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Hebdo n° 28/2021
26 juillet 2021
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE : Confirmant le raisonnement de la Cour de Paris dans l’affaire emblématique de l’élimination des déchets infectieux en Corse, la Cour de cassation inflige un nouveau revers à l’Autorité comme au ministre à propos de l’approche qu’il convient d’adopter pour traiter les pratiques de prix excessifs

JURISPRUDENCE : Quand la Cour d’appel de Paris indemnise, après expertise, un surcoût et, sans expertise, le préjudice moral causé par une entente — Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 juin 2021,  RG n° 17/04101 [Commentaire de Muriel Chagny]

INFOS : Au terme d’une procédure marquée par la prescription, l’absence de démonstration des pratiques et le défaut de clarté des griefs, l’Autorité de la concurrence parvient à épingler Luxottica pour une pratique de prix imposés et, accessoirement, pour une pratique d’interdiction des ventes en ligne

INFOS : Le Collège de l’Autorité met le holà à une dérive des services d’instruction prompts à déceler des pratiques d’obstruction là où il n’y en a pas…

INFOS : L’Autorité rejette une saisine pour d’éléments suffisamment probants à propos de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion des invendus de presse


INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision d’interdiction du rachat de l’oléoduc Pipeline Méditerranée-Rhône par le groupe Ardian est en ligne (+ 15 décisions d’autorisation, donc 14 simplifiées)

INFOS RENVOIS ARTICLE 22 : La Commission ouvre une enquête approfondie sur le projet d'acquisition de Grail par Illumina

 

JURISPRUDENCE : Confirmant le raisonnement de la Cour de Paris dans l’affaire emblématique de l’élimination des déchets infectieux en Corse, la Cour de cassation inflige un nouveau revers à l’Autorité comme au ministre à propos de l’approche qu’il convient d’adopter pour traiter les pratiques de prix excessifs

 

À la faveur d'un arrêt daté du 7 juillet 2021 mais qui n’a été mis en ligne sur le site web de l’Autorité que le 21 juillet 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette sèchement les pourvois formés respectivement par la présidente de l’Autorité et par le ministre de l’économie contre l’arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire emblématique à plus d’un titre de l’élimination des déchets d’activités de soins à risque infectieux en Corse, arrêt par lequel cette dernière a réformé, pour l’essentiel, la décision n° 18-D-17 rendue le 20 septembre 2018 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence avait sanctionné la société Sanicorse et sa mère pour avoir augmenté de façon brutale, significative, durable et injustifiée les tarifs appliqués aux hôpitaux et cliniques corses pour l’élimination de ces déchets.

Confirmant l’intégralité du raisonnement adopté par la Cour de Paris, la Cour de cassation inflige un nouveau revers à l’Autorité de la concurrence comme au ministre. Le coup est d’autant plus rude que l’Autorité estimait avoir défini là les grandes lignes de sa pratique décisionnelle concernant les prix excessifs, dont elle entendait s’inspirer pour appréhender les pratiques tarifaires dans l’économie numérique…

On se souvient qu’à la suite d’une enquête réalisée par la DGCCRF, dont l’Autorité n’avait pas souhaité se saisir au stade du rapport, la présente affaire avait d’abord été traitée par le ministre en PAC locale et une transaction avait été proposée à l’entreprise, qui, visiblement, n’avait même pas pris le soin de répondre à la proposition de transaction du ministre, lequel, devant ce refus de transiger, avait saisi le 8 juillet 2014, comme l’y contraint l’article L. 464-9 du code de commerce, l’Autorité de la concurrence.

Après pas moins de quatre années d’instruction supplémentaires, l’Autorité avait, à la faveur d’une décision n° 18-D-17 rendue le 20 septembre 2018, sanctionné la société Sanicorse (solidairement avec sa société mère la SAS Groupe Cesarini), en situation de monopole de fait sur le marché de l’élimination des DASRI en Corse depuis 1997, pour avoir mis en œuvre une pratique d’augmentation brutale, significative (+ 60 % en moyenne en quatre ans rapport au prix moyen de 2010, avec de gros écarts selon les centres hospitaliers), persistante (la politique d’augmentation tarifaire a duré plus de 4 ans) et injustifiée des tarifs de l’élimination des déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI) en Corse de 2011 à 2015, à l’égard de ses clients, les établissements de soins, par ailleurs en grande difficulté financière).

L’Autorité avait alors jugé bon de préciser qu’une augmentation tarifaire était susceptible d’être anticoncurrentielle notamment lorsqu’elle mettait en œuvre une stratégie d’exploitation de clients captifs de la part de l’entreprise en position dominante, dont la mise en évidence ressort d’une part, de son caractère brutal, significatif, non transitoire et, d’autre part, de l’absence de justification objective de cette hausse au regard des conditions de fonctionnement du marché.

À cet égard, la Cour d’appel de Paris avait fait le constat que la preuve n’était pas rapportée à suffisance de droit que l’augmentation des tarifs avait pour objet ou pouvait avoir pour effet, réel ou potentiel, de dissuader ou évincer d’éventuels concurrents. D’une part, la société Sanicorse n’a jamais reconnu, ni a fortiori revendiqué, avoir utilisé le levier tarifaire pour dissuader les établissements de soins de développer ou de rechercher une alternative, expliquant seulement que la crainte de voir émerger un concurrent avant qu’elle ait amorti les investissements consacrés au traitement des DASRI l’avait conduite à augmenter ses prix pour accélérer l’amortissement desdits investissements. D’autre part, aucun des établissements de soins corses, et pas davantage l’ARS, n’a indiqué avoir renoncé à un projet alternatif d’élimination des déchets afin d’obtenir de la société Sanicorse qu’elle abandonne sa politique de hausses tarifaires, de sorte qu’aucun effet d’exclusion réel n’est établi. La Cour notait du reste que l’augmentation importante des tarifs de la société Sanicorse était intrinsèquement de nature à persuader les établissements de soins corses et l’ARS de la nécessité de susciter une concurrence, plutôt que de les faire renoncer à d’éventuels projets en ce sens, de sorte qu’un effet potentiel d’exclusion n’est pas davantage démontré (pt. 36). Quant à l’existence d’un abus d’exploitation, et à la condition tenant à l’existence d’avantages non équitables, la Cour d’appel, faisant en quelque sorte la leçon à l’Autorité, avait rappelé qu’il ne lui appartenait pas de se substituer aux organes de direction de l’entreprise en position dominante pour déterminer quelle doit être sa politique, notamment tarifaire, sur le marché pertinent, et que ce n’est que si, et seulement si, les conditions de transactions passées entre cette entreprise et ses partenaires économiques peuvent, au vu de l’ensemble des circonstances de la cause, être objectivement qualifiées de non équitables, que l’Autorité est en droit d’intervenir. Or, avait conclu en substance la Cour de Paris, si les hausses importantes appliquées sur une période relativement courte par la société Sanicorse ont été rendues possibles par le monopole de fait dont elle jouissait pour l’élimination des DASRI par inertage (prétraitement de désinfection), dont il a résulté qu’elle n’avait pas à craindre que ses clients se tournent vers d’autres prestataires, en revanche, le caractère non équitable de ces augmentations n’est pas établi. Ainsi, relève-t-elle, il n’est pas soutenu que les prix résultant des augmentations tarifaires pratiquées par la société Sanicorse entre 2011 et 2015 étaient sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie. Du reste, note encore la Cour, l’Autorité ne les a pas qualifiés d’excessifs. Or, dans la mesure où la charge de la preuve d’une pratique anticoncurrentielle pèse sur l’Autorité, il y a lieu pour la Cour de présumer que ces prix sont équitables. Et si le prix atteint apparaît équitable, l’augmentation ayant conduit à ce prix ne peut pas être jugée inéquitable, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en rechercher les éventuelles justifications. Il n’en irait autrement que si l’entreprise en position dominante violait le contrat qui la lie à son client pour lui imposer une augmentation tarifaire avant l’heure. Mais tel n’est pas le cas en l’espèce.

C’est précisément cette partie du raisonnement de la Cour d’appel que l’Autorité et le ministre ont entendu contester dans leur pourvoi respectif. L’Autorité reprochait d’abord à la Cour de Paris de s'être fondée sur un motif inopérant, tiré de ce qu’elle n'avait pas employé l'une des deux méthodes alternatives envisageables, en l'occurrence l'analyse du prix dans l'absolu, sans rechercher si l'abus était établi par l'autre méthode utilisée par l'Autorité, en l'occurrence la comparaison dans le temps. Elle reprochait ensuite à la Cour d’appel, alors même qu’elle avait constaté une augmentation significative et persistante des tarifs litigieux, de s’être abstenue de rechercher si la société Sanicorse justifiait ces augmentations. Quant au ministre, il fait grief à la Cour d’appel de Paris d’avoir écarté tout abus de position dominante, sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si la société Sanicorse, qui était en situation de monopole, avait imposé des conditions de transaction inéquitables en pratiquant notamment des augmentations tarifaires brutales, significatives et non transitoires, qu'elle n'aurait pas obtenues dans un contexte concurrentiel normal.

Sur quoi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme en tous points le raisonnement de la Cour d’appel de Paris : pour qualifier l’abus, l’autorité de concurrence ne peut se contenter de démontrer un écart de prix dans le temps, fût-il sensible et non justifié. Il faut en outre — parce que l'application d'une augmentation tarifaire n'est rien d’autre que la fixation d'un prix et que l'appréciation du caractère équitable ou non équitable d'une telle augmentation se confond avec celle du caractère équitable ou non équitable du prix en résultant — que l’autorité de concurrence démontre que le prix pratiqué — à la suite de la ou des augmentations de tarif — était sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie. De sorte que, eu égard à la charge de la preuve pesant sur l'Autorité, il y a lieu de présumer, comme l’a fait la Cour de Paris, que les prix résultant des augmentations pratiquées étaient équitables.

Nul doute que l’Autorité et le ministre auront là matière à réfléchir à l’approche qu’il convient désormais d’adopter pour aborder les pratiques de prix excessifs…

JURISPRUDENCE : Quand la Cour d’appel de Paris indemnise, après expertise, un surcoût et, sans expertise, le préjudice moral causé par une entente — Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 juin 2021,  RG n° 17/04101 [Commentaire de Muriel Chagny]

 

ACTIONS EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS – PRATIQUES  ANTICONCURRENTIELLES - EXPERTISE

Quand la Cour d’appel de Paris indemnise, après expertise, un surcoût et, sans expertise, le préjudice moral causé par une entente

Le développement du contentieux indemnitaire en matière de pratiques anticoncurrentielles se poursuit en France, et avec lui la réflexion sur la réparation des préjudices concurrentiels voire, plus largement des préjudices économiques.

Sur le plan doctrinal, plusieurs initiatives en portent témoignage, à l’instar de la publication en ligne, sous l’impulsion de la Cour d’appel de Paris, du recueil de fiches méthodologiques consacrées à la réparation du préjudice économique et du colloque de restitution organisé dans son prolongement le 14 juin dernier, en partenariat avec le laboratoire DANTE (Paris-Saclay) et l’Ordre des avocats du barreau de Paris ou bien encore, du prochain congrès de la Compagnie nationale des experts-comptables de justice qui se tiendra à Marseille, le 15 octobre 2021, et sera dédié à « l’expert-comptable de justice et les préjudices de concurrence ».

Il est vrai que, comme nul ne l’ignore, la Cour d’appel de Paris occupe une place sans équivalent dans l’architecture institutionnelle prévue pour la mise en œuvre en France du droit de la concurrence et, en particulier, du droit des pratiques anticoncurrentielles.

Il est tout aussi vrai que les difficultés d’évaluation des préjudices sont telles en la matière que l’appui d’un expert de partie ou le recours à un expert judiciaire sont monnaie courante, au point que l’attention portée au préjudice économique doit également concerner l’expertise.

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, le 23 juin 2021, intervient à la suite d’une procédure initiée devant le Tribunal de commerce de Rennes et d’une condamnation antérieure prononcée sur le fondement de l’interdiction des ententes par la Commission européenne à l’encontre de plusieurs groupes de production de phosphates destinés à l’alimentation animale.

Dans une première décision, la Cour d’appel avait admis l’engagement de la responsabilité civile de deux sociétés qui, membres de l’entente anticoncurrentielle, avaient commis des fautes ayant concouru à la réalisation du préjudice subi par un producteur d’aliments destinés aux volailles ayant réalisé des achats à des prix renchéris  par la pratique (autrement dit des surcoûts selon l’appellation désormais bien connue). Cette juridiction avait par ailleurs ordonné une expertise aux fins de procéder à l’évaluation des préjudices réparables.

La décision du 23 juin 2021 retient donc l’attention, pour commencer, en ce qu’elle illustre les apports d’une expertise judiciaire à la détermination du montant des dommages et intérêts à allouer à la victime d’une pratique anticoncurrentielle.

La Cour procède, de façon liminaire, à un bref rappel de la méthodologie mise en œuvre par l’expert dans le cadre de sa mission et consistant à établir un scénario contrefactuel destiné à déterminer le niveau de prix qui aurait été appliqué en l’absence d’entente en dissociant, à cette occasion, les effets imputables à celle-ci des facteurs exogènes.

Dans son rapport, l’expert avait considéré que, pendant une certaine période, l’entente n’avait produit aucun effet à la hausse sur les prix, tandis qu’au cours d’une autre période, plus brève, elle avait effectivement entrainé un surcoût pour le demandeur en réparation. Aussi ses conclusions sont-elles contestées, selon la période concernée, par la victime de l’entente ou par les auteurs de la pratique anticoncurrentielle.

Tout d’abord, pour remettre en cause l’absence de tout préjudice retenu par l’expert, le demandeur en réparation faisait état de la présomption légale d’existence d’un préjudice en cas d’entente entre concurrents édictée par la Directive 2014/104/UE en son article 17 et transposée en droit français et invoquait l’impératif d’effectivité.
 
Il lui est rétorqué que les disposition nouvelles, et en particulier, l'article L. 481-7 du code de commerce, ne sont pas applicables au litige, en raison des règles de droit transitoire prévues par la directive comme par le droit français. Dès lors, il revient, souligne la Cour, au demandeur de démontrer l'existence d'un préjudice causé par cette entente au cours de la période litigieuse. Tout en affirmant que l’absence de mise en évidence d’effets de l’entente par le rapport d'expertise « ne signifie pas qu'il n'y en a pas eu », la juridiction ajoute aussitôt après que « le scenario contrefactuel retenu par l'expert n’est pas utilement critiqué, qu’aucune autre méthode n'est proposée et qu’il doit être approuvé.

Pour évaluer les effets imputables à l'entente, il convient de ne pas se contenter de comparer les prix de vente pendant celle-ci et après celle-ci ; il est nécessaire d’exclure l’impact des facteurs exogènes (notamment les variations des prix des principaux intrants), ainsi que l’expert l’a fait en procédant à une comparaison économétrique dans le temps destinée à déterminer de manière statistique l'impact de chaque variable sur le prix. Les demandeurs n’ont pas démontré l’existence d’un surcoût spécifiquement attribuable à l'entente, conclut la juridiction avant de faire justice de l’argument de l’effectivité : « il ne peut être retenu que la charge de la preuve et le niveau de la preuve pour la quantification du préjudice de Doux ont rendu l'exercice du droit à des dommages et intérêts pratiquement impossible ou excessivement difficile », est-il considéré.

Cependant, le demandeur en réparation faisait également valoir qu’il avait à tout le moins subi une perte de chance de négocier des meilleurs prix. Sans plus de succès. La Cour d’appel juge qu’il ne démontre pas, ainsi qu’il lui incombe, « la disparition certaine d'une éventualité favorable ou, à tout le moins, d'une faible chance de succès ». Il s’agit là, selon l’arrêt, « d'une espérance purement éventuelle » qui, par conséquent, ne saurait ouvrir droit  à réparation.

S’agissant, ensuite, de la période pour laquelle l’expert avait conclu à un effet significatif de l'entente sur les prix, la critique était portée cette fois par les intimés faisant valoir le choc de demande causé par la crise de la vache folle ou encore la répercussion des surcoûts par la victime de l’entente. Sans emporter la conviction de la juridiction. Il résulte du rapport d’expertise que l’effet de choc de demande lié à la crise de la vache folle a été pris en considération, mais n’explique que très partiellement la hausse de prix. D’autre part, le surcoût n’a pas été répercuté, même partiellement, par l’acquéreur sur ses propres clients.

Enfin, en l’absence d’éléments fournis par ce dernier sur ses emprunts et dettes et sur l'usage qui aurait été fait des sommes dont il a été privé, le préjudice de trésorerie a été calculé par application du taux d'intérêt légal.

Sur un plan purement pratique, on relèvera le montant assez modeste du montant des dommages et intérêts alloués au titre de la perte éprouvée à raison des surcoûts, avoisinant 100 000 euros.

Mais l’arrêt du 23 juin 2021 présente aussi un autre intérêt à propos d’un autre chef de préjudice, le préjudice moral plutôt rebelle quant à lui à l’expertise.
Le grief tiré de l’irrecevabilité de la demande en réparation de ce préjudice conduit la Cour d’appel à souligner, d’abord que l'article 910-4 du code de procédure civile, en vertu duquel les parties doivent présenter, dès les conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, s'applique uniquement aux appels formés à compter du 1er septembre 2017. Quant à la critique fondée sur l'article 566 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige et selon laquelle « Les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément », elle permet à la juridiction d’affirmer que « la demande au titre du préjudice moral, qui est le complément des autres demandes de dommages-intérêts est recevable ».

Puis, la juridiction fait droit à la demande formulée par la victime de l’entente au titre du préjudice moral causé par « le fait de négocier pendant des années avec des fournisseurs qui font semblant de négocier ». Elle estime que l’entente, « exclusive de la bonne foi contractuelle », a causé un préjudice moral « justement réparé » par une indemnisation fixée à 30 000 euros.

Quoique l’arrêt se garde, à juste titre, de faire la moindre référence à un forfait, son lecteur pourra être enclin à considérer qu’il serait peut-être opportun, dans le cadre de la future réforme du droit de la responsabilité civile, d’aborder la question de l’évaluation forfaitaire, pour l’interdire en principe et l’admettre par exception, notamment dans le cas du préjudice moral (v. à ce propos, « La réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques », Rapport du groupe de travail de la Cour d’appel de Paris, 2019, )

Affaire et réforme à suivre…

Muriel Chagny 
Président de l’AFEC 
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay)
Directeur  du master de droit de la concurrence et de droit des contrats

INFOS : Au terme d’une procédure marquée par la prescription, l’absence de démonstration des pratiques et le défaut de clarté des griefs, l’Autorité de la concurrence parvient à épingler Luxottica pour une pratique de prix imposés et, accessoirement, pour une pratique d’interdiction des ventes en ligne

 

Le 22 juillet 2021, l’Autorité de la concurrence a adopté une décision n° 21-d-20 à la faveur de laquelle elle sanctionne au premier chef le fabricant de lunettes solaires et des montures de lunettes de vue Luxottica, et ce à hauteur de plus de 125 millions d’euros, principalement pour avoir pendant plus de 9 ans limiter la liberté tarifaire des distributeurs.

Mais alors qu’en tout 5 griefs distincts ont été notifiés à 14 entreprises regroupant 29 sociétés (pt. 492), seul trois entreprises, dont Luxottica, sont finalement sanctionnées…

En fait, deux ententes verticales se trouvent établies, d’une part une entente visant à limiter la liberté tarifaire des distributeurs et, d’autre part, une entente visant à interdire à ces mêmes distributeurs la vente en ligne de ces produits. Toutefois, sur les 14 pratiques ayant fait l’objet d’une notification de griefs relatifs à des pratiques de restriction de liberté tarifaire, seules 3 pratiques sont finalement établies. 8 sont prescrites et 4 ne sont pas établies. Quant aux 7 pratiques ayant fait l’objet d’une notification de griefs relatifs à des pratiques d’interdiction de revente en ligne, seules 3 pratiques sont finalement établies. Les quatre autres sont annulées, pour pour défaut de clarté du second grief notifié le 13 février 2015, et ce, pour l’ensemble des entreprises mises en cause de ce chef, soit Chanel, Logo, Luxottica et LVMH. Il est vrai que, si la notification des griefs explicitait bien la finalité de l’entente – l’interdiction de la vente par correspondance des lunettes et montures de lunettes aux distributeurs agréés – elle ne précisait pas si les détenteurs de marques se sont entendus avec les fournisseurs, les distributeurs ou les deux. Dès lors, faute de pouvoir identifier les parties à l’entente, que ce soit dans le corps de la notification de griefs ou dans le libellé même du grief, et donc de distinguer la pratique en cause d’une pratique unilatérale, le Collège a considéré que le grief notifié n’informait pas de façon suffisamment précise les entreprises poursuivies des pratiques qui leur sont reprochées, les mettant, ainsi, dans l’impossibilité de s’en défendre utilement (pt. 542).

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S’agissant d’abord des 8 pratiques prescrites, le Collège de l’Autorité a appliqué le principe selon lequel un recours contre des opérations de visite et saisie formé avant l’entrée en vigueur de la loi Lurel du 20 novembre 2012 n’est pas susceptible de suspendre la prescription décennale instaurée par l’alinéa 3 de l’article L. 462-7 du code de commerce, quand bien même ce recours n’aurait pas été définitivement tranché après l’entrée en vigueur de ladite loi. En sorte que la prescription décennale était acquise, en l’espèce, pour les entreprises dont les pratiques ont cessé plus de dix ans avant le 22 juillet 2021, soit au plus tard le 22 juillet 2011. Tant et si bien que les entreprises qui se sont vu notifier des griefs prenant fin au plus tard le 22 juillet 2011, ont dû être mise hors de cause (pts. 94-95).

Quant aux pratiques non établies, le Collège de l’Autorité a fait le constat que pour les périodes non prescrites, aucune pièce n’était de nature à démontrer l’existence des ententes alléguée dans quatre cas (pts. 634-636, 644-647).
 
À l’origine de cette affaire, des opérations de visite et saisie réalisées le 24 juin 2009 dans les locaux de plusieurs entreprises actives dans ce secteur et un rapport administratif d’enquête de la DGCCRF transmis le 29 septembre 2010. Elle a fait l’objet de deux notifications de griefs successives des 13 février 2015 et 28 mars 2019 après un renvoi à l’instruction, par décision n° 17-S-01 du 24 février 2017. Une seconde séance s’est tenue le 13 janvier 2021.

L’Autorité sanctionne donc, au titre du grief n° 1 Luxottica, ainsi que les sociétés Logo et LVMH — ces deux dernières ayant sollicité et obtenu le bénéfice de la non-contestation des griefs —, pour avoir participé à des ententes visant à limiter la liberté tarifaire des distributeurs, par le truchement des clauses figurant dans les contrats de licence et de distribution sélective, prévoyant un encadrement des prix et des promotions pratiqués, et/ou sur un faisceau d’indices comprenant, outre les clauses précitées, divers éléments, tels la diffusion de prix conseillés et la mise en place de mécanismes de surveillance.
 
S’agissant de Luxottica, l’Autorité s’est appuyée sur un faisceau d’indices graves, précis et concordants, comprenant à la fois des preuves documentaires et de nature comportementale, pour démontrer l’existence, entre le 17 mai 2005 et le 1er octobre 2014, d’une invitation anticoncurrentielle de Luxottica et d’un acquiescement de l’ensemble de ses distributeurs quant aux prix pratiqués pour la vente de ses produits. Elle a, notamment, relevé que Luxottica avait diffusé à ses distributeurs des prix dits « conseillés » et les avait incités à maintenir un certain niveau de prix de vente au détail de ses produits (pt. 675). En particulier, Luxottica a conclu, avec ses distributeurs, des contrats de distribution sélective qui étaient interprétés comme interdisant certaines pratiques tarifaires lors de la vente au détail, notamment les remises et promotions. En outre, Luxottica a imposé à ses distributeurs certaines restrictions quant à la publicité réalisée sur les prix. Luxottica a également organisé la surveillance des prix de vente au détail, en sollicitant l’aide de ses distributeurs (pt. 736). Luxottica est enfin intervenue auprès des distributeurs qui n’appliquaient pas ses consignes tarifaires (pt. 689) et a sanctionné ceux qui persistaient à ignorer ses incitations en retardant les livraisons de leurs magasins (pt. 698), ou encore en leur retirant l’agrément nécessaire à la distribution de certaines de ses marques (pt. 705).

Les distributeurs de Luxottica ont, quant à eux, adhéré à sa politique d’encadrement des prix en signant les contrats et chartes de détaillant agréé qu’ils interprétaient comme leur interdisant certaines pratiques tarifaires, en excluant ses marques – telles que, par exemple, Chanel, Ray-Ban ou Prada – de leurs opérations commerciales, en appliquant les prix imposés par Luxottica (pt. 723) ou encore en dénonçant à Luxottica les pratiques commerciales de leurs concurrents qu’ils jugeaient non-conformes aux engagements qu’ils avaient eux-mêmes pris auprès de Luxottica (pt. 736).

Ces pratiques, anticoncurrentielles par leur objet même (pt. 875), présentent un caractère certain de gravité (pt. 994), de par, notamment, leur nature, leurs répercussions sur les consommateurs finaux, pour partie captifs et vulnérables (pt. 993), et, enfin, les mécanismes de surveillance et de rétorsion mis en place. Elles ont engendré un dommage à l’économie à la fois certain, dans la mesure, notamment, où elles ont porté sur des marques notoires de montures et de lunettes, affecté la concurrence intra-marque pendant une longue durée, et concerné une part significative des distributeurs, dont notamment des enseignes telles qu’Alain Afflelou, Krys, GrandVision ou Optical Center, mais limité, dès lors qu’elles n’ont concerné qu’une partie du marché en cause (pt. 1018). L’Autorité a alors retenu, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause, une proportion de 8 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions pécuniaires prononcées au titre des griefs de restriction de la liberté tarifaire des distributeurs notifiés à Logo, LVMH et Luxottica (pt. 1019). Elle a ensuite appliqué un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques — 15 ans et 5 mois pour l’entente entre LVMH et Logo,     9 ans et 9 mois pour l’entente entre Logo et ses distributeurs agréés pour la marque TAG Heuer, 9 ans et 1 mois pour l’entente entre Logo et l’ensemble de ses distributeurs et 9 ans et 4 mois pour l’entente entre Luxottica et l’ensemble de ses distributeurs (pt. 1023). Passant à l’individualisation de la sanction, l’Autorité a augmenté la sanction infligée à LVMH de 100 % pour tenir compte de l’appartenance de cette société à un groupe puissant (pt. 1039). Quant à Luxottica, l’augmentation au titre de l’appartenance à un groupe puissant n’est que de 10 % (pt. 1048), étant précisé que le statut de l’entreprise mono-produit lui a été refusé (pt. 1050).

Quant aux ententes verticales par lesquelles les fournisseurs ont interdit à leurs détaillants agréés de vendre en ligne les lunettes solaires et les montures de lunettes de vue, l’Autorité sanctionne les sociétés Chanel, Luxottica et LVMH au titre du grief notifié le 28 mars 2019, estimant que les clauses des contrats de licence conclus, d’une part, entre Chanel et Luxottica, d’autre part, entre LVMH et Logo, de même que celles des contrats de distribution sélective conclus entre Luxottica et ses distributeurs agréés pour les marques Chanel, Prada, Dolce & Gabbana et Bulgari constituaient des restrictions anticoncurrentielles par objet et caractérisées, qui ne pouvaient faire l’objet d’une exemption, catégorielle ou individuelle.

En substance, les entreprises mises en cause soutenaient que le développement de la vente en ligne ne paraissait pas souhaitable, d’un triple point de vue : économique, le respect des critères qualitatifs étant susceptible d’aboutir à un renchérissement du coût de la distribution en ligne ; technique, les technologies existant en 1999 ne permettant pas d’assurer une distribution en ligne qualitative de produits de luxe ; au regard, enfin, de la santé et du confort du consommateur, le fait que les produits d’optique soient des dispositifs médicaux représentant une différence fondamentale avec l’affaire Pierre Fabre. Par conséquent, la décision de différer la possibilité de vendre en ligne à une date à laquelle le marché serait plus mûr et les technologies plus affinées et plus sûres serait objectivement justifiée (pts. 858-862). Sur quoi l’Autorité rétorque que ces arguments ne justifient pas de s’écarter de la pratique décisionnelle de l’Autorité et de la jurisprudence constante de la cour d’appel de Paris, selon lesquelles les interdictions générales et absolues de vente par Internet ne sont pas justifiées par, ni proportionnées à, la poursuite d’un objectif légitime (pt. 868). Elle ajoute qu’en toute hypothèse, les lunettes de soleil non pourvues de verres correcteurs ne constituent pas des dispositifs médicaux et, s’agissant des montures de lunettes de vue, il ressort du dossier que les opticiens ont mis en place des modalités de vente en ligne permettant de s’assurer de leur bonne adaptation aux clients, en prévoyant, le cas échéant, l’intervention physique d’un opticien (pt. 871). Au final, elle considère que les clauses de l’espèce ne sont pas objectivement justifiées et constituent donc des restrictions par objet au sens des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce (pt. 875).

Pour fixer la sanction infligée à ces entreprises, l’Autorité a considéré que, si ces pratiques, en tant qu’elles ont pour conséquence de fermer une voie de commercialisation au détriment des consommateurs et des distributeurs et de limiter la concurrence — principalement la concurrence intra-marque — sont graves par nature, leur gravité doit toutefois être atténuée, au regard, notamment, de l’incertitude quant à leur licéité jusqu’à l’arrêt Pierre Fabre du 13 octobre 2011 de la Cour de justice (pt. 1063). Elle a, par ailleurs, considéré que le dommage à l’économie était très limité, en raison de la faiblesse, au moins pour les montures de lunettes de vue, de la demande pour ce canal de vente dans ce secteur (pt. 1072).

Pour tenir compte de la non-contestation des griefs par LVMH, le rapporteur général adjoint a proposé que les sanctions éventuellement encourues soient réduites de 10 % du montant qui leur aurait normalement été infligé et, qu’en tout état de cause, la sanction pécuniaire n’excède pas 500 000 euros (pt. 1097). Par conséquent, la sanction encourue par LVMH, qui était de 592 200 euros, a été réduite au plafond de 500 000 euros (pt. 1099).

Quant à l’autre société qui avait sollicité le bénéfice de la la non-contestation des griefs, elle est carrément dispenser de toute sanction en raison de l’existence de difficultés financières particulières affectant sa capacité à s’acquitter des sanctions envisagées (pt. 1100).

Tant et si bien que l’amende infligée à Luxottica représente 99,499 % du montant total des amendes prononcées au terme de la présente affaire, soit 125 804 000 euros…

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS : Le Collège de l’Autorité met le holà à une dérive des services d’instruction prompts à déceler des pratiques d’obstruction là où il n’y en a pas…

 

Le 21 juillet 2021, l’Autorité de la concurrence a rendu publique une décision n° 21-D-19 du 19 juillet 2021 aux termes de laquelle elle prononce un non-lieu pour des pratiques mises en œuvre par le groupe Les Mousquetaires. En fait, le Collège de l’Autorité met fin à ce qui ressemble fort à un excès de zèle des services d’instruction de la même Autorité.

La présente affaire se déroule en marge de l’entente sur le porc charcutier qui a donné lieu à une décision n° 20-D-09 du 16 juillet 2020, à la faveur de laquelle l’Autorité a infligé des amendes à plusieurs entreprises, dont plusieurs sociétés du groupe Les Mousquetaires, pour avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles.

Après la notification des griefs et après l’envoi aux services d’instruction des observations en réponse à la notification des griefs, l’associé unique de la société Salaisons Celtiques a approuvé la dissolution sans liquidation de la société Salaisons du Guéméné dans les conditions du troisième alinéa de l’article 1844-5 du code civil, laquelle a entraîné la transmission universelle du patrimoine (actif et passif) de la société Salaisons du Guéméné à la société Salaisons Celtiques, sans qu’il y ait eu lieu à liquidation.

En dépit de cette transmission universelle du patrimoine et du transfert de la responsabilité de la première vers la seconde (pt. 47), les services d’instruction n’ont pas hésité à adressé, le 26 juillet 2019, un rapport à la société Les Mousquetaires, la Société Civile des Mousquetaires et la société Salaisons Celtiques, retenant que ces derniers avaient méconnu les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe V de l’article L. 464-2 du code de commerce, faute de les avoir informés de la dissolution-confusion concernant l’une des sociétés retenues comme auteures des pratiques sanctionnées par la décision n° 20-D-09 précitée, à savoir Salaisons du Guéméné, ainsi qu’elles y étaient tenues en vertu de l’article L. 463-2 du code de commerce. Elles auraient, ce faisant, commis une pratique d’obstruction prohibée par le deuxième alinéa du paragraphe V de l’article L. 464-2 du code de commerce.

Fort heureusement, le Collège de l’Autorité met le holà à cette dérive. Il estime, sur la base des éléments dont il disposait, que les services d’instruction n’avaient pas apporté d’éléments suffisants dans leur rapport pour démontrer que les pratiques du groupe Les Mousquetaires avaient tendu à faire obstacle ou à retarder le déroulement de l’enquête ou de l’instruction et qu’aucune pratique d’obstruction n’était ainsi établie en l’espèce. Bref, si les entreprises avaient bien méconnu leur obligation d’information de l’article L. 463-2 du code de commerce, ce manquement n’avait eu aucune conséquence tangible pour les services d’instruction, de sorte que les pratiques du groupe Les Mousquetaires n’ont pas tendu, de propos délibéré ou par négligence, à faire obstacle ou à retarder, par quelque moyen que ce soit, le déroulement de l’enquête ou de l’instruction (pt. 40).

Au final, une procédure longue de deux années pour rien, strictement rien !!!

Et dire que l’opportunité des poursuites devait donner à l’Autorité la possibilité d’affecter aux affaires les plus importantes au regard de la préservation de la concurrence les faibles ressources allouées à l’institution…

INFOS : L’Autorité rejette une saisine pour d’éléments suffisamment probants à propos de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion des invendus de presse

 

Le 21 juillet 2021, l’Autorité de la concurrence a également rendu publique une décision n° 21-D-18 du 15 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion des invendus de presse.

La société Earta, entreprise adaptée qui emploie une majorité des personnes en situation de handicap, a saisi l’Autorité à la suite de la cessation des prestations de gestion des invendus de presse effectuées pour le compte de la Société d’Agence et de Diffusion, filiale de l’ancienne messagerie de presse Presstalis, depuis sa liquidation judiciaire le 15 mai 2020, ainsi que le rejet de ses offres de reprise de dépôts de presse gérés par cette société avant sa liquidation judiciaire. La saisissante soutenait que ces comportements seraient constitutifs d’un abus de position dominante et d’un abus de dépendance économique commis par les sociétés France Messagerie, ayant repris les principaux actifs de Presstalis depuis le 1er juillet 2020, et les Messageries Lyonnaises de Presse, seconde messagerie de presse.

Aux termes de la présente décision, l’Autorité rejette la saisine au motif que celle-ci n’est pas appuyée d’éléments suffisamment probants, s’agissant en particulier de la détention d’une position dominante par les entreprises mises en cause et de l’état de dépendance économique d’Earta.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision d’interdiction du rachat de l’oléoduc Pipeline Méditerranée-Rhône par le groupe Ardian est en ligne (+ 15 décisions d’autorisation, donc 14 simplifiées)

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 16 nouvelles décisions en matière de concentration, dont 14 décisions simplifiées.

Parmi celles-ci figure la décision n° 21-DCC-79 du 12 mai 2021 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a, pour la deuxième fois, interdit une opération de concentration. Cette interdiction, prononcée après passage en phase II, concerne le projet d’acquisition par le groupe Ardian, actif dans les secteurs du transport, des télécoms et des énergies renouvelables du contrôle de l’oléoduc Pipeline Méditerranée-Rhône (PMR), long de 760 km qui approvisionne les dépôts du sud-est de la France en produits raffinés, via l’acquisition du contrôle exclusif de la Société du Pipeline Méditerranée-Rhône (SPMR).

Quoique l’opération n’ait pas pour effet d’affecter le marché par le biais de la suppression d’une contrainte concurrentielle à laquelle la SPMR faisait face sur le marché du transport de produits pétroliers raffiné par oléoducs dans le sud de la France, Ardian n’étant pas actif sur ce marché au-delà des participations qu’il détient au sein de la SPMR, le fonctionnement du marché se serait trouvé néanmoins structurellement modifié, à l’issue de l’opération (pts. 103-104). Alors qu’aujourd’hui l’oléoduc est contrôlé par plusieurs opérateurs, à l’issue de l’opération notifiée, il l’aurait été par le seul groupe Ardian. Avant l’opération, la SPMR n’est pas contrôlée au sens du droit des concentrations, dans la mesure où aucun de ses actionnaires, à savoir Ardian qui détient 47 % du capital de la cible, Trapil, Esso, ENI et Thévenin-Ducrot Distribution, ne peut exercer sur elle, seul ou conjointement, une influence déterminante. L’opération notifiée consistait en un rachat par le groupe Ardian des 5 % des parts de capital détenues dans la SPMR par ENI, entraînant ainsi la prise de contrôle exclusif de la SPMR par Ardian.

L’Autorité a analysé les effets de l’opération sur le marché du transport de produits pétroliers raffinés par oléoduc dans le sud de la France et sur le marché du stockage de produits pétroliers raffinés. Seul le marché du transport de produits pétroliers raffinés par oléoduc dans le sud de la France a suscité des préoccupations de concurrence. Sur ce marché, l’Autorité a constaté qu’il n’existait pas d’alternative au PMR.

Premièrement, le transport par oléoduc n’est pas substituable au transport par train, par bateau fluvial ou par camion, dans la mesure notamment où ces moyens de transports ne permettent pas de transporter des volumes aussi importants que ceux transportés par oléoduc (pt. 29) et n’offrent pas les mêmes garanties que le transport par oléoduc, notamment en termes d’approvisionnement, de sécurité et d’émission de gaz carbonique (pt. 46). En outre, seul le transport par oléoduc permet à ce jour une massification des flux et garantit des coûts plus bas (pt. 36).
 
Deuxièmement, si d’autres oléoducs sont présents dans le sud de la France — l’oléoduc de la défense commune (ODC) et l’oléoduc Pipeline Sud-Européen (PSE), ces oléoducs n’exercent pas de pression concurrentielle sur le PMR et ne constituent donc pas une alternative, compte tenu, notamment, de leur usage particulier (militaire pour l’ODC et transport de produits pétroliers bruts pour le PSE), et de leur tracé, qui ne recouvre que partiellement celui du PMR et dessert des dépôts différents.

Le PMR est donc en situation de monopole de fait sur le marché du transport de produits pétroliers raffinés dans le sud de la France (pt. 92). Compte tenu de son caractère incontournable, résultant du fait que les autres modes de transport de produits pétroliers raffinés ne constituent pas une alternative crédible aux services qu’offre le PMR en matière de transport, et des importantes barrières à l’entrée sur le marché, de nature économique et réglementaire (pt. 97), rendant le PMR non duplicable par d’éventuels concurrents, l’Autorité a considéré qu’il pouvait être qualifié d’infrastructure essentielle (pt. 101).

Analyse concurrentielle

En fait, la principale crainte de l’Autorité était qu’Ardian ne profite de la situation de monopole de fait de l’infrastructure pour augmenter les prix sans gains d’efficience susceptibles de contrebalancer cette hausse, exploitant ainsi la rente de monopole du PMR au détriment des consommateurs. La crainte tenait accessoirement à une dégradation de la qualité, notamment par une réduction au strict minimum des investissements nécessaires à la maintenance, au renouvellement et aux raccordements du réseau (pt. 107). Lorsque le capital de la SPMR était partagé, la société devait obtenir une majorité pour pouvoir mettre en oeuvre ses décisions, certains de ses clients étant actionnaires, et Trapil actionnaire et exploitant, du PMR. Dans ces conditions, les décisions ne maximisaient pas systématiquement le profit de la SPMR. En revanche, si l’opération notifiée devait être mise en oeuvre, une atteinte à la concurrence pourrait se matérialiser par une stratégie de dégradation tarifaire ou non tarifaire de l’offre du PMR par Ardian, dès lors que ce dernier serait capable de mettre en oeuvre une telle stratégie, et qu’il y serait incité à la suite de l’opération (pt. 105).

Pointant l’insuffisance du contrôle exercé par l’État, l’Autorité constate que le commissaire du Gouvernement et le ministre en charge de l’énergie exercent actuellement sur la SPMR un contrôle réel, mais qui se limite, pour l’essentiel, au champ de la politique énergétique et à la continuité d’approvisionnement en produits pétroliers du territoire français (pt. 138). Ce contrôle n’apparaît pas suffisant pour écarter le risque qu’Ardian puisse, après l’opération, user du pouvoir de marché détenu par la SPMR sur le marché du transport de produits pétroliers raffinés par oléoducs dans le sud de la France (pt. 140).

En outre, l’Autorité se montre très sceptique sur le contre-pouvoir de la demande. En l’absence de substituabilité entre le transport de produits pétroliers raffinés par le PMR et ces modes alternatifs de transport, il est a craindre qu’une dégradation de l’offre du PMR après l’opération ne soit pas susceptible de générer des reports de clientèle suffisamment significatifs pour discipliner la nouvelle entité (pt. 153), d’autant que les clients de la SPMR répercuteraient une hausse des tarifs sur le consommateur final.

La partie notifiante soutenait que l’opération induirait deux types de gains d’efficience, d’une part, liés à la remise en jeu du contrat de Trapil qui n’est pas en ligne avec les standards du marché (pt. 184) et, d’autre part, liés à l’orientation de la politique commerciale du PMR dans le sens de la transition énergétique. L’Autorité répond d’abord qu’Ardian n’aura pas d’incitation structurelle à répercuter à l’aval les éventuelles économies de fonctionnement tirées de la remise en jeu du contrat Trapil, compte tenu de la situation de monopole qu’aurait détenue Ardian sur le marché du transport de produits pétroliers par oléoduc et du fait que la demande qui s’adresse à elle serait très peu élastique au prix (pt. 187). Quant aux gains liés à la transition énergétique du PMR, l’Autorité a considéré qu’Ardian n’avait pas apporté suffisamment d’éléments au soutien des gains d’efficience allégués, notamment pour quantifier avec précision leur ampleur (pt. 189).

Par ailleurs, l’Autorité a considéré que les engagements proposés par Ardian n’étaient pas suffisants pour remédier aux risques d’effets anticoncurrentiels de l’opération.

Les deux premières propositions d’engagements déposées par Ardian visaient, notamment, à limiter la capacité d’Ardian d’adopter seul les décisions de hausses tarifaires et à accroître le rôle du commissaire du Gouvernement, s’agissant des décisions non-tarifaires. L’Autorité a toutefois considéré que ces mesures étaient insuffisantes pour remédier aux risques identifiés, dans la mesure où, en premier lieu, s’agissant des décisions tarifaires, elles ne permettaient pas la formation de majorité alternative à Ardian, contrairement à la situation prévalant avant l’opération. Avant l’opération, une majorité pouvait toujours se former sans la présence d’Ardian. À l’issue de l’opération, en revanche, aucune décision tarifaire ne pourra être prise sans l’aval des représentants d’Ardian, contrairement à la situation antérieure à l’opération (pt. 218). En deuxième lieu, Ardian aurait pu utiliser comme levier son pouvoir de décision sur les décisions non tarifaires pour influencer en son sens les votes des actionnaires minoritaires sur les décisions tarifaires (pt. 220). En troisième lieu, l’exécution de l’engagement sur les décisions non-tarifaires dépendait de la diligence d’un tiers à l’opération, le commissaire du Gouvernement (pts. 221-222).

La troisième proposition d’engagements déposée par Ardian visait à neutraliser le contrôle d’Ardian sur la SPMR jusqu’à l’adoption d’une régulation répondant aux problèmes concurrentiels identifiés dans la présente décision. Pour ce faire, Ardian proposait que les actionnaires minoritaires nomment quatre des neuf membres du conseil d’administration, Adrian disposant également de quatre administrateurs et que soit nommé un neuvième administrateur indépendant. L’Autorité a également considéré que ces mesures étaient insuffisantes pour remédier aux risques identifiés. En l’espèce, la restauration de l’équilibre actionnarial avant l’opération est une condition essentielle à l’efficacité de l’engagement, dès lors que celui-ci a pour objectif de neutraliser les effets de l’opération sur la gouvernance de la cible. Ainsi, dans la mesure où les problèmes de concurrence identifiés sont générés par un changement de gouvernance, et où Ardian conservera une influence sur la cible, en dépit des engagements, l’Autorité considère que ces derniers ne sont pas suffisants (pts. 255-256). À supposer que les engagements soient à même de neutraliser le contrôle détenu par Ardian sur la SPMR après l’opération, cette neutralisation aurait, en réalité, pour effet de vider de sa substance l’opération de concentration, pour une durée potentiellement illimitée, en empêchant l’exercice par Ardian d’une influence déterminante sur l’ensemble des activités de la cible. Elle a également relevé qu’Ardian conservant la majorité au sein de l’assemblée générale, il n’était pas garanti que ce dernier ne puisse exercer aucune influence sur les décisions stratégiques de la cible. En outre, l’Autorité a souligné que la nomination d’un administrateur indépendant ne garantissait pas qu’Ardian ne pourrait pas user du pouvoir de marché de la SPMR. Elle a enfin relevé le caractère problématique d’un engagement d’une durée potentiellement illimitée, qui pourrait alors être assimilé à une forme de régulation sectorielle (pt. 261).

L’Autorité a constaté que l’opération portant uniquement sur la prise de contrôle du PMR, elle ne pouvait prononcer aucune injonction structurelle : une telle injonction de cession reviendrait en définitive à interdire l’opération (pt. 271). Non plus du reste qu’elle ne pouvait envisager d’adopter une injonction comportementale. En effet, dans la mesure où le PMR constitue une infrastructure en monopole et où le champ du contrôle actuellement exercé par les pouvoirs publics n’intègre pas les préoccupations concurrentielles, seules des injonctions s’apparentant à un contrôle exercé par une autorité de régulation sectorielle pourraient être de nature à répondre efficacement aux préoccupations engendrées par le comportement de la nouvelle entité. Or, une injonction comportementale ne peut se substituer à une réglementation instaurant un contrôle sectoriel ex ante (pt. 272).
 
Dès lors qu’aucune mesure corrective adaptée ne pouvait être envisagée sous la forme d’injonctions ou d’engagements, l’Autorité a décidé d’interdire l’opération.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



Par ailleurs, on verra la décision n° 21-DCC-86 du 02 juin 2021 aux termes de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé, après renvoi de l’opération par la Commission européenne, la prise de contrôle exclusif du groupe C2S, détenant 17 établissements de santé implantés dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, par le groupe Elsan, qui, de son côté, exploite environ 120 établissements de santé privés localisés en France

Au terme de son analyse, l’Autorité a considéré que l’opération n’était pas de nature à porter atteinte à la concurrence et l’a donc autorisée sans condition.

Sur le marché de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers, la situation des parties a ainsi fait l’objet d’une double analyse au niveau régional, par segments correspondant aux autorisations de soins délivrées par l’ARS détaillées à l’article R. 6122-25 du code de la santé publique, et par segments correspondants aux groupements de groupes de planification déterminés par l’Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH). Une analyse a également été menée au niveau local, en se fondant sur les empreintes réelles des cliniques des parties, notamment dans le département de Allier, seul département où les activités des parties se chevauchent.

Sur le marché de la mise à disposition des médecins d’infrastructures nécessaires à leur activité, à la suite d’entretiens réalisés avec des représentants des organisations professionnelles des médecins du département de l’Allier, l’Autorité a pu écarter tout problème de concurrence, après avoir analysé de façon spécifique les bassins de soins du département.
 
Les risques d’effets non horizontaux ont pu être écartés entre les marchés de l’offre de diagnostics et de soins hospitaliers, des soins de suite et de réadaptation et de l’hospitalisation à domicile, compte tenu notamment de la présence de concurrents, de la faible part de marché des parties sur les différents segments analysés et du cadre réglementaire propre à l’activité d’hospitalisation à domicile.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



Enfin, on verra la décision n° 21-DCC-92 du 17 juin 2021 pour laquelle, quoiqu'il s'agisse d'une autorisation simplifiée, l’Autorité s’est fendue d’un communiqué.

À la faveur de cette décision, l’Autorité a autorisé sans conditions la prise de contrôle exclusif du groupe Aroma Zone, actif dans le secteur de la production et de la commercialisation, sous sa marque, d’huiles essentielles, d’ingrédients et actifs naturels pour faire de la cosmétique maison, de produits de beauté bio, et de produits d’entretien naturels et qui commercialise ses produits essentiellement en ligne mais aussi via 7 magasins physiques en France (Paris, Lyon, Lille, Strasbourg, Metz et Aix en Provence) par le groupe Eurazeo.

Groupe d’investissement mondial, Eurazeo possède un portefeuille de 450 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs, telles que le groupe Dessange International qui détient les marques Dessange, Camille Albane et Fantastic Sams’, mais aussi la société Seqens, qui fabrique et commercialise des produits chimiques, ou encore la société Altaïr, qui fabrique et commercialise des produits d’entretien.

 



Les 13 autres décisions simplifiées :

Décision n° 21-DCC-89 du 16 juin 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société K9 Group par la société Talan Holding ;

Décision n° 21-DCC-21-DCC-93 du 14 juin 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Ovalie Développement 2 par la société Naxicap Partners ;

Décision n° 21-DCC-96 du 14 juin 2021 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Solidis par les sociétés Baldwin et ITM Entreprises ;

Décision n° 21-DCC-98 du 22 juin 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Aegide par le groupe AG2R La Mondiale ;

Décision n° 21-DCC-99 du 23 juin 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de deux fonds de commerce de concession automobile par le groupe Moretto ;

Décision n° 21-DCC-100 du 21 juin 2021 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Médisup par la société Stirling Square Capital Partners Jersey AIFM Limited ;

Décision n° 21-DCC-101du 21 juin 2021 relative à la prise de contrôle conjoint de la société NIG Holding par la société Permira et M. Martin-Pacheco ;

Décision n° 21-DCC-102 du 16 juin 2021 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce par le groupe Mertens et le groupe Carrefour ;

Décision n° 21-DCC-105 du 24 juin 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Verner Investissements par la société BNP Paribas ;

Décision n° 21-DCC-107 du 23 juin 2021 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Les Oliviers par les sociétés Madorinvest et ITM Entreprises ;

Décision n° 21-DCC-108 du 23 juin 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de deux fonds de commerce de concession automobile par le groupe Jean Rouyer ;

Décision n° 21-DCC-109 du 23 juin 2021 relative au rapprochement du groupe Mon Abri et du groupe Espace Habitat ;

Décision n° 21-DCC-112 du 24 juin 2021 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Groupe Duffort Chartes, Groupe Duffort Les Ulis et Groupe Duffort Orléans par la société BPM Group.

INFOS RENVOIS ARTICLE 22 : La Commission ouvre une enquête approfondie sur le projet d'acquisition de Grail par Illumina

 

En dépit du recours introduit par la société américaine Illumina à l’encontre de la décision de la Commission du 19 avril 2021 (non encore publiée) à la faveur de laquelle cette dernière a accepté la demande de renvoi du 9 mars 2021 au titre de l’article 22, § 1, du règlement CE sur les concentrations formulée par l’Autorité de la concurrence et s’est déclarée compétente pour examiner la concentration entre Illumina, Inc. et GRAIL, Inc. en vertu du règlement CE sur les concentrations, la DG concurrence poursuit son chemin. Elle a annoncé le 22 juillet 2021 qu’elle avait décidé d’ouvrir une enquête approfondie sur le projet d'acquisition de Grail par Illumina.

Il s’agit — on le rappelle — de la première opération de concentration en-dessous des seuils de notification a être examinée par la Commission sur le fondement du règlement concentration de 2004 et donc de la « clause hollandaise » introduite à l’article 22 dudit règlement depuis le revirement dans la mise en oeuvre de cette disposition annoncée le 11 septembre 2020 par la vice-présidente exécutif de la Commission, chargée de la politique de la concurrence, Margrethe Vestager. Selon la nouvelle doctrine d’emploi de l’article 22 du règlement concentration, la Commission européenne examinera les acquisitions d’entreprises innovantes à haute valeur mais faible chiffre d’affaires que lui renverront les autorités nationales de concurrence, même lorsqu’elles ne franchissent pas les seuils de contrôle nationaux.

Pour mémoire, le 21 septembre 2020, l’entreprise américaine Illumina, spécialiste du séquençage et de l’étude des variations génétiques a annoncé par un communiqué de presse qu’elle envisageait de racheter Grail, une startup basée sur la baie de San Francisco qui a mis au point des tests sanguins capables de détecter une cinquantaine de cancers en phase très précoce.

En substance, la Commission craint qu'à l'issue de sa combinaison avec Grail, Illumina ne mette en œuvre des stratégies de verrouillage vertical des intrants compte tenu de sa position dominante sur le marché des systèmes de séquençage de nouvelle génération (SNG), qui sont des éléments essentiels pour la mise au point et la commercialisation de tests de dépistage du cancer reposant sur ces technologies. L'enquête préliminaire semble montrer qu'Illumina pourrait avoir la capacité de mettre en œuvre de telles stratégies de verrouillage et qu'elle pourrait être incitée d'un point de vue économique à évincer les concurrents de Grail. De telles stratégies de verrouillage pourraient avoir un effet néfaste sur les concurrents de GRAIL et les patients européens, en particulier en entravant l'innovation, en réduisant le choix, les caractéristiques innovantes et l'efficacité des produits à la disposition des patients, des médecins et des systèmes de santé, et en augmentant les obstacles à l'entrée sur le segment des tests de dépistage du cancer reposant sur des systèmes SNG.

À suivre donc…

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