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Odyssée Argentique

Beware of the bear 🇸🇮🐻

📍 Kočevje (Slovénie)
📅 131 jours depuis le départ
🥾 2 602 kilomètres depuis Tours
📓 342 pages de notes consignées dans mon cahier
📸 371 photographies capturées
📖 La Bible en lecture du moment
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📮 Les autres extraits du journal de bord
J'aurais pu vous conter ma soirée précédent Ljubljana, où assis en bon spectateur d'un match de football de troisième division, j'assistais ébahi à une rixe entre deux clubs de supporters effarouchés. 
 
J'aurais pu vous conter mon séjour dans la capitale slovène, où je me suis allègrement désaltéré de bières locales, certaines sorties de la célèbre et nationale brasserie Union, d'autres de la moins célèbre et plus indépendante brasserie Reservoir Dogs. À Ljubljana, j'aurais pu aussi vous conter ma rencontre avec Dimitrij, et notre long échange sur le principe de liberté alors que nous dégustions une portion de neuf nuggets Mcdonald's, accompagnée d'une sauce Tabasco. 
 
J'aurais pu vous conter mes dernières nuits dans la Slovénie sauvage, où les ténèbres illuminés de la pâleur de la lune prêtaient à la forêt un vaste champ d'expression, notamment lorsqu'un son rauque et non identifié provenait d'une centaine de pas de mon camp.
 
Après moults réflexions, je préfère finalement vous conter ce dernier week-end. Puisque pour la première fois, et probablement la dernière, j'assistais à un meeting politique slovène.
Samedi. 30 kilomètres. Une journée longue, au rythme des chemins qui sillonnent les épaisses et sauvages forêts de Slovénie. Le dénivelé est faible, mais le soleil qui roule à tue-tête dans l'azur réchauffe le monde. Les pinèdes qui en matinée conservent la douce fraîcheur de la nuit, se transforment l'après-midi en de véritables fourneaux. Le ciel transpire une chaleur ardente. Mes jambes s'alourdissent et fatiguent. Ma cheville droite devient douloureuse. Et la sueur qui coule sur mes avant bras me déchire la peau - deux jours auparavant, je traversais sans le savoir une champs de cynorhodons, plante réputée pour son poil à gratter ; en conséquence, les parties de mon corps à découvert à ce moment, avant bras et jambes notamment, sont couverts de plaques et boutons à en faire pâlir une personne souffrant de psoriasis.

Quand je me repose sur un chablis pour lire la carte papier que m'a gentiment donnée une dame dans la matinée, je repère le village de Žužemberk, à une heure de marche encore et de taille suffisamment grande pour disposer d'un supermarché.
J'y arrive, haletant. La chaleur gronde toujours quand je pénètre l'antre climatisée du Mercator, le Carrefour slovène. À la caisse, une hôtesse aux cheveux violets me demande aimablement d'où je viens. Je suis fatigué, je lui réponds où je vais. Nous peinons à nous comprendre mais la scène prête à sourire. Alors je profite de cet instant de complicité pour lui quémander un lieu où bivouaquer. "You should go to the camping ground under the castle. It is like a public park now. It is free to use, you can sleep there", me souffle-t-elle. Alors après avoir dévoré deux pains au chocolat achetés à -50%, je me rue vers cette terre promise.
 
Un grand parc d'une verdure éclatante, sous le regard attendri du château de Žužemberk, jouxtant la fraîcheur de la Krka qui coule avec sérénité, noyé dans la douceur du crépuscule qui approche solennellement. Le paradis du vagabond. L'éden du voyageur. Seul bémol, de longues barrières coiffées de flammes et drapeaux floqués Verjamemo - Nous Croyons selon Google. Elles protègent une armada de tables et de bancs ainsi qu'une grande estrade, qui à priori empêchent de gagner ce havre de paix. En fin analyste que je suis, j'imagine que le public park free to use a été pris d'assaut par ce qui a tout l'air d'un parti politique. Je m'avance tout de même, franchis les barrières et m'adresse à quelques badauds qui balaient d'un geste négligé les rares feuilles au devant de l'estrade. Un homme aux cheveux gris coiffés en brosse, aux lunettes Ray Ban remontées sur le crâne, et au complet polo et short Hilfiger, m'explique que "demain, dimanche, les ténors du parti majoritaire du pays se rendront à Žužemberk pour tenir un genre d'université d'été". Alors je lui expose mon dessein : planter ma tente auprès de la rivière et quitter les lieux demain avant qu'un quelconque politique ne s'interroge sur la présence d'un vagabond sur son terrain de séduction. Marché conclu.
Dimanche. Le soleil se lève doucement sur ma toile qui accumule au fil des minutes les rayons qui lui sont projetés. Ma montre indique huit heures. Je ne me presse point. Je me dis qu'assister à cette université d'été me semble être une bonne idée.
 
Les partisans s'affairent aux derniers préparatifs. Je m'affaire à la préparation de mon petit-déjeuner. Je regarde depuis ma tente toute cette agitation. On déplace des tables, on règle la sonorisation, on installe des stands, on remplit la buvette. L'orchestre dépêché pour l'occasion se lance dans une ultime répétition. Le chef de l'organisation s'agite dans tous les sens. J'ai trouvé plus animé qu'un programme télévisé ce matin. 
 
Lorsque l'église voisine sonne dix coups, je viens de ranger mon barda. Je me dirige vers la buvette où l'orchestre qui répétait il y a une demie heure encore use d'un coude pour tenir le bar, d'un autre pour tenir une pinte. Une bande de joyeux lurons qui m'inspire une bien belle journée. Je me retiens de les imiter et préfère un café, que je déguste sur une table exposée au soleil langoureux de cette agréable matinée. 
 
L'astre solaire atteint son zénith lorsque le park free to use se remplit inlassablement de têtes grises. Des partisans venus de toute la Slovénie me glisse-t-on, de toutes les maisons de retraites slovènes ajouté-je moqueur. Le parti majoritaire est en fait un équivalent des Républicains en France. Le Nova Slovenija – Krščanski demokrati, dit NSi, et traduit New Slovenia – Christian Democrats par Wikipédia. J'imagine alors que les homologues chrétiens et slovènes de Xavier Bertrand ou Laurent Wauquiez piochent comme les Républicains leur électorat parmi une frange âgée et conservatrice de la population. En bon observateur de cette situation singulière, je me poste à l'entrée où sont contrôlés les pass sanitaires. Peu de tumulte, chacun de nos retraités semble être porteur de la 5G. Quant aux autres, des tests PCR sont proposés à l'entrée.
Enfin, arrive le leader du parti, et accessoirement ministre de la Défense, Matej Tonin. La quarantaine, le teint hâlé, le sourire chaleureux, vêtu d'une chemise et d'un jean, ce charmant personnage m'inspire ces jeunes personnalités politiques comme Macron ou Trudeau. Suivis des trois autres ministres qui l'accompagnent - Infrastructure, Travail et Digital - Matej Tonin pénètre l'arène en champion. Il est adulé des partisans qui accourent auprès de lui pour une franche accolade ou une ferme poignée de mains.

Lorsqu'il monte sur l'estrade, notre leader reste fidèle à sa promesse. Je n'ai pas de traducteur à disposition pour comprendre ce qu'il clame malheureusement. Mais j'entends autant de fois dans son discours Corona que Donda dans le dernier album de Kanye West. Son élocution semble propre et sincère, la foule l'écoute avec la plus grande attention. Même les membres de l'orchestre toujours accoudés à la buvette ont posé leur verre pour tendre l'oreille. S'ensuit un défilé des ministres venus avec Matej Tonin, tous aussi casuals les uns que les autres. Ambiance université d'été finalement. Chacun m'inspire de la sympathie, à un tel point que j'hésite à prendre ma carte au NSi.
Dans l'après-midi, la foule s'éparpille. Un boys band local à l'allure de BB Brunes slovènes joue guitare, accordéon et chant. On quitte sa table pour danser, pour commander une boisson, pour déguster une glace. On se croirait presque à la guinguette de Rochecorbon. D'autres, moins festifs et plus politisés, se lèvent pour discuter avec les ministres, pour capturer une photographie. Chacun leur tour, les partisans attendent patiemment leur minute de gloire, la minute où ils pourront profiter de ces symboliques franches accolades et fermes serrages de main. L'accordéon ne me rappelerait pas Rochecorbon que je me croirais au festival de la salutation. Un travail d'usine, à la chaîne, où j'imagine formules de politesse et banalités se succéder à une vitesse inhumaine. Je m'enivre alors de ces braves fonctionnaires qui maintiennent ce sourire constant, presque publicitaire, jamais interrompu par un quelconque événement. Alors que je stationne gaiement au milieu de cette scène, bière à la main, carnet et crayon dans l'autre, je profite oisivement de l'alcool qui me rend léger et du soleil qui caresse ce fameux park free to use.
À l'envoi de ce message, je viens d'abandonner Kočevje et son office touristique. En route pour la Croatie que je devrais gagner d'ici la fin de semaine, l'office me proposait une dernière chose : "Beware of the bear" !
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