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Hebdo n° 38/2021
11 octobre 2021
SOMMAIRE
 
INFOS PPL EGALIM 2 : La Commission mixte paritaire trouve un compromis sur les dispositions encore en discussion de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, tandis que l’Assemblée nationale vote à l’unanimité la texte issu de la CMP

INFOS : Isabelle de Silva contrainte au départ

JURISPRUDENCE UE : S’appuyant sur le concept d’unité économique, la Cour de justice de l’Union admet l’existence d’une responsabilité « descendante » de la filiale pour les pratiques commises par la mère, sous réserve que la mère et la fille constituent ensemble une unité économique et qu’il existe un lien concret entre l’activité économique de cette société filiale et l’objet de l’infraction dont la société mère a été tenue responsable

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Précisant sa jurisprudence en matière de sélectivité de mesures fiscales, la Cour de justice de l’Union confirme le caractère sélectif du régime espagnol de déduction des prises de participation dans des sociétés étrangères du régime fiscal espagnol d’amortissement de la survaleur financière (goodwill) et, partant, l’existence d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme que les mesures pour le financement du projet de liaison fixe rail-route du détroit de Fehmarn entre l’Allemagne et le Danemark n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges entre États membres et, par conséquent, ne constituaient pas des aides d’État

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Le Tribunal de l’Union confirme l’obligation pour l'Allemagne de récupérer les aides illégales octroyées à certains grands utilisateurs d'électricité sous la forme d'une exonération des droits de réseau en Allemagne pour la période 2012-2013


JURISPRUDENCE : Estimant que l'Autorité de la concurrence est une autorité administrative et non une juridiction, même lorsqu’elle prononce des sanctions, la Cour de cassation dit pour droit que la procédure de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ne s'appliquent pas à elle

JURISPRUDENCE : La Cour d’appel de Paris confirme le rejet de la saisine de Molotov concernant la rupture par les groupes TF1 et M6 des accords qui les liaient à la plateforme de distribution de contenus

INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission lance une consultation publique sur le projet de proposition visant à faciliter davantage la mise en œuvre de mesures d'aide favorisant la transition écologique et numérique

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, sous conditions, Carrefour à reprendre 100 magasins sous enseigne Bio c’ Bon et identifiant pour la première fois un marché des produits biologiques est en ligne, de même que la décision autorisant la Caisse des dépôts et consignations et Nexity à prendre le contrôle conjoint de la société Miniburo et reconnaissant pour la première fois l’existence d’un marché de la mise à disposition d’espaces de travail partagés (ou espaces de coworking (+ 8 décisions simplifiées)


EN BREF : L’Autorité sanctionne une nouvelle exclusivité d’importation à La Réunion


INFOS OUVRAGE : « Blockchain + Antitrust: The Decentralization Formula » de Thibault Schrepel vient de paraître

ANNONCE WEBINAIRE : « Hydrogen: Cooperation & State Aid » — Mardi 12 octobre 15:30 CEST [Message d'Alexandre Carbonnel, Bastien Thomas et Dirk Buschle]

 

INFOS PPL EGALIM 2 : La Commission mixte paritaire trouve un compromis sur les dispositions encore en discussion de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, tandis que l’Assemblée nationale vote à l’unanimité la texte issu de la CMP

 

 

Le 4 octobre 2021, la commission mixte paritaire, chargée de proposer un texte commun sur la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite « Egalim 2 », est parvenue à trouver un compromis. Ce dernier porte sur les seules dispositions restant en discussion, c’est-à-dire, celles qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées.

À présent qu’un texte de compromis a été élaboré par la commission mixte paritaire, le Gouvernement le soumet pour approbation aux deux assemblées. D’ores et déjà, le Sénat a prévu d’examiner le texte issu de la commission mixte paritaire à l’occasion d’une séance publique prévue le 14 octobre 2021. Pour mémoire, lors de cette discussion devant les deux assemblées, aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement.

Si le texte élaboré par la Commission mixte paritaire est d’ores et déjà disponible, le rapport de la commission mixte paritaire n’a pas encore été publié. Il convient donc de se référer, pour connaître la teneur du compromis, au communiqué de presse diffusé par le Sénat.

Selon ce communiqué, le compromis adopté reprend l’essentiel des avancées proposées par le Sénat en première lecture à savoir l’extension du champ d’application de la loi afin de toucher le plus grand nombre d’agriculteurs, la simplification des dispositifs et un rééquilibrage du rapport de force entre, d’une part, les agriculteurs et l’industrie agroalimentaire et, d’autre part, la grande distribution.

Premièrement, et toujours selon le communiqué, cet accord satisfait la volonté constante du Sénat qu’un maximum de matières premières agricoles soient couvertes par le principe de non‑négociabilité. Ce dernier s’appliquera donc à tous les produits alimentaires, indépendamment du volume des différents ingrédients.

En outre, l’encadrement inédit des produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD), adopté par le Sénat, est maintenu, ce qui permet d’associer l’ensemble du secteur agroalimentaire à la poursuite de l’objectif d’une meilleure rémunération des agriculteurs.

Les parlementaires se sont également mis d’accord, à l’initiative du Sénat, pour expérimenter l’exclusion de certaines filières de fruits et légumes du relèvement du seuil de revente à perte mis en œuvre depuis Egalim 1.

Deuxièmement, le compromis reprend les travaux du Sénat visant à simplifier fortement le mécanisme pour sanctuariser les matières premières agricoles dans la négociation commerciale. À cet égard, si le compromis rétablit les trois options initialement prévues à l’article 2 de la proposition de loi, les différentes options ouvertes à l’industriel pour afficher la part que représentent ces matières premières dans son tarif sont placées sur le même plan, de façon alternative, ce qui met fin au principe d’« une règle, deux dérogations ». En pratique, l’acheteur encourra une lourde sanction s’il interfère dans le choix de l’industriel. En outre, les différents périmètres du ligne‑à‑ligne, de la non‑discrimination tarifaire, et de la non‑négociabilité des matières agricoles, sont harmonisés.

Troisièmement, le rééquilibrage du rapport de force entre l’industrie agroalimentaire et la grande distribution que le Sénat avait proposé, est maintenu. Les pénalités logistiques sont ainsi fortement encadrées et le principe de non‑discrimination tarifaire est étendu à un plus grand nombre de produits. La clause de renégociation des prix en fonction de l’évolution de coûts comme l’énergie, le transport ou les emballages, particulièrement utile pour renforcer la sanctuarisation de la part des matières premières agricoles, a été reprise également.

Sophie Primas, présidente de la commission mixte paritaire et de la Commission des affaires économiques du Sénat émet cependant une réserve à propos du principe de transparence totale, qui, selon elle, procède souvent d’une confusion avec le secret des affaires.


Le 6 octobre 2021, le rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, et qui est parvenue à une compromis le 4 octobre 2021, a été mis en ligne.

Sa lecture permet de mieux cerner les modifications apportées au texte, s’agissant notamment de son article 2, par la proposition commune de rédaction des députés et des sénateurs.

Toujours le 6 octobre 2021, l’Assemblée nationale a examiné en séance publique le texte de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs tel qu’issu du compromis trouvé par la Commission mixte paritaire. Elle a adopté à l’unanimité le texte de la Commission mixte paritaire, préalablement amendé. De fait, à la suite de la CMP, le Gouvernement a présenté cinq amendements rédactionnels ou de coordination juridique.

Prochaine étape, le 14 octobre 2021 pour la lecture en séance publique devant le Sénat du texte adopté par l'Assemblée nationale le 6 octobre 2021.

INFOS : Isabelle de Silva contrainte au départ

 

Le 4 octobre 2021, Isabelle de Silva a annoncé elle-même par un tweet qu'elle n'était pas reconduite pour un second mandat à la tête de l'Autorité de la concurrence.

Voici le texte du tweet de la présidente de Silva : « Mon mandat de présidente s'achèvera le 13 octobre prochain. À l'approche de ce terme, et avant de tirer un bilan, je mesure toute la chance que j'ai eu de pouvoir accomplir une mission passionnante, en y donnant toute mon énergie, avec les formidables équipes de l’@Adlc_ ».

Selon les quotidiens Le Figaro et Les Échos (datés du mardi 5 octobre 2021, p. 15), Isabelle de Silva n'aurait pas brigué un second mandat à la tête de l’Autorité de la concurrence.

Renseignements pris, Madame de Silva aurait bien demandé son renouvellement, mais se serait heurtée à une fin de non-recevoir... Du reste, le Financial Times daté du 9 octobre 2021 indique dans un article intitulé « French antitrust chief ‘surprised’ to be removed from post » que Madame de Silva a été quelque peu surprise de ne pas avoir été renouvelée dans ses fonctions.

En attendant que le président de la République nomme le ou la prochain(e) président(e) de l'Autorité, Emmanuel Combe, actuel vice-président — le plus ancien dans le grade le plus élevé —, assurerait l’interim.

Ces organes de presse laissent entendre que cette décision serait motivée par les pressions que subirait l’Autorité de la concurrence principalement dans le dossier du rapprochement entre TF1 et M6, mais également dans d'autres dossiers de contrôle des concentrations actuellement dans les tuyaux. Ce que confirme à demi-mot l'intéressée selon les auteurs de l'article du Financial Times. Évoquant l'hypothèse, la présidente de Silva, aurait estimé que l'Autorité continuera à examiner le dossier TF1-M6 selon la même méthodologie approfondie et robuste, ce qui signifie qu'« il n'y a aucune chance que le changement de président (de l'autorité de la concurrence) ait une incidence sur l'issue de l'examen ».

Acceptons-en l'augure...

Pourtant, on peut imaginer que le nouveau président ou la nouvelle présidente de l'Autorité aura pour mission de modifier l'approche jusque-là poursuivie par l'Autorité et, avant elle, par le Conseil de la concurrence, s'agissant spécialement de la création de champions nationaux et européens, en élargissant les termes temporels et géographiques de l'analyse des marchés pertinents. Parviendra-t-il ou parviendra-t-elle pour autant à faire plier le Collège ?

Quoi qu'il en soit, il est possible que, pour la première fois depuis la création de l'Institution, le prochain président ou la prochaine présidente ne soit pas issu(e) du Conseil d'État, mettant fin, ce faisant, à un monopole de fait qui ne disait pas son nom... Peut-être même ne sera-t-il pas non plus juriste... On imagine que le Conseil d'État est déjà à la manœuvre. Mais à quoi bon refuser de renouveler le mandat de l'actuelle présidente, qui, assurément,  n'a pas démérité et qui a fait progresser l'Institution, si l'on doit nommer à sa place un nouveau conseiller d'État ?

Alors, qui ?

JURISPRUDENCE UE : S’appuyant sur le concept d’unité économique, la Cour de justice de l’Union admet l’existence d’une responsabilité « descendante » de la filiale pour les pratiques commises par la mère, sous réserve que la mère et la fille constituent ensemble une unité économique et qu’il existe un lien concret entre l’activité économique de cette société filiale et l’objet de l’infraction dont la société mère a été tenue responsable

 

Le 6 octobre 2021, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt — qui devrait faire un peu de bruit — dans l’affaire C-882/19 (Sumal, S.L.), lequel fait suite à une demande de décision préjudicielle présentée par la Cour d’appel de Barcelone. S’inscrivent indubitablement dans le mouvement visant à faciliter l'obtention de dommages et intérêts par les victimes de pratiques anticoncurrentielles, la Cour dit pour droit que la victime d’un dommage concurrentiel doit pouvoir demander à la filiale établie dans son État membre réparation dudit dommage que lui a causé le comportement de la mère, seule sanctionnée par la Commission, pour peu que la filiale et la mère constituent ensemble une unité économique et qu’il existe un lien concret entre l’activité économique de cette société filiale et l’objet de l’infraction dont la société mère a été tenue responsable (pts. 51-52).

La présente affaire s’inscrit donc dans le cadre d’une action privée en réparation d’un dommage concurrentiel, action en follow-on qui fait suite à une décision de la Commission, en l’occurrence celle adoptée le 19 juillet 2016 à la faveur de laquelle cette dernière avait infligé une amende record de 2,93 milliards d’euros aux principaux constructeurs européens de camions, dont Daimler AG, pour s’être entendus pendant 14 ans sur les prix de vente des camions ainsi que sur la possibilité de répercuter sur les acheteurs les coûts de mise en conformité avec les règles plus strictes en matière d’émissions.

À la suite de cette décision, la société espagnole Sumal SL a demandé aux juridictions espagnoles de condamner la filiale espagnole de Daimler AG, Mercedes Benz Trucks España SL (MBTE), à lui payer la somme de 22 204,35 euros à titre de dommages et intérêts. Déboutée par le Tribunal de commerce de Barcelone, Sumal a alors interjeté appel devant la juridiction de renvoi. Ce faisant, l’Audiencia Provincial de Barcelona demande, en substance, à la Cour de justice si la théorie de l’unité économique autorise une extension de la responsabilité de la société mère à la filiale, et partant une responsabilité « descendante » et, si oui, selon quelles modalités et à quelles conditions. Subsidiairement, la Cour d’appel de Barcelone interrogeait la Cour sur la conformité au droit européen des règles de concurrence espagnoles, qui n’envisagent pas une telle responsabilité « descendante ».

Par ses première à troisième questions, la juridiction de renvoi demandait, en substance, si l’article 101, § 1, TFUE doit être interprété en ce sens que la victime d’une pratique anticoncurrentielle d’une entreprise peut introduire une action en dommages et intérêts indifféremment contre une société mère qui a été sanctionnée par la Commission au titre de cette pratique dans une décision ou contre une filiale de cette société qui n’est pas visée par cette décision dès lors qu’elles constituent ensemble une unité économique.

S’appuyant sur le concept d’unité économique, la Cour de justice de l’Union rappelle que, au même titre que la mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union par les autorités publiques (public enforcement), les actions en dommages et intérêts pour violation de ces règles (private enforcement) font partie intégrante du système de mise en œuvre desdites règles, qui vise à réprimer les comportements anticoncurrentiels des entreprises et à dissuader celles-ci de se livrer à de tels comportements (pt. 37). La Cour déduit de ce constat que la notion d’« entreprise », au sens de l’article 101 TFUE, qui constitue une notion autonome du droit de l’Union, ne saurait avoir une portée différente dans le contexte de l’imposition, par la Commission, d’amendes au titre de l’article 23, § 2, du règlement n° 1/2003 et dans celui des actions en dommages et intérêts pour violation des règles de concurrence de l’Union (pt. 38). Elle souligne à cet égard le choix des auteurs des traités d’utiliser cette notion d’« entreprise » pour désigner l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence et celui du législateur de définir l’« auteur de l’infraction », auquel incombe, selon la directive Dommage, la réparation du préjudice causé par l’infraction au droit de la concurrence imputable à cet auteur, comme étant « l’entreprise ou l’association d’entreprises ayant commis une infraction au droit de la concurrence » (pts. 39-40). La Cour rappelle également que, lorsqu’une telle unité économique enfreint l’article 101, § 1, TFUE, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction et que, lorsqu’il est établi que la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, au sens de l’article 101 TFUE, c’est donc l’existence même de cette unité économique ayant commis l’infraction qui détermine, de façon décisive, la responsabilité de l’une ou l’autre société composant l’entreprise pour le comportement anticoncurrentiel de cette dernière (pts. 42-43). À ce titre, la notion d’« entreprise » et, à travers elle, celle d’« unité économique » entraînent de plein droit une responsabilité solidaire entre les entités qui composent l’unité économique au moment de la commission de l’infraction (pt. 44).

Toutefois, la faculté reconnue à la victime d’une pratique anticoncurrentielle d’engager, dans le cadre d’une action en dommages et intérêts, la responsabilité d’une société filiale plutôt que celle de la société mère ne saurait être automatiquement ouverte contre n’importe quelle société filiale de la société mère visée dans une décision de la Commission sanctionnant un comportement infractionnel. À cet égard, la Cour rappelle que la notion d’« entreprise » employée à l’article 101 TFUE est une notion fonctionnelle, en ce sens que l’unité économique qui la constitue doit être identifiée du point de vue de l’objet de l’accord en cause (pt. 47). Par suite, dans le cadre d’une action en dommages et intérêts, qui se fonde sur l’existence d’une infraction à l’article 101, § 1, TFUE constatée par la Commission dans une décision, une entité juridique qui n’est pas désignée dans cette décision comme ayant commis l’infraction au droit de la concurrence peut néanmoins être tenue responsable sur cette base en raison du comportement infractionnel d’une autre entité juridique, dès lors que ces personnes font toutes deux partie de la même unité économique et forment ainsi une entreprise, qui est l’auteur de l’infraction au sens dudit article 101 TFUE (pt. 48). Dès lors, rien ne s’oppose, en principe, à ce que la victime d’une pratique anticoncurrentielle introduise une action en dommages et intérêts contre l’une des entités juridiques qui constituent l’unité économique et, partant, l’entreprise qui, en commettant une infraction à l’article 101, § 1, TFUE, a causé le dommage subi par cette victime. Toutefois, compte tenu du caractère fonctionnel de la notion d’« entreprise », il est nécessaire de démontrer, outre que la filiale et la mère constituent ensemble une unité économique, qu’il existe un lien concret entre l’activité économique de cette société filiale et l’objet de l’infraction dont la société mère a été tenue responsable (pts. 51-52). Au cas d’espèce, la Cour de justice de l’Union indique que la victime devrait établir, en principe, que l’accord anticoncurrentiel conclu par la société mère pour lequel celle-ci a été condamnée concerne les mêmes produits que ceux que commercialise la société filiale (pt. 52).

La Cour précise encore que la filiale doit disposer devant le juge national concerné de tous les moyens nécessaires à l’exercice utile de ses droits de la défense, en particulier pour pouvoir contester son appartenance à la même entreprise que sa société mère (pt. 53). Elle doit pouvoir réfuter sa responsabilité pour le préjudice allégué, notamment en faisant valoir tout motif qu’elle aurait pu soulever si elle avait été impliquée dans la procédure ouverte par la Commission à l’encontre de sa société mère (pt. 54), à l’exception toutefois de moyens contestant l’existence même de l’infraction ainsi constatée par la Commission (pt. 55). Pour autant qu’une décision constatant l’existence d’une infraction commise par une entreprise ait été adressée à l’une des sociétés qui constituaient déjà cette entreprise au moment où l’infraction a été commise, de sorte que cette société et, à travers elle, ladite entreprise ont eu l’opportunité de contester la réalité de cette infraction, les droits de la défense des autres sociétés qui constituaient la même entreprise ne sauraient être violés en raison de la prise en compte de l’existence de cette infraction dans le cadre d’une procédure ultérieure en réparation introduite par une personne ayant subi un dommage du fait du comportement infractionnel en cause, une telle action n’étant notamment pas susceptible d’aboutir à l’imposition d’une sanction telle qu’une amende dans le chef de ces autres sociétés (pt. 59).

Au final, la Cour répond aux première à troisième questions que l’article 101, § 1, TFUE doit être interprété en ce sens que la victime d’une pratique anticoncurrentielle d’une entreprise peut introduire une action en dommages et intérêts indifféremment contre une société mère qui a été sanctionnée par la Commission au titre de cette pratique dans une décision ou contre une filiale de cette société qui n’est pas visée par cette décision dès lors qu’elles constituent ensemble une unité économique. La société filiale concernée doit pouvoir utilement faire valoir ses droits de la défense en vue de démontrer qu’elle n’appartient pas à ladite entreprise et, lorsqu’aucune décision n’a été adoptée par la Commission en application de l’article 101 TFUE, elle est également en droit de contester la réalité même du comportement infractionnel allégué (pt. 67).

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demandait, en substance, si l’article 101, § 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit la possibilité d’imputer la responsabilité d’un comportement d’une société à une autre société uniquement dans le cas où la seconde contrôle la première.

Sur quoi la Cour répond à la quatrième question que l’article 101, § 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit la possibilité d’imputer la responsabilité du comportement d’une société à une autre société uniquement dans le cas où la seconde société contrôle la première société, puisque le même article doit être interprété en ce sens qu’une victime d’une pratique anticoncurrentielle d’une entreprise peut introduire une action en dommages et intérêts contre une société filiale du fait de la participation de la société mère à cette pratique, dès lors qu’elles constituent une unité économique et composent donc ensemble ladite entreprise. Elle ajoute que, si la juridiction de renvoi ne s’estimait pas en mesure de retenir une interprétation de l’article 71, § 2, de la loi de protection de la concurrence conforme à l’interprétation de l’article 101, § 1, TFUE, il lui incomberait d’écarter cette disposition nationale et d’appliquer directement l’article 101, § 1, TFUE au litige au principal.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

 

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Précisant sa jurisprudence en matière de sélectivité de mesures fiscales, la Cour de justice de l’Union confirme le caractère sélectif du régime espagnol de déduction des prises de participation dans des sociétés étrangères du régime fiscal espagnol d’amortissement de la survaleur financière (goodwill) et, partant, l’existence d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur

 

Le 6 octobre 2021, la Cour de justice de l’Union a rendu une série de six arrêts dans l’affaire C-50/19 (Sigma Alimentos Exterior, SL contre Commission), dans les affaires jointes C-51/19 et C-64/19 (World Duty Free Group, SA contre Commission et Royaume d’Espagne contre World Duty Free Group, SA et Commission), dans l’affaire C-52/19 (Banco Santander, SA contre Commission), dans les affaires jointes C-53/19 et C-65/19 (Banco Santander e.a contre Commission et Royaume d’Espagne contre Banco Santander e.a) et dans les affaires C-54/19 (Axa Mediterranean Holding/Commission) et C-55/19 (Prosegur Compañía de Seguridad/Commission).

Les pourvois en cause font partie d’une série de huit affaires parallèles ayant pour objet l’annulation des arrêts adoptés le 15 novembre 2018 respectivement dans les affaires T-239/11 (Sigma Alimentos Exterior/Commission), T-219/10 RENV (World Duty Free Group/Commission), T-227/10 (Banco Santander/Commission), T-399/11 RENV (Banco Santander et Santusa/Commission), T-405/11 (Axa Mediterranean/Commission) et T-406/11 (Prosegur Compañía de Seguridad/Commission), et par lesquels le Tribunal a rejeté les recours formés par des sociétés espagnoles contre la décision du 12 janvier 2011 ou contre la décision du 28 octobre 2009 de la Commission relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière (goodwill) en cas de prise de participations étrangères appliqué par l’Espagne.

On se souvient que, par arrêt rendu le 21 décembre 2016 dans les affaires jointes C-20/15 et C-21/15 (Commission européenne contre World Duty Free Group e.a.), la Cour de justice de l'Union était venue confirmer l’approche — disons extensive — de la condition de sélectivité retenue par la Commission dans une décision du 12 janvier 2011, aux termes de laquelle elle avait considéré que le régime fiscal espagnol permettant l’amortissement fiscal de la survaleur financière (goodwill) en cas de prise de participations étrangères était incompatible avec le marché intérieur, lorsqu’il s’applique à des prises de participations dans des entreprises établies en dehors de l’Union et avait ordonné au Royaume d’Espagne de procéder à la récupération des aides accordées. À la faveur d’une décision rendue le 28 octobre 2009, la Commission avait déjà déclaré incompatible avec le marché intérieur une mesure identique mais concernant des prises de participations dans des entreprises établies au sein de l’Union.

Ce faisant, la Cour avait censuré les deux arrêts rendus le 7 novembre 2014 par le Tribunal dans les affaires T-219/10 (Autogrill España contre Commission européenne) et T-399/11 (Banco Santander et Santusa Holding contre Commission européenne), par lesquels ce dernier avait annulé les deux décisions de la Commission, estimant que cette dernière n’avaient pas établi le caractère sélectif du régime espagnol en cause.

Toutefois, constatant que l'affaire n'était pas en état d'être jugée, la Cour de justice avait renvoyé au Tribunal les deux affaires pour qu'il statue à nouveau.

Pour mémoire, dans ses arrêts, la Cour avait jugé que, lors de l’application de la condition de la sélectivité — une des quatre conditions cumulative qui doit être satisfaite afin de pouvoir qualifier une mesure d’« aide d’État » au sens de l’article 107, § 1, TFUE —, le Tribunal avait commis une erreur de droit en annulant les décisions litigieuses de la Commission au motif que la mesure litigieuse ne visait aucune catégorie particulière d’entreprises ou de productions, que son application était indépendante de la nature de l’activité des entreprises et qu’elle était accessible, a priori ou potentiellement, à toutes les entreprises désireuses de prendre des participations d’au moins 5 % dans des sociétés étrangères et détenant ces participations de manière ininterrompue pendant au moins un an, laquelle mesure devait être regardée non pas comme une mesure sélective, mais comme une mesure générale.

Pour parvenir à cette conclusion, la Cour avait rappelé que le paramètre pertinent pour établir la sélectivité de la mesure en cause consiste à vérifier si celle-ci introduit entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal général concerné, dans une situation factuelle et juridique comparable une différenciation non justifiée par la nature et l’économie de ce régime. S’agissant d’une mesure nationale conférant un avantage fiscal de portée générale, telle que la mesure litigieuse, cette condition est remplie lorsque la Commission parvient à démontrer que cette mesure déroge au régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, introduisant ainsi, par ses effets concrets, un traitement différencié entre opérateurs, alors que les opérateurs qui bénéficient de l’avantage fiscal et ceux qui en sont exclus se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal de cet État membre, dans une situation factuelle et juridique comparable. Or, avait alors relevé la Cour, la Commission s’était fondée, dans les décisions litigieuses, aux fins d’établir le caractère sélectif de la mesure litigieuse, sur l’inégalité de traitement entre les entreprises résidentes que comportait cette mesure. En effet, en application de celle-ci, seules les entreprises résidentes qui acquerraient des participations d’au moins 5 % dans des sociétés étrangères pouvaient, sous certaines conditions, bénéficier de l’avantage fiscal en cause, alors que les entreprises résidentes effectuant une telle prise de participation dans des entreprises imposables en Espagne ne pouvaient, en dépit du fait qu'elles se trouvaient dans une situation comparable au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal commun espagnol, obtenir cet avantage. Il en découlait au final qu’une condition d’application ou d’obtention d’une aide fiscale pouvait fonder le caractère sélectif de cette aide, si cette condition conduisait à opérer une différenciation entre des entreprises se trouvant pourtant, au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable, et si, partant, elle révélait une discrimination à l’égard des entreprises qui en sont exclues.

Dans les arrêts rendus le 15 novembre 2018, le Tribunal, faisant application de la méthode en trois étapes — i) identification du régime fiscal commun ou normal applicable dans l’État membre concerné, ii) vérification que la mesure fiscale en cause déroge audit régime commun et iii) absence de justification de la différenciation entre des entreprises résultant de la nature ou de l’économie du système dans lequel la mesure fiscale s’inscrit —, a conclu que la mesure en cause était sélective, alors même que l’avantage qu’elle prévoit était accessible à toutes les entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés en Espagne. En substance, observe le Tribunal, la mesure litigieuse, en permettant l’amortissement de la survaleur pour des prises de participations dans des sociétés non résidentes sans qu’il y ait de regroupement d’entreprises, applique à ces opérations un traitement différent de celui qui s’applique aux prises de participations dans des sociétés résidentes, alors que ces deux types d’opérations se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime normal, dans des situations juridiques et factuelles comparables. Ainsi, c’est à bon droit que la Commission a constaté, dans le cadre de la deuxième étape de la méthode mentionnée par la Cour que la mesure litigieuse dérogeait au régime normal.

Par leur pourvoi, les entreprises requérantes et le Royaume d’Espagne demandaient donc l’annulation des arrêts du Tribunal du 15 novembre 2018 mais également celle de la décision contestée de la Commission dans la mesure où elle déclare que la mesure litigieuse constitue une aide d’État.

À la faveur des six arrêts rendus ce jour, la Cour de justice, réunie en grande chambre, rejette l’ensemble des pourvois contre les arrêts du Tribunal et confirme ce faisant la qualification du régime fiscal espagnol d’amortissement de la survaleur financière (goodwill) d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur.
 
Avant d’en venir au fond, la Cour juge recevables les arguments par lesquels les requérantes mettent en cause les conséquences tirées de la solution légale apportée par le Tribunal aux moyens débattus devant lui, et ce, quand bien même ils n’auraient pas été soulevés devant le Tribunal, dans la mesure où les moyens et les arguments nés de l’arrêt contesté lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé, ne peuvent être considérés comme modifiant l’objet du litige devant le Tribunal (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pts. 56-57).

Sur le fond de l’affaire, les requérantes faisaient principalement valoir dans leur pourvoi que le Tribunal avait commis plusieurs erreurs dans la détermination du système de référence, sur la base duquel il avait pu déduire l’existence d’un avantage économique, de nature sélectif.

Sur l’identification du régime fiscal commun ou système de référence applicable dans l’État membre concerné, la Cour de justice commence par rappeler, à propos de la sélectivité de la mesure fiscale en cause, que la seule circonstance que la mesure litigieuse présente un caractère général, en ce qu’elle peut a priori bénéficier à l’ensemble des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés, n’exclut pas que celle-ci puisse être de nature sélective. En effet, la condition de sélectivité est remplie lorsque la Commission parvient à démontrer que cette mesure déroge au régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, introduisant ainsi, par ses effets concrets, un traitement différencié entre opérateurs, alors que les opérateurs qui bénéficient de l’avantage fiscal et ceux qui en sont exclus se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal, dans une situation factuelle et juridique comparable (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pt. 99).

La Cour rappelle ensuite que, pour pouvoir qualifier une mesure fiscale nationale de sélective, la Commission doit suivre une méthode en trois étapes. D’abord, elle doit identifier le régime fiscal commun ou normal applicable dans l’État membre. Ensuite, elle doit démontrer que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence en introduisant des différenciations entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal commun ou normal, dans une situation factuelle et juridique comparable. Enfin, elle doit vérifier si la différenciation introduite est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pt. 19).

La Cour de justice s’attache ensuite aux prétendues erreurs commises par le Tribunal dans la détermination du système de référence.
 
A cet égard, la Cour relève que la détermination du système de référence doit découler d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État. À cet égard, la sélectivité d’une mesure fiscale ne peut être appréciée à l’aune d’un cadre de référence constitué de quelques dispositions du droit national de l’État membre concerné qui ont été artificiellement sorties d’un cadre législatif plus large (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pt. 62). Par conséquent, lorsque la mesure fiscale en question est inséparable du système général d’imposition de l’État membre concerné, c’est à ce système qu’il convient de se référer. En revanche, lorsqu’il apparaît qu’une telle mesure est clairement détachable dudit système général, il ne peut être exclu que le cadre de référence devant être pris en compte soit plus restreint que ce système général, voire qu’il s’identifie à la mesure elle-même, lorsque celle-ci se présente comme une règle dotée d’une logique juridique autonome et qu’il est impossible d’identifier un ensemble normatif cohérent en dehors de cette mesure (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pt. 63). Ensuite, dans la mesure où, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union fait l’objet d’une harmonisation, c’est l’État membre concerné qui définit, par l’exercice de ses compétences exclusives en matière de fiscalité directe, les caractéristiques constitutives de l’impôt, la détermination du système de référence ou du régime fiscal « normal », à partir duquel il convient d’analyser la condition relative à la sélectivité, doit tenir compte desdites caractéristiques (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pt. 64).

En l’espèce, la Cour considère, d’abord, qu’il ressort clairement des décisions litigieuses que le système de référence retenu par la Commission est constitué des dispositions générales du régime de l’impôt sur les sociétés régissant la survaleur en général, et non pas seulement le traitement fiscal de la « survaleur financière », même si, dans les circonstances de l’espèce, le traitement de la survaleur est pleinement assimilable à celui de la survaleur financière (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pts. 72-74).

Quant à l’argument des requérantes tenant au refus allégué de considérer la mesure litigieuse comme étant un système de référence autonome, selon lequel, afin de déterminer le système de référence, le Tribunal se serait fondé sur la technique réglementaire choisie par le législateur national pour adopter la mesure fiscale en cause, à savoir l’introduction d’une dérogation à la règle générale, la Cour relève qu’aux fins d’établir la sélectivité d’une mesure fiscale, la technique réglementaire utilisée n’est pas décisive, de telle sorte qu’il n’est pas toujours nécessaire que celle-ci ait un caractère dérogatoire par rapport à un régime fiscal commun, la circonstance qu’elle présente un tel caractère en utilisant cette technique réglementaire est pertinente à ces fins lorsqu’il en découle que deux catégories d’opérateurs sont distinguées et font a priori l’objet d’un traitement différencié, à savoir ceux relevant de la mesure dérogatoire et ceux qui continuent de relever du régime fiscal commun, alors même que ces deux catégories se trouvent dans une situation comparable au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pt. 95). Ainsi, il ne saurait être fait grief au Tribunal d’avoir retenu, entre autres considérations, le caractère dérogatoire de la mesure fiscale en cause aux fins de l’examen de son caractère sélectif (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pt. 96).

Par ailleurs, la Cour de justice approuve, à la faveur de l’affaire C-50/19, le Tribunal d’avoir considéré, en substance, qu’une mesure nationale peut être sélective même dans l’hypothèse où le bénéfice de l’avantage qu’elle prévoit dépend non pas des caractéristiques spécifiques de l’entreprise mais de l’opération que celle-ci décide ou non de réaliser. Or, une mesure peut être considérée comme étant sélective même lorsqu’elle n’identifie pas ex ante une catégorie particulière de bénéficiaires et que toutes les entreprises établies sur le territoire de l’État membre concerné, quelles que soient leur taille, leur forme juridique, leur secteur d’activité ou d’autres caractéristiques qui leur sont propres, ont potentiellement accès à l’avantage prévu par cette mesure à condition de procéder à un certain type d’investissement (aff. C-50/19, pt. 49). En effet, ainsi que l’avait déjà énoncé la Cour de justice, un constat de sélectivité ne résulte pas nécessairement d’une impossibilité pour certaines entreprises de bénéficier de l’avantage prévu par la mesure en cause du fait de contraintes juridiques, économiques ou pratiques les empêchant de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de cet avantage, mais peut résulter de la seule constatation qu’il existe une opération qui, alors qu’elle est comparable à celle qui conditionne l’octroi de l’avantage en cause, n’ouvre pas droit à celui-ci (aff. C-50/19, pt. 49). De sorte que le Tribunal a pu en déduire qu’une mesure fiscale peut être sélective alors même que toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de l’avantage que prévoit cette mesure (aff. C-50/19, pt. 44).

Enfin, la Cour, constatant que, nulle part dans la décision litigieuse, la Commission n’a fait mention du maintien d’une certaine cohérence entre le traitement fiscal et le traitement comptable de la survaleur en tant qu’objectif du système de référence qu’elle a identifié (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pt. 119), fait droit au grief des requérantes, dans toutes les affaires en cause, selon lequel, en identifiant, dans le cadre de la deuxième étape de l’analyse sur la sélectivité, le maintien d’une certaine cohérence entre le traitement fiscal et le traitement comptable de la survaleur en tant qu’objectif du système de référence, le Tribunal a substitué sa propre motivation à celle des décisions litigieuses et a commis, de ce fait, une erreur de droit (aff. jtes C-51/19 et C-64/19, pts. 121-122).

Cette erreur n’est toutefois pas de nature à entraîner l’annulation des arrêts attaqués, dans la mesure où leurs dispositifs sont fondés sur d’autres motifs de droit. À cet égard, la Cour relève que le Tribunal s’est, à bon droit, référé à sa jurisprudence selon laquelle l’examen de comparabilité à effectuer lors de la deuxième étape de l’analyse de la sélectivité doit être réalisé au regard de l’objectif du système de référence, et non de celui de la mesure litigieuse. C’est ainsi à juste titre que le Tribunal a constaté que les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non-résidentes se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le traitement fiscal de la survaleur, dans une situation juridique et factuelle comparable à celle des entreprises qui prennent des participations dans des sociétés résidentes. À cet égard, les requérantes n’avaient pas réussi, plus particulièrement, à établir que les entreprises effectuant des prises de participations dans des sociétés non résidentes se trouvent dans une situation juridique et factuelle différente et, donc, non comparable à celle des entreprises effectuant des prises de participations en Espagne.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

 

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme que les mesures pour le financement du projet de liaison fixe rail-route du détroit de Fehmarn entre l’Allemagne et le Danemark n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges entre États membres et, par conséquent, ne constituaient pas des aides d’État

 

Le 6 octobre 2021, la Cour de justice de l’Union a rendu son arrêt dans les Affaires jointes C‑174/19 (Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH contre Commission européenne) et C‑175/19 (Stena Line Scandinavia AB contre Commission européenne).

On se souvient qu’à la faveur de deux arrêts rendus dans des termes quasi identiques le 13 décembre 2018 dans les affaires T-630/15 (Scandlines Danmark ApS e.a. contre Commission) et T-631/15 (Stena Line Scandinavia AB contre Commission), à propos du financement public de la liaison fixe rail-route du détroit de Fehmarn entre l’Allemagne et le Danemark, le Tribunal de l’Union était venu annuler la décision de la Commission du 23 juillet 2015.

Aux termes de cette décision, la Commission avait décidé de ne pas soulever d’objection à l’égard des mesures litigieuses, à savoir d’une part, une injection de capital et, d’autre part, une garantie étatique et des prêts d’État en faveur des deux entreprises publiques chargées de l’exécution du projet, la première, Femern A/S, étant chargée du financement, de la construction et de l’exploitation de la liaison fixe, qui consiste en un tunnel immergé entre Rødby sur l’île de Lolland au Danemark et Puttgarden en Allemagne, d’une longueur d’environ 19 km, qui contiendra une voie ferrée électrifiée et une autoroute, tandis que la seconde A/S Femern Landanlæg, étant chargée de la construction, de l’exploitation et du financement des connexions avec l’arrière-pays. La Commission a considéré, sans même avoir ouvert une procédure formelle d’examen, que les mesures accordées à Femern Landanlæg pour la planification, la construction et l’exploitation des connexions avec l’arrière-pays ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE et que les mesures accordées à Femern pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe, même dans le cas où elles constitueraient des aides d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE, étaient compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, § 3, sous b), TFUE.

Deux entreprises — Stena Line Scandinavia AB, d’une part, et Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH, d’autre part —, qui exploitent notamment des liaisons maritimes entre l’Allemagne et le Danemark, Puttgarden-Rødby et Rostock-Gedser, ont introduit des recours contre la décision de la Commission en contestant les conclusions de cette dernière à propos des mesures litigieuses et en soutenant que la Commission aurait violé son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

Aux termes des deux arrêts rendus le 13 décembre 2018, le Tribunal avait accueilli pour partie les griefs des requérantes, ce qui avait entraîné l’annulation de la décision attaquée en ce que la Commission avait décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures accordées par le Royaume de Danemark à Femern pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe du détroit de Fehmarn.

Le Tribunal avait tout d’abord rejeté comme non fondés les moyens soulevés par les requérantes en ce qui concerne la partie de la décision attaquée relative aux mesures accordées à Femern Landanlæg pour le financement de la planification, de la construction et de l’exploitation des connexions ferroviaires vers l’arrière-pays. En revanche, il avait accueilli les recours des requérantes en ce qui concerne l’analyse du financement public octroyé à Femern pour la partie du projet relative à la liaison fixe, considérant que la Commission avait manqué à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 108, § 2, TFUE d’ouvrir la procédure formelle d’examen en raison de l’existence de difficultés sérieuses.

À la suite des arrêts du Tribunal, les deux exploitants de liaisons maritimes — Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH, d’une part, et Stena Line Scandinavia AB, d’autre part — ont chacune introduit des pourvois presque identiques demandant l’annulation de ces arrêts. Sur quoi, la Commission a introduit des pourvois incidents par lesquels elle met en cause la recevabilité des recours des requérantes devant le Tribunal.

Les deux premiers moyens du pourvoi principal concernent les parties des arrêts attaqués relatives à l’analyse des mesures prises en faveur de Femern Landanlæg concernant les connexions ferroviaires vers l’arrière-pays. Par ces moyens, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit en violation de l’article 107, § 1, et de l’article 108, § 2, TFUE en concluant que la Commission n’avait pas commis d’erreur et n’avait pas rencontré de difficultés sérieuses en considérant que ces mesures ne constituaient pas des aides d’État parce qu’elles n’étaient pas susceptibles de fausser la concurrence (premier moyen) et d’affecter les échanges entre États membres (deuxième moyen).

Sur ce point, la Cour relève que, même si les mesures octroyées à Femern Landanlæg font partie d’un projet qui, dans son ensemble, a pour objectif d’améliorer les conditions de transport des passagers et des marchandises entre les pays nordiques et l’Europe centrale, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sauraient, pour ce seul motif, être appréciées de manière globale avec les mesures octroyées à Femern au regard de l’article 107, § 1, TFUE, dès lors que les activités de l’une et l’autre de ces entreprises sont distinctes. En effet, il est constant que, dès que le projet sera réalisé, les activités de Femern Landanlæg se limiteront à la gestion et à l’exploitation des connexions ferroviaires alors que celles de Femern ne porteront que sur la liaison fixe, ces différentes infrastructures pouvant, en outre, être utilisées indépendamment l’une de l’autre (pt. 91). De sorte que le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, considérer que les mesures octroyées à Femern Landanlæg, adoptées dans le cadre du même projet que celui qui prévoit des mesures en faveur de Femern pour la liaison fixe et qualifiées d’aides d’État par la Commission, ne sauraient, pour ce « seul motif », être constitutives d’aides d’État, ces deux types de mesures ayant un objet et des bénéficiaires différents. Le Tribunal a, dès lors, également distingué à juste titre, les effets sur la concurrence des mesures octroyées à l’une et l’autre entreprise (pt. 92).

La Cour de justice estime que le Tribunal a pu considérer à bon droit que la législation danoise instituant le régime de licences pour la gestion de l’infrastructure ferroviaire n’impliquait pas qu’il existât une concurrence « de lege » « sur » ou « pour » le marché de la gestion et de l’exploitation de l’infrastructure nationale pour lesquelles Banedanmark détient un monopole légal (pt. 140).

Rappelant que le Tribunal a estimé que Femern Landanlæg avait la responsabilité de la mise en œuvre des activités de construction et d’exploitation des connexions ferroviaires, mais n’était pas en mesure d’accomplir elle-même les tâches relatives à l’entretien et à la construction du réseau en concurrence avec d’autres opérateurs, la Cour estime que cette appréciation n’est pas entachée d’une insuffisance de motivation (pt. 156). En effet, la distinction établie par le Tribunal entre les marchés de la construction et de l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, sur lesquels Femern Landanlæg n’est pas « active », et les marchés de la gestion et de l’exploitation « au sens strict » de l’infrastructure ferroviaire repose uniquement sur la distinction entre la réalisation concrète ou non, par cette entreprise, de ces différentes activités (pt. 160). Or, il importe, aux fins d’apprécier l’effet sur la concurrence des mesures octroyées à Femern Landanlæg, de tenir compte des activités dont cette entreprise a précisément et effectivement elle-même la charge (pt. 161). Dès lors que Femern Landanlæg n’est pas susceptible d’assurer elle-même les activités de construction ni celles de l’entretien des connexions ferroviaires, le Tribunal a pu relever à juste titre que l’existence de sociétés réalisant ces activités sur le réseau ferroviaire danois, notamment à l’issue d’une mise en concurrence par appel d’offres en vue de l’attribution de marchés, n’était pas de nature à démontrer que les activités de gestion ou d’exploitation de l’infrastructure ferroviaire exercées par Femern Landanlæg dans ce domaine étaient, elles aussi, ouvertes à la concurrence (pt. 162).

De la même façon, la Cour retient, à propos de l’absence d’affectation des échanges entre États membres, que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que, pour ce qui concerne le critère de l’affectation des échanges entre les États membres, l’examen de la Commission n’était pas entaché d’une erreur de droit et qu’elle n’avait pas davantage rencontré de difficultés sérieuses de nature à l’obliger à ouvrir la procédure formelle d’examen (pt. 177).

Dans ses pourvois incidents, dont le contenu est identique, la Commission invoquait un moyen unique par lequel elle contestait la qualité pour agir des requérantes devant le Tribunal en ce qui concerne la partie de la décision attaquée relative aux mesures adoptées en faveur de Femern Landanlæg.

Sur quoi la Cour retient, d’une part, que le Tribunal n’a pas, dans les arrêts attaqués, pris de décision quant à la recevabilité des recours formés devant lui par les requérantes contre la décision litigieuse en ce qu’elle porte sur les mesures adoptées en faveur de Femern Landanlæg, et, d’autre part, qu’il a pu à bon droit procéder ainsi dès lors qu’il n’avait pas commis d’erreur de droit en rejetant ces recours au fond (pt. 182).

 

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Le Tribunal de l’Union confirme l’obligation pour l'Allemagne de récupérer les aides illégales octroyées à certains grands utilisateurs d'électricité sous la forme d'une exonération des droits de réseau en Allemagne pour la période 2012-2013

 

Le 6 octobre 2021, le Tribunal de l’Union a rendu quatre arrêts dans les affaires  T-238/19 (Wepa Hygieneprodukte GmbH e.a. contre Commission européenne), T-196/19 (AZ contre Commission européenne), T-745/18 (Covestro Deutschland AG contre Commission européenne) et dans les affaires jointes T-233/19 et T-234/19 (Infineon Technologies Dresden GmbH & Co. KG contre Commission européenne) concernant un régime d’aides mis à exécution par l’Allemagne en faveur de certains grands consommateurs d’électricité.

À partir de 2011, la République fédérale d’Allemagne a accordé à certains grands consommateurs d’énergie une exonération complète des redevances de réseau. Les coûts entraînés par cette exonération pesaient sur les gestionnaires de réseau de transport. Aux fins de compenser la perte de recettes provoquée par cette exonération litigieuse, la Bundesnetzagentur (BNetzA, agence fédérale des réseaux) a, par décision du 14 décembre 2011, mis en place un mécanisme de financement qui est entré en vigueur en 2012. Selon ce mécanisme, les gestionnaires de réseau de distribution percevaient, auprès des consommateurs finals ou des fournisseurs d’électricité, une surtaxe dont le montant était reversé aux gestionnaires de réseau de transport. Le montant de la surtaxe était déterminé chaque année sur la base d’une méthode établie par la BNetzA. Le montant relatif à l’année 2012, première année de mise en œuvre du système, a été fixé directement par la BNetzA de manière forfaitaire. En outre, comme ce mécanisme ne s’appliquait pas aux coûts de l’exonération litigieuse pour l’année 2011, chaque gestionnaire de réseau de transport et de distribution, selon le niveau de réseau auquel les bénéficiaires étaient raccordés, a dû supporter les pertes relatives à ladite exonération pour cette année. L’exonération litigieuse a toutefois été abrogée à partir du 1er janvier 2014.

Par décision du 28 mai 2018, la Commission, saisie de plusieurs plaintes, a constaté que, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la République fédérale d’Allemagne avait octroyé illégalement des aides d’État sous la forme de l’exonération litigieuse permettant ainsi aux grands consommateurs d’énergie d’éviter les redevances de réseau. Selon elle, rien ne justifiait de dispenser totalement ces utilisateurs de payer les droits de réseau dus. Elle a en outre enjoint l'Allemagne de récupérer l'aide illégale.

De nombreux bénéficiaires de l’aide ont introduit un recours en annulation contre la décision attaquée. Le Tribunal, tout en déclarant les quatre recours jugé ce jour recevable, les rejette en confirmant, non seulement, le caractère étatique des ressources générées par la surtaxe litigieuse et, partant, l’existence d’une aide octroyée au moyen de ressources d’État, mais également l’avantage sélectif que confère l’exonération litigieuse.

En premier lieu, le Tribunal rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Commission selon laquelle le recours en annulation aurait été déposé hors délai dans la mesure où la requérante avait eu connaissance de la décision attaquée bien avant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

À cet égard, le Tribunal précise qu’il découle du libellé même de l’article 263, sixième alinéa, TFUE que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte, en tant que point de départ du délai pour introduire le recours en annulation, présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de sa publication ou de sa notification (T-745/18, pt. 38). Même si la publication de la décision attaquée n’est pas une condition de sa prise d’effet, dans la mesure où les décisions de la Commission de clore une procédure d’examen des aides au titre de l’article 108, § 2, TFUE font l’objet d’une publication au Journal officiel, la requérante pouvait légitimement escompter que la décision attaquée ferait l’objet d’une publication et était en droit de prendre la date où la décision attaquée a été publiée comme point de départ du délai de recours (T-745/18, pt. 39).

S’agissant, en second lieu, de la qualification de la surtaxe litigieuse d’aide octroyée au moyen de ressources d’État, le Tribunal relève que, pour apprécier le caractère étatique d’une telle mesure de soutien, la jurisprudence de la Cour s’appuie sur deux éléments principaux : d’une part, l’existence d’une charge obligatoire pesant sur les consommateurs ou clients finals, normalement qualifiée de « taxe », et plus particulièrement de « taxe parafiscale », et, d’autre part, le contrôle étatique sur la gestion du système, par le biais notamment du contrôle étatique sur les fonds ou sur les gestionnaires (tiers) de ces fonds.

À cet égard, le Tribunal précise qu’il s’agit, en substance, de deux éléments qui font partie d’une alternative (T-745/18, pt. 95). En effet, les affaires dans lesquelles l’existence de ressources d’État a été reconnue sont caractérisées par le fait que, d’une manière ou d’une autre, l’État exerçait un contrôle sur les revenus en question (T-745/18, pt. 97). Au regard de ces précisions, le Tribunal vérifie d’abord si la surtaxe litigieuse était effectivement une charge obligatoire et, partant, assimilable à une taxe parafiscale, et, ensuite, si l’État disposait d’un contrôle sur les fonds collectés ou sur les organismes chargés de les gérer.

Dans le cadre de cet examen, le Tribunal constate que la surtaxe litigieuse est imputable à l’État (T-745/18, pt. 106), constat qui est sans préjudice de la question de savoir si la décision BNetzA de 2011 peut être considérée comme une décision ultra vires selon le droit allemand et de la question de l’annulation de cette décision par les juridictions allemandes, ladite décision ayant été effectivement appliquée pendant la période pertinente (T-745/18, pt. 107).

S’agissant du caractère obligatoire de la surtaxe litigieuse, le Tribunal relève que cette surtaxe, introduite par une autorité administrative par le biais d’une mesure réglementaire, avait un caractère juridiquement contraignant à l’égard de ces débiteurs ultimes, ceux-ci étant les utilisateurs du réseau, c’est-à-dire les fournisseurs eux-mêmes ainsi que les consommateurs finals directement raccordés au réseau, et non les autres consommateurs finals. En effet, la décision BNetzA de 2011 obligeait les gestionnaires de réseau de distribution à répercuter sur lesdits consommateurs les surcoûts liés à la surtaxe litigieuse, de sorte que cette surtaxe constitue une taxe parafiscale et implique donc l’utilisation de ressources d’État (T-745/18, pt. 132).

En ce qui concerne le contrôle étatique sur la gestion du mécanisme de surtaxe, le Tribunal constate, en outre, que, d’une part, il existe une analogie entre la surtaxe litigieuse et les surcoûts générés par l’exonération litigieuse et que, d’autre part, les gestionnaires de réseau agissaient en tant que simples intermédiaires dans l’exécution d’un mécanisme réglé dans sa totalité par des dispositions étatiques (T-745/18, pt. 136). Il y avait, par conséquent, un contrôle étatique sur le mécanisme entier de perception et d’attribution de la surtaxe litigieuse. En effet, les gestionnaires de réseau de distribution ont été obligés de percevoir, auprès des utilisateurs du réseau, y compris les consommateurs finals, la surtaxe, telle que calculée par la BNetzA (pour l’année 2012) ou selon la méthode fixée par cette dernière (pour l’année 2013). En outre, les recettes étaient exclusivement affectées aux objectifs du régime par les dispositions législatives et réglementaires prévoyant que celles-ci soient versées aux gestionnaires de réseau de transport en compensation des surcoûts générés par l’exonération litigieuse (T-745/18, pt. 135).

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la surtaxe litigieuse constitue une taxe parafiscale ou une charge obligatoire, dont le montant a été fixé par une autorité publique (pour l’année 2012) ou selon une méthode imposée par cette autorité (pour l’année 2013), qui poursuit des objectifs d’intérêt public, qu’elle a été imposée aux gestionnaires de réseau selon des critères objectifs et qu’elle a été prélevée par ces derniers selon les règles imposées par les autorités nationales (T-745/18, pt. 146), de sorte qu’elle constitue une mesure accordée au moyen de ressources d’État (T-745/18, pt. 147).

Quant au moyen par lequel les requérantes font valoir que l’exonération litigieuse ne confère pas un avantage sélectif au sens de l’article 107, § 1, TFUE, puisqu’elle n’introduit pas des différentiations entre des opérateurs économiques se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, le Tribunal observe que, dans la décision attaquée, suivant l’examen en trois étapes imposé par la jurisprudence, la Commission a, tout d’abord, défini le cadre de référence pertinent, a, ensuite, relevé que l’exonération litigieuse introduisait une dérogation au cadre de référence et a, enfin, établi que la dérogation constatée ne trouvait pas de justification au regard de la nature et de l’économie du système dans lequel elle s’inscrivait (T-238/19, pt. 122). S’agissant plus particulièrement de la deuxième étape de cet examen, à savoir, en substance, l’application du principe de non-discrimination, il note que, si la Commission a relevé que le système fondé sur les redevances individuelles calculées selon la méthode du chemin physique et sur la redevance minimale, telle qu’appliquée avant l’exonération litigieuse, était conforme aux principes de la réflectivité des coûts et de non-discrimination, et constituait une composante essentielle du système de référence (T-238/19, pt. 123), elle a en revanche conclu que l’exonération litigieuse, y inclus l’exonération de la redevance minimale, représentait une dérogation au système des redevances individuelles des utilisateurs atypiques, qui favorisait les consommateurs de charge en continu par rapport tant aux autres utilisateurs atypiques, notamment, les consommateurs anticycliques, qu’à tous les autres utilisateurs (T-238/19, pt. 124). À cet égard le Tribunal estime qu’une exonération complète de ces redevances, telle que celle accordée par l’exonération litigieuse aux consommateurs de charge en continu, ne serait conforme aux principes de réflectivité des coûts, de proportionnalité et de non-discrimination que s’il était démontré que les consommateurs de charge en continu ne génèrent aucun coût de réseau, ce qui n’était pas le cas, ainsi qu’il avait été reconnu par les juridictions allemandes. Cette situation comporte une discrimination par rapport tant à d’autres utilisateurs atypiques, qui devaient continuer d’acquitter des redevances individuelles ou au moins la redevance minimale, qu’à tous les autres utilisateurs. En effet, contrairement à tous les autres utilisateurs du réseau, c’est-à-dire les utilisateurs généraux et les autres utilisateurs atypiques, les consommateurs de charge en continu ne payaient aucune redevance pour un service, à savoir le raccordement au réseau, dont ils avaient bénéficié et qui avait généré des coûts, même s’ils sont moins importants par rapport aux coûts générés par d’autres entreprises (T-238/19, pt. 126). Par suite, le Tribunal confirme que l’exonération litigieuse confère un avantage sélectif au sens de l’article 107, § 1, TFUE,

 

JURISPRUDENCE : Estimant que l'Autorité de la concurrence est une autorité administrative et non une juridiction, même lorsqu’elle prononce des sanctions, la Cour de cassation dit pour droit que la procédure de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ne s'appliquent pas à elle

 

Le 30 septembre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt aux termes duquel elle confirme, mais à la faveur d’une substitution de motifs, l’ordonnance rendue le 24 juillet 2020 par la déléguée du premier Président de la Cour d’appel de Paris, laquelle a d’abord considéré, à la suite de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juin 2020 dans l’affaire relative à l’Autorité polynésienne de la concurrence, que l’Autorité de la concurrence était une juridiction au sens des articles 6, § 1, de la CEDH et L. 111-8 du code de l’organisation judiciaire et qu’à ce titre, il était possible de déposer une requête en récusation devant le premier président de la Cour d’appel de Paris visant un rapporteur de l’Autorité, assimilé à un juge au sens des articles 341 et suivants du code de procédure civile. De sorte que la requête tendant à la récusation du rapporteur à l’Autorité de la concurrence, distincte de la remise en cause de la régularité de la procédure suivie devant celle-ci, relevait, selon elle, de la compétence du premier président de la Cour d’appel en application de l’article 344 du code de procédure civile.

Précisément, les mises en cause devant l’Autorité demandaient la récusation du rapporteur de l’Autorité pour défaut d’impartialité, en ce qu’il avait précédemment exercé les fonctions de poursuite dans la même affaire en tant qu’agent de la DNECCRF, et avait eu connaissance, à ce titre, de correspondances avocat-client dont l’annulation de la saisie a été prononcée, en ce qu’il avait communiqué à la partie saisissante des pièces confidentielles lors de la première notification de grief du 28 juillet 2014, en ce qu’il avait dans la seconde notification de grief du 10 octobre 2018 pris part dans le débat scientifique et en ce qu’il avait sollicité tardivement les observations de la DHUP.
 
En fin de compte, les trois ordonnances rendues le 24 juillet 2020 rejettent in fine la requête en récusation en la considérant irrecevable, mais sur une question purement procédurale : selon la magistrate déléguée, qui fait là une lecture pour le moins restrictive de l’article 342 du code de procédure civile, la  requête aurait dû être déposée dès que les parties ont eu connaissance de la cause de récusation, c’est-à-dire dès 2014. Il reste qu’en 2014, une telle requête en récusation à l’encontre d’un rapporteur était assurément vouée à l’échec puisqu’aussi bien, à l’époque, l’Autorité de la concurrence était considérée comme une autorité administrative et non comme une juridiction. Et ce n’est que depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2020 que l’on avait pu croire que l’Autorité pouvait être assimilée à une juridiction. De sorte que c’est donc ce dernier arrêt qui a ouvert la voie à de possibles requêtes en récusation à l’encontre de rapporteurs de l’Autorité, du moins pouvait-on légitimement le croire jusqu’au 30 septembre 2021. Et c’est du reste sans désemparer que les mises en cause avaient déposé dès la fin du mois de juin 2020 une requête en récusation à l’encontre du rapporteur de l’Autorité…

C’était sans compter l’arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, qui, estimant que l’Adlc est une autorité administrative et non une juridiction, même lorsqu’elle prononce des sanctions, dit pour droit, à la faveur d’une substitution de motifs, que la procédure de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ne s'appliquent pas à l'Autorité de la concurrence.

Autorité administrative indépendante, dont l'organisation est fondée sur une stricte séparation des fonctions de poursuite et d’instruction (pt. 12), autorité de nature non juridictionnelle, même lorsqu'elle est appelée à prononcer une sanction ayant le caractère d'une punition (pt. 13), partie à l’instance en cas de recours devant la Cour d’appel de Paris contre ses décisions, disposant du pouvoir de former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris ayant annulé ou réformé ses décisions (pt. 14), l’Autorité de la concurrence, qui n'est donc pas une juridiction apte à poser à la cour de justice de l’Union une question préjudicielle (pt. 16). En revanche, ses décisions sont soumises au contrôle ultérieur d'un organe juridictionnel de pleine juridiction. Parce que la Cour d’appel de Paris a compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont elle se trouve saisie, le recours en annulation ou en réformation devant celle-ci, prévu à l'article L. 464-8 du code de commerce, doit être regardé comme un recours de pleine juridiction au sens de l'article 6, § 1, CEDH (pts. 17-18). Ce faisant, saisie d’un recours contre une décision de l’Autorité, la Cour d’appel de Paris dispose du pouvoir de statuer sur tout grief tiré d'une atteinte à l'impartialité de l'Autorité de la concurrence, qu'il concerne la phase d'instruction placée, en application des articles L. 461-4 et R. 463-4 du code de commerce, sous la direction de son rapporteur général, ou la phase décisionnelle, confiée au collège de l'Autorité (pt. 18).

Sitôt que la question du défaut d’impartialité d’un rapporteur de l’Autorité relève de la compétence exclusive de la Cour d’appel de Paris statuant dans le cadre de d’un recours contre une décision de l’Autorité, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation déduit de là que les articles 341 et suivants du code de procédure civile instituant, devant les juridictions judiciaires statuant en matière civile, une procédure de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime, ne trouve pas à s'appliquer à l'Autorité de la concurrence (pt. 19).

Par suite, la thèse des services d’instruction de l’Autorité selon laquelle le cumul des fonctions de poursuite au sein d’une administration étatique et celles d’instruction en tant que rapporteur dans une même affaire ne constituent pas un défaut d’impartialité devra être soumise à la sagacité de la Cour d’appel de Paris dans le cadre de l’examen du recours au fond contre la décision de l’Autorité. Il reste, et c’est d’ailleurs ce que faisait valoir la présidente de l’Adlc en soutenant que le pourvoi avait perdu son objet, qu’entre-temps, l'Autorité de la concurrence a rendu sa décision sur le fond le 14 janvier 2021, concluant qu’il n'y avait pas lieu de poursuivre la procédure dès lors que les conditions d'une condamnation au titre des articles 101 TFUE et L. 420-l du code de commerce n'étaient pas réunies. Toutefois, cette décision de l’Autorité a été frappée d'un recours, par la saisissante, devant la Cour d'appel de Paris, laquelle pourrait donc être amenée à se prononcer sur la question du défaut d’impartialité.

À la faveur de la substitution de motifs opérée, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation confirme l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Paris jugeant in fine irrecevable la requête en récusation pour défaut d’impartialité.

Ce faisant, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation semble revenir sur sa propre décision du 4 juin 2020 à la faveur de laquelle elle avait estimé que l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) était une juridiction au sens des articles 6, § 1, CEDH, et L. 111-8 du code de l’organisation judiciaire, de sorte que, même en l’absence de disposition spécifique, toute personne poursuivie devant elle devait pouvoir demander le renvoi pour cause de suspicion légitime devant la juridiction ayant à connaître des recours de cette autorité. Désormais, cette même deuxième chambre civile de la Cour de cassation considère que l’Adlc est une autorité administrative et non une juridiction, même lorsqu’elle prononce des sanctions et que, puisque les mises en cause ont la possibilité de soumettre la question du défaut d’impartialité d’un rapporteur de l’Autorité à la Cour d’appel de Paris statuant dans le cadre d’un recours contre une décision de l’Autorité, toute procédure ad hoc de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime ne saurait trouver à s'appliquent pas à l'Autorité de la concurrence.

JURISPRUDENCE : La Cour d’appel de Paris confirme le rejet de la saisine de Molotov concernant la rupture par les groupes TF1 et M6 des accords qui les liaient à la plateforme de distribution de contenus

 

À la faveur d'un arrêt rendu le 30 septembre 2021, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris est venue rejeter dans son ensemble recours formé par la société Molotov contre la décision n° 20-D-08 rendue le 30 avril 2020 par laquelle l’Autorité de la concurrence avait rejeté la saisine au fond de la société Molotov pour défaut d’éléments suffisamment probants et, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires accessoire à cette saisine.

Molotov, plateforme de distribution de chaînes et services de télévision selon un modèle « freemium », soutenait que TF1 et M6 auraient, à la suite de la création avec France Télévision de la plateforme concurrente, Salto, rompu de manière brutale et abusive les accords qui liaient chacun des deux groupes à Molotov pour la distribution de leurs chaînes et services sur la plateforme de cette dernière. Pour la saisissante, il existerait un marché de la fourniture agrégée de contenus et services associés gratuits et payants, sur lequel se trouveraient notamment en concurrence Molotov et Salto. Mais, on s’en souvient, l’Autorité avait considéré que la question du périmètre exact des marchés concernés par la présente affaire peut être laissée ouverte, dès lors que les éléments avancés par la société Molotov sur les pratiques anticoncurrentielles alléguées ne permettent pas de considérer les faits comme étant susceptibles de constituer des pratiques contraires aux règles de concurrence.

La Cour d’appel de Paris commence par rejeter les moyens concernant le légalité externe de la décision de l’Autorité. À cet égard, elle écarte successivement les griefs tirés du refus de l'Autorité d'instruire la saisine de Molotov, de la violation du principe de la contradiction et des droits de la défense, du renversement de la charge de la preuve ou encore du défaut de motivation.

Pour la Cour, les services de l’instruction ont vérifié que les éléments invoqués dans la saisine étaient de nature à rendre vraisemblables les pratiques alléguées (pt. 62). Ce faisant, l'Autorité n'a pas refusé d'instruire la saisine de Molotov (pt. 65). De plus, Molotov a été mise en mesure de faire valoir ses arguments au soutien de sa saisine, de manière suffisante, et de présenter, à plusieurs reprises, ses observations avant la décision de rejet de celle-ci, notamment en réponse aux éléments produits par les sociétés qu'elle avait mises en cause dans la saisine (pt. 70). Toutefois, en tant que partie saisissante, elle ne peut se plaindre d'une violation des droits de sa défense au motif qu'elle n'a eu qu'un accès restreint à des pièces protégées par le secret des affaires (pt. 72). Enfin, relève la Cour, si la partie saisissante n'a pas à prouver l'existence des pratiques dénoncées, il est cependant nécessaire qu'elle justifie, dès le stade de sa saisine, d'éléments rendant vraisemblables les atteintes à la concurrence alléguées (pt. 76), rappelant à cet égard que, lorsque les faits dénoncés ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants, il ne revient pas à l'Autorité de suppléer à la carence de l'auteur de la saisine dans l'administration de la preuve (pt. 77). Enfin, la Cour de Paris estime que l’Autorité a motivé à suffisance son rejet de la saisine de Molotov sur le fondement l'article L. 462-8 du code de commerce.

La Cour d’appel de Paris s’attache ensuite à examiner les moyens concernant le légalité interne de la décision de l’Autorité.

En premier lieu, Molotov soutenait que l'Autorité aurait commis une erreur de droit en refusant d'appréhender le rapprochement entre les groupes TF1, M6 et FTV à l’occasion de la création de la plateforme concurrente Salto à l'aune du droit des pratiques anticoncurrentielles. Sur quoi, la Cour d’appel répond que l'Autorité a bien appréhendé les comportements allégués par la partie saisissante comme étant détachables de la concentration en cours et les a analysés au regard de l'ensemble des éléments de faits et de droit pertinents pour apprécier l'existence d'une éventuelle violation des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce (pt. 119). Toutefois, si l’Autorité a bien identifié des effets anticoncurrentiels générés par l’opération de concentration, la Cour précise immédiatement qu’ils n'étaient que potentiels, non actuels, et que les engagements rendus obligatoires ont, en l'absence de preuve contraire, eu pour finalité de prévenir la réalisation des risques identifiés par l'Autorité et non de mettre un terme à une situation en cours (pt. 122).

Selon Molotov, M6 aurait tenté de lui imposer la distribution de ses chaînes et services aux consommateurs exclusivement dans le cadre d’offres payantes, incompatible avec son modèle d’affaires « freemium ». Quant à TF1, elle aurait tenté de lui imposer les conditions de son offre TF1 Premium, avant de mettre fin à l’accord de distribution en cours entre les parties.

Selon la saisissante, les faits dénoncés constitueraient ainsi une tentative d’éviction et attesteraient de l’existence d’une collusion anticoncurrentielle entre les groupes TF1 et M6. Molotov serait en outre dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de TF1 et de M6, situation dont celles-ci auraient abusé par leur comportement.

S’agissant en premier lieu de l’allégation d’abus de position dominante collective, l’Autorité avait considéré que ni la saisine ni le dossier ne comportaient d’éléments susceptibles de démontrer l’existence d’une telle position détenue collectivement par les groupes France Télévisions, TF1 et M6. Selon elle, aucun élément ne démontrait l’existence de liens structurels capitalistiques ou juridiques tels que des contrats entre les groupes TF1, M6 et FTV, non plus que l’existence d’une stratégie identique. Quant à l’accord relatif à la création de Salto, il serait en tout état de cause postérieur aux pratiques dénoncées. À cet égard, la Cour d’appel de Paris constate que les éléments recensés par Molotov montrent essentiellement que M6, TF1 et FTV opèrent sur un marché commun et ont un projet commun (pt. 156). Le fait qu'une même ligne d'action n'a pas été adoptée, excluent que puisse être caractérisée en l'espèce une entité collective comprenant FTV (pt. 158). Partant, estime la Cour, l'Autorité a, de façon justifiée, rejeté la saisine comme n'étant pas étayée d'éléments suffisamment probants pour rendre vraisemblable l'existence d'une position dominante collective sur le marché dont il aurait été fait un usage abusif, incluant les éléments rassemblés lors de l'instruction (pt. 159).

S’agissant en deuxième lieu de l’allégation d’abus de dépendance économique, la Cour précise à son tour qu’une situation de dépendance économique ne pourrait, dans le cas présent, se concevoir que dans les relations bilatérales de TF1 et Molotov et/ou M6 et Molotov et non globalement dans les relations entre Molotov d’une part et M6 et TF1 pris collectivement d’autre part, de sorte que la démonstration d’un tel état de dépendance doit donc être faite pour chacune de ces relations (pt. 175). En outre, estime-t-elle, les éléments figurant au dossier d’instruction ne sont pas davantage susceptibles de caractériser un quelconque état de dépendance économique de Molotov vis-à-vis de l’un ou de l’autre des deux groupes (pt. 188). Pour la Cour de Paris, la situation de blocage en cause résulte exclusivement de la stratégie commerciale choisie par Molotov et concerne uniquement l'offre basique de reprise du contenu des chaînes en clair de la TNT du groupe M6, éditeur privé, au sein d'une offre de télévision gratuite, que Molotov entend maintenir, en dépit de l'évolution du paysage audiovisuel et de la reconnaissance, désormais plus affirmée, des droits voisins au bénéfice des entreprises de communication audiovisuelle (pt. 187).

S’agissant en troisième lieu des allégations d’entente horizontale, s’il existe un certain parallélisme entre l’évolution des relations entre M6 et Molotov d’une part, et entre TF1 et Molotov d’autre part, dans la mesure où M6 et TF1 ont chacun à leur tour rompu leurs contrats de distribution avec Molotov, tandis que les négociations respectives en vue de la conclusion d’un nouveau contrat n’ont pas abouti, la Cour d’appel, observant que le seul parallélisme des comportements de TF1 et de M6 ne saurait suffire à apporter une preuve suffisante de l'existence d'une entente intervenue entre eux, parvient à la conclusion que ni la saisine ni les éléments au dossier ne permettaient de démontrer l’existence d’un accord de volonté, explicite ou tacite, entre les groupes TF1 et M6 ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, en excluant Molotov du marché (pt. 211).

S’agissant en dernier lieu de la restriction verticale alléguée, Molotov soutenait que la clause dite de Paywall contenue dans les conditions générales de distribution du groupe M6 serait contraire aux articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, en ce que la « limitation de l’autonomie commerciale de distributeurs constitue une restriction caractérisée ».

Sur ce point, la Cour d’appel relève à son tour que les CGD du groupe M6 ont été adoptées par celui-ci de manière unilatérale et n’ont fait l’objet d’aucun accord explicite ou d’acquiescement tacite par Molotov (pt. 231), en raison précisément du rejet par celle-ci desdites CGD, de sorte qu’en l’absence de démonstration de l’existence d’un accord de volontés, toute analyse sous l’angle des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, § 1 du TFUE est, par définition même, exclue. En outre, observe la Cour, aucun élément n'étaye les allégations de Molotov selon lesquelles elle aurait été soumise à des conditions de distribution discriminatoires par le groupe M6, en subordonnant la diffusion des chaînes en clair de ce dernier et des services non linéaires associés au respect de la clause de « paywall ». Par suite, l'échec des négociations entre les parties ne peut davantage, en l'état des éléments produits, être assimilé à un refus d'agrément susceptible d'être examiné à l'aune de l'article 101 TFUE, d'autant que les éléments produits sont également insuffisants pour étayer les allégations de Molotov sur la politique d'éviction alléguée (pt. 239).

Au final, la Cour d’appel de Paris parvient à la conclusion que c'est à juste titre que l'Autorité a retenu dans la décision attaquée que Molotov n'apportait pas d'éléments suffisamment probants à l'appui de ses allégations et, sur la base de l'ensemble des analyses précitées retenu qu'il y avait lieu de rejeter la saisine en application de l’article L. 462-8 du code de commerce.

INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission lance une consultation publique sur le projet de proposition visant à faciliter davantage la mise en œuvre de mesures d'aide favorisant la transition écologique et numérique

 

Dans la perspective de l'adoption du RGEC révisé, prévue pour le premier semestre de 2022, la Commission a lancé le 6 octobre 2021 une consultation publique portant sur le projet de proposition visant à faciliter davantage la mise en œuvre de mesures d'aide favorisant la transition écologique et numérique.

À travers cette initiative, la Commission européenne invite les États membres et toutes les autres parties intéressées à présenter leurs observations  jusqu'au 8 décembre 2021 sur certaines propositions de modification du règlement général d'exemption par catégorie (RGEC). L'objectif de la révision proposée est de tenir compte des modifications apportées à divers ensembles de lignes directrices en matière d'aides d'État en cours de réexamen et de faciliter davantage le soutien public à la transition écologique et numérique de l'UE. Les nouvelles règles doivent contribuer à jeter les bases d'une économie durable à l'heure de surmonter les conséquences de la pandémie de coronavirus.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, sous conditions, Carrefour à reprendre 100 magasins sous enseigne Bio c’ Bon et identifiant pour la première fois un marché des produits biologiques est en ligne, de même que la décision autorisant la Caisse des dépôts et consignations et Nexity à prendre le contrôle conjoint de la société Miniburo et reconnaissant pour la première fois l’existence d’un marché de la mise à disposition d’espaces de travail partagés (ou espaces de coworking (+ 8 décisions simplifiées)

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 10 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 8 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la très intéressante décision n° 21-DCC-161 du 10 septembre 2021 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé, sous conditions, la prise de contrôle exclusif de 100 magasins sous enseigne Bio c’ Bon par le groupe Carrefour.

Cette opération fait suite à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de plusieurs sociétés composant le groupe Bio c’ Bon et au jugement du 2 novembre 2020 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a accepté l’offre de la société Carrefour, portant sur un périmètre de 100 points de vente exploités sous enseigne Bio c’ Bon, sur les 150 magasins que détenait l’enseigne. 85 de ces magasins continueront à avoir une activité spécialisée de distribution de produits biologiques.

Quoique  les 15 autres magasins ont été — ou seront prochainement — transformés par Carrefour en GSA dans le cadre d’une activité de distribution de produits à dominante alimentaire classique sous enseigne Carrefour et n’auront donc plus vocation à être spécialisés dans la distribution de produits biologiques, ils ont été intégrés à l’analyse concurrentielles des effets de l’opération sur les marchés aval de la distribution de détail de produits biologiques. Cette analyse vise notamment à s’assurer qu’un éventuel retour en arrière de l’acquéreur, consistant à finalement adjoindre à ces magasins une activité exclusivement centrée sur la distribution de produits biologiques suite au contrôle réalisé par l’Autorité, ne serait pas de nature à affecter la concurrence sur les marchés concernés. L’opération ne peut en effet être autorisée sans que cette analyse soit menée et, le cas échéant, que les éventuels problèmes de concurrence soient identifiés et corrigés (pt. 69).

Bio c’ Bon distribue des produits à dominante alimentaire issus de l’agriculture biologique à travers son réseau de magasins spécialisés. Quant à Carrefour, il exploite, à côté des hypermarchés, supermarchés et magasins de proximité sous enseignes de grandes surfaces alimentaires « conventionnelles », plusieurs magasins à dominante alimentaire spécialisés dans les produits à dominante alimentaire issus de l’agriculture biologique, sous les enseignes So’bio et Carrefour Bio. Carrefour possède également le site de vente en ligne « Greenweez » spécialisé dans la distribution de produits biologiques et écologiques.

Au terme d’une analyse plutôt convaincante, l’Autorité de la concurrence est  amenée, pour la première fois, à identifier d’abord un marché amont de l’approvisionnement en produits biologiques (pt. 18), en raison de l’absence de substituabilité du côté de l’offre, en raison, notamment, des cahiers des charges particuliers et des contraintes réglementaires spécifiques pesant sur l’agriculture biologique (pts. 14-15). Quoique la quasi-totalité des fournisseurs interrogés considère que les produits biologiques vendus aux GSS ne pourraient pas être vendus à l’identique aux GSA, et inversement, la question de la segmentation de ce marché par canal de distribution est laissée ouverte (pt. 18).

L’Autorité conclut par ailleurs à l’existence d’un marché distinct de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire biologiques, celui-ci étant restreint aux seules grandes surfaces spécialisées (GSS) (pt. 41).

Pour ce faire, la partie notifiante a procédé à la réalisation d’un sondage auprès des consommateurs de produits biologiques, d’où il ressort notamment qu’en cas d’augmentation des prix de l’ensemble des produits biologiques de 10 %, une très grande majorité des consommateurs continuerait à consommer des produits biologiques (pt. 24). Par ailleurs, l’Autorité reprend sans nuance l’idée généralement répandue qu’il existe des différences de prix importantes et persistantes entre les produits biologiques et les produits conventionnels (pt. 26).  Par ailleurs, l’Autorité opère une distinction entre la distribution de produits biologiques par les GSA et la distribution de produits biologiques par les GSS. De fait, les résultats du test SSNIP indiquent qu’en cas de hausse de prix de 10 % dans l’ensemble des GSS, seule une très faible part de consommateurs — moins de 10 % — choisirait de se reporter vers d’autres canaux de distribution, suggérant qu’une hausse de prix de 10 % de l’ensemble des GSS serait profitable et qu’il existerait donc un marché pertinent limité à la distribution par le biais des GSS (pt. 32). En outre, l’Autorité retient que la pression concurrentielle que peuvent exercer les GSA sur les GSS en matière de produits biologiques reste limitée, en dépit du fait que les prix pratiqués dans les GSS bio seraient sensiblement plus élevés que ceux relevés dans les GSA vendant du bio (pt. 40). Cela tient au moins grand nombre de références disponibles dans les GSA et donc à une moindre profondeur de gamme, mais également aux caractéristiques des produits, et à leur moindre diversité et qualité (pt. 37). Mais surtout, l’Autorité observe qu’il existe une clientèle spécifique au sein des GSS, pour laquelle l’achat de produits biologiques en GSS relève de convictions personnelles, voire même d’une démarche d’opposition aux GSA, qui se traduirait par le fait qu’un client de GSS qui voit son magasin GSS de prédilection fermer sera amené à se reporter sur la GSS la plus proche (pt. 38).

Sur le marché amont de l’approvisionnement en produits biologiques, l’Autorité a écarté tout risque d’atteinte à la concurrence, l’opération soumise à son examen n’étant pas de nature à renforcer de façon significative la puissance d’achat de Carrefour ou à générer une situation de dépendance économique des fournisseurs de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché amont de l’approvisionnement. À cet égard, l’Autorité a appliqué le test européen fixant le seuil à partir duquel il existe un risque de dépendance économique du fournisseur à 22 %, seuil au-delà duquel un producteur ne peut remplacer la perte d’un client sans subir de pertes financières considérables (pt. 62). En l’espèce, le test de marché mené auprès des fournisseurs n’a pas conduit à identifier de situations dans lesquelles l’opération créerait ou renforcerait un état de dépendance économique affectant la concurrence (pt. 64).

S’agissant du marché aval de la distribution de produits à dominante alimentaire, l’Autorité a, au cas d’espèce, adapté la méthodologie d’analyse concurrentielle usuellement retenue en matière de distribution.

Ainsi, lorsque, dans une zone de chevauchement d’activités entre les parties, les parts de marché cumulées de celles-ci sont inférieures à 25 % — c’était le cas en l’espèce dans 9 zones sur les 32 zones de chevauchement identifiées —, tout risque d’atteinte à la concurrence peut être écarté (pt. 78). S’agissant des zones dans lesquelles les parts de marché cumulées des parties se situent entre 25 % et 50 %, l’Autorité a considéré, en l’espèce et pour écarter tout doute sérieux d’atteinte à la concurrence sur des marchés délimités pour la première fois, que les zones dans lesquelles i) le nombre de groupes concurrents est inférieur à trois ou dans lesquelles ii) l’indice de Herfindahl Hirschman (ci-après « IHH ») associé à l’opération est supérieur à 2000, combiné à un delta d’IHH supérieur à 500, devaient faire l’objet d’un examen approfondi de la structure concurrentielle locale (pt. 79). L’application de ces critères aux 15 zones dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité est comprise entre 25 % et 50 % conduit à restreindre l’examen approfondi de la structure concurrentielle locale à 10 de ces zones (pt. 80). Enfin, au-delà de 50 % de parts de marché cumulées, une analyse locale circonstanciée est menée, afin de déterminer si, après l’opération, subsisteront dans la zone des alternatives crédibles et suffisantes à la nouvelle entité. Ce cas de figure s’est rencontré dans 8 zones sur 32 (pt. 81).

Ainsi, l’Autorité a conduit un examen approfondi dans 18 zones sur les 32 zones de chevauchement identifiées. L’analyse de ces 18 zones montrent que dans la plupart des cas — 13 sur 18 —, le principal concurrent de la nouvelle entité est une filiale de Casino, vraisemblablement le concurrent le plus proche des deux enseignes bio de carrefour. Dans quatre zones, l’enseigne du groupe Casino est même le seul concurrent restant face à la nouvelle entité, de sorte que l’opération y ouvre la voie à la création d’un duopole, ce qui entraîne la perte d’une alternative, sur un marché qui était déjà fortement concentré avant l’opération. Pour le reste, on observera que les indices HHI sont systématiquement élevés, de même que le delta d’IHH, c‘est-à-dire l’incrément de part de marché, et que c’est principalement les résultats de l’application de ce critère qui conduit l’Autorité à considérer que l’opération se traduit par la création d’un pouvoir de marché important dans la zone pour le groupe Carrefour, sans pouvoir exclure que la frange concurrentielle subsistante soit en l’espèce insuffisante pour discipliner efficacement le comportement de la nouvelle entité dans la zone.

À l’issue de son analyse des 18 zones concernées, l’Autorité a identifié des risques d’atteinte à la concurrence dans dix zones — Paris Bourgogne, Paris Cléry, Paris Lecourbe, Paris Poteau, Levallois-Perret, Nancy, Puteaux, Toulouse Frères Lion, Toulouse Paul Vidal et Toulouse Rémusat.

Pour résoudre les problèmes identifiés, Carrefour a souscrit des engagements structurels consistant en huit cessions de magasins situés dans les zones concernées. La différence entre le nombre de zones affectées et le nombre de cessions envisagées tient au fait que dans deux cas — Paris Bourgogne et Paris Lecourbe d’une part et Toulouse Paul Vidal et Toulouse Rémusat, d’autre part — les zones de chalandise sont limitrophes voire se chevauchent pour partie, de sorte que le magasin cible qui a fait l’objet des engagements soumis par la partie notifiante dans l’une des zone est également situé dans la zone de chalandise du magasin de l’autre zone.
 
Dans 6 zones affectées, les cessions permettront de supprimer tout chevauchement d’activités entre les parties (pt. 203). Dans 4 zones, elles permettront de ramener les parts de marché de la nouvelle entité à un niveau raisonnable, en tout état de cause inférieur à 50 %, tout en donnant la possibilité aux enseignes concurrentes de renforcer leur présence ou de s’implanter dans les zones concernées et, ainsi, d’exercer une concurrence plus efficace sur la nouvelle entité (pt. 204). En conséquence, l’Autorité a autorisé l’opération, sous réserve du respect des engagements souscrits.  Les repreneurs devront être agréés par l’Autorité, qui s’assurera qu’ils seront à même de constituer une offre alternative crédible en matière de distribution de produits biologiques sous format GSS, dans chacune des 8 zones concernées.

Par ailleurs, un mandataire indépendant agréé par l’Autorité s’assurera de la mise en œuvre de ces engagements de cession.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



On verra encore la décision n° 21-DCC-147 du 30 août 2021 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence autorise la Caisse des dépôts et consignations et Nexity à prendre le contrôle conjoint de la société Miniburo, qui proposera des espaces de travail partagés ou espaces de « co-working » en Île-de-France.

Dans le projet de Miniburo, la CDC interviendra notamment au titre de sa gestion du Programme d’investissement d’avenir (PIA), issu d’une convention entre l’État et la CDC relative au programme d’investissements d’avenir. Quant à Nexity, elle interviendra dans la société Miniburo conjointement avec sa filiale Morning, qui propose des espaces de co-working en France.

À cette occasion, l’Autorité a identifié pour la première fois un marché de la mise à disposition d’espaces de travail partagés (« co-working), distinct des autres activités du secteur immobilier. Cette activité intègre toutes les prestations de services relatives à la mise à disposition d’espaces de travail de façon ponctuelle ou récurrente, à destination des travailleurs individuels, indépendants ou des entreprises, qui ne relèvent pas des modes de location longue durée de bureaux. La différence avec la gestion d’actifs immobiliers de bureaux traditionnels, réside, d’une part, dans les modalités et la durée de location et, d’autre part, dans la nature des espaces et des prestations annexes offertes.

L’instruction a également mis en évidence une distinction possible entre les espaces répondant aux normes du code du travail pour l’accueil des travailleurs (ERT) destinés uniquement aux entreprises, et les espaces répondants aux normes du code de la construction et de l’habitation pour l’accueil du public (ERP), destinés majoritairement aux travailleurs individuels ou indépendants. L’Autorité considère néanmoins que cette question peut être laissée ouverte, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée, quelle que soit la segmentation retenue.

S’agissant de la dimension géographique qui pourrait être retenue pour le marché de la mise à disposition d’espaces de travail partagés, l’Autorité a constaté qu’il était pertinent de retenir une délimitation géographique identique à celle retenue pour les autres marchés de services immobiliers, une analyse sur une zone plus locale pouvant être envisagée pour les lieux répondant aux normes ERP.
 
CDC et Nexity, via leurs filiales, interviennent sur ce marché, en plus de leurs activités dans la gestion d’actifs immobiliers et de promotion immobilière. Leur filiale Miniburo interviendra également sur ce marché.

Dans l’analyse concurrentielle de l’opération, l’Autorité a examiné d’abord les effets horizontaux de l’opération résultant du chevauchement d’activité des parties sur le marché de la mise à disposition d’espaces de travail partagés. À cet égard, l’Autorité observe que la part de marché cumulée, à l’issue de l’opération, sera  inférieure à 25 % au niveau régional. Quant aux liens verticaux existant entre ce marché et les marchés de la gestion d’actifs immobiliers, là encore, l’Autorité n’a pu que constater les parts de marchés des parties aussi bien sur le marché aval de la mise à disposition d’espaces de travail partagés co-working que sur le marché amont de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers de bureaux. Enfin, l’Autorité s’est attachée à rechercher, compte tenu de la nature de l’opération, si un risque de coordination de comportements des sociétés CDC et Nexity pouvait être envisagé. Sur quoi, elle a écarté tout risque d’effet anticoncurrentiel lié à l’opération compte tenu des parts de marché limitées des parties, tant sur le marché de la promotion immobilière que sur celui de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers de bureau.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



Les 8 décisions simplifiées :

Décision n° 21-DCC-154 du 20 septembre 2021 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Point Vision par la société Ares Management Corporation ;

Décision n° 21-DCC-155 du 13 septembre 2021 relative à la prise de contrôle exclusif d’un fonds de commerce de concession automobile par la société Renault Retail Group ;

Décision n° 21-DCC-158 du 15 septembre 2021 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Dijon Métropole Smart Energhy par la société ADEME Investissement aux côtés de Dijon Métropole et des sociétés Rougeot Énergie Invest et Storengy ;

— Décision n° 21-DCC-159 du 17 septembre 2021 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Saja et Sajaloc par la société Codiva ;

Décision n° 21-DCC-160 du 10 septembre 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SGMR par le groupe Colisée ;

Décision n° 21-DCC-162 du 10 septembre 2021 relative à la prise de contrôle conjoint de la société HydroCEE par Monsieur Entemeyer et les sociétés Primeo Énergie France et 5K ;

Décision n° 21-DCC-165 du 16 septembre 2021 relative à la création d’une entreprise commune de plein exercice par les sociétés Apagal et ITM Entreprises ;

Décision n° 21-DCC-167 du 20 septembre 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Grenard Holding par la société Amplitude.

EN BREF : L’Autorité sanctionne une nouvelle exclusivité d’importation à La Réunion

 

Par décision n° 21-D-23 du 7 octobre 2021, l’Autorité de la concurrence a condamné la société Cattier pour avoir, du 1er août 2013 au 24 mai 2017, accordé des droits exclusifs d’importation sur sa gamme de champagnes sous la marque Cattier à la société Chrysyl (exploitée sous le nom commercial « Le Vinarock ») sur le territoire de La Réunion, en contravention avec les dispositions de la loi Lurel », qui prohibe les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises en outre-mer. En conséquence, l’Autorité a lui infligé une sanction de 5 000 euros.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 

L’ouvrage de Thibault Schrepel, intitulé « Blockchain + Antitrust: The Decentralization Formula » vient de paraître. L’auteur y explore la relation entre blockchain et droit de la concurrence, analyse toutes les affaires d'ores et déjà jugées, souligne les avantages mutuels qui découlent de la coopération entre les deux, et offre une perspective sur la façon dont le droit et la technologie pourraient coopérer (d'où le « + » du titre) au lieu de (simplement) s’affronter.

La version papier peut être achetée sur différents sites de vente en ligne tandis que la version digitale est disponible en libre accès ICI.

 

Bonjour,
 
Les cabinets NERA Economic Consulting, Racine et Energy Community, en partenariat avec la Revue Concurrences, ont le plaisir de vous inviter à la prochaine conférence « Droit et économie de la concurrence »  qui aura lieu le mardi 12 octobre de 15:30 à 17:00 CEST sur le thème :
 
« Hydrogen: Cooperation & State Aid ».

Les intervenants seront :

— Pascal BELMIN | VP, Head of EU Regulatory Affairs, Airbus, Paris

— Dirk BUSCHLE | Professor and Chairholder of the European Energy Policy Chair, College of Europe, Bruges

— Alexandre CARBONNEL | Associate Director, NERA Economic Consulting, Paris

— Leigh HANCHER | Professor of European Law, University of Tilburg | Florence School of Regulation - Energy, Brussels

— Gökçe METE | Research Fellow, Stockholm Environment Institute – Climate Energy and Society Unit, Stockholm

— Bastien THOMAS | Partner, Racine, Paris

Le programme ainsi que la liste complète des intervenants sont disponibles sur le site dédié (Inscription libre et gratuite).
 
Pour toute question, merci de contacter par E-MAIL.
 
Nous espérons vous accueillir — virtuellement — nombreux le mardi 12 octobre pour ce webinaire.

Meilleures salutations,

Dirk Buschle | Professor and Chairholder of the European Energy Policy Chair, College of Europe, Bruges
Alexandre CARBONNEL | Associate Director, NERA Economic Consulting, Paris
Bastien THOMAS | Partner, Racine, Paris

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