une seule OP ou à une seule AOP (pt. 98). Enfin, la Cour s’est assurée que les pratiques querellées répondaient aux objectifs confiés par la réglementation européenne aux OP et AOP, qu’il s’agisse des échanges d'informations stratégiques, du volume des produits mis sur le marché ou de la politique tarifaire (pt. 102).

Ainsi, s’agissant des pratiques d’échange d'informations au moyen du système « Infocl@r », la Cour observe qu’il ne s’est pas limité à des échanges de données entre les producteurs membres des OP faisant partie du Celfnord mais  qu’il s'est étendu à des échanges entre l’ensemble des producteurs (y compris les producteurs indépendants) (pt. 236). De sorte que ces pratiques d'échanges d'informations stratégiques excédaient ce qui était nécessaire à l’accomplissement des missions confiées au Celfnord dans le cadre de la mise en œuvre de la PAC et, partant, rentraient dans le champ d’application des règles de concurrence (pt. 243).

Pour les autres pratiques — mesures dites de « dénaturation », pratiques portant sur la politique tarifaire, qu’il s’agisse des prix des endives génériques et de marque (fixation d’un « prix minimum » ou d’un « cours pivot », mise en place d'une bourse aux échanges et fixation d'un prix cliquet, offres promotionnelles et fixation d’un « prix de retrait ») ou des prix de certaines endives de marque (« Perle du Nord » et « Carmine ») —, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris parvient à des conclusions proches : ces pratiques n'apparaissent pas comme purement internes aux entités mises en cause en ce qu’elles ne sont pas circonscrites aux producteurs qui sont membres des OP qui en font partie. Elles sont allées au-delà de ce qui était strictement nécessaire pour réguler les prix, de sorte qu’elles ne sauraient échapper à l'application des règles de concurrence.

En conclusion de l'ensemble des développements sur la matérialité, le périmètre et la portée des pratiques en cause, la Cour estime que c'est à juste titre que l'Autorité a retenu que les règles de concurrence étaient applicables à l’ensemble des pratiques retenues (pt. 434), à l’exception de trois d’entre elles (pt. 435) : i) les pratiques portant sur les dénaturations obligatoires qui sont intervenues entre le 1er septembre 1998 et le 1er septembre 2000 et ont impliqué le Celfnord. En effet, pendant cette période, des arrêtés d'extension aux producteurs indépendants étaient en vigueur concernant les compagnes 1998/1999 et 1999/2000 (pt. 306) ; ii) les pratiques portant sur les offres promotionnelles qui seraient intervenues à compter du 24 décembre 2008 et auraient impliqué l’APEF, pour lesquelles la Cour estime ne pas disposer d'éléments suffisamment précis sur cette période pour conclure qu’elles relèvent du champ d'application des règles de concurrence (pt. 394) ; iii) les pratiques portant sur le prix dit « de retrait », qui seraient intervenues à compter du 24 décembre 2008 et auraient impliqué l’APEF, pour lesquelles la Cour retient qu’elles étaient purement internes à l’APEF (pt. 397).

Ensuite, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris, s’attelle à la qualification d’entente unique, complexe et continue. À cet égard, elle parvient d’abord à la conclusion que les différentes pratiques en cause sont prohibées par l'article 101, § 1, TFUE (pt. 477) et que, malgré leur diversité, quant à leur forme et leur objet, ces pratiques présentent de fortes similitudes (pt. 478). Bien plus, selon elle, elles présentent un lien de complémentarité, en ce que chacune d'elles était destinée à s'opposer aux conséquences du jeu normal de la concurrence, en contribuant par une interaction entre elles, à la fixation et au maintien, d'une manière artificielle, d'un certain niveau du prix de vente à la production des endives (pt. 479). Ces similitudes et ce lien de complémentarité entre les pratiques étayent l'existence d'un « plan d’ensemble » poursuivant un objectif unique, consistant à soustraire la fixation du prix de l'endive au libre jeu du marché, au-delà de l'objectif de régulation des prix (pt. 480). Dès lors, c'est à juste titre, estime la Cour, que l'Autorité a retenu que les pratiques en cause constituaient une entente unique et complexe (pt. 489). En outre, poursuit-elle, de nombreux éléments du dossier établissent le caractère continu de l’entente unique et complexe en cause entre janvier 1998 et mars 2012 (pt. 493), de sorte que c'est à juste titre que l'Autorité a retenu que cette entente complexe, unique et continue avait duré quatorze ans et un mois (pt. 500).

La Cour vérifie alors que les mises en cause ont bien pris part à une infraction unique, complexe et continue, à savoir non seulement, qu’elles entendaient contribuer par leur propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants, mais aussi, de surcroît, soit avaient connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d'autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, soit pouvaient raisonnablement les prévoir et étaient prêtes à en accepter le risque (pt. 520). Au terme de son passage en revue des différentes mises en cause, la Cour parvient à la conclusion que toutes ont contribué par leur propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants, que toutes avaient connaissance des comportements envisagés ou mis en œuvre par d'autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs ou, à défaut, pouvaient raisonnablement les prévoir et étaient prêtes à en accepter le risque (pt. 523). De sorte que c'est à juste titre, selon elle, que l’Autorité a retenu qu’elles avaient participé à l’entente unique, complexe et continue et a fixé la durée de leur participation (pt. 630).

À ce stade des développements, la Cour d’appel venant de confirmer la participation des mises en cause à une entente anticoncurrentielle et, partant, de rejeter les demandes d’annulation de la décision de l’Autorité de la concurrence, on se dit qu’elle va purement et simplement confirmer la décision de l’Autorité, éventuellement avec quelques ajustements à la marge. En réalité, il n’en n’est rien ! Si la Cour d’appel partage pour l’essentiel l’analyse concurrentielle des pratiques avec l’Autorité, elle s’en écarte au stade de la détermination des sanctions. Plus précisément, elle adopte une approche divergente à propos de l’appréciation de la gravité des pratiques. Si elle parvient également à la conclusion que les pratiques, constitutives d'une entente entre concurrents, revêtent une indéniable gravité en ce qu’elle portait sur la fixation d'un prix minimum de vente à la production applicable aux différentes catégories d'endives ainsi qu'à la quasi-totalité de la production nationale et s'appuyait sur une coordination des offres promotionnelles, un contrôle des quantités produites et un système illicite d’échanges d’informations, utilisé comme un outil de surveillance des prix (pt. 649), la Chambre 5-7 de la Cour de Paris estime qu'il convient, comme le soutiennent les entités en cause, de prendre en compte des éléments supplémentaires, au titre des caractéristiques objectives de l'infraction, afin d'en tempérer la gravité (pt. 653). En effet, précise-t-elle, la question de l'articulation entre les règles de la PAC et les règles de la concurrence, dont dépend la caractérisation de l’infraction, revêt une complexité particulière. Or, comme cela a déjà été indiqué au point 489, le Celfnord et la SNE n'ont été mis en garde par l'administration (la DRCCRF puis la DGCCRF), sur le risque d'illicéité des pratiques reprochées, qu'au début de l'année 2001, alors que celles-ci ont débuté dès le début de l'année 1998. Il s'ensuit qu'avant ces mises en garde, rien ne révélait que ces pratiques, menées de manière publique et sans opposition des autorités compétentes, étaient illicites, de sorte que les entités en cause pouvaient légitimement croire que le contexte de leur action les plaçait dans un champ différent des règles de concurrence (pt. 654). Si à compter de 2001, cette mise en garde de l'administration, fermement rappelée à plusieurs reprises, a exclu l'existence d'un prétendu encouragement des pouvoirs publics à l’égard des pratiques, il n'en demeure pas moins que la question de l’articulation entre les règles de la PAC et les règles de la concurrence a continué à être source d'incertitudes, ce qui a conduit la Cour de cassation à saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, laquelle a d’ailleurs examiné en grande chambre les questions qui lui avaient été ainsi soumises. La clarification opérée par la Cour de justice dans son arrêt du 17 novembre 2017, notamment au regard des exigences découlant du principe de proportionnalité, confirme rétrospectivement que la ligne de partage entre les règles de la PAC et de la concurrence, loin d'être facile à appréhender, en particulier par les entités en cause, laissait place à un doute raisonnable et légitime sur le caractère illicite des pratiques au regard des règles de concurrence. Cette circonstance est de nature à atténuer encore davantage, de manière significative, la gravité des pratiques, nonobstant leur caractère anticoncurrentiel par objet (pt. 655).

Sur l’appréciation du dommage à l’économie, la Cour confirme en revanche les conclusions de l’Autorité (pt. 677).

Dès lors, et eu égard, premièrement, à la gravité relative des pratiques, tenant notamment aux incertitudes quant au cadre normatif applicable, insuffisamment prises en compte par l'Autorité, deuxièmement, à la faible importance du dommage à l'économie, troisièmement, à la durée et au degré de participation individuelle des entités en cause et, quatrièmement aux autres circonstances individuelles pertinentes, la Cour réforme drastiquement le montant des sanctions, en divisant — excusez du peu… — par deux ou par trois le montant des amendes infligées par l’Autorité, que ce soit pour les sociétés (OP et l’AOP Groupe Perle du Nord) ou que ce soit pour les organismes collectifs. Au final, le total des amendes infligées par la Cour d’appel de Paris n’est plus que 1 159 927 € au lieu des 3 883 590 € infligés par l’Autorité de la concurrence, soit plus de trois fois moins !!!

À cela s’ajoutent des réductions d’amende au titre des capacités contributives (pt. 757-759).

Par ailleurs, on relèvera que la Chambre 5-7 de la Cour de Paris infirme sèchement les conclusions de l’Autorité de la concurrence à propos de la réitération dont se serait rendu coupable le Cérafel. À cet égard, on se souvient que l'Autorité avait retenu que le Cérafel était en situation de réitération pour avoir été sanctionné par le Conseil de la concurrence, dans une décision n° 05-D-10, devenue définitive, pour des pratiques mises en œuvre sur le marché du chou-fleur en Bretagne, et lui avaient appliqué, à ce titre, une majoration de 25 % du montant de la sanction qui lui a été infligée (pt. 734). Sur ce point, la Cour de Paris constate que, si les pratiques en cause en l’espèce répondent à la même qualification d'entente que celles ayant donné lieu, dans la décision de 2005, au précédent constat d'infraction, toutefois les particularités de l'espèce ne permettent pas de caractériser la propension du Cérafel à s'affranchir des règles de concurrence. En effet, la décision de 2005 n'était pas de nature à mettre le Cérafel en mesure de savoir précisément si les pratiques en cause, qui soulevaient des questions nouvelles d’articulation entre les règles de la PAC et le droit de la concurrence, non examinées en 2005, relevaient du champ d'application des règles de concurrence et, partant, si elles étaient prohibées. Or, la question de l'articulation entre les règles de la PAC et de la concurrence est demeurée source d’incertitudes jusqu'à ce que la Cour de justice, saisie par la Cour de cassation, rende son arrêt, le 14 novembre 2017, soit quelques mois après la fin de la durée de participation du Cérafel à l'entente. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Cour a évalué la gravité des pratiques comme étant relative, ce qui vaut pour l'ensemble des entités en cause (pts. 741-742). Ainsi, conclut la Cour, la circonstance aggravante de réitération étant attachée à l'objectif de dissuasion, il n'y a pas lieu, eu égard aux particularités de l'espèce, de la retenir à l'encontre du Cérafel (pt. 743).

INFOS RENVOIS ARTICLE 22 : Quels arguments la société Illumina avance-t-elle pour demander l'annulation de la décision de la Commission acceptant la demande de renvoi adressée par l’Autorité de la concurrence ?

 

Le 28 juin 2021 est paru au journal officiel de l’Union européenne un résumé des conclusions, moyens et arguments du recours introduit par la société américaine Illumina à l’encontre de la décision de la Commission du 19 avril 2021 (non encore publiée) à la faveur de laquelle cette dernière a accepté la demande de renvoi du 9 mars 2021 au titre de l’article 22, § 1, du règlement CE sur les concentrations formulée par l’Autorité de la concurrence et s’est déclarée compétente pour examiner la concentration entre Illumina, Inc. et GRAIL, Inc. en vertu du règlement CE sur les concentrations. Merci à Jamal Henni pour l’info.

Le résumé est désormais également disponible sur Curia.

Il s’agit — on le rappelle — de la première opération de concentration en-dessous des seuils de notification a être examinée par la Commission sur le fondement du règlement concentration de 2004 et donc de la « clause hollandaise » introduite à l’article 22 dudit règlement depuis le revirement dans la mise en oeuvre de cette disposition annoncée le 11 septembre 2020 par la vice-présidente exécutif de la Commission, chargée de la politique de la concurrence, Margrethe Vestager. Selon la nouvelle doctrine d’emploi de l’article 22 du règlement concentration, la Commission européenne examinera les acquisitions d’entreprises innovantes à haute valeur mais faible chiffre d’affaires que lui renverront les autorités nationales de concurrence, même lorsqu’elles ne franchissent pas les seuils de contrôle nationaux.

Pour mémoire, le 21 septembre 2020, l’entreprise américaine Illumina, spécialiste du séquençage et de l’étude des variations génétiques a annoncé par un communiqué de presse qu’elle envisageait de racheter Grail, une startup basée sur la baie de San Francisco qui a mis au point des tests sanguins capables de détecter une cinquantaine de cancers en phase très précoce.

Le 19 février 2021, soit 5 mois après cette annonce, la Commission européenne adresse à l’ensemble des États membres une lettre d’invitation, sur le fondement du paragraphe 5 de l’article 22 du règlement 139/2004 par laquelle elle les informe qu'elle considère que l’opération illumina/Grail pourrait être un bon candidat au nouveau contrôle sous les seuils de l’article 22 et les invite à présenter une demande sur la base du paragraphe 1 de cette disposition.

Bonne élève, l’Autorité de la concurrence a été la plus prompte à saisir la balle au bond et a adressé dès le 9 mars 2021 une demande de renvoi article 22 à la Commission, à laquelle se joindront ultérieurement la Belgique, la Grèce, l’Islande, les Pays-Bas et la Norvège.

Entre-temps, Illumina a introduit un recours en référé devant le juge administratif pour contester la décision de l’Autorité de la concurrence de renvoyer à la Commission européenne son opération de concentration. À la faveur d’une ordonnance rendue le 1er avril 2021, le juge des référés du Conseil d’État est venu dire que le juge administratif nationale n’était pas compétent pour connaître d’un recours contre une  décision de renvoi article 22 de l’autorité nationale de concurrence, et ce, quels que soient les effets d'un tel renvoi pour les entreprises concernées. À cet égard, il a estimé que la demande, adressée par l'Autorité de la concurrence à la Commission européenne, sur le fondement des dispositions de l'article 22 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 10 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, tendant à l'examen d'une opération de concentration, n'était pas détachable de la procédure d'examen de cette opération, menée par la Commission sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne.

Enfin, le 19 avril 2021, la Commission a donc adopté la décision d’acceptation de la demande de renvoi article 22, aujourd’hui querellée.

Dans son recours introduit le 28 avril 2021 dans l’affaire T-227/21 (Illumina/Commission), la société Illumina demande au Tribunal d’annuler la décision de la Commission du 19 avril 2021, ainsi que les cinq autres décisions d’acception de demande de renvoi de la Commission respectivement adressées aux Pays-Bas, à la Belgique, à la Grèce, à l’Islande et à la Norvège. Par ailleurs, elle sollicite l’annulation de la décision de l’Autorité de la concurrence demandant le renvoi à la Commission de l’examen de l’opération de concentration, voire celle de la décision de la Commission du 11 mars 2021 par laquelle Illumina a été informée que la Commission avait reçu une demande de renvoi et qui a eu pour conséquence juridique, conformément à l’article 22, paragraphe 4, deuxième phrase, du règlement CE sur les concentrations, d’interdire à Illumina de réaliser la concentration en vertu de l’article 7 du règlement CE sur les concentrations.

Au soutien de son recours, Illumina invoque quatre moyens. Une partie des arguments ici développés ont déjà été soutenus en substance devant le juge des référés du Conseil d’État.

Par son premier moyen, elle conteste la compétence de la Commission à connaître de son opération de concentration. En substance, l’article 22 ne permettrait pas à la Commission d’examiner des opérations de concentrations situées en dessous des seuils de contrôlabilité nationaux, ou, à tout le moins, de façon exceptionnelle. En tout état de cause, l’interprétation de la Commission serait contraire aux principes de subsidiarité, de sécurité juridique et de proportionnalité.

Par son deuxième moyen, Illumina soutient que la demande formulée par l’Autorité de la concurrence était tardive, et, à défaut, que c’est la lettre d’invitation adressée à l’ensemble des États membres qui était tardive. À cet égard, la société américaine conteste l’interprétation et l’application qu’a fait la Commission de la notion de « communication à l'État membre intéressé » de l’opération de concentration en cause au sens de l’article 22, § 1, du règlement concentrations pour déterminer la date à compter de laquelle le délai de quinze jours ouvrables commençait à courir pour formuler la demande de renvoi. Selon Illumina, le point de départ de ce délai de 15 jours ne saurait être la communication résultant de l’envoi de la lettre d’invitation du 19 février 2021, dès lors que l’opération contestée a été rendu publique par les parties le 21 septembre 2020.

À défaut, si le Tribunal venait à estimer que la lettre d’invitation au titre de l’article 22, § 5, du règlement CE sur les concentrations constitue bien la « communication à l'État membre intéressé », c’est alors la lettre d’invitation, elle-même, qu’il conviendrait de considérer comme tardive, le délai de 5 mois depuis l’annonce de l’opération étant, selon Illumina, contraire au principe fondamental de sécurité juridique et à l’obligation d’agir dans un délai raisonnable en vertu du principe de bonne administration.

Par son troisième moyen, Illumina soutient que la décision de la Commission d’examiner la concentration constitue un changement de politique qui porte atteinte à la confiance légitime d’Illumina et à la sécurité juridique, dès lors que, le 11 septembre 2020, la commissaire Vestager a fait une déclaration précise et inconditionnelle selon laquelle il y aurait un changement de la politique de la Commission concernant les renvois d’affaires au titre de l’article 22 après la publication de nouvelles orientations. Or, les orientations de la Commission concernant l’application du mécanisme de renvoi établi à l’article 22 du règlement sur les concentrations à certaines catégories d’affaires ont été rendues publiques le 26 mars 2021, tandis que la lettre d’invitation adressée à l’ensemble des États membres date du 19 février 2021, soit plus d’un mois avant la publication des nouvelles orientations. Ce faisant, la Commission aurait mis en oeuvre sa nouvelle politique avant la publication de ses nouvelles orientations concernant l’article 22, ce qui est contraire à la confiance légitime d’Illumnia et à la sécurité juridique.

Il est vrai que, lors de son discours adressé le 11 septembre 2020 lors du webinaire organisé à l’occasion de la 24e conférence concurrence de International Bar Association (IBA), la vice-présidente Vestager a clairement indiqué que les choses ne se feront pas du jour au lendemain et qu’il faudra du temps pour que tout le monde s'adapte au changement, et pour mettre en place des orientations sur les conditions dans lesquelles la Commission acceptera ces renvois [This won’t happen overnight – we need time for everyone to adjust to the change, and time to put guidance in place about how and when we’ll accept these referrals.]. Margrethe Vestager a même ajouté que, si tout se passait bien, elle espérait que la Commission pourrait mettre en œuvre cette nouvelle politique vers le milieu de l'année prochaine, c’est-à-dire à la mi-2021… [But if all goes well, I hope we’ll be able to put this new policy into effect around the middle of next year.]. Que valent les mots et les engagements de la commissaire à la tribune d’une conférence réunissant les spécialistes de la matière ? Valent-ils moins que ceux du ministre qui assurent que l’État viendra, quoi qu’il advienne au secours d’une entreprise en difficulté ? Dès lors, la Commission n’a-t-elle pas quelque peu anticipé la mise en oeuvre annoncée de la nouvelle doctrine d’emploi de l’article 22 du règlement concentration ?

Enfin, par son quatrième moyen, Illumina soulève des erreurs de fait et d’appréciation qu’aurait commises la Commission et qui affecteraient tant la lettre d’invitation adressée à l’ensemble des États membres en date du 19 février 2021 que la demande de renvoi de l’Autorité de la concurrence du 9 mars 2021, et qui mettent en cause le fondement de la décision de la Commission du 19 avril 2021 d’examiner la concentration.

INFOS TEST DE MARCHÉ CONCENTRATION : La fourniture de services d’espaces de travail partagés (co-working) constitue-t-elle un marché pertinent distinct ?

 

La fourniture de services d’espaces de travail partagés (co-working) constitue-t-elle un marché pertinent distinct ? Telle est la question posée par l’Autorité de la concurrence via un test de marché lancé le 30 juin 2021, à l’occasion de l’examen d’un projet de concentration aux termes duquel la Caisse des Dépôts et Consignations envisage d’acquérir, avec Nexity, le contrôle conjoint d’une société qui sera active dans le secteur immobilier, et aura notamment pour objet de fournir des espaces de travail partagés, dits « tiers-lieux » ou « espaces de co-working ».

Il s’agit de départager le service des concentrations de l’Autorité et les parties à l’opération qui s’opposent sur la délimitation du marché pertinent. Le service des concentrations de l’Autorité estime qu’aucun des marchés précédemment définis par l’Autorité dans le secteur de l’immobilier ne correspond à la fourniture de services de co-working. Les parties, quant à elles, soutiennent que cette activité est assimilable à celle des gestionnaires d’actifs et correspond donc au marché de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ou compte de tiers.

À vos claviers, mesdames, messieurs ! Vous avez 15 jours pour rendre votre copie…

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

EN BREF : L’Autorité de la concurrence et l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie signe une convention-cadre d’assistance technique

 

Par un tweet publié le 30 juin 2021, l’Autorité a annoncé qu’elle venait de signer avec l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie une convention-cadre d’assistance technique d’une durée de 3 ans.

 

Bonjour,
 
Nous avons le plaisir de vous inviter au prochain séminaire « Droit et économie de la concurrence » dédié aux évaluations économiques dans les procédures d’arbitrage, qui se déroulera le mercredi 7 juillet 2021 à partir de 15.30.
 
Vous pouvez participer à ce séminaire en présentiel (Jones Day, Paris) ou à distance (via Zoom).
 
Ce panel sera modéré par Jean-Baptiste Racine (Professeur à Université Paris II Panthéon-Assas) et les intervenants seront : Alexandre Carbonnel (NERA Economic Consulting), Tomas Haug (NERA Economic Consulting), Elie Kleiman (Jones Day) et Thomas Voisin (Quinn Emanuel).
 
Le programme complet et les informations sur les deux types d'inscription sont disponibles sur le site dédié.
 
Pour toute question, merci de nous contacter par E-MAIL.
 
Bien cordialement,
 
Alexandre Carbonnel, Associate Director, NERA Economic Consulting
Elie Kleiman, Associé, Jones Day

 

Bonjour,

La Revue Concurrences, en partenariat avec le cabinet Covington & Burling, a le plaisir de vous inviter à son prochain Webinaire « Droit et économie de la concurrence » le jeudi 8 Juillet 2021 à 15h30 CEST :

« The EU Foreign Subsidies Proposal »

Les intervenants seront :

— Christof Schoser (Head of Task Force Third-Country Subsidies, DG COMP)
— Sophie Bertin (Senior Adviser, Covington & Burling)
— Peter D. Camesasca (Partner, Covington & Burling)

Inscription libre sur le site dédié.

Nous espérons vous accueillir — virtuellement — nombreux le jeudi 8 Juillet pour ce webinaire.

Meilleures salutations,

Nicolas Charbit | Rédacteur en chef, Concurrences
Achet-Billa Saleh | Global Events Manager, Concurrences

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