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Odyssée Argentique

Une pipe et un récit 📓🌳🇭🇷

📍 Starigrad Paklenica (Croatie)
📅 147 jours depuis le départ
🥾 2 918 kilomètres depuis Tours
📓 362 pages de notes consignées dans mon cahier
📸 410 photographies capturées
📖 Vernon Subutex, 3 (2016) de Virginie Despentes et La Bible en lecture du moment
🔗 Plus de détails sur l'Odyssée Argentique
📮 Les autres extraits du journal de bord
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Le voyageur se réveille, les yeux encore lourds d'un sommeil agité par le Jugo, ce vent chaud et humide en provenance de la côte, qui n'a pas cessé de la nuit. Pourtant la veille, l'astre des astres caressait l'horizon d'une couleur accommodante, enveloppante. L'herbe sauvage, douloureusement brûlée de l'été passé, dansait au fil des heures qui défilaient. Au loin, les biches sautillaient par-dessus les collines dorées. À l'horizon, la mer plate et parsemée d'îles caillouteuses, absorbait les derniers rayons qui disparaissaient.
 
En passant la tête en travers de sa toile, le voyageur constate que le Jugo siffle toujours. Mais aujourd'hui est une nouvelle journée. La promesse d'une balade entre montagnes et forêts, au contact d'une nature sauvage, immense, séduisante. Alors rapidement, le camp est plié et le départ est sonné.
Le voyageur s'évade, carapate à la conquête de sentiers morcelés. Aux prémices, il observe une plaine presque chauve, où quelque sapin tente désespérément d'exister. Le soleil brille au coin des sommets qui s'élèvent fièrement vers le ciel, bleu et dégagé. La lumière devient une boussole, une direction à suivre. Cap vers l'ouest, une cabane perchée entre deux rochers y serait cachée. Pour le voyageur, il n'est plus question de réflexion. Mettre un pied devant l'autre devient une mécanique aisée. Ainsi, il s'aventure dans les épaisses forêts du parc national du Velebit, lieu mystérieux pour les roches karstiques qu'il abrite, lieu redouté pour les ours et loups qui l'habitent.

Il s'agit de ne plus se presser, d'apprécier le temps. De respirer, de sentir l'air se glisser entre ses vêtements, parfumé du thym qui pousse dans ces vallées. D'écouter, de s'alanguir du chant des oiseaux, du murmure des insectes. De toucher, de caresser de sa main la matière qui apparaît. Karst, hêtres, pins noirs. Matières minérales, matières organiques. De regarder, d'observer une scène constamment renouvelée, mais d'une beauté inchangée.
À la sortie d'un bosquet, sur les hautes crêtes qui se confondent avec le ciel, le voyageur se laisse surprendre par l'apparition d'une mer délicieuse. Calme comme un lac en hiver, douce comme une matinée de printemps, elle offre une place considérable aux mille et une îles qui fleurissent la côte Croate. À plusieurs reprises, le voyageur, au regard ébahi, trouve un rocher où s'installer. Poser son sac, ce fardeau. Bourrer une pipe, ce plaisir. S'enivrer de l'air iodé qui remonte de la Méditerranée, ce privilège. Sortir son carnet, coucher une ligne, puis deux, puis trois, puis d'autres, ce récit.
Le voyageur, fatigué des dénivelés sur les chemins calcaires par instants douloureux pour ses muscles et articulations, décide d'une nuit dans le confort d'une cabane haut perchée. Quatre murs de bois sous un toit de tôle, un poêle, et une poignée de planches pour y installer un matelas. Quand la chance lui sourit, la cabane dispose d'une fenêtre avec vue. C'est alors un écran de télévision qui s'offre à lui. Un écran de cent centimètres qui laisse entrevoir un paysage aussi idyllique qu'immuable : ce soleil flamboyant, cette même mer calme et délicieuse, ces semblables montagnes rudes, au karst saillant, et coiffées d'une invincible garrigue. 
 
En seconde partie de soirée, le programme change. L'atmosphère s'obscurcit, la lune pâlit la terre. Un manteau d'étoile a recouvert l'azur. Chaque petite lumière scintille, comme un message venu d'ailleurs. Tel le visiteur d'un musée devant un tableau, le voyageur s'installe, stoïque, devant sa fenêtre. Il tente de relier les points qui éclairent le ciel. En vain, puisque ses piètres connaissances en astrologie le limitent à la reconnaissance de la grande Ourse. Enfin, quand de manière éphémère une blanche flammèche vient transpercer le ciel, il l'imagine lui faire signe, lui souhaiter de beaux rêves, l'embrasser sur le front avant de lui dire je t'aime.
Les fois où la télévision propose des programmes moins scéniques, le voyageur se prête volontiers au jeu des rencontres. Deux croates, l'un au crâne rasé et accompagné de son berger allemand, l'autre aux yeux océans et au regard méditerranéen. On commence par de cordiales salutations. "Dobar dan, ja se zovem Simon". Puis rapidement, un joint fait le tour de table et les langues se délient. Finie l'ambiance cordiale, le voyageur se sent comme chez lui. Il discute, joue, écoute de la musique croate. Tebi par Marko Škugor entre autres, un Julien Doré local il suggère. Le temps d'une soirée, il a trouvé une nouvelle famille.

Aussi, il s'amuse de la blague du croate au crâne rasé, à propos de son berger allemand qui repose à nos pieds, sous la table. "I didn't have to learn him to sit or lie. German dogs are Germans. They execute as much as they love order". Il n'y a donc pas qu'en France qu'on rigole de l'Allemagne et de sa rigueur se rend compte le voyageur.
 
Le voyageur apprend aussi qu'avoir quarante et un an en Croatie, l'âge du plus âgés des deux visiteurs, signifie avoir grandi durant la guerre. Lorsqu'on évoque ses souvenirs d'enfance, on parle avec dépit de Zadar, sous le feu terrible des explosions et bombardements. On se souvient avec tristesse des collections de balles perdues, qui à ce moment étaient plus faciles à collectionner que les billes. Alors on pose le joint dans le cendrier. L'épaisse fumée qui s'en dégage embaume la pièce. Seule la lampe premier prix achetée chez Décathlon éclaire chacun les visages de nos protagonistes. Après ces récits, le silence devient lourd. La gorge du voyageur se noue. Il cesse de jouer et rit moins. Il se pense chanceux d'avoir grandi en France.
Le lendemain, quand le voyageur emprunte une piste qui le ramènera sur la côte, il sait qu'il met un terme à une traversée de six jours en autonomie ; un terme au Velebit, cet écrin croate à l'inéluctable beauté. Alors, les yeux rivés sur ce paysage adriatique qui l'embrasse, il balance son sac-à-dos sur le bas-côté, enfonce ses écouteurs et commence à danser. Driver's Seat de Sniff 'n' The Tears, Bad Girls de M.I.A, Wuthering Heights de Kate Bush, et le plus cadencé pour la fin, Kuzola de Pongo. Une sélection éclectique, rythmée, libératrice. Son corps s'agite, ses hanches basculent, ses pas soulèvent un spectre de poussière. Le soleil brûle, il a chaud, il transpire, il a failli se faire renverser par le Land Rover kaki conduit par deux militaires au regard étonné de cette danse effarouchée, mais qu'importe, puisque le voyageur danse la vie.
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