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L'actualité la plus récente du droit de la concurrence
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Hebdo n° 26/2021
12 juillet 2021
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE CEDH : La question de l’existence d’un recours effectifs sur  la régularité et le déroulement des opérations de visite et de saisie à nouveau sur la sellette

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Selon le Tribunal de l’Union, la Commission n’a pas rencontré de difficultés sérieuses qui auraient dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, § 2, TFUE dans l’affaire du lobby des exploitants indépendants de parcs éoliens en Irlande


JURISPRUDENCE : Dans l’affaire du rachat d’Itas par TDF, la Cour d’appel de Paris demande à la Cour de justice de l’Union si la jurisprudence Continental can est toujours applicable à une opération de concentration, dépourvue de dimension communautaire, située en dessous des seuils de contrôle ex ante obligatoire prévus par le droit national et n’ayant pas donné lieu à un renvoi à la Commission européenne en application de l’article 22 du règlement concentration

INFOS UE : La Commission publie ses projets de règlement d'exemption par catégorie et de lignes directrices applicables aux accords verticaux et les soumet à une consultation publique

INFOS UE : En marge du Dieselgate, la Commission met à l’amende BMW, Volkswagen, Audi et Porsche et accorde l’immunité à Daimler qui avant dénoncé l’entente, sanctionnant pour la première fois une collusion sur le développement technique au titre de l'interdiction des ententes


INFOS UE : La Commission européenne publie son rapport annuel sur la politique de concurrence pour 2020

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La décision autorisant, sous conditions, le groupe allemand Schwarz à prendre le contrôle exclusif de plusieurs  entreprises de gestion des déchets du groupe Suez est en ligne (+ 7 décisions d'autorisation, dont 2 sous conditions)

INFOS : L’Autorité de la concurrence rejette une saisine, faute d’éléments suffisamment probants, dans le secteur de l’hébergement d’entreprises

INFOS MICRO PAC : La DGCCRF met fin à une entente sur le marché des taxis de la ville de Bourges


INFOS : Le Conseil d’État publie une étude dénonçant le foisonnement des pouvoirs d’enquête de l’administration et des AAI et prônant une harmonisation, une simplification et une meilleure connaissance de ces pouvoirs d’enquête… et invite le législateur à exclure tout cumul entre sanction administrative et sanction pénale pour obstruction aux enquêtes et aux contrôles

INFOS : L'Autorité de la concurrence présente à la presse son rapport annuel pour 2020

INFOS OUVRAGE : Herbert Hovenkamp Liber Amicorum - The Dean of American Antitrust Law

ANNONCE COLLOQUE : « Phygital : pure players et distributeurs traditionnels » — Paris, 12 juillet 2021 [annonce de Florence Ninane et Laure Schulz]

JURISPRUDENCE CEDH : La question de l’existence d’un recours effectifs sur  la régularité et le déroulement des opérations de visite et de saisie à nouveau sur la sellette

 

La société Casino et la SAS Achats Marchandises Casino, entreprises qui ont fait l’objet, en février 2017, d’opérations de visites et saisies (OVS), à la demande de la Commission européenne, suspectant des échanges d’informations au niveau national limités aux seuls Casino et Intermarché et portant sur les conditions de la distribution à l’aval, et avec l’assistance des agents de l’Autorité de la concurrence, ont-elles bénéficié d’un recours effectif leur permettant de contester effectivement la régularité et le déroulement desdites OVS ? Telle est en substance la question à laquelle la Cour européenne des droits de l’homme, saisie en novembre 2019 par ces sociétés, est appelée à répondre.

Informée par la Commission de l’imminence des inspections, la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence avait alors saisi les JLD territorialement compétents afin d’obtenir, à titre préventif, l’autorisation de procéder à des visites et à des saisies dans les locaux de ces sociétés en cas d’opposition aux opérations d’inspection. Comme les sociétés ne s’opposèrent pas aux opérations d’inspection, les ordonnances des JLD ne leur furent pas notifiées aux entreprises notifiées.

Les requérantes formèrent alors un recours devant le premier président de la Cour d’appel de Paris sur le déroulement des OVS, estimant que l’inspection avait été ordonnée sans limite de durée, et se plaignant du défaut de notification des ordonnances des 15 et 17 février 2017 et l’absence de contrôle des opérations par un officier de police judiciaire. Constatant que lesdites ordonnances n’avaient reçu ni notification ni exécution du fait que les sociétés requérantes ne s’étaient pas opposées à l’inspection, le délégué du premier président s’estima incompétent et déclara le recours des sociétés requérantes irrecevable. Ce que confirma la Chambre criminelle de la Cour de cassation, estimant au surplus que les recours ouverts devant les juridictions de l’Union étaient conformes aux exigences du droit à un recours effectif.

Les requérantes se tournèrent alors vers les juridictions de l’Union. Par arrêt rendu le 5 octobre 2020 dans l’affaire T-249/17 (Casino, Guichard-Perrachon et Achats Marchandises Casino SAS (AMC)/Commission), le Tribunal de l’Union parvint à la conclusion que les différentes voies de droit ouvertes devant les juridictions de l’UE permettaient, ensemble, un contrôle juridictionnel des opérations d’inspection conforme à la jurisprudence dégagée par la Cour dans les affaires Ravon, Société Canal Plus, Compagnie des gaz de pétrole Primagaz et DELTA PEKÁRNY a.s. Le Tribunal considéra ensuite que la décision d’inspection avait été motivée de manière satisfaisante. S’agissant du grief relatif à l’atteinte au droit à l’inviolabilité du domicile, il estima que les modalités d’inspection envisagées (lieux visités, durée et date) n’étaient pas disproportionnées. Il jugea toutefois que la Commission n’avait pas justifié sa décision d’inspection par des indices suffisamment sérieux au sujet de l’une des deux infractions suspectées. Il annula en conséquence partiellement la décision d’inspection.

Les requérantes ont alors introduit un pourvoi, lequel est actuellement pendant devant la Cour de justice (aff. C‑690/20).

Parallèlement, la société Casino et la SAS Achats Marchandises Casino ont donc formé en novembre 2019 un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. Elle y soutiennent que l’inspection exercée à leur encontre n’a pas fait l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif. Selon les requérantes, le droit de l’UE ne prévoit aucun recours permettant de contester effectivement la régularité et le déroulement des opérations de visite et de saisie. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention combiné avec les articles 8 et 13 de la Convention, elles font donc grief aux juridictions internes de s’être déclarées incompétentes pour connaître de telles contestations.

Les requérantes avancent, ensuite, qu’un tel contrôle juridictionnel leur serait ouvert devant le juge interne en cas d’opposition à l’inspection. Elles affirment à cet égard qu’elles ont consenti à l’inspection en raison du risque de sanction qui pesait sur elle. Se prévalant de l’article 6, § 1, combiné avec les articles 6, § 3, 8 et 13, elles considèrent qu’elles n’ont pas librement renoncé à leur droit à ce recours.

Sous l’angle des articles 6 et 14 de la Convention, les requérantes se plaignent enfin d’un traitement procédural discriminatoire : elles critiquent le fait que les entreprises ou association s’étant opposées aux opérations de visite et de saisie bénéficient d’un traitement procédural plus favorable que celles s’étant pliées à ces opérations. Selon elles, cette différence de traitement ne repose pas sur un but légitime.

Afin de traiter utilement le recours, la Cour européenne des droits de l’homme a adressé le 15 juin 2021 aux parties huit questions et y invite le Gouvernement français à produire l’ordonnance du JLD auprès du TGI de Paris du 17 février 2017. Merci à Jamal Henni pour l’info.

En substance, la CEDH veut savoir si, en se déclarant incompétentes pour statuer sur le déroulement de l’inspection menée par la Commission européenne, les juridictions internes ont porté atteinte au droit des requérantes à ce qu’un tribunal connaisse de leurs contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil, si les requérantes ont renoncé à leur droit à un recours effectif devant les juridictions internes dans des circonstances conformes aux exigence des articles 6 et 8 de la Convention en se soumettant à l’inspection diligentée par la Commission européenne, sans s’y opposer et enfin si les requérantes ont été victimes, dans l’exercice des droits garantis par la Convention, d’une discrimination contraire à l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 6, § 1, ainsi qu’avec l’article 8 de la Convention.

À suivre donc…

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Selon le Tribunal de l’Union, la Commission n’a pas rencontré de difficultés sérieuses qui auraient dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, § 2, TFUE dans l’affaire du lobby des exploitants indépendants de parcs éoliens en Irlande

 

Le 7 juillet 2021, le Tribunal de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire T-680/19 (Irish Wind Farmers’ Association Clg e.a. contre Commission).

Il y rejette le recours introduit par le lobby des exploitants indépendants de parcs éoliens en Irlande contre la décision du 9 juillet 2019 à la faveur de laquelle la Commission a considéré que la mesure contestée ne comportait pas d’avantage sélectif et, partant, ne constituait pas une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

Dans sa plainte, l’Irish Wind Farmers’ Association (IWFA) dénonçait les méthodes de calcul de l’impôt foncier des entreprises en Irlande. En substance,  le lobby soutenait que le calcul de l’impôt foncier, assis sur le montant annuel du loyer qui peut raisonnablement être attendu de la location d’un bien,  avantageait les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles, auxquelles était appliquée la « méthode du coût de remplacement », au détriment des parcs éoliens, auxquels était appliquée la « méthode des recettes et dépenses ». L’IWFA faisait valoir que les exploitants d’installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles avaient payé, en 2015, un impôt foncier approximativement trois fois inférieur à celui payé par les autres producteurs d’électricité.

Pourtant dans la décision querellée, la Commission a estimé, d’une part, qu’il n’était pas établi que la mesure contestée ait procuré un avantage aux exploitants d’installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles et, d’autre part, que, à supposer même qu’un avantage eût pu découler de la méthode d’évaluation mise en œuvre par le régulateur pour déterminer la valeur annuelle nette de certains biens immobiliers utilisés à des fins commerciales, cet avantage n’aurait pas été sélectif, mais se serait expliqué par la disponibilité ou non d’informations financières détaillées et fiables (pt. 22).

Dans le cadre du moyen unique qu’elles soulèvent, les requérantes faisaient valoir, en substance, que la décision attaquée avait violé l’article 108, § 2, TFUE, et l’article 4, § 4, du règlement 2015/1589 ainsi que, partant, leurs droits procéduraux, au motif que, en l’espèce, la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen, dès lors qu’elle avait éprouvé, selon les requérantes, des difficultés sérieuses pour apprécier si la mesure était ou non constitutive d’une aide d’État.

Le moyen unique se divisait en cinq branches. Par la première branche, les requérantes faisaient valoir que la mesure contestée n’avait pas été correctement identifiée dans la décision attaquée. Par la deuxième branche, elles soutenaient que la Commission aurait dû éprouver des doutes à l’issue de la phase préliminaire d’examen. Par la troisième branche, elles prétendaient que la Commission n’avait pas compris certains éléments fondamentaux de la plainte. Par la quatrième branche, elles alléguaient que la Commission n’avait pas examiné de manière appropriée l’ensemble des informations fournies par l’IWFA dans le cadre de la plainte. Enfin, par la cinquième branche, elles critiquaient la durée de l’examen préliminaire.

Commençant pas la dernière branche du moyen unique tirée de la durée excessive de la phase préliminaire d’examen, soit 41 mois, le Tribunal répond que en l’espèce, si la durée de l’examen préliminaire a excédé ce qu’implique normalement un tel examen, cela s’explique principalement par l’intensité des échanges entre l’IWFA et la Commission au cours de la procédure administrative, de sorte que cette durée ne saurait donc être regardée comme un indice de difficultés sérieuses prétendument rencontrées par la Commission (pt. 61).

Pour le reste, le Tribunal considère qu’aucun des quatre autres indices soulevés par les requérantes ne vient conforter l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen. Il en va ainsi de l’indice tenant à l’identification incorrecte de la mesure contestée. À cet égard, la description faite par la Commission de la mesure contestée, nonobstant une approximation terminologique sans incidence sur l’analyse menée par la suite, correspond bel et bien à celle présentée par l’IWFA dans sa plainte et au cours de la procédure administrative ainsi que par les requérantes dans le cadre de la présente affaire (pt. 71).

De même, s’agissant de l’indice tenant à l’existence de doutes à l’issue de la phase préliminaire d’examen, le Tribunal relève que la Commission a estimé que les autorités irlandaises avaient dûment démontré, à tout le moins pour certains parcs éoliens, que l’application de la « méthode des recettes et dépenses » et celle de la « méthode du coût de remplacement » avaient conduit à des estimations similaires des valeur annuelle nette de ces installations. De sorte que la simple circonstance que la Commission n’a pas de nouveau sollicité les autorités irlandaises dans le but d’obtenir des réponses plus précises aux questions posées dans le cadre de la seconde demande d’informations n’est pas, à elle seule, de nature à caractériser l’insuffisance ou le caractère incomplet de son examen ou encore l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû la conduire à adresser une troisième demande d’informations aux autorités irlandaises ou à ouvrir la procédure formelle d’examen, dès lors que les réponses à la première demande d’informations étaient suffisantes pour lui permettre d’adopter la décision attaquée (pts. 81-82).

En fin de compte, aucun des prétendus indices relatifs aux éléments se rapportant à la décision attaquée avancés par les requérantes, pris isolément ou avec d’autres, n’est de nature à révéler que la Commission aurait rencontré des difficultés sérieuses lors de son appréciation de la mesure contestée et aurait, dès lors, été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, § 2, TFUE. Ce faisant, les requérantes n’ont pas démontré l’existence de doutes de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Partant, il y a lieu d’écarter le moyen unique et de rejeter le recours (pts. 124-125).

JURISPRUDENCE : Dans l’affaire du rachat d’Itas par TDF, la Cour d’appel de Paris demande à la Cour de justice de l’Union si la jurisprudence Continental can est toujours applicable à une opération de concentration, dépourvue de dimension communautaire, située en dessous des seuils de contrôle ex ante obligatoire prévus par le droit national et n’ayant pas donné lieu à un renvoi à la Commission européenne en application de l’article 22 du règlement concentration

 

Enfin un peu de subtilité !

À la faveur d'un arrêt — important et subtilement argumenté — rendu le 1er juillet 2021, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris, saisie d’un recours de la société towerCast, opérateur de diffusion de la TNT, seul rescapé du mouvement de rachat continu de ses concurrents engagé depuis 2006 par le leader du marché, TDF, accessoirement détenteur d’un monopole légal jusqu’en 2004, a décidé de surseoir à statuer dans l’affaire du rachat d’Itas par TDF pour renvoyer à la Cour de justice de l’Union une demande préjudicielle qui peut se résumer comme suit : la jurisprudence Continental can est-elle toujours applicable ?

Alors que se multiplient les Killer acquisitions dans les secteurs du numérique et de la pharmacie, alors que les rapports fleurissent ici et là sommant les autorités de concurrence de mettre fin à ce phénomène perçu comme destructeur pour l’économie et pour la concurrence, l’Autorité de la concurrence avait adopté, on s’en souvient, une décision n° 20-D-01 du 16 janvier 2020 qui avait suscité à tout le moins une certaine circonspection d’autant qu’elle mettait au jour une divergence d’approches, sinon de principes, entre les services d’instruction et le collège de l’institution.

L’Autorité pouvait-elle se saisir ex post du rachat par TDF de la société Itas réalisé en octobre 2016, opération de concentration non notifiable car située en dessous des seuils de notification nationaux comme européens, sur le fondement d’un abus de position dominante (articles 102 TFUE et L. 420-2 du code de commerce), et ce, par application de la jurisprudence Continental Can de la Cour de justice, celle-là même qui a considéré que la Commission européenne pouvait appliquer, en l’absence de textes régissant spécifiquement le contrôle des concentrations, l’article 86 du traité CEE (devenu article 102 du TFUE) aux opérations de concentrations ?

La saisissante, la société towerCast, seule rescapée face à TDF, le soutenait estimant que la prise de contrôle de la société Itas par la société TDF, en 2016, aurait substantiellement entravé la concurrence sur les marchés de gros amont et aval de la diffusion de la TNT, en renforçant de façon significative la position dominante de TDF sur ces marchés et constituait, de ce fait, une violation des dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce.

Les services d’instruction de l’Autorité avait suivi la saisissante sur ce terrain en notifiant aux sociétés du groupe TDF un grief unique, celui d’avoir abusé de la position dominante détenue par cette entreprise sur le marché de gros aval des services de diffusion de la TNT, en prenant le contrôle exclusif du groupe Itas, en ce qu’elle était susceptible d’avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de gros aval des services de diffusion de la TNT.

Prenant l’exact contrepied de ses services d’instruction, le Collège de l’Autorité avait considéré que le grief d’abus de position dominante notifié à l’encontre de la société TDF sur le fondement des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce n’était pas établi.

Examinant sa compétence à connaître de l’acquisition d’Itas par TDF sur fondement des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, l’Autorité, relevant que l’arrêt Continental Can avait été rendu alors même qu’il n’existait aucun dispositif de contrôle des concentrations au niveau de l’Union européenne, a retenu en substance que l’institution, au niveau européen, d’un système de contrôle préalable des concentrations par le règlement n° 4064/89 avait rendu sans objet l’application de l’article 102 du TFUE à une opération de concentration, en l’absence d’un comportement distinct de l’entreprise en cause à la suite de cette opération. Il en résultait, selon elle, que l’application de la jurisprudence Continental Can était, de facto, devenue obsolète. Elle faisait valoir à cet égard que la Commission n’avait plus appliqué l’article 86 du traité CEE (devenu article 102 du TFUE) à une opération de concentration postérieurement à l’entrée en vigueur du règlement n° 4064/89.

Au vu de la seule multiplication ces dernières années des Killer acquisitions en dessous de seuils de notification, l’affirmation selon laquelle la jurisprudence Continental Can est, de facto, devenue obsolète, pouvait paraître un peu grossière, relevant davantage de l’affirmation que de la démonstration. À l’évidence, il existe un trou dans la raquette et le peu d’empressement mis ces dernières années par la commission a utilisé tous les instruments à sa disposition, en ce compris la jurisprudence Continental Can, ne semble pas constituer une démonstration convaincante du caractère obsolète de cette jurisprudence. Toutefois, objectera-t-on, la récente modification par la Commission européenne de son approche concernant les renvois de l’article 22 du règlement concentrations, laquelle permet désormais de contrôler les opérations « sous les seuils » qui sont structurantes pour la concurrence, ne vient-elle pas, en comblant le trou dans la raquette, confirmer la caducité de la jurisprudence Continental Can ?

Assurément pas, puisqu’aussi bien, comme le fait justement observer TowerCast, le système de renvoi prévu à l’article 22 du règlement n° 139/2004 est insuffisant, à lui seul, pour assurer un contrôle satisfaisant, dans la mesure où le mécanisme de renvoi est facultatif et activé à la seule discrétion des États membres.

Du reste, le Collège observait lui-même dans la présente affaire, qu’alors qu’il existe dans le règlement concentration un dispositif permettant, sous conditions, à un État membre de renvoyer à la Commission une opération de concentration qui n’atteindrait pas les seuils de notification européens et ce, alors même qu’elle ne serait pas soumise à une notification obligatoire au regard des dispositions du code de commerce, l’Autorité n’avait pas jugé utile de renvoyer l’opération de rachat litigieuse à la Commission européenne sur le fondement de l’article 22 du règlement n° 139/2004… confirmant, du même coup, la persistance d’un trou dans la raquette. Dès lors, et tant qu’il sera possible de tuer l’innovation en toute impunité à la faveur de telles opérations, l’affirmation du caractère obsolète de la jurisprudence Continental Can ne sera pas complètement convaincante.

En fait, toute l’argumentation des tenants de l’obsolescence de la jurisprudence Continental Can, parmi lesquels se range l’Avocate générale Juliane Kokott (pt. 86), repose sur une lecture littérale et restrictive de l’article 21 du règlement n° 139/2004 qui dispose que le présent règlement est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3 et que le règlement n° 1/2003 […] n’est pas applicable, sauf à certaines entreprises communes. Or, l’article 3 du règlement n° 139/2004, et de l’article 3 du règlement n° 4064/89 avant lui, définit une opération de concentration selon un critère matériel, et non par référence aux seuils définis à l’article 1er du règlement. Ils en déduisent que le règlement n° 139/2004 s’applique à titre exclusif aux concentrations — à toutes les concentrations même en dessous des seuils de notification —, telles que définies à l’article 3 précité, et non pas seulement les opérations de concentration au-dessus des seuils ou contrôlées à la suite d’un renvoi article 22 ou par les parties. En sorte que cette exclusivité du règlement n° 139/2004 à connaître les opérations relevant de la définition matérielle de la concentration rendrait sans objet l’application de l’article 102 du TFUE à une opération de concentration, en l’absence d’un comportement distinct de l’entreprise en cause à la suite de cette opération.

À ceux-là TowerCast oppose l’effet direct de l’article 102 du TFUE et revendique, concernant les opérations situées sous les seuils, un contrôle ex post de compatibilité avec cet article : si les règlements n° 139/2004 et n° 1/2003 ne peuvent être appliqués conjointement dans une même affaire, en revanche le règlement n° 139/2004 ne s’applique exclusivement que pour les concentrations qui se trouvent dans son champ d’application, c’est-à-dire celles de dimension communautaire ou renvoyées à la Commission par les autorités nationales de concurrence ou les parties (pts. 58-59). C’est donc précisément parce que le contrôle des concentrations n’est pas applicable que l’on envisage de se reporter sur la répression de l’abus de position dominante, de sorte qu’il n’est pas question ici d’appliquer concurremment les deux dispositifs…

Quant à la Cour d’appel, elle relève à son tour que l’article 102 du TFUE, texte de droit primaire, issu des traités fondateurs, est une disposition d’effet direct dont l’application n’est pas subordonnée à l’adoption préalable d’un règlement procédural (pt. 71). Elle observe aussi que le considérant 7 du règlement n° 139/2004 précise que « [l]es articles 81 et 82, tout en étant applicables, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, à certaines concentrations, ne suffisent pas pour contrôler toutes les opérations qui risquent de se révéler incompatibles avec le régime de concurrence non faussée visé par le traité [...] » (pt. 80). Dès lors, la Cour de Paris s’interroge sur le point de savoir si l’exclusion prévue à l’article 21 du règlement n° 139/2004 s’applique également aux opérations de concentration qui n’ont fait l’objet d’aucun contrôle ex ante, comme au cas d’espèce (pt. 85). D’autant que  la Cour de justice, dans l’arrêt du 7 septembre 2017 (C-248/16, Austria Asphalt), a indiqué que l’article 21, § 1, du règlement n° 139/2004 est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3 de ce règlement, pour lesquelles le règlement n° 1/2003 ne trouve, en principe, pas à s’appliquer. Toutefois, ajoute-t-elle, la Cour de justice n’a pas explicité les exceptions qui pourraient être apportées au principe qu’elle a posé au point 32 de son arrêt, ni s’être prononcée sur le point de savoir si l’interprétation retenue dans l’arrêt « Continental Can » est encore susceptible d’application, en particulier aux opérations de concentration situées en dessous des seuils de contrôle obligatoire, qui n’ont fait l’objet d’aucune analyse dans le cadre d’un contrôle ex ante obligatoire ni d’aucune demande de renvoi à la Commission en application de l’article 22 du règlement n° 139/2004 (pt. 90).

Dès lors, compte tenu de l’effet direct attaché aux dispositions de droit primaire précitées (article 102 du TFUE) et de la portée qui pourrait être conférée aux dispositions régissant les opérations de concentration (article 21, § 1, du règlement n°139/2004), un doute subsiste donc quant à l’interprétation qu’il convient de donner à ces dernières dispositions, concernant l’impossibilité de faire « en principe » une application autonome des règles de concurrence issues du droit primaire précité à une opération qui, comme en l’espèce i) est susceptible de répondre à la définition donnée par l’article 3 du règlement n° 139/2004, ii) n’a donné lieu à aucun contrôle préventif, tant sur le fondement du droit européen que sur celui du droit national applicable aux opérations de concentration, et iii) qui ne s’expose ainsi à aucun risque d’application cumulative des règlements n° 139/2004 et n° 1/2003 ou de contradiction résultant d’une double analyse ex ante et ex post (pt. 91).

Relevant à cet égard que le Conseil de la concurrence du Luxembourg a admis sa compétence pour examiner à l’aune de l’article 102 du TFUE une situation résultant d’une opération qui « reste une opération de concentration telle que définie à l’article 3 du règlement n° 139/2004 », mais qui ne pouvait être soumise à aucun contrôle préventif obligatoire (pts. 93-96) et que la Cour d’appel de Bruxelles a adopté une position similaire, tandis que la Cour d’appel britannique adoptait une position proche de celle de l’Autorité de la concurrence, la Cour d’appel de Paris décide, compte tenu des divergences d’interprétation relevées et pour garantir l’interprétation et l’application uniforme de ce droit au sein de l’Union, de saisir la Cour de justice de la question suivante : L’article 21, paragraphe 1 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une opération de concentration, dépourvue de dimension communautaire au sens de l’article 1er du règlement précité, située en-dessous des seuils de contrôle ex ante obligatoire prévus par le droit national et n’ayant pas donné lieu à un renvoi à la Commission européenne en application de l’article 22 dudit réglement, soit analysée par une autorité nationale de concurrence comme constitutive d’un abus de position dominante prohibé par l’article 102 du TFUE, au regard de la structure de la concurrence sur un marché de dimension nationale ?

Comment imaginer que la Cour de justice se réfugie derrière l’argument grossier d’une interprétation restrictive de l’article 21 du règlement n° 139/2004 et, ce faisant, laisse se réaliser des opérations structurantes pour la concurrence, comme au cas d’espèce, sans que ces opérations ne soient soumises ex ante ou ex post à un quelconque contrôle par les autorités de concurrence ? Elle qui n’a eu de cesse, dans la jurisprudence de ces dernières années, notamment à travers la reconnaissance de la contribution des actions privées en réparation des dommages dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, de s’opposer à la persistance de vides réglementaires. À quoi bon reconnaitre aux consommateurs et aux entreprises le droit de demander réparation de leurs dommages concurrentiels si, dans le même temps, on laisse en dehors de tout contrôle des opérations structurantes pour la concurrence et, partant, que l’on empêche le seul opérateur indépendant encore présent sur le marché de contester la prise de contrôle par l’opérateur dominant de son principal concurrent alors même que cette opération lui a permis de consolider encore sa position déjà dominante ? À quoi bon vouloir réguler ex ante le comportement des contrôleurs d’accès (gatekeepers), volonté qui repose largement sur un constat d’une carence — réelle ou supposée — du droit de la concurrence et de la façon dont elle est mise en oeuvre, si, dans le même temps, on laisse persister des carences aussi criantes en matière de contrôle des opérations de concentration ?
 
Imaginons un instant que les juridictions de l’Union viennent dire dans l’affaire Illumina contre Commission, actuellement pendante devant le Tribunal, que, par exemple pour de raisons tenant au respect du principe de confiance légitime, les orientations de la Commission concernant l’application du mécanisme de renvoi établi à l’article 22 du règlement sur les concentrations à certaines catégories d’affaires ne pouvaient pas être mise en oeuvre à l’égard de l’opération de rachat de Grail, bref que la Commission ne pouvait pas accepter la demande de renvoi. Que faire alors ? Laissée se réaliser sans réagir une opération qu’on nous présente comme particulièrement néfaste pour la concurrence ? Ou bien, constatant une carence dans la réglementation comme l’a fait la Cour dans Continental Can, voir si cette jurisprudence ne pourrait pas trouver à s’appliquer au cas d’espèce…

On peut craindre toutefois que le débat devant la Cour de justice ne se focalise, de façon ultime, autour de la faculté des autorités nationales de concurrence de décider de l’opportunité de renvoyer des opérations sous les seuils à la Commission et autour de la faculté de cette dernière de décider de l’opportunité d’accepter ou non les renvois. Avec en filigrane la possibilité pour les concurrents hostiles à une opération de concentration sous les seuils de contester soit la décision de ne pas renvoyer à la Commission, soit la décision de cette dernière de ne pas accepter une plusieurs demande de renvoi article 22…

INFOS UE : La Commission publie ses projets de règlement d'exemption par catégorie et de lignes directrices applicables aux accords verticaux et les soumet à une consultation publique

 

Le 9 juillet 2021, la Commission a publié, en vue d’une consultation publique, d’une part son projet de règlement d'exemption par catégorie applicable aux accords verticaux (disponible en français ICI) et, d’autre part, son projet de lignes directrices sur les restrictions verticales, pour l’heure seulement disponible en anglais et ce, dans la perspective d’une entrée en vigueur des nouvelles règles le 1er juin 2022. Ces deux documents sont accompagnés d’une note explicative.

Les parties intéressées sont invitées à présenter leurs observations sur les deux projets avant le 18 septembre 2021.

Quels sont les principaux changements proposés ?

La révision du règlement d'exemption et des lignes directrices verticales poursuit trois objectifs :

1 — réadapter la sphère de sécurité prévue par le règlement d'exemption à son champ d'application, en ce qui concerne la double distribution, les obligations de parité, les restrictions des ventes actives et certaines mesures indirectes restreignant les ventes en ligne.

Il s’agit, d’éviter d'éventuels faux positifs en ce qui concerne spécifiquement la double distribution et les obligations de parité. Les faux positifs concernent des accords verticaux et des restrictions qui sont actuellement couverts par la sphère de sécurité du règlement d'exemption par catégorie, mais pour lesquels on ne peut pas supposer avec une certitude suffisante qu'ils sont généralement, tout bien considéré, de nature à améliorer l'efficacité et qu'ils remplissent donc les conditions d'exemption conformément à l'article 101, § 3, du traité.

Pour ce qui concerne la double distribution, la Commission constate que, limitée à l’origine, elle tend, du fait du développement des ventes en ligne à devenir prévalente. Par conséquent, l'exception actuelle pour la double distribution est susceptible d'exempter les accords verticaux alors que d’éventuels problèmes horizontaux ne sont plus négligeables. Ainsi, la proposition contenue dans l'article 2, §§ 4 à 7, du projet de règlement d'exemption par catégorie révisé vise à exclure de la sphère de sécurité existante les scénarios de double distribution susceptibles de susciter des préoccupations d'ordre horizontal. L'article 2, § 4, du projet de règlement d'exemption par catégorie révisé limite la sphère de sécurité actuelle pour la double distribution aux cas où la part de marché cumulée des parties sur le marché de détail ne dépasse pas 10 %, conformément au seuil de part de marché existant pour les accords entre concurrents utilisé dans la communication de minimis. L'article 2, § 5, prévoit une exemption supplémentaire, mais plus limitée, lorsque le fournisseur et ses distributeurs détiennent une part de marché cumulée au niveau du commerce de détail supérieure à 10 %, sans toutefois dépasser le seuil de 30 % de parts de marché fixé à l'article 3 du règlement d'exemption par catégorie.

S’agissant des obligations de parité (clauses de la nation la plus favorisée), de plus en plus contestées par les autorité de concurrence, le projet révisé de règlement d'exemption par catégorie supprime le bénéfice de l'exemption par catégorie pour les obligations de parité de vente au détail sur toutes les plateformes imposées par les fournisseurs de services d'intermédiation en ligne. Ce type d'obligation paritaire est ajouté à la liste des restrictions exclues (art. 5(d) du projet révisé de VBER), de sorte qu’à l’avenir, ce type d'obligation de parité devrait être évalué individuellement en vertu de l'article 101 du traité. En revanche, le projet de règlement d'exemption par catégorie révisé continue d’exempter les obligations de parité de détail relatives aux canaux de vente ou de commercialisation directs (parité dite étroite).

S’agissant des restrictions sur les ventes actives et certaines mesures indirectes restreignant les ventes en ligne, il s’agit plutôt d’éviter d'éventuels faux négatifs, c’est-à-dire des accords et restrictions verticaux qui ne sont actuellement pas couverts par le règlement d'exemption par catégorie, mais pour lesquels on peut supposer avec suffisamment de certitude qu'ils remplissent généralement, sous certaines conditions, les conditions d'une exemption en vertu de l'article 101, paragraphe 3, du traité. En pareil cas, tous les aspects de leur accord vertical restent exemptés, à l'exception des échanges d'informations entre les parties à l'accord vertical. En tout état de cause, les accords verticaux ne doivent pas comporter de restrictions par objet au sens de l'article 101, § 1, du traité, ni de restrictions caractérisées au sens de l'article 4 du règlement révisé.

Pour ce qui concerne les restrictions des ventes actives, l’article 4, point b), introduit la possibilité d'une exclusivité partagée, qui permet à un fournisseur de désigner plus d'un distributeur exclusif sur un territoire donné ou pour un groupe de clients donné. Toutefois, le nombre de distributeurs désignés doit être déterminé en proportion du territoire ou du groupe de clients attribué, de manière à garantir un certain volume d'affaires qui préserve leurs efforts d’investissement. En outre, l'article 4(c) du projet de révision du règlement d'exemption par catégorie accorde aux systèmes de distribution sélective une protection renforcée contre les ventes effectuées par des distributeurs non agréés situés sur le territoire couvert par la distribution sélective.

Quant aux mesures indirectes restreignant les ventes en ligne, les changements proposés concernent la double tarification (c'est-à-dire le fait de facturer au même distributeur un prix de gros plus élevé pour les produits destinés à être vendus en ligne que pour les produits destinés à être vendus hors ligne) et le principe d'équivalence (c'est-à-dire le fait d'imposer des critères pour les ventes en ligne qui ne sont pas globalement équivalents aux critères imposés aux magasins en dur). À cet égard, la Commission estime que les ventes en ligne se sont développées au point de devenir un canal de vente efficient et qu’elle n'ont plus besoin de bénéficier d’une protection spéciale tenant à la qualification de certaines mesures indirectes restreignant les ventes en ligne de restrictions caractérisées. Par suite, l'article 4 du projet de règlement d'exemption par catégorie révisé ne qualifie plus la double tarification de restriction caractérisée. Il autorise en conséquence les fournisseurs à fixer des prix de gros différents pour les ventes en ligne et hors ligne par le même distributeur, dans la mesure où cela vise à encourager ou à récompenser un niveau approprié d'investissements et où cela est lié aux coûts encourus pour chaque canal. En outre, dans le contexte de la distribution sélective, les critères imposés par les fournisseurs en ce qui concerne les ventes en ligne ne doivent plus être globalement équivalents aux critères imposés dans le brick-and-mortar, étant donné que les deux canaux sont par nature différents. Toutefois, ces exemptions nouvelles concernant la double tarification et le principe d'équivalence ne valent que pour autant que ces restrictions n'ont pas pour objet, directement ou indirectement, d'empêcher les acheteurs ou leurs clients d'utiliser Internet pour vendre leurs biens ou services en ligne.

2 — fournir aux parties prenantes des orientations à jour pour un environnement des entreprises remodelé par la croissance du commerce électronique et des plateformes en ligne et veiller à une application plus harmonisée des règles verticales dans l'ensemble de l'UE. En particulier, l'application du règlement d'exemption et des lignes directrices aux restrictions des ventes et de la publicité en ligne sera davantage précisée et des règles et orientations spécifiques relatives à l'économie des plateformes seront incluses. À cette fin, les projets de révision du règlement d’exemption et des lignes directrices intègrent les principes directeurs pour l'évaluation des restrictions en ligne tirés de la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE, notamment dans les affaires Pierre Fabre et Coty. Ainsi, les restrictions qui, directement ou indirectement, isolément ou en combinaison avec d'autres facteurs, ont pour objet d'empêcher les acheteurs ou leurs clients d'utiliser effectivement Internet pour vendre leurs biens ou services en ligne ou d'utiliser effectivement un ou plusieurs canaux de publicité en ligne constituent des restrictions des ventes actives ou passives, et donc des restrictions caractérisées au sens de l'article 4 du règlement d'exemption par catégorie.

Par ailleurs, la section 6.1.2 du projet de révision des lignes directrices verticales précise ce qu’il convient d’entendre par restrictions caractérisées. Elle précise à partir de quand un comportement en ligne constituent une vente active ou une vente passive.

Le deux projets fournissent également des règles et des orientations spécifiques concernant l'économie de plateforme, laquelle joue un rôle de plus en plus important dans la distribution des biens et des services. Outre une définition du prestataire de services d'intermédiation en ligne, désormais considérés comme des fournisseurs au sens du règlement d'exemption par catégorie, et non de simples agents, l'article 2(7) du projet de règlement d'exemption par catégorie révisé prévoit que les fournisseurs d'intermédiation en ligne hybrides ne bénéficient pas de la sphère de sécurité fournie par le règlement d'exemption par catégorie, et ce en cohérence avec le DMA, qui considère que les gatekeepers disposent d'un pouvoir de marché et ne peuvent donc bénéficier de la sphère de sécurité offerte par le règlement d'exemption par catégorie.

3 — réduire les coûts de mise en conformité pour les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, en simplifiant et en clarifiant certaines dispositions perçues comme particulièrement complexes et difficiles à mettre en œuvre

En particulier, les dispositions relatives aux restrictions territoriales et de clientèle de l'article 4(b) de l’actuel règlement d'exemption par catégorie, considérées comme particulièrement complexes, ont été remplacées par trois ensembles distincts de dispositions clarifiant la portée de l'interdiction pour chacun des principaux systèmes de distribution, à savoir la distribution exclusive, la distribution sélective et la distribution gratuite. En outre, la section 4.6 du projet de révision des lignes directrices verticales fournit une explication détaillée des caractéristiques de chacun de ces systèmes de distribution. Enfin, la structure du projet de révision des lignes directrices verticales a été simplifiée afin de fournir un cadre d'analyse plus clair pour les accords verticaux.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS UE : En marge du Dieselgate, la Commission met à l’amende BMW, Volkswagen, Audi et Porsche et accorde l’immunité à Daimler qui avant dénoncé l’entente, sanctionnant pour la première fois une collusion sur le développement technique au titre de l'interdiction des ententes

 

Par communiqué publié le 8 juillet 2021, la Commission a annoncé qu’elle venait d’infliger une amende de 875 millions à quatre constructeurs automobiles allemands — BMW, Volkswagen, Audi et Porsche — pour une entente concernant l'épuration des gaz d'échappement émis par les nouvelles voitures à moteur diesel du 25 juin 2009 au 1ᵉʳ octobre 2014.

Cette affaire intervient en marge du Dieselgate, dans la mesure où rien n'indique que les parties ont coordonné l'utilisation de dispositifs d'invalidation illégaux pour fausser les essais réglementaires et que, dans le cadre de ces procédures relatives aux ententes, la Commission n'a pas déterminé si les constructeurs automobiles s'étaient conformés aux normes de l'UE en matière d'émissions des véhicules automobiles ou s'ils étaient allés plus loin dans l'épuration des gaz d'échappement que ce qui était prescrit.

Daimler, qui avait révélé l'existence de l'entente à la Commission, bénéficie d’une immunité totale, évitant ainsi une amende globale d'environ 727 millions d'euros.

Les constructeurs automobiles se sont régulièrement rencontrés dans le cadre de réunions techniques pour discuter du développement de la technologie de réduction catalytique sélective (SCR), qui élimine les émissions nocives d'oxyde d'azote (NOx) des gaz d'échappement des voitures à moteur diesel par l'injection d'urée (également appelée «AdBlue»). Au cours de ces réunions, et pendant plus de cinq ans, les constructeurs automobiles se sont concertés pour éviter de se faire concurrence en allant au-delà de ce qui était exigé par la législation en matière d'épuration des gaz d'échappement, bien que la technologie nécessaire ait été disponible. Plus précisément, Daimler, BMW et le groupe Volkswagen se sont accordés sur les tailles et gammes des réservoirs d'AdBlue ainsi que sur la consommation moyenne estimée d'AdBlue. Ils ont également échangé des informations commercialement sensibles sur ces éléments. Ils ont ainsi levé l'incertitude quant à leur conduite future sur le marché en ce qui concerne le dépassement des exigences légales en matière d'épuration des émissions de NOx et les intervalles de ravitaillement en AdBlueCe comportement constitue une infraction par objet sous la forme d'une limitation du développement technique, un type d'infraction expressément visé à l'article 101, paragraphe 1, point b), TFUE.

C'est la première fois que la Commission conclut que la collusion sur le développement technique constitue une entente. Compte tenu de cette nouveauté, la Commission a également communiqué aux parties des explications concernant les aspects de leur coopération relative au système SRC qui ne soulèvent pas de problèmes de concurrence, tels que la normalisation du goulot de remplissage d'AdBlue, la discussion des normes de qualité pour l'AdBlue ou le développement conjoint d'une plateforme logicielle sur le dosage de l'AdBlue.

INFOS UE : La Commission européenne publie son rapport annuel sur la politique de concurrence pour 2020

 

Le 7 juillet 2021, la Commission européenne a rendu public le rapport annuel sur la politique de concurrence pour 2020, qui marque la 50e édition du rapport sur la politique de concurrence.

Comme les années passées, la livraison 2021 se présente sous la forme d'un document principal relativement synthétique de 36 pages, disponible dans toutes les langues officielles de l’Union, comprenant les grandes orientations de la politique de concurrence suivi par la Commission au cours de l'année écoulée. Il est accompagné d’un document de travail, pour l’heure seulement disponible en anglais, de 112 pages qui comporte aussi des développements circonstanciés consacrés aux principaux secteurs d'activité, avec en particulier des développements consacrés aux secteurs stratégiques pour l'Europe que sont l'énergie et l'environnement, les nouvelles technologies et les médias, les services financiers, la santé et les transports.

Le rapport annuel constitue un résumé non exhaustif des activités entreprises par la Commission dans le domaine de la politique de concurrence au cours de l’année 2020. Il couvre donc les diverses mesures prises par la Commission pour soutenir l’économie de l’Union dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Du reste, la vice-présidente exécutive Vestager évoque largement ces mesures en réponse à la crise sanitaire de la COVID-19 dans son avant-propos du rapport. Elle évoque ainsi, au-delà du cadre temporaire pour les aides d'État, adopté au début de la crise et qui a permis aux États membres d'utiliser toute la souplesse prévue par les règles relatives aux aides d'État pour soutenir l’économie, les initiatives prises dans le domaine des ententes et des abus de position dominante, telles que la communication fournissant des orientations aux entreprises coopérant à des projets visant à remédier aux pénuries d'approvisionnement en produits et services essentiels liés au coronavirus, tels que les médicaments et les équipements médicaux.

Malgré la crise sanitaire, la Commission a adopté en 2020 plusieurs décisions dans ce domaine, dont trois décisions de cartel et cinq décisions relatives à l’antitrust. Elle a également lancé une enquête dans le secteur de l'Internet des objets. Quant au contrôle des concentrations, la Commission a adopté plus de 352 décisions (dont 13 opérations autorisées sous réserve d'engagements dès la phase 1 et 3 autorisées avec des mesures correctives en phase 2).

Le rapport revient également sur la proposition de règlement sur les marchés numériques  (DMA) visant à remédier aux conséquences négatives de certains comportements des plateformes agissant comme des « gardiens d’accès » (gatekeepers) numériques du marché unique, ainsi que sur la publication du livre blanc visant à développer des outils et des politiques pour mieux lutter contre les effets de distorsion des subventions étrangères sur le marché intérieur, lequel a débouché en mai 2021 sur une proposition de nouveau règlement. Elle rappelle aussi qu’elle a entamé la révision d'un grand nombre de ses principaux règlements d’exemption par catégorie et lignes directrices, notamment des règles sur les accords de fourniture verticaux et les accords de coopération horizontaux et la communication sur la définition du marché.

Dans son avant-propos, Margrethe Vestager insiste sur le fait que la politique de concurrence de l’UE peut contribuer à rendre l’Europe plus verte, notamment en renforçant les marchés concurrentiels, où l’innovation verte peut se développer. À cet égard, elle rappelle que la Commission a lancé, en octobre 2020, un appel à contributions sur les synergies éventuelles entre les règles de concurrence et les politiques de durabilité, qui a débouché sur une conférence qui s’est tenue en février 2021.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La décision autorisant, sous conditions, le groupe allemand Schwarz à prendre le contrôle exclusif de plusieurs  entreprises de gestion des déchets du groupe Suez est en ligne (+ 7 décisions d'autorisation, dont 2 sous conditions)

 


Ces derniers jours, la Commission européenne a rendu publiques plusieurs décisions en matière de contrôle des concentrations.

Le 6 juillet 2021, la Commission a rendu publique la décision adoptée le 14 avril 2021 à la faveur de laquelle elle a autorisé, sous conditions, l’acquisition, par le groupe allemand Schwarz, principalement présent dans la vente au détail de denrées alimentaires dans plus de 30 pays par l'intermédiaire de ses chaînes de distribution Lidl et Kaufland, du contrôle exclusif de plusieurs entreprises de gestion des déchets du groupe Suez exerçant des activités de collecte, de tri, de traitement, de recyclage et d'élimination de déchets ménagers et commerciaux en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Pologne, sachant que le groupe Schwarz, de son côté, intervient déjà en tant que prestataire de services intégré dans le domaine de la gestion des déchets via sa division « PreZero ».

Schwarz et la cible sont tous deux intégrés verticalement dans la chaîne de gestion des déchets, de la collecte au recyclage et à l’élimination en passant par le tri et le traitement, de divers types de déchets et de fractions de déchets (pts. 6-7).

Délimitation du marché pertinent

En substance, la présente opération n’a suscité de réelles interrogations qu’à propos du marché du tri des emballages légers aux Pays-Bas. À cet égard, la Commission confirme l'existence d'un marché distinct pour le tri des déchets d’emballages légers, dans la mesure où il est effectué séparément du tri d'autres sortes de déchets, par différentes entreprises et dans des installations spécifiques qui ne sont capables que de trier les déchets d’emballages légers. Il existe une demande spécifique pour le tri des déchets d’emballages légers, qui fait l'objet d'appels d'offres et de contrats distincts (pt. 23).

En fait, l’essentiel des débats a porté sur la dimension géographique du tri des emballages légers. Sur ce point, la partie notifiante défendait l’idée le marché du tri des déchets d’emballages légers produits aux Pays-Bas est au moins de dimension nationale, et que les installations de tri néerlandaise subissaient la concurrence des centres de tri allemands, voire des centres de tri belges. Du reste, faisait-elle valoir, actuellement, environ un tiers de tous les déchets de emballages légers néerlandais sont triés en Allemagne (pt. 30). À l’inverse, la Commission estime que le marché du tri des déchets d’emballages légers est strictement national : la composition des déchets d’emballages légers à trier et la manière dont la collecte des déchets est organisée varient d'un pays à l'autre. Par exemple, les déchets d’emballages légers néerlandais ont généralement une proportion de plastique plus élevée qu’en Allemagne (pt. 41). En outre, les déchets d’emballages légers ne peuvent pas parcourir de manière rentable des distances supérieures à 200 km pour être triés. Cela s'explique par le fait que ces déchets sont très légers et ont une faible densité de masse, et occupent donc un espace considérable. De sorte que seule une quantité relativement faible de déchets d’emballages légers peut être transportée dans un camion à la fois, dans la mesure où il n'est pas possible de presser les emballages légers en balles (pt. 46). À cela s’ajoute le fait que les coûts de transport liés au tri des déchets des emballages légers sont élevés et constituent une part importante des coûts de tri de ces déchets (pt. 50). Par ailleurs, il apparaît que, dans les appels d'offres et leurs spécifications, à côté des coûts de transport, le coût environnemental du transport est également un facteur pris en compte par les clients dans l'attribution des offres (pt. 56), de sorte que le centre de tri éloigné du point de collecte pourrait être doublement sanctionné, d’abord en raison des coûts de transport supplémentaires rendant le prix moins compétitif, ensuite en raison de la perte de points pour la qualité liée au « transport durable » (pt. 58). Au surplus, la Commission note une espèce de préférence nationale de narture politique pour que les déchets d’emballages légers néerlandais soient triés aux Pays-Bas (pt. 60). Enfin, la Commission fait état de formalités administratives spécifiques s'appliquent au transport transfrontalier pour le tri des déchets d’emballages légers (pt. 68).

Si la Commission admet bien un certain degré de concurrence de la part de certains centres de tri allemands, puisqu’aussi bien ceux-ci, situés à une distance économiquement viable, traitent environ un tiers des volumes de déchets de emballages légers néerlandais, elle estime cependant qu’ils doivent être considérées comme des contraintes hors marché, car ces centre de tri doivent faire face à des coûts et à des obstacles supplémentaires pour approvisionner les clients aux Pays-Bas, auxquels les usines néerlandaises ne sont pas confrontées (pt. 75).

En fin de compte, observant que les conditions de concurrence pour le tri des déchets de bois néerlandais sont différentes pour les centres de tri de déchets d’emballages légers situés aux Pays-Bas et les centres de tri de déchets d’emballages légers situés en dehors des Pays-Bas (même s'ils sont proches de la frontière), la Commission considère que les conditions de concurrence ne sont suffisamment homogènes qu'à l'intérieur du territoire des Pays-Bas, de sorte que le marché géographique en cause pour le tri d’emballages légers est national (pts. 76-77).

Analyse concurrentielle

L'opération envisagée soulève essentiellement des interrogations liées aux effets horizontaux non coordonnés dans le domaine du tri des déchets d’emballages légers néerlandais.

Les préoccupations de la Commission résultent d’abord de la position des parties et des concurrents sur le marché en cause. Considérant que les parts de marché basées sur les volumes d’emballages légers néerlandais effectivement triés donnent une image plus précise de la situation concurrentielle du marché en cause que les parts de marché en termes de capacité des installations de tri des déchets d’emballages légers (pt. 99). Or, à l'issue de l'opération, la part de marché cumulée des parties, si l'on ne considère que les installations de triage des déchets d’emballages légers aux Pays-Bas, serait de [60-70] % en 2020, pourcentage qui est resté stable au cours des trois dernières années, part de marché serait très supérieure à celle du premier concurrent suivant [10-20] % (pt. 100). Même en tenant compte des volumes d’emballages légers néerlandais triés par les centres de tri allemands, la nouvelle entité serait le leader incontesté du marché, avec une taille presque trois fois supérieure à celle du concurrent suivant (pt. 102).

Par ailleurs, la Commission estime que les parties à l’opération sont des concurrents particulièrement proches, et peut-être les plus proches les uns des autres (pt. 123). Concrètement, elles possèdent les deux plus grandes usines des Pays-Bas en termes de capacité, lesquelles sont respectivement situées légèrement au nord et au sud de la zone la plus peuplée du pays et à proximité des plus grandes villes (Rotterdam, La Haye, Amsterdam) (pt. 109). En comparaison, les concurrents allemands sont susceptibles d'être économiquement moins efficaces. Plus éloignés des points de collecte les centres de tri situées en Allemagne sont non seulement économiquement moins efficaces que les parties, mais au surplus sont considérées comme moins efficaces sur le plan environnemental que les centrales locales (pt. 117-118).

S’agissant des capacités de réserve sur le marché, il semble que, pour être rentables, les installations de tri doivent fonctionner à 90 % (ce qui signifie que tout nouvel entrant devra s'assurer que la majeure partie de sa nouvelle capacité est réservée pour être rentable) (pt. 127). À cet égard, après l'opération, la nouvelle entité contrôlera [70-80] % de la capacité de réserve aux Pays-Bas. Cela signifie que pour les clients représentant la grande majorité du marché, la capacité de réserve combinée des concurrents néerlandais ne serait pas suffisante pour répondre à leur demande. Par conséquent, l'entité issue de la fusion sera un partenaire commercial indispensable pour les clients néerlandais de tri des déchets d’emballages légers (pt. 133). Et même si les centres de tri allemands proches de la frontière avec les Pays-Bas étaient incitées à remplir leurs capacités de réserve avec des déchets d’emballages légers néerlandais, la Commission estime que les niveaux actuels de capacité de réserve des concurrents seraient probablement insuffisants pour discipliner le comportement concurrentiel de l'entité fusionnée après l'opération (pt. 139). En conclusion, la Commission estime que, compte tenu de la capacité de réserve limitée dont disposent les concurrents (néerlandais et allemands), il est peu probable que les clients puissent transférer une partie importante de leur demande vers ces concurrents au cas où l'entité fusionnée augmenterait ses prix après l'opération. L'entité fusionnée deviendrait donc un partenaire commercial incontournable à la suite de l'opération proposée, ce qui menacerait de créer une position dominante sur le marché néerlandais du tri des déchets d’emballages légers. Et même si des concurrents hors marché étaient capables de mettre une capacité supplémentaire à la disposition du marché néerlandais du tri des emballages légers, la contrainte exercée par ces concurrents serait nettement inférieure à la contrainte que les parties exercent actuellement les unes sur les autres et leur capacité risquerait d'être moins efficace sur le plan environnemental (pt. 143).

Quant au pouvoir de négociation compensateur des clients, s’il existe une concentration certaine des acheteurs sur le marché, cela ne traduit pas nécessairement une puissance d'achat suffisante pour prévenir tout risque de dommage concurrentiel. En effet, pour que les gros clients puissent exercer leur puissance d'achat, il est indispensable qu'ils aient au moins deux options sur le marché. Or, après l'opération, l'entité fusionnée serait un partenaire commercial inévitable, ce qui l'emporterait sur toute puissance d'achat que les clients de ce marché pourraient avoir (pt. 158). D’autant que la capacité de réserve dont disposent les concurrents (néerlandais et allemands) est limitée (pt. 159).

À cela s’ajoute l’existence de barrières à l’entrée, du fait notamment de coûts compris entre 30 et 40 millions d'euros pour la construction d'un centre de tri d’emballages légers, et d'une durée moyenne de réalisation d'un tel projet de 2 ans, la période d'amortissement étant de 7 ans (pt. 167). Dès lors, compte tenu des coûts liés aux investissements minimaux requis, de la nécessité de garantir l'approvisionnement pendant au moins sept ans, de la nécessité d'assurer un taux d'utilisation très élevé et de la limitation structurelle de la capacité qui en résulte sur ce marché, et des récentes expansions et de l'incertitude quant à la demande future, la Commission estime que les conditions actuelles du marché rendent très improbable l'incitation des concurrents à se développer ou à entrer sur le marché du tri des emballages légers néerlandais (pt. 171). De sorte qu'une nouvelle entrée n'est pas probable, opportune et suffisante pour dissuader ou vaincre les effets anticoncurrentiels provoqués par l'opération proposée (pt. 175).

S’agissant à présent des risques tenant aux liens verticaux potentiels d’une part entre la collecte amont des déchets d’emballages légers et le tri aval des déchets d’emballages légers, et d’autre part entre le tri amont des déchets d’emballages légers et la commercialisation aval des déchets d’emballages légers, la Commission considère que l'opération envisagée ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en raison des effets verticaux entre les activités de détail et la collecte des déchets (pt. 207).

Dans le premier cas, il n'existe aucun lien vertical entre ces deux activités. En effet, aux Pays-Bas, les entités de collecte ne décident pas elles-mêmes qui va trier les volumes de déchets. Par conséquent, les parties ne sont pas en mesure, même théoriquement, de déterminer l'intégration verticale de leurs services de collecte et de tri. En tant que telle, l'opération envisagée ne pourrait pas entraîner un verrouillage de la clientèle ou des intrants (pt. 193).

Dans le second cas, soit les deux activités sont entièrement internalisées, soit le produit trié reste la propriété du client, en sorte que ce dernier se charge de la commercialisation. Pour cette raison, la transaction proposée ne pourrait créer aucun risque de verrouillage des intrants ou des clients (pt. 196).

Les mesures correctives proposées

Pour répondre aux préoccupations exprimées par la Commission en matière de concurrence, le groupe Schwarz a proposé de céder la totalité de l'activité « tri des emballages légers » de Suez aux Pays-Bas, y compris l'usine de tri des emballages légers de Suez à Rotterdam et tous les actifs nécessaires à son exploitation.

Ces engagements suppriment totalement le chevauchement entre les activités du groupe Schwarz et celles des entreprises de gestion des déchets appartenant au groupe Suez concernées dans le domaine du tri des emballages légers aux Pays-Bas (pt. 214).

La Commission, après s’être assurée que l'acquéreur ne se trouverait pas dans une situation de dépendance à l’égard de l'entité issue de la concentration dans son exploitation de l'activité cédée (pt. 225), a donc conclu que l'opération envisagée, telle que modifiée par les engagements, ne poserait plus de problème de concurrence. La décision est subordonnée au respect intégral des engagements contractés (pts. 235-236).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

 



On verra aussi la décision du 26 octobre 2020, à la faveur de laquelle la Commission a autorisé LVMH a ajouté à son portefeuille de marques de luxe, le joaillier Tiffany basée aux États-Unis.

Tiffany et LVMH produisent et vendent des articles de luxe à l'échelle mondiale mais leurs activités se chevauchent principalement dans le secteur de la joaillerie.

Sur la délimitation des marchés pertinents, la Commission n’a pas retenue la vision de la partie notifiante selon laquelle tous les produits de luxe appartiennent au même marché de produits car ils présentent des caractéristiques homogènes et remplissent la même fonction, à savoir établir une relation avec l'univers du luxe (pt. 15). De sorte que les consommateurs adhèreraient toujours à l'univers du luxe de l'acteur de luxe correspondant et percevraient les mêmes valeurs distinctives quel que soit le type spécifique de bien qu'ils achètent, et quel que soit de leur fonction pratique. À cet égard, LVMH soutient que les consommateurs de produits de luxe sont motivés par des désirs « émotionnels » et suggestifs, plutôt que par des besoins pratiques (pt. 16). À l’inverse, la Commission s’en est tenue à une appréciation classique opérant une distinction entre divers marchés de produits distincts — mode de luxe et maroquinerie ; accessoires de mode et lunettes de luxe ; montres et bijoux de luxe ; parfums et cosmétiques de luxe ; et produits de luxe pour la maison. Même si la question s’est posée de savoir s’il existait des marchés distincts pour les bijoux et les montres de luxe, elle a été laissée ouverte dans la mesure où l’opération ne soulève pas de problèmes de concurrence quelle que soit la définition exacte du marché de produits (pt. 31). La question s’est également posée de savoir s’il convenait d’opérer une distinction en fonction de  canal de vente, et la même réponse a été apportée (pt. 57).

Quant à la définition du marché géographique, la Commission estime que le  périmètre est au moins celui de l'EEE pour l'offre de produits de luxe, de bijoux et de montres, indépendamment du canal de vente. Là encore, la délimitation des marchés géographiques pertinents a pu être laissée ouverte, car il n’existe pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur quelle que soit la portée géographique de l’opération (pt. 72).

Sur l’analyse concurrentielle, outre le renforcement de sa présence aux États-Unis l'acquisition de Tiffany va permettre à LVMH de renforcer sa présence dans la joaillerie de luxe avec une marque de luxe mondiale. À cet égard, si la Commission identifie plusieurs marchés affectés, notamment en France et au Royaume-Uni, elle écarte tour à tour les risques tenant aux effets horizontaux non coordonnés, aux effets horizontaux coordonnés et aux effets non horizontaux (verticaux et congloméraux).

S’agissant en premier lieu des risques tenant aux effets horizontaux non coordonnés, la Commission estime que l’opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur pour ce qui concerne la production et la fourniture de bijoux de luxe, et ce, quelle que soit la délimitation des marchés retenue. En premier lieu, l’opération se traduira par des parts de marché faibles à modérées et par un incrément limité. Par ailleurs, bien que les parties soient considérées comme des concurrents proches pour certaines catégories de bijoux de luxe, un certain nombre de concurrents sont également proches, voire plus proches de chacune des parties. Subsisteront également de nombreux concurrents capables d'exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité après l’opération. En tout état de cause, les consommateurs conserveront de nombreuses alternatives. La Commission observe encore, qu’en dépit de barrières à l’entrée non négligeables, au cours des trois dernières années, de nouveaux concurrents ont pu entrer sur les marchés de la joaillerie de luxe, à l’instar de la marque française Messika, et que de nouveaux acteurs sont susceptibles d'entrer au cours des trois prochaines années. Enfin, l'enquête de marché a confirmé qu'il était peu probable que l'opération ait des effets néfastes sur les prix, l'innovation, le choix et d'autres facteurs (pts. 124 à 184).

S’agissant en deuxième lieu des risques tenant aux effets horizontaux coordonnés, la Commission considère que l'opération n'est pas susceptible d'entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou dans l'EEE, notamment à la suite de la création ou du renforcement d'une position dominante, en ce qui concerne les effets coordonnés horizontaux quelle que soit définition de marché retenue, dans la mesure où elle n'a trouvé aucune preuve de l'existence d'une coordination dans le domaine de la joaillerie de luxe avant l’opération (pt. 202). En outre, l’opération n’est pas de nature à modifier les incitations de LVMH en ce sens (pt. 203). Par ailleurs, elle estime que l’on est en présence de marchés de produits différenciés sur lesquels il est plus difficile de mettre en oeuvre une coordination que sur des marchés de produits homogènes (pt. 204).

Quant aux effets non horizontaux, la Commission observe que l'opération donne lieu à des relations verticales limitées entre les activités de vente au détail de LVMH (voyages et grands magasins) et la fabrication et la fourniture en gros de bijoux et de montres de luxe de Tiffany, en particulier (pt. 209). Si l’opération permettra à la nouvelle entité de contrôler un large portefeuille de marques de luxe recherchées, la Commission observe néanmoins que les négociations entre les distributeurs et LVMH sont habituellement menées au niveau de chaque maison ou chaque marque, de sorte qu’il n’existe pas de stratégies de cross-branding généralisée. Par ailleurs, il semble que des marques indépendantes particulièrement prestigieuses et exclusives sont capables d'obtenir des conditions commerciales favorables, y compris de la part des enseignes de distribution de LVMH (pt. 221).

La Commission a conclu que la concentration envisagée ne soulèverait pas de problème de concurrence au regard des parts de marché modérées de l'entité combinée, de la présence d'un nombre important de fournisseurs tiers, et de l'entrée récente de plusieurs nouveaux concurrents. La Commission a également considéré que les liens verticaux entre les activités de LVMH et Tiffany ne seraient pas susceptibles de restreindre la concurrence compte tenu d'une capacité et d'incitations limitées à détériorer les conditions commerciales octroyées aux détaillants concurrents sur les produits Tiffany et les autres produits LVMH. En outre, l'entité combinée n'apparait pas susceptible de s'engager dans des négociations croisées et autre stratégies conglomérales à grande échelle au détriment des consommateurs. La transaction a été examinée dans le cadre de la procédure normale de contrôle des concentrations.

Quant aux incitations au verrouillage, la Commission observe que LVMH ne procède pas à des ventes groupées/liées et que, compte tenu de la présence modeste de Tiffany en Europe, l’opération est peu susceptible de modifier les incitations de LVMH (pt. 229). Il en va de même des risques de verrouillage de la clientèle, dans la mesure où les distributeurs sélectifs de LVMH, notamment Le Bon Marché, qui pratiquent la distribution multi-marques ne seront pas incitée à favoriser les marques de LVMH au détriment des autres marques dans la mesure où le modèle économique repose justement sur une offre qui comprend un portefeuille le plus large possible de marques de luxe (pt. 232).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

 



Le 21 juin 2021, la Commission a rendu publique la décision du 7 décembre 2020 à la faveur de laquelle elle a autorisé, sous réserve d’engagements, l'acquisition de l’Allemand BASF Colors & Effects par le Japonais DIC.

BASF Colors & Effects (BCE) et DIC sont deux acteurs essentiels sur le marché de la production et de la vente de pigments et d'autres colorants. Il s'agit notamment des deux principaux fournisseurs mondiaux de certaines catégories de pigments.

Les pigments sont des composés qui ont pour fonction principale, non pas de fournir une couleur donnée, mais plutôt un effet, tel qu'un effet métallique ou nacré. Ces pigments individuels sont généralement appelés « indices de couleur ». Ce sont des intrants essentiels pour de nombreux produits de consommation qui nécessitent un processus de coloration, comme dans le secteur automobile et les matières plastiques avancées.

L’opération crée un chevauchement horizontal sur neuf classes chimiques de pigments organiques et sur une classe chimique de pigments non organiques. L’opération induit également une relation verticale entre la fourniture de pigments (en amont) et la fabrication d'encres d’imprimerie (en aval).

Délimitation des marchés pertinents

Sur la délimitation du marché pertinent, la Commission écarte la définition du marché soutenue par les parties à l’opération selon lesquelles elle correspondrait à l'espace colorimétrique, de sorte qu’il existerait trois marchés de produits distincts regroupant l’ensemble des pigments rouges, l’ensemble des pigments bleus et l’ensemble des pigments jaunes (pt. 19). La Commission estime que la délimitation pertinente des marchés de produit pour les pigments organiques est inférieure à l'espace colorimétrique et qu’elle dépend davantage   des propriétés techniques de chaque pigment (pts. 28-29). Ainsi, il n'existe qu'une substituabilité très limitée du côté de la demande entre les classes chimiques, et même entre les différents produits d'un même indice de couleur. Dans les situations où la substitution est possible, il s'agit souvent d'un processus long et coûteux (pt. 34). Au final, la Commission estime que la définition appropriée du marché de produits en cause pour les pigments correspond au moins au niveau de la classe chimique, et éventuellement au niveau plus restreint de l'indice de couleur à l'intérieur de chaque classe chimique (pt. 41). Toutefois, elle considère que la question de la délimitation précise des marchés pertinents peut être laissée ouverte (pt. 43), dans la mesure ou des doutes sérieux existent quant à la compatibilité de l'opération avec le marché intérieur en raison d'effets horizontaux affectant deux types de pigments (pt. 70) : i) les pigments de pérylène, qui constituent une classe chimique de pigments rouges, marron, violets et noirs (pt. 71), ii) les pigments de quinacridone, une classe chimique de pigments dont les teintes vont du rouge jaunâtre au violet (pt. 113).

Quant à la délimitation géographique du marché, la Commission considère que  le marché géographique en cause des pigments est mondial, avec toutefois une différenciation géographique entre les fournisseurs chinois et indiens et le reste du monde, notamment en ce qui concerne le pérylène et la quinacridone (pt. 54).

Évaluation des effets horizontaux

S’agissant des pigments de pérylène, les parts de marché combinées des parties après l’opération seront de [40-50] % au niveau mondial (avec une augmentation de [10-20] % pour DIC) (pt. 72). La Commission considère que l'opération soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en ce qui concerne les pigments de pérylène, en raison d'effets horizontaux non coordonnés, et, si les marchés en cause sont définis au niveau de l'indice de couleur, pour les pigments PRl 79 et PV29 (pt. 112). À cet égard, elle écarte l’argument des parties à l’opération selon lequel les concurrents chinois et indiens représentent une pression concurrentielle importante sur les activités des parties. Si cela est exact plusieurs autres classes chimiques, ça n’a pas été confirmé pour le pérylène (pt. 92). Alors que le volume des pigments importés dans l'EEE est massif, le pérylène figure en fait parmi les classes chimiques pour lesquelles les importations dans l'EEE représentent la plus petite fraction de la consommation de l'EEE de tous les pigments organiques, ce qui suggère qu'une proportion importante de la concurrence hors EEE pour les pérylènes est considérée comme une source d'approvisionnement moins crédible par les clients de l’EEE. Il existerait ainsi un certain degré de différenciation géographique sur le marché, où les fabricants de pigments chinois et indiens sont des concurrents plus éloignés qui n'exercent pas une forte pression concurrentielle sur les activités des parties dans le domaine du pérylène (pt. 95). En outre, la Commission estime que les produits de pérylène fabriqués par des fournisseurs autres que les parties ne sont pas considérés comme des alternatives proches ou crédibles des produits de pérylène des parties (pt. 97). Du reste, la surcapacité qui caractérise le marché du pérylène est due en grande parties aux extensions de capacité des fabricants chinois de pigments de pérylène, qui ne peuvent être considérés comme des concurrents proches des parties, de sorte que cette surcapacité est susceptible d'avoir peu d'incidence sur les activités et les interactions concurrentielles des parties (pt. 99).

S’agissant des pigments de quinacridone, après l'opération, les parts de marché combinées des parties seront de [20-30] % au niveau mondial (avec une augmentation de [10-20] % pour BCE) (pt. 114). Quoiqu’elle admette que la situation concurrentielle des quinacridones est bien meilleure que celle des pérylènes, dans la mesure où Clariant reste le deuxième leader du marché et qu'il existe des capacités alternatives en Asie (pt. 130), la Commission conclut néanmoins que l'opération soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en ce qui concerne l'indice de couleur PR202, qui est l’un des indices colorimétriques de la quinacridone. Pour le PR202, les seuls concurrents identifiés sont des fournisseurs chinois, peu connus des utilisateurs ou considérés comme des fournisseurs de PR202 peu crédibles et peu capables de répondre aux exigences de qualité (pt. 136). Au point qu’une majorité de clients considèrent que les fournisseurs resteront insuffisants après l’opération et qu’elle aura un impact négatif sur le prix (pt. 137).

Évaluation des effets verticaux

Comme l’a vu l’opération crée aussi des relations verticales entre la fabrication des pigments (en amont) et la fabrication des encres d'imprimerie (en aval).
En amont, les parts de marché des parties dépassent 30 % dans la vente de certaines chimies de pigments utilisées pour produire des encres d’impression, tandis que la part de marché de DIC pour la fabrication d'encres d'impression en aval dépasse 30 % dans un sous-segment potentiel, à savoir la fabrication d'encres liquides pour l'héliogravure dans l’EEE. Toutefois, la Commission conclut sur ce point que les parties n'auront pas la capacité d'interdire l'accès aux pigments en tant qu'intrants pour la fabrication des encres d’imprimerie (pt. 203), car, même pour les classes de pigments pour lesquelles la part de marché cumulée des parties est supérieure à 30 % au niveau mondial, la majorité des fabricants d'encres d'imprimerie considèrent qu'il restera suffisamment de sources de pigments pour leur permettre de fabriquer des encres d'imprimerie si l'entité combinée décidait de réserver ces intrant à DIC et de cesser de leur fournir ce produit intermédiaire (pt. 202).

Quant aux risques de verrouillage de la clientèle, la Commission conclut là encore à l’absence de risques : les parties n'auront pas la capacité d'interdire l'accès à DIC en tant que client de pigments pour la fabrication d'encres d'imprimerie (pt. 202). Le paramètre le plus pertinent pour évaluer la capacité des parties à interdire l'accès à DIC en tant que client pour les pigments destinés à la fabrication d'encres d'imprimerie semble être la part de marché de DIC dans les encres d'imprimerie en général, au niveau mondial, et non pas sa part de marché dans la fabrication d'encres liquides pour l'héliogravure dans l’EEE, où il est le plus puissant, dans la mesure où cette part de marché est révélatrice de l'importance de DIC en tant qu'acheteur de pigments pour la fabrication d'encres. En effet, tous les pigments sont adaptés pour être utilisés dans tous les types d'encres d'imprimerie et la fabrication de différents types d'encres d'imprimerie ne nécessite pas de quantités de pigments sensiblement différentes. Or, cette part de marché est relativement faible ([20-30]%), de sorte qu’il semble peu probable que les parties aient la capacité de verrouiller l'accès à DIC en tant que client de pigments pour la fabrication d'encres d’imprimerie (pts. 205-206).

En conséquence, la Commission craignait qu'à l'issue de la concentration, les clients à la recherche de pigments pour les applications les plus complexes ne disposent pas de solutions de remplacement suffisantes pour s'approvisionner en certains indices de couleur dans les pigments de pérylène et de quinacridone, estima,nt qu’il était probable que l'acquisition entraîne une hausse des prix, un choix plus restreint de produits et une baisse de la qualité des services fournis aux clients.

Les remèdes

Pour répondre aux préoccupations de concurrence de la Commission, DIC a proposé de céder son usine de production de pigments, exploitée par sa filiale Sun Chemical et située à Bushy Park (Caroline du Sud, États-Unis). L'usine de Bushy Park fabrique la grande majorité des pigments de pérylène et de quinacridone de DIC.

L'activité cédée comprend le transfert intégral de l'usine, de la technologie, des marques, des équipements de fabrication et d'autres actifs incorporels, y compris les innovations et les produits de développement avec les projets de R&D en cours (pt. 246), et doit être cédée à un fabricant possédant une expertise avérée dans la production de pigments, et pas seulement dans les colorants (pt. 245).

Les engagements répondent pleinement aux préoccupations de la Commission, étant donné qu'ils suppriment presque entièrement le chevauchement entre les activités de DIC et de BASF Colors & Effects dans le secteur des pigments concernés. Ils garantissent également que le nombre de fournisseurs présents sur ces marchés restera inchangé et que les clients continueront à bénéficier du même niveau de choix.

La Commission a donc conclu que l'opération envisagée, telle que modifiée par les engagements, ne posait plus de problèmes de concurrence et a décidé en conséquence de ne pas s'opposer à l'opération notifiée telle que modifiée par les engagements et de la déclarer compatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l'accord EEE.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

 



Le 21 juin 2021, la Commission a rendu publique la décision du 11 février 2021 à la faveur de laquelle elle a autorisé, sous conditions, l’entreprise japonaise de négoce de matières premières Mitsui à prendre le contrôle exclusif de la société belge Belchim, présente dans la conception et la commercialisation de produits pour l'agriculture, essentiellement sur le marché européen des produits phytopharmaceutiques.

Comme Belchim, Mitsui est active, via sa filiale Certis, à la fois dans la distribution de produits phytosanitaires tiers et dans la fourniture de produits formulés par ses soins sous des marques propres pour des cultures à forte valeur telles que les pommes de terre, les légumes et la vigne. Elles vendent, pour ces cultures, une vaste gamme de produits recourant majoritairement à des principes actifs (PA) non protégés par des brevets.

S’agissant de la délimitation des marchés pertinents, les produits phytosanitaires formulés peuvent être divisés en grandes catégories : herbicides (ciblant les mauvaises herbes), insecticides (ciblant les insectes) et fongicides (ciblant les maladies). Il existe en outre d'autres produits phytosanitaires tels que les molluscicides (ciblant les limaces, les escargots et d'autres types de mollusques), les déshydratants et les régulateurs de croissance des plantes (RCP). Aux termes de la présente décision, la Commission admet que les huiles paraffiniques destinées à la lutte contre les virus constituent un marché de produits distinct de celui des insecticides (pt. 28) et considère qu’il existe des marchés distincts des huiles paraffiniques destinées à la lutte contre les virus dans (i) les plants de pommes de terre et (ii) les bulbes à fleurs (pt. 30). Par ailleurs, la Commission conclut qu'aux fins de l'évaluation de l'opération, le marché de produits en cause en ce qui concerne les régulateurs de croissance des plantes (RCP) doit être segmenté entre les RCP pour pommes de terre avant récolte et les RCP pour pommes de terre après récolte, sans qu'il soit nécessaire de procéder à d'autres sous-segmentations (pt. 55).

Si l’opération affecte horizontalement quinze marchés dans la fourniture en gros de produits phytosanitaires, seuls deux d’entre eux ont suscité des doutes sérieux de la part de la Commission.

Il s’agit en premier lieu des marchés des huiles paraffiniques destinées à la lutte contre les virus dans les plants de pommes de terre et les bulbes à fleurs aux Pays-Bas (pt. 55). Il est vrai que les parties à l’opération disposeraient de parts de marché de l’ordre de [95-100] % sur le marché des huiles paraffiniques pour la lutte contre les virus des plants de pommes de terre aux Pays-Bas et seraient en situation de monopole sur le marché des huiles paraffiniques pour la lutte contre les virus des bulbes à fleurs aux Pays-Bas (pt. 75), d’autant que le seul autre acteur susceptible de faire une entrée probable et opportune sur le marché avec un produit similaire à ceux de Certis est… Belchim (pt. 78).

Il s’agit en second lieu des marchés des RPG après récolte pour les pommes de terre en Allemagne, en Pologne, au Danemark, en Suède, en Finlande et en Norvège. L'opération soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le fonctionnement de l'accord EEE en raison d'effets horizontaux non coordonnés, non seulement parce que les parties seraient les principaux, sinon les seuls, fournisseurs de ces produits (Danemark [80-90] %, Finlande [70-80] %, Allemagne [70-80] %, Norvège [70-80] %, Pologne [80-90] % et Suède [90-100] %. Par ailleurs, les parties à l’opération seraient confrontées à une concurrence limitée dans un avenir prévisible. Enfin, en raison de l'existence d'importantes barrières à l'entrée et de l'étroitesse de la concurrence entre les produits des parties (pts. 139, 150, 164, 169, 177, 182).

Ces marchés des régulateurs de croissance des plantes utilisés pour prévenir ou contrôler la germination des pommes de terre stockées était dominé par l'ingrédients actifs CIPC jusqu'à ce que son interdiction à l'échelle européenne prenne effet au début de 2020 (pt. 88). Depuis, Mitsui et Belchim font partie du très petit nombre de fournisseurs qui commercialisent ou sont en passe de commercialiser en Allemagne, au Danemark, en Pologne, en Suède et potentiellement en Finlande et en Norvège des produits de substitution du chlorpropham sur les marchés des RCP après récolte pour pommes de terre. L'opération aurait donné lieu à un cumul important de parts de marché dans des pays où Mitsui et Belchim sont présentes. Elle aurait également éliminé la concurrence de Mitsui en tant qu'entrant potentiel en Finlande et en Norvège. Aussi la Commission craignait-elle qu'il en résulte une hausse des prix des RCP pour pommes de terre dans ces pays;

En revanche, l’opération ne suscite pas de doutes sérieux sur les marchés de fongicides, des herbicides à spectre croisé, des dessiccateurs de pommes de terre, des insecticides, des molluscicides et des régulateurs de croissance des plantes (RCP) pré-récolte pour les pommes de terre en Allemagne.

La Commission écarte également  tout risque tenant aux effets congloméraux de l’opération. Pour évaluer la capacité et l'incitation de la nouvelle entité à adopter une telle stratégie, la Commission a examiné quelle serait la part de l'entité fusionnée dans les ventes globales de produits phytosanitaires dans chacun des pays où l'entité fusionnée détiendrait une part de marché d'au moins [30-40] % sur un marché phytosanitaire. Dans chacun de ces pays (à savoir l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, la Pologne et l'Espagne), la part de l'entité fusionnée dans l'offre globale de produits phytosanitaires varie entre [0-5]% et [5-10]% dans ces neuf pays (pt. 250). Même réduit aux seuls produits phytosanitaires pour la pomme de terre, les résultats sont sensiblement les mêmes (pt. 251), de sorte qu’il est peu probable qu’elle ait la capacité et l'incitation à s'engager avec succès dans une quelconque pratique d'exclusion susceptible de nuire à la concurrence (pt. 252).

Les remèdes

Afin d'écarter les préoccupations de la Commission en matière de concurrence, Mitsui a proposé de céder à un ou deux repreneurs, en un ou deux lots (l'un pour l'Allemagne et la Pologne, l'autre pour les pays nordiques), l'accord de distribution et les relations clients de Mitsui pour ses RCP destinés aux pommes de terre. Mitsui a proposé, si elle n'arrive pas à céder les deux lots dans un délai déterminé, de transférer aux mêmes conditions l'accord de distribution et les relations clients de Belchim pour son produit RCP.

Par ailleurs, Mitsui s’est engagé à céder à un repreneur l'accord de distribution de Belchim et d'autres données et accords relatifs à ses huiles de paraffine destinées à la lutte contre les virus sur les plants de pommes de terre et les bulbes de fleurs aux Pays‑Bas.

Les activités cédées dans les RCP pour pommes de terre et les huiles de paraffine englobent l'accès aux droits de propriété intellectuelle et aux marques, les machines d'épandage ainsi que la formation théorique et pratique. Mitsui ne peut mettre en œuvre l'acquisition de Belchim avant que la Commission ait formellement évalué et autorisé le transfert de chacun des paquets à des repreneurs.
Les engagements pris éliminent entièrement les chevauchements entre Mitsui et Belchim sur les marchés où la Commission a constaté des problèmes de concurrence.

La Commission a ainsi pu considérer que le projet de concentration, tel que modifié par les engagements, ne soulèverait plus de problèmes de concurrence dans l'EEE. Sa décision est subordonnée au respect intégral des engagements.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

 



Par décision rendue le 24 mars 2021, la Commission a également autorisé l'acquisition d'une entreprise commune nouvellement créée par Proximus et Nexus Infrastructure, toutes deux établies en Belgique. L'entreprise commune déploiera et exploitera un réseau ouvert passif point à point de fibre optique jusqu'au domicile dans certaines parties de la Flandre en Belgique. Proximus est l'opérateur historique de télécommunications en Belgique et un fournisseur d'une gamme complète de services de télécommunications de gros et de détail. Nexus est une société à finalité spécifique, qui fait partie du groupe EQT. EQT est une société mondiale intégrée d'investissements alternatifs, qui investit dans des actifs et des entreprises liés aux infrastructures, principalement en Europe et en Amérique du Nord.

La Commission a conclu que l'acquisition proposée ne poserait aucun problème de concurrence horizontale (pt. 129), étant donné l'incrément très limité (moins de [0-5]% prévu en 2022) de l'entreprise commune sur le marché de gros de l'accès à large bande (pt. 124). En outre, l'entreprise commune et les parties notifiantes ne sont actuellement pas en concurrence sur le marché belge. Par conséquent, cette opération n'éliminera aucune contrainte concurrentielle importante sur les acteurs du marché. Au contraire, l'entreprise commune est un nouvel entrant sur le marché de gros de l'accès à large bande et donc un nouveau choix supplémentaire sur ce marché pour les clients (pt. 125).

La Commission a également estimé que la relation verticale entre les services de gros d'accès à large bande en amont et les services de télécommunications de détail et de gros en aval ne poserait pas de problème de concurrence. Non seulement l'entreprise commune aura une position très limitée sur le marché de gros de l'accès à large bande (pt. 138), mais au surplus, les activités de la JV sont soumises à une réglementation sectorielle spécifique, qui l’empêche de refuser l'accès à son réseau et de facturer des frais excessifs. Cela tient au fait que Proximus a été désigné par le régulateur sectoriel comme un opérateur SMP (c'est-à-dire un opérateur puissant sur les marchés pertinents) en ce qui concerne ses activités de gros d'accès local à large bande. La désignation de Proximus comme opérateur SMP inclut également l'entreprise commune (en tant que société affiliée, qui est contrôlée conjointement par les parties notifiantes) (pt. 139).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

 



Par décision rendue le 5 mars 2021, la Commission européenne a autorisé Microsoft à prendre le contrôle exclusif de ZeniMax Media Inc., société américaine qui développe et publie des jeux pour PC, consoles de jeux et appareils mobiles. La Commission a conclu que le projet d'acquisition ne poserait aucun problème de concurrence, compte tenu de la position limitée de l'entité issue de la concentration sur le marché en amont et de la présence de concurrents puissants en aval dans le secteur de la distribution de jeux vidéo. Ainsi, la Commission estime qu’à la suite de l'opération, Microsoft n'aura pas la possibilité d'empêcher les éditeurs de jeux concurrents de vendre leurs produits par l'intermédiaire des vitrines numériques propres à sa console, en s'engageant dans une stratégie de verrouillage total ou partiel de la clientèle (pt. 77). En outre, la Commission considère que Microsoft n'aurait pas intérêt à verrouiller l'accès aux marchés en aval en réduisant ses achats ou en achetant à des conditions inférieures à ses concurrents en amont, ne serait-ce que parce qu’un contenu riche et différencié est essentiel à la capacité d'une console d'attirer, de faire participer et de retenir les joueurs (pts. 82-83). Microsoft n’aura pas non plus la capacité ou l’incitation à pratiquer une stratégie de verrouillage des intrants visant à exclure les distributeurs rivaux de jeux vidéo sur console en réservant l’exclusivité de l'accès aux jeux vidéo numériques sur console de ZeniMax à la console de Microsoft. La Commission note à cet égard qu'une stratégie de verrouillage des intrants ne serait économiquement viable que si les jeux ZeniMax étaient en mesure d'attirer un nombre suffisamment élevé de nouveaux joueurs dans l'écosystème de la console Xbox, et si Microsoft pouvait tirer un profit suffisant de leur activité d'achat de jeux. Toutefois, un tel résultat est peu probable (pt. 116).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

 



On verra encore la décision rendue le 16 décembre 2020 à la faveur de laquelle la Commission a autorisé l'acquisition du contrôle conjoint de Japan Marine United (JMU) par Imabari Shipbuilding, conjointement avec les actionnaires de contrôle actuels de JMU, JFE Holdings Inc (JFE) et IHI Corporation (IHI). Les  quatre entreprises concernée par cette opération sont japonaises. JMU et Imabari Shipbuilding sont tous deux actifs dans le développement, la conception, la construction, la commercialisation et la réparation d'une large gamme de navires commerciaux. JFE est une société holding ayant des intérêts dans l'acier, l'ingénierie et le négoce de matières premières, de machines, d'électronique, d'immobilier et d'aliments. IHI est un fabricant de l'industrie lourde avec des activités dans une large gamme d'industries. La Commission a conclu que le projet d'acquisition ne soulèverait aucun problème de concurrence dans la mesure où la position combinée des sociétés concernées sur le marché pertinent est modérée et où la présence persistante de fournisseurs alternatifs s’avère suffisante sur les marchés mondiaux de la construction navale en cause.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

 



On verra enfin la décision rendue le 31 mars 2021 à la faveur de laquelle la Commission européenne a autorisé l'acquisition des activités mondiales de Maxim Integrated Products, Inc. (Maxim) par Analog Devices, Inc. (ADI), toutes deux américaines. Maxim est une société publique technologique mondiale qui conçoit, développe, fabrique et commercialise une large gamme de circuits intégrés analogiques, à signaux mixtes et numériques. ADI est une société publique technologique mondiale qui conçoit, fabrique et commercialise un large portefeuille de solutions, notamment des circuits intégrés, des algorithmes, des logiciels et des sous-systèmes qui utilisent des technologies de traitement de signaux analogiques, mixtes et numériques. La Commission a conclu que l'acquisition envisagée ne soulèverait aucun problème de concurrence étant donné que, quelle que soit la délimitation retenue des marchés de produits, l'opération ne soulève pas de problèmes anticoncurrentiels au niveau mondial et que des effets de conglomérat sont peu probables.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS : L’Autorité de la concurrence rejette une saisine, faute d’éléments suffisamment probants, dans le secteur de l’hébergement d’entreprises

 

Le 2 juillet 2021, l’Autorité de la concurrence a mis en ligne la décision n° 21-D-13 du 22 juin 2021 à la faveur de laquelle elle a rejeté la saisine de la société Actiburo, active dans le secteur de l’hébergement d’entreprises, et ce, faute d’éléments suffisamment probants.
 
Cette société, fournissant des prestations d’hébergement et de domiciliation d’entreprises, reprochait à la Chambre de commerce et d’industrie de Rouen Métropole de proposer les mêmes prestations qu’elle, mais à des prix plus bas,  qu’elle qualifiait de prix prédateurs ou prix abusivement bas, en utilisant des subventions publiques et en méconnaissant la législation, ce qu’elle estimait contraire à une concurrence loyale au détriment des entreprises actives sur ce secteur.
 
Mais cette pratique n’a pu être examinée sur le fondement de l’article L. 420-2 du code de commerce, faute d’éléments suffisants relatifs à la détention, par la chambre de commerce, d’une position dominante sur un marché pertinent. La saisissante elle-même a fini par convenir que, sur la « zone de concurrence » considérée, la part de marché de la CCI sur l’hébergement d’entreprises était tout au plus de 10 % (pt. 24). Sur quoi l’Autorité, rappelant les conditions dans lesquelles les organismes publics peuvent assurer des prestations commerciales relevant de ce secteur d’activité, a répondu que la seule détention d’une part de marché de l’ordre de 10 % ne saurait suffire, à elle seule, à caractériser une position dominante (pt. 25).
 
Quant à la qualification de prix abusivement bas, au sens de l’article L. 420-5 du code de commerce, l’Autorité parvient à la conclusion que, du fait que les prestations sont proposées par la Chambre de commerce à des entreprises, et non à des consommateurs, la première condition de cette disposition n’est pas remplie, de sorte qu’elle ne saurait trouver à s’appliquer au cas d’espèce (pt. 30).


INFOS MICRO PAC : La DGCCRF met fin à une entente sur le marché des taxis de la ville de Bourges

 




Le 6 juillet 2021, la DGCCRF a rendu publique une décision de transaction adoptée sur le fondement de l’article L. 464-9 du code de commerce à propos d’une pratique d’entente anticoncurrentielle entre les membres du groupement d'intérêt économique (GIE) des Taxis Radio de Bourges, qui regroupe 17 des 22 professionnels exploitant une licence de taxis sur le territoire de la commune.

Constatant que l’adhésion à ce groupement était incontournable pour les taxis désirant exercer leur profession sur le territoire de cette commune, grâce notamment à la notoriété de son numéro de téléphone auprès de la clientèle locale et des sociétés d’assistance, l’enquête a révélé que les adhérents de ce GIE se sont entendus pendant 20 ans, d'avril 1998 au mois de mars 2018 pour introduire dans les statuts et le règlement intérieur du groupement i) des conditions d'adhésion opaques, non objectives et dépourvues de voies de recours, ii) un droit d'entrée discriminatoire selon que la licence de taxi avait été rachetée à un artisan membre du GIE ou non, iii) des règles disciplinaires qui ne précisaient pas les fautes pouvant être sanctionnées, ne prévoyaient pas d'échelle de sanction proportionnée aux fautes commises et dépourvues de voie de recours, iv) des dispositions faisant obstacle au développement d'une clientèle personnelle pour les adhérents alors que ces derniers demeuraient des entreprises indépendantes. Bref, du déjà vu ailleurs…

La DGCCRF a alors enjoint au GIE des Taxis Radio de Bourges de modifier ses statuts et son règlement intérieur pour les rendre conformes au droit de la concurrence à échéance du 19 septembre 2021. Elle lui a également proposé de clore la procédure en s'acquittant d'un montant d'amende transactionnelle de 10 900 €, ce que le GIE a accepté le 6 juin 2021.

À cette occasion, la DGCCRF prévient même le GIE, qui a visiblement testé un projet de nouveaux statuts auprès de la DREETS d’Orléans, que l'article 11.3 de ce projet de statuts comprend une disposition contraire à l'article L.420-2-2 du code de commerce…

INFOS : Le Conseil d’État publie une étude dénonçant le foisonnement des pouvoirs d’enquête de l’administration et des AAI et prônant une harmonisation, une simplification et une meilleure connaissance de ces pouvoirs d’enquête… et invite le législateur à exclure tout cumul entre sanction administrative et sanction pénale pour obstruction aux enquêtes et aux contrôles

 

Le 6 juillet 2020, le Conseil d’État a rendu public une étude sur les pouvoirs d’enquête de l’administration.

Dans ce rapport, commandé par Édouard Philippe, alors premier ministre, le Conseil d’État constate la stratification et la multiplication des pouvoirs donnés aux administrations (services de l’État, autorités indépendantes) et l’absence de vision d’ensemble. Il propose une harmonisation des usages et une simplification des attributions et des compétences, afin d’améliorer le déroulement et l’efficacité de ces contrôles qui font partie intégrante de notre pacte social.

Une demande sociale forte de contrôles garantissent l’égalité des citoyens devant la loi et le maintien d’une certaine équité dans les relations économiques et sociales par la répression des infractions a abouti à la multiplication des textes et à un empilement des pouvoirs confiés aux administrations, sans suffisamment de logique d’ensemble et de stratégie globale.

L’étude procède ainsi à un recensement — fastidieux — des activités actuelles de contrôle et d’enquête de l’administration et des AAI. À cet égard, le constat de la profusion, du foisonnement, s’impose. Il suscite des interrogations nombreuses : l’administration française a‐t-elle réellement besoin de tous ces pouvoirs d’enquête et de contrôle que, souvent elle ne met pas en oeuvre et que, parfois les acteurs eux‐mêmes ignorent tant les textes sont imbriqués ? Pour répondre de manière éclairée à la question et pour formuler des recommandations appropriées, l’étude s’attache à la description et l’analyse des pouvoirs.

Parmi les quatre domaines majoritairement concernés par ces contrôles figure en bonne place la protection de la concurrence… ce qui n’étonnera guère tant la pratique des inspections est prégnante dans cette matière quasi pénale, aux côtés des finances publiques et de la sécurité sociale, de la santé, de la sécurité et de l’environnement, de la protection des consommateurs et, enfin, des droits et libertés. L’Autorité de la concurrence apparaît comme la championne incontestée de la sanction, loin devant la CNIL, avec 1 785 millions d’euros pour 2020, année particulièrement faste avec les sanctions d’1,1 milliard d’euros à l’encontre d’Apple et de 139 millions d’euros à l’encontre de ses grossistes au titre de pratiques d’entente dans le réseau de distribution de ses produits électroniques, de 444 millions d’euros à l’encontre de trois laboratoires pharmaceutiques en raison d’un abus de position dominante collective et de 93 millions d’euros à douze entreprises du secteur de la charcuterie (p. 99). Et pourtant, l’Autorité de la concurrence n’a mis en œuvre ses pouvoirs de visite et de saisie qu’à de rares occasions : 4 fois en 2018 et 7 fois en 2019… là où, dans le même temps, la DGCCRF mettait en œuvre les pouvoirs d’inspection qu’elle tire de l’article L. 450-4 du code de commerce à 66 reprises en 2018 et à 23 reprises en 2019 (p. 155) !

Tous les aspects des pouvoirs d’enquête sont abordés qu’il s’agisse du pouvoir de procéder à des OVS, notamment informatiques, de consulter les données de connexion (fadettes), de la faculté de ne pas décliner son identité, lorsque la révélation de celle‐ci compromettrait la possibilité de caractériser l’infraction, notamment sur internet, jusque et y compris dans les aspects plus procéduraux de ces pouvoirs d’enquête : droit de la défense, loyauté de la preuve, droit à un recours effectif lorsque les pouvoirs d’inspections sont coercitifs.

La question de la sanction pour obstruction à l’accomplissement d’un contrôle ou d’une enquête est également abordée à plusieurs reprises et une recommandations — la troisième — est même formulée à cet égard. Ainsi, le Conseil d’État invite à préciser et à harmoniser la définition des infractions d’obstacle à l’accomplissement d’un contrôle ou d’une enquête, dans la mesure où, aujourd’hui, certaines dispositions se bornent à incriminer en termes généraux le fait de faire obstacle à l’accomplissement d’un contrôle, tandis que d’autres définissent les éléments qui caractérisent cette obstruction. Par ailleurs, l’étude recommande de mettre les régimes qui cumulent répression pénale et sanctions administratives en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle fait référence ici à la décision du 26 mars 2021 (n° 2021‐892 QPC), à la faveur de laquelle le Conseil constitutionnel, après avoir écarté divers griefs soulevés contre le régime de répression administrative prévu par le V de l’art. L. 462‐4 du code de commerce, a jugé qu’il méconnaissait le principe de nécessité et de proportionnalité des peines dans la mesure où ce régime et la répression pénale organisée par l'article L. 450‐8 du code de commerce relèvent de corps de règles identiques protégeant les mêmes intérêts sociaux aux fins de sanctions de même nature.

Emporté par leur élan, les auteurs de l’étude vont jusqu’à affirmer que « du fait de cette déclaration d’inconstitutionnalité, les dispositions ne sont plus en vigueur ». Cette affirmation est inexacte dans la mesure où la déclaration d’inconstitutionnalité ne s’appliquait qu’à la version du texte applicable au litige soumis à la sagacité du Conseil constitutionnel, de sorte que la version ultérieure du V de l’art. L. 462‐4 du code de commerce, issue de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, dite loi DDADUE, pourtant strictement identiques, à la virgule près, à celles qu’il a déclarées contraires à la Constitution était toujours en vigueur… du moins jusqu’à ce que l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive ECN+ ne vienne supprimer tout cumul d’infraction entre l’article L. 464-2 du code de commerce et l'article L. 450-8 du même code… Dans la présente étude, le Conseil d’État invite donc le législateur à identifier les autres cas de cumul entre sanction administrative et sanction pénale des obstacles aux enquêtes et aux contrôles, et à ne maintenir qu’un seul de ces deux régimes, ou d’adopter des dispositions excluant toute possibilité de cumul (p. 131).

Au terme de cette étude 12 recommandations sont formulées à l’attention du premier ministre visant en substance à i) harmoniser les pouvoirs d’enquête et de contrôle des administrations, autour d’une base de garanties communes à tous les contrôles administratifs, ii) simplifier et rationaliser les attributions et la répartition des compétences et rendre caducs les pouvoirs inutilisés et iii) mieux connaître et faire connaître les activités d’enquête et de contrôle, en définissant des indicateurs cohérents de suivi et en demandant aux administrations concernées de rendre compte de leur activité.
 
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Conseil d’État.

INFOS : L'Autorité de la concurrence présente à la presse son rapport annuel pour 2020

 

Le 8 juillet 2021, la présidente Isabelle de Silva a présenté à la presse le rapport d'activité annuel de l'Autorité de la concurrence, celui de l'année 2020, le douzième depuis la création de l’institution.

2020 a été marqué par un niveau record des amendes prononcée avec un total de 1,785 milliard d’euros. Toutefois, 99,45 % de ce total d’amende est réparti entre 4 décisions, sur les 23 décisions contentieuses adoptées en 2020 et les 11 décisions de sanctions prononcées par l’Autorité sur la même période. Si bien que l’ensemble des amendes infligés que les 7 autres décisions culmine à 9,1 millions d’euros au total. Les quatre décisions les plus rémunératrices pour le Trésor public concernent les sanctions d’1,1 milliard d’euros à l’encontre d’Apple et de 139 millions d’euros à l’encontre de ses grossistes au titre de pratiques d’entente dans le réseau de distribution de ses produits électroniques, de 444 millions d’euros à l’encontre de trois laboratoires pharmaceutiques en raison d’un abus de position dominante collective et de 93 millions d’euros à douze entreprises du secteur de la charcuterie.

À cet égard, la présidente de Silva n’hésite pas à revendiquer un impact de l’action de l’Autorité bien plus considérable. Selon elle, sur la base d’une méthodologie éprouvée et recommandée par l’OCDE, de 2011 à 2020, son action aurait permis de faire économiser pas moins de 17,6 milliards d’euros à l’économie française !!! À ce niveau-là, ce n’est plus une médaille dont il faudrait honorer les présidents de l’institution. C’est carrément une statue que devrait ériger en leur honneur la nation reconnaissante…

Plus inquiétant, le nombre d’affaires en stock — 129, fin 2020 —, en légère baisse, demeure cependant à un niveau élevé.

Parallèlement, au cours de l’année 2020, 13 recours ont été introduit devant la Cour d’appel de Paris. Dans le même temps, seule un recours a été examiné, de sorte qu’il y avait encore, en fin de période, 15 affaires pendantes devant la Cour.

Du côté du contrôle des concentrations, l’activité a été moindre qu’en 2019 où l’Autorité avait autorisé pas moins de 270 opérations. En 2020, elle a rendu 195 décisions, dont une décision d’interdiction.

Dans l’éditorial du rapport annuel pour 2020, la présidente Isabelle de Silva insiste — c’est d’actualité — sur la régulation du secteur du numérique qui continue donc d’être au cœur de l’action de l’Autorité. Elle se félicite de la création au sein de l’Autorité du service de l’économie numérique (SEN) et d’une première collaboration avec le Peren. Elle se félicite également que la Commission européenne a accepté de modifier son approche s’agissant des renvois de l’article 22 du règlement concentrations qui permet de contrôler les opérations « sous les seuils » qui sont structurantes pour la concurrence. Elle se réjouit également de la discussion en cour sur le projet de Digital Markets Act.

Autre priorités, nouvelles celle-là, de l’Autorité, le développement durable. En pratique, l’Autorité souhaite, notamment, cibler les pratiques anticoncurrentielles pouvant être nuisibles à l’environnement. Elle a déjà eu l’occasion de condamner des entreprises pour de tels agissements dans le cartel des linos. D’autres affaires semblables pourraient se présenter demain. Par ailleurs, des réflexions sont également menées au niveau de la Commission européenne et au sein de l’Autorité, sur la façon dont pourraient être traités des comportements destinés à favoriser le développement durable mais susceptibles de présenter un aspect anticoncurrentiel, par exemple des accords entre concurrents.

Du côté de la boite à outils, Isabelle de Silva se félicite de l’attribution à l’Autorité de nouveaux pouvoirs à la suite de l’adoption de la loi DDADUE qui transpose la directive ECN+, et plus particulièrement de la faculté de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, du relèvement sensible du plafond applicable aux associations d’entreprises (qui passe à 10 % du CA global des entreprises membres), de la possibilité pour l’Autorité de se saisir d’office en matière de mesures conservatoires ou encore de l’opportunité des poursuites.

Au-delà de l’avant-propos de la présidente de Silva, on lira utilement le propos de la vice-présidente exécutive de la Commission en charge de la politique de concurrence, Margrethe Vestager, qui revient dans le détail sur les différents chantiers à l’œuvre au niveau européen (DMA, renvois article 22, révision de la communication sur le marché pertinent de 1997, règlements accords verticaux, accords horizontaux, aides d’État et green deal).


INFOS OUVRAGE : Herbert Hovenkamp Liber Amicorum - The Dean of American Antitrust Law

 




Dubbed “the dean of American antitrust law” by the New York Times, Herbert Hovenkamp is almost universally recognized as the most cited and the most authoritative US antitrust scholar. Contemporary US antitrust doctrine has been forged in large part by his scholarship, which covers every aspect of antitrust law, and has been cited in more than three dozen US Supreme Court opinions and well over 1,000 lower court decisions. This tribute book honors Professor Hovenkamp’s rich career and lasting influence by gathering contributions from his friends, from fellow academics to civil servants. Divided over six chapters, these contributions address areas of Professor Hovenkamp’s scholarship: antitrust reform, the role of economics in antitrust law and innovation and intellectual property. Through these articles, the reader can delve into the history of competition law as elucidated by Professor Hovenkamp, and thus chart a path for its future.

The book is available for sale on Concurrences website.

 

Bonjour,
 
Allen & Overy et RBB Economics, en partenariat avec la Revue Concurrences, ont le plaisir de vous inviter au prochain séminaire « Droit et économie de la concurrence ». Il s'agira du premier déjeuner-débat Concurrences organisé en présentiel depuis mars 2020.
 
Le séminaire aura lieu le lundi 12 juillet et sera dédié au thème :

« Phygital : pure players et distributeurs traditionnels ».

Les intervenants seront :
 
— Emmanuel Combe | Vice-président, Autorité de la concurrence
— Florence Ninane | Associée, Allen & Overy
— Laure Schulz | Principal, RBB Economics
 
Nous serions heureux de vous y accueillir. Le séminaire aura lieu au cabinet Allen & Overy, 52 avenue Hoche. Une déjeuner debout accueillera les participants de 12.30 à 13.00. La table-ronde débutera à 13.00. Les débats clôtureront à 14.30 et seront suivis d’un café.
 
L’inscription (format présentiel ou à distance) et le programme complet sont disponibles sur le site de l’événement.
 
Les organisateurs ont mis en place une série de mesures afin de vous permettre de vous concentrer sur l'essentiel : vous enrichir des débats et échanger avec vos pairs en toute sécurité. Vous pouvez consulter sur le site ci-dessus le détail des mesures sanitaires mises en place, notamment l’inscription préalable obligatoire.
 
Nous serons heureux de vous accueillir à ce déjeuner-débat exceptionnel.
 
Avec nos meilleures salutations,
 
Florence Ninane, Associée, Allen & Overy
Laure Schulz, Principal, RBB Economics

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