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Odyssée Argentique

Je suis un parasite🚶🥾

📍 Makarska (Croatie)
📅 166 jours depuis le départ
🥾 3 215 kilomètres depuis Tours
📓 388 pages de notes consignées dans mon cahier
📸 475 photographies capturées
📖 Walden ou la Vie dans les bois (1854) de Henry David Thoreau et La Bible en lecture du moment
🔗 Plus de détails sur l'Odyssée Argentique
📮 Les autres extraits du journal de bord
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Nous sommes le 10 octobre. Le ciel arrose de tristes larmes les terres croates. Il n'est pas loin de dix-huit heures et le soleil, caché derrière un rempart de gris et épais nuages, doit entamer sa descente vers les ténèbres. 
 
Je suis trempé. Je porte pourtant mes vêtements de pluie. Une veste coupe vent et pluie Patagonia dont la couleur turquoise amusait souvent Alix et Sandra qui me taxaient de coursier Delirveroo ; un pantalon du même acabit, mais aux couleurs de la nuit et de marque Decathlon. En retirant mes guenilles, je comprends avoir été sujet à un savant mélange de condensation et de sueur. Délicieux, mon nez est ravi. 
 
Une fois dans la tente, je désactive le mode avion de mon smartphone. La 4G n'a jamais été aussi bonne. Alors j'en profite pour appeler Lisa. J'aime appeler Lisa. J'aime entendre sa voix. J'aime écouter ses histoires. Et réciproquement, elle apprécie écouter les miennes.
« En fin de journée je débarque à Rumin, j'emprunte la route qui descend dans le bourg où se trouve un supermarché dans lequel je prévois de m'acheter une orange parce que j'ai terriblement envie de m'acheter une orange. Et à quelques mètres du supermarché, il y a une voiture de police qui s'arrête à mon niveau et qui baisse la vitre. Je sais ce qui va se passer, je sais que pour la troisième fois je vais avoir un contrôle d'identité.
 
Ils étaient deux flics dans la voiture, le conducteur est descendu. Il portait un uniforme qui ressemblait à un bleu de travail, il avait une très maigre carrure, et des cheveux impeccablement taillés en brosse. Quand je lui ai tendu mon passeport, son regard miséricordieux a lu République Française. Il a dû se sentir con, ou déçu. Il a dû se dire qu'il n'avait pas attrapé un vilain migrant. Mon identité entre ses mains, le dos courbé sur le capot de sa caisse, il s'acharnait à remplir un document, un vrai formulaire comme on en trouve pour les impôts, dans lequel il tenait à préciser le prénom de mon père - Papa, si tu lis ce texte, sache que ton nom est enregistré dans les sombres dossiers de la police croate - et la ville par laquelle je suis entré en Croatie. J'observais ses mains, tremblantes. Il était pas à l'aise, je saurais expliquer pourquoi.
 
Quand il me rend mon passeport, et avant de repartir, je lui demande pourquoi est-ce qu'il m'a arrêté, pour savoir s'il y a une raison particulière. Et là, je tombe de haut. Il m'explique que vingt minutes auparavant, le commissariat a reçu un coup de fil pour prévenir qu'un migrant avait été aperçu sur la route qui descend dans le centre-ville de Rumin. Il y a une route qui descend au centre ville de Rumin. Je l'ai descendue vingt minutes avant. Là, mon petit cerveau s'active, je comprends qu'un badaud a décroché le téléphone pour dénoncer ce qu'il pensait être un migrant. C'est cool la délation non ? »

Dans la soirée qui suivait cet épisode, c'est-à-dire la soirée du 9, je consultais mon téléphone à la recherche d'informations concernant l'immigration en Croatie. Je dois admettre qu'à l'issue de ces contrôles répétés, un sentiment d'appréhension s'empare de moi. J'ai l'impression d'être jugé sur mon apparence. J'ai l'impression qu'on me considère comme un parasite. Un homme qui n'est pas à sa place, et qui sans passeport français, à l'heure qu'il est, pourrait croupir dans un glauque commissariat de campagne croate. 
 
Je trouvais ces articles du Monde, de Libération. On y explique le fonctionnement du pushback, une pratique illégale du refoulement des demandeurs d'asile à la frontière. Libération rapporte des situations incroyables. "Les hommes masqués – des policiers croates d’élite, membres des forces d’intervention – assènent des coups à tous les demandeurs d’asile qui passent devant eux. L’aboiement d’un chien se fait entendre, au loin. Des cris montent des feuillages. Ils proviennent de l’endroit où les policiers se sont garés, quelques centaines de mètres plus loin. De retour du côté bosnien, les victimes défilent devant notre caméra pour montrer leurs séquelles – bleues, hématomes, plaies". Alors je me dis naïvement que le monde est encore sacrément pourri. Une fois encore, je me pense chanceux d'être né en France. Mais pour une première fois, je crains de me retrouver face à un policier au tonfa facile.
Illustration des pushbacks organisés par les forces croates – Libération.
« Autant la police ne m'effraie pas parce que je sais que je suis en règle, autant les mecs chelous qui s'arrêtent à mon niveau pour me poser des questions, je suis un peu moins rassuré.
 
Ce matin, en forêt, aux abords d'un virage en épingle, il y a une voiture qui ralentit à mon niveau. Une Polo grise dans un état qui passerait pas le contrôle technique chez nous. Le gars baisse la vitre. Un de ses deux yeux bleus dit merde à l'autre, son sourire laisse apparaître une dentition qui pourrait servir d'illustration sur les paquets de cigarettes. Et soit parce que la météo était dégueulasse, soit parce que je gardais en mémoire mon contrôle d'identité de la veille, soit parce que le regard vitreux du gars transpirait plutôt la haine qu'il inspirait la sympathie, je me mets d'un coup sur mes gardes. Il a une voix sombre et il m'adresse la parole en croate, évidemment. Je comprends rien. Où plutôt je comprends qu'un seul mot. Migrant. Imagine-toi, au milieu de cette forêt, sur une mince route départementale, avec une pluie battante, face à ce type au physique produit de la consanguinité, je me suis senti terriblement seul. Par réflexe, je lui balance une poignée de mots pour tenter de me justifier. Hiking. France. Dinara. Split. Son regard ahuri témoigne de notre incompréhension. Il continue à me parler en croate et je me demande si comme la veille il va jouer au délateur. Pire, s'il va vouloir jouer au policier à la gâchette facile. Alors au mieux, je préfère lui faire signe, lui balance un grand "bye" et je me remets en route, sous la pluie battante, toujours. »
 
La Croatie est sans aucune hésitation un pays magnifique. La diversité de ses paysages m'a nouée la gorge à plusieurs reprises. Mais j'entretiens encore un regard particulier vis-à-vis de certains. La chasse à l'homme, cette pratique moyenâgeuse, je ne la digère pas. Alors j'ai voulu vous en parler. Je m'arrêterai ici puisque je ne désire pas politiser mon discours. J'imagine que vous aurez compris à la lecture de ces tribulations mon opinion sur le sujet. 
 
J'ai quitté Split le weekend dernier où je m'étais offert quelques jours de repos pour, entre autres, calmer mes ardeurs politiques. Depuis, le soleil illumine le ciel d'une telle générosité que je me laisse surprendre par mon teint hâlé à chaque rencontre avec un miroir. Dans une quinzaine de jours, je devrais gagner Dubrovnik, dernière étape avant la Bosnie ou le Monténégro, mon itinéraire restant encore à peaufiner. Alors en attendant, je vous joins une poignée de clichés capturés depuis Split.
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