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Hebdo n° 39/2021
25 octobre 2021
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Estimant que la Commission pouvait se contenter d’examiner ensemble les différents marchés par paires de villes au départ ou à destination d’un aéroport, et non spécifiquement pour chaque marché par paires de villes, le Tribunal de l’Union rejette les recours de la compagnie aérienne polonaise LOT à l’encontre des décisions autorisant respectivement easyJet et Lufthansa à acquérir les slots de la compagnie Air Berlin en faillite

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : Les décisions autorisant, d’une part, le rapprochement de Fiat Chrysler et de PSA et, d’autre part, l'acquisition de Refinitiv par London Stock Exchange Group (LSEG) sont en ligne

ANNONCE COLLOQUE : « Innovations du droit de la concurrence devant le juge de droit commun » — Paris, 17 novembre 2021 de 9h à 18 h [Message de Muriel Chagny]

JURISPRUDENCE UE : Estimant que la Commission pouvait se contenter d’examiner ensemble les différents marchés par paires de villes au départ ou à destination d’un aéroport, et non spécifiquement pour chaque marché par paires de villes, le Tribunal de l’Union rejette les recours de la compagnie aérienne polonaise LOT à l’encontre des décisions autorisant respectivement easyJet et Lufthansa à acquérir les slots de la compagnie Air Berlin en faillite

 

Le 20 octobre 2021, le Tribunal de l’Union a rendu, dans les affaires T‑240/18 et T‑296/18 deux arrêts concernant la cession des actifs de la deuxième compagnie aérienne allemande — Air Berlin — à la suite de sa faillite, et ce, d’une part au profit de Lufthansa qui fait là l’acquisition de la compagnie aérienne régionale LGW, filiale d'Air Berlin active dans le trafic d'appoint pour les activités court-courrier et long-courrier d'Air Berlin aux aéroports de Berlin et de Düsseldorf et, d’autre part, au profit d’easyJet, qui, elle, fait l’acquisition de slots à partir et à destination de l'aéroport de Berlin Tegel.

Par décision du 21 décembre 2017, la Commission a autorisé, sous conditions, l'acquisition de LGW par Lufthansa. Elle a considéré que l'augmentation du portefeuille de slots de Lufthansa à l'aéroport de Düsseldorf, grâce à l'acquisition de LGW, était de nature à avoir des incidences négatives sur les passagers en termes de prix et/ou de choix des services. Lufthansa s’est alors engagé à limiter le transfert de slots à l'aéroport de Düsseldorf pour la saison estivale au nombre de créneaux horaires utilisés par deux appareils. De sorte que le portefeuille de slots de Lufthansa à l'aéroport de Düsseldorf n'augmenterait que de 1 % par rapport à un scénario où l'opération n'aurait pas lieu, tandis que 50 % des slots à l'aéroport de Düsseldorf seront détenus par les concurrents de Lufthansa.

Par décision du 12 décembre 2017, la Commission a autorisé sans conditions, l’acquisition de certains actifs — en pratique, des slots — d’Air Berlin par easyJet, à partir et à destination de l'aéroport de Berlin Tegel. La Commission a considéré que l’acquisition de ces slots dans un aéroport saturé ne permettrait pas à easyJet d'évincer des concurrents du marché du transport aérien de passagers vers et depuis Berlin, dans la mesure où elle restera confrontée à une forte concurrence de la part de grands transporteurs comme Lufthansa et Ryanair sur les routes depuis et vers Berlin.

À la faveur de ces deux décisions, la Commission a, pour la première fois dans des affaires ayant trait aux services de transport aérien de passagers, renoncé à définir les marchés pertinents par paires de villes, entre un point d’origine et un point de destination (marchés O & D). En effet, constatant qu’Air Berlin avait cessé ses activités avant que l’autorisation des opérations de concentration ne soit donnée, et par suite qu’elle était sortie de l’ensemble des marchés O & D, la Commission a considéré que cette concentration, en tant que celle-ci portait principalement sur des créneaux horaires, conduirait l’intervenante à reprendre les positions détenues par Air Berlin, non pas spécifiquement sur les marchés O & D sur lesquels cette dernière était antérieurement présente, mais sur les aéroports auxquels ces créneaux horaires étaient rattachés. En conséquence, elle a estimé préférable d’agréger, aux fins de son analyse, l’ensemble des marchés O & D au départ ou à destination de chacun des aéroports auxquels ces créneaux horaires étaient rattachés. Ce faisant, elle a défini les marchés pertinents comme étant ceux de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports. Elle a ensuite vérifié que lesdites concentrations n’étaient pas de nature à créer « une entrave significative à une concurrence effective », en l’occurrence, notamment en conférant respectivement à easyJet et à Lufthansa la capacité et un intérêt à verrouiller l’accès à ces marchés.

La compagnie polonaise LOT a introduit deux recours devant le Tribunal de l’Union respectivement contre les deux décisions d’autorisation de la Commission, invoquant à l’appui de ses recours sensiblement les mêmes moyens

Par ses arrêts du 20 octobre 2021, le Tribunal, rejetant l’intégralité des moyens invoqués dans chacune des deux affaires, valide donc tout entière l’approche de la Commission concernant tout particulièrement la délimitation des marchés pertinents.

S’agissant en premier lieu, de la première branche du premier moyen, tirée de ce qu’Air Berlin n’avait pas cessé ses activités antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci et devait être regardée comme une entreprise aux fins de l’appréciation des effets de cette concentration, le Tribunal, constatant qu’Air Berlin aurait cessé ses activités, même en l’absence de la concentration en cause, retient que la Commission a considéré, à juste titre, qu’Air Berlin avait cessé ses activités indépendamment de cette concentration (aff. T-296/18, pt. 38). Par ailleurs, le Tribunal, confirmant que les actifs acquis dans le cadre de ces opérations de concentration constituaient une entreprise ou une partie d’entreprise au sens du règlement n° 139/2004, alors même qu’Air Berlin avait cessé ses activités antérieurement à cette concentration (aff. T-296/18, pt. 62), estime, en revanche, que les activités conservées par Air Berlin ne pouvaient être considérées comme une entreprise concernée au sens du règlement n° 139/2004, dans la mesure où les entreprises concernées au sens de ce règlement sont la ou les parties acquéreuses et la ou les parties acquises de l’entreprise cible, mais non les activités conservées par le cédant (aff. T-296/18, pts. 59-60).

S’agissant en deuxième lieu de la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission aurait dû examiner la concentration en cause sur chacun des marchés O & D pertinents, le Tribunal observe que la Commission a considéré, à l’instar de la requérante, que, bien que les compagnies aériennes fussent du côté de la demande sur le marché des services d’infrastructures aéroportuaires, l’accroissement du nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante pouvait éventuellement lui permettre de verrouiller l’accès à ces services, de sorte qu’elle a ainsi vérifié si l’accroissement du nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante donnerait à cette dernière la capacité ou l’incitation à verrouiller l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires et, par voie de conséquence, aux différents marchés O & D au départ ou à destination desdits aéroports (aff. T-296/18, pt. 75). Par suite, estime-t-il, et contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a tenu compte des éventuels effets de la concentration en cause sur les marchés O & D pertinents, bien qu’elle n’ait pas examiné chacun de ces marchés individuellement (aff. T-296/18, pt. 76).

En outre, compte tenu de la cessation des activités d’Air Berlin, de sorte que ses activités et celles de Lufthansa ne se chevauchaient plus sur aucun de ces marchés et que les slots d’Air Berlin n’étaient rattachés à aucune liaison, la Commission a pu considérer, à juste titre, qu’ils pouvaient être utilisés par Lufthansa sur d’autres marchés O & D que ceux sur lesquels Air Berlin était précédemment présente. Dès lors, à la différence des concentrations impliquant des compagnies aériennes encore en activité, il n’était pas certain, en l’espèce, que la concentration en cause ait un quelconque effet sur la concurrence sur les marchés O & D dans lesquels Air Berlin était présente avant la cessation de ses activités (aff. T-296/18, pts. 80-81). Par ailleurs, le Tribunal relève que la requérante n’apporte aucun élément de nature à démontrer que l’examen des effets de la concentration en cause sur les marchés de services d’infrastructures aéroportuaires ne permettait pas d’identifier d’éventuelles entraves à la concurrence effective sur les différents marchés O & D au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin (aff. T-296/18, pt. 82).

Sur le deuxième moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation des effets des concentrations en cause, le Tribunal commence par examiner la première branche du moyen, tirée des effets des accords roof wet lease et wet lease du 16 décembre 2016, en application desquels Air Berlin louait à deux filiales de Lufthansa des aéronefs avec leur équipage pour une durée de six ans avant que cette dernière ne les acquière définitivement dans le cadre de ladite concentration. À cet égard, le Tribunal relève que l’accord roof wet lease et la concentration en cause doivent être regardés comme étant deux transactions distinctes, de sorte que, contrairement à ce que soutient la requérante, cet accord ne saurait être regardé comme constituant un élément de cette concentration (aff. T-296/18, pt. 97).

Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée des effets de la concentration en cause sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports concernés, le Tribunal est parvenu à la conclusion que la seule circonstance que, en l’absence de la concentration en cause, certains des slots transférés à Lufthansa  et easyJet auraient pu être attribués à d’autres compagnies aériennes, réduisant ainsi, pour ces dernières, les barrières à l’entrée s’agissant des aéroports concernés, ne permet pas, en tant que telle, de démontrer que cette concentration était susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ainsi que le rappelle le Tribunal, la circonstance qu’une concentration produirait des effets anticoncurrentiels n’est pas, en soi, suffisante pour considérer que cette concentration serait incompatible avec le marché intérieur. Seules les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur (aff. T-296/18, pts. 106-107).

Par ailleurs, le Tribunal ne décèle aucune erreur manifeste d’appréciation, compte tenu notamment du taux de congestion peu élevé des derniers aéroports concernés ou de l’effet limité de ces concentrations sur l’augmentation des parts des créneaux horaires détenues par Lufthansa et par easyJet.

Enfin, s’agissant de la concentration notifiée par easyJet, le Tribunal relève que l’attribution de créneaux horaires permet d’accéder aux services d’infrastructures aéroportuaires et que les slots constituaient donc des intrants nécessaires pour la fourniture de services de transport aérien de passagers. Il s’ensuit qu’il existe une relation verticale entre, d’une part, l’attribution des slots, qui se situent en amont de la chaîne d’approvisionnement au sens des lignes directrices relatives aux concentrations non horizontales et, d’autre part, la prestation de services de transport aérien de passagers, qui se situe en aval de celle-ci (aff. T-240/18, pt. 76).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : Les décisions autorisant, d’une part, le rapprochement de Fiat Chrysler et de PSA et, d’autre part, l'acquisition de Refinitiv par London Stock Exchange Group (LSEG) sont en ligne

 

Le 11 octobre 2021, la Commission européenne a rendu publique la décision datée du 21 décembre 2020, qui autorise, à la suite d’une phase II et moyennant remèdes, le rapprochement de Fiat Chrysler (Fiat, Chrysler, Jeep, Alfa Romeo, Lancia, Abarth, Dodge) et de Peugeot S.A. (Peugeot, Citroën, Opel, Vauxhall et DS) en vue de la création de « Stellantis », le quatrième groupe automobile mondial.

En définitive, l’opération n’a suscité de préoccupation de concurrence que sur marché des véhicules utilitaires légers est important pour de nombreux indépendants et petites et moyennes entreprises dans toute l'Europe.

La structure de l'offre sur les marchés des véhicules utilitaires se caractérise par un nombre plus limité de concurrents que sur les marchés des voitures particulières, avec des parts de marché qui sont restées relativement stables au cours de la dernière décennie et où, à l'exception de Toyota (et de Maxus pour les véhicules utilitaires électriques dans certains pays de l'EEE), aucune nouvelle entrée sérieuse n'a eu lieu. La taille plus réduite des marchés, par rapport aux marchés des véhicules de tourisme, fait qu'il est plus difficile d'atteindre l'échelle nécessaire pour investir dans les installations de production requises, ce qui incite les équipementiers à partager les coûts par le biais de nombreux accords d'approvisionnement croisé (pt. 212).

la Commission relève qu’une comparaison des ventes des parties montre que leur portefeuille de véhicules se chevauche avec une intensité particulière dans les petits véhicules utilitaires légers. Elles ont une proportion de ventes de petits véhicules utilitaires légers plus élevée que la moyenne, et la nouvelle entité disposera du plus grand portefeuille de modèles dans les petits véhicules utilitaires légers. Ce qui suggère que Fiat Chrysler et PSA se font une concurrence étroite pour les petits véhicules utilitaires légers. L'enquête approfondie sur le marché a ainsi montré que les parties fixent le prix de leurs modèles équivalents (en termes de taille/capacité de chargement) de manière similaire, et plus proche que celui des modèles équivalents des concurrents. De sorte que, pour la Commission, les parties peuvent être considérées comme des concurrents au moins proches sur le marché des petits véhicules utilitaires légers de l'EEE, ainsi que sur un grand nombre de marchés nationaux, et notamment sur tous les marchés sur lesquels la Commission émet des doutes quant à la compatibilité de l’opération avec le marché intérieur (pts. 339-340). Ainsi, en 2019, il n’existe que trois États membre sur les 30 que compte l’EEE dans lesquels les parts de marché des parties sont inférieures à 20 % (Bulgarie, Roumanie et Islande).

En revanche, la Commission estime que, malgré les facteurs atténuants relevés, et compte tenu i) de la part de marché très élevée des parties, supérieure à 50 %, qui s'est maintenue au cours de la dernière décennie, ii) de l'augmentation de la part de marché du fait de l’opération, iii) de l'écart de la nouvelle entité avec le concurrent restant le plus important, voire par rapport à tous les autres concurrents sur le marché, iv) du fait que les parties sont des concurrents particulièrement proches et, notamment, que Fiat, d'une part, et Peugeot et Citroën, d'autre part, sont les concurrents les plus proches les uns des autres ; (v) que les concurrents restants ne semblent pas exercer à eux seuls une contrainte suffisante, et (vi) que de nouvelles entrées sur le marché à court ou moyen terme sont peu probables, l'opération envisagée soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur sur les marchés des petits véhicules utilitaires légers en Belgique (pt. 366), en Tchéquie (pt. 393), en France (pt. 434), en Grèce (pt. 453), en Italie (pt. 491), en Lithuanie (pt. 516), en Pologne (pt. 554), au Portugal (pt. 571), en Slovaquie (pt. 588) car elle est susceptible d'entraver de manière significative une concurrence effective sur ce marché, en effet, elle est susceptible d'entraver de manière significative une concurrence effective sur ce marché, soit par la création d'une position dominante, soit par l'élimination de contraintes concurrentielles importantes que les parties exerçaient l'une sur l'autre et par une réduction de la pression concurrentielle sur les concurrents restants.

Sur les autres marchés où les deux constructeurs automobiles exercent actuellement leurs activités, la concurrence restera soutenue après la concentration. Il en va ainsi des marchés des véhicules utilitaires moyens à propos desquels la Commission conclut qu'en général, au niveau de l'EEE, Fiat Chrysler et PSA ne sont pas des concurrents particulièrement proches (pt. 663), même en France (pt. 697) et en Italie (pt. 725). Si, sur le marché comprenant à la fois les véhicules utilitaires de grande taille et ceux de 3,5 à 6 tonnes, les parties peuvent être regardées comme des concurrents au moins proches au niveau de l’EEE et comme des concurrents particulièrement proches sur de nombreux marchés nationaux (pt. 807), la Commission estime, après avoir passé en revue la situation concurrentielle dans l’ensemble des pays de l’EEE, que l'opération envisagée n'entravera pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective, ni sur le marché des véhicules utilitaires de grande taille, ni sur un marché hypothétique comprenant uniquement des véhicules utilitaires de 3,5 à 6 tonnes.

Sur les marchés des véhicules de tourisme, les conclusions de la Commission sont moins alarmantes.

Sur le segment de marché où les parties étaient les plus présentes, le segment A des mini-citadines (Fiat 500, Twingo, 108, Aygo, C1…), la Commission a procédé à une analyse contrefactuelle reposant sur un scénario dans lequel l'opération de concentration envisagée n’aurait pas lieu. Or, dans un tel scénario, la part de marché de PSA deviendrait d'ici 2022 de [0-5]% ou proche de [0-5] %, de sorte que, d'ici 2022, tout chevauchement entre les parties sur les marchés des mini-voitures dans l'EEE disparaitra (pt. 1135). Dès lors, la Commission a pu en conclure que l'opération envisagée n'entraverait pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur le segment A des mini-citadines (pt. 1141). Elle a ensuite examiné les forces en présence sur le segment B des citadines (Fiesta, Mini, 208, Clio, Zoé, Yaris, Polo…) et même sur un marché hypothétique réunissant à la fois les mini-citadines et les citadines (segments A et B). Toutefois, la Commission a du se rendre à l’évidence que les parties ne sont pas des concurrents proches dans la mesure où Fiat Chrysler est particulièrement présente sur le segment A des mini-citadines tandis que PSA est, elle, plus forte sur le segment B des citadines, et qu’elles ne considèrent pas les modèles de l'autre partie dans ces deux segments comme des contraintes concurrentielles importantes pour ces propres modèles.

Sur aucun autre segment des véhicules de tourisme l’opération envisagée n’est de nature à entraver de manière significative l'exercice d'une concurrence effective. Sur les segments C des véhicules compacts et D des berlines familiales, la présence des marques allemandes (Volkswagen, BMW, Daimler) est particulièrement prégnante. Sur le segment J des SUV, si la nouvelle entité aura un part de marché globale de [20-30] %, Fiat Chrysler est beaucoup moins présente sur ce segment que PSA. À cet égard, la Commission considère que, compte tenu de la part cumulée modérée des parties, de la très faible présence de FCA sur ce marché, de l'absence de proximité particulière entre les parties, du dynamisme et de la croissance du marché, du niveau de concentration relativement faible de ce marché, avec au moins neuf concurrents occupant des positions plus fortes au niveau de l'EEE, l'opération envisagée n'entravera pas de manière significative une concurrence effective sur un marché comprenant tous les SUV. Quant au Segment M, en perte de vitesse, des monospaces, la Commission estime que, malgré l'importance de la part de marché cumulée de la nouvelle entité à l'issue de l'opération, compte tenu de l'absence de proximité entre les parties, du fort déclin du marché, des contraintes hors marché exercées par d'autres marchés de produits sur lesquels les parties sont plus faibles, notamment celles exercées par l’offre du segment J des SUV, et de l'existence d'au moins sept concurrents sur le marché, dont quatre occupent également des positions importantes à l'échelle de l'EEE et dont deux (Daimler et VW) ont obtenu de meilleurs résultats que les parties au cours des trois dernières années, l'opération envisagée n'entraverait pas de manière significative une concurrence effective sur le marché du segment M.

Par Ailleurs, la Commission a analysé l'impact de l'opération envisagée (i) sur les marchés de la distribution en gros de véhicules utilitaires et de véhicules utilitaires légers (ensemble et séparément) au niveau de l'EEE et au niveau national, et (ii) sur les marchés de la distribution au détail de véhicules utilitaires et de véhicules utilitaires légers (ensemble et séparément) au niveau de l'EEE, au niveau national et au niveau local.

Sur les marchés de la distribution en gros de véhicules utilitaires et de véhicules utilitaires légers, la Commission observe que les parts de marché de la nouvelle entité demeurent globalement modérées et que, partout,  l’incrément de la part de marché serait faible , voire très faible, ce qui suggère que la structure concurrentielle des marchés ne serait pas ou très peu affectée (pt. 1641) et donc que que l'opération envisagée n'entravera pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective sur ces marchés (pt. 1642). La Commission parvient a une conclusion identique à propos des marchés de la distribution au détail de véhicules utilitaires et de véhicules utilitaires légers.

Quant à l’évaluation des aspects verticaux de l’opération tenant notamment au fait que Faurécia, la filiale de PSA, est présente sur les marchés des composants automobiles, la Commission observe qu’un nombre important de concurrents sont actifs sur le marché amont et peuvent fournir des composants automobiles, mais aussi qu'il existe des capacités inutilisées sur le marché, de sorte que l'entité issue de la concentration n'aura ni la capacité ni l'incitation à se livrer à un verrouillage des intrants sur ces composants automobiles (pts. 1842, 1876, 1908). S’agissant du risque de verrouillage de la clientèle, la Commission l’écarte également, dans la mesure où il existe un nombre important de constructeurs actifs sur le marché en aval de la fabrication et de la fourniture de véhicules de tourisme et de véhicules utilitaires légers qui achètent des composants, mais aussi en raison de l'incidence limitée de l'opération envisagée sur la structure du marché et du fait que que les équipementiers préfèrent s'approvisionner auprès de plusieurs fournisseurs. En sorte que  l'entité issue de la concentration n'aura ni la capacité ni l'incitation à verrouiller la clientèle pour les composants automobiles dans l'EEE (pts. 1856, 1890, 1922).

Quant au financement des véhicules automobiles lors de leur « achat » en concession (LOA, LDD, prêt) par l’intermédiaire des établissements de crédit adossés aux constructeurs automobiles, la question se posait de savoir si le rapprochement permis par l’opération des deux établissements de crédit adossés respectivement à Fiat Chrysler et PSA ne risquait pas de leur ouvrir un accès à un refinancement à des coûts inférieurs à ceux des établissements de crédit adossés aux constructeurs automobiles concurrents de la nouvelle entité, lequel pourrait alors se traduire par une meilleure pénétration des modèles de cette dernière au détriment de ses concurrents (pt. 1969). Sur quoi, la Commission relève qu’avant l’opération il n’y avait pas ou peu de concurrence directe entre ces établissements de crédit, dans la mesure où FCA Bank ne fournissait pas de financement en concurrence avec ceux de PSA pour l'achat de voitures de marque PSA et vice versa. En tant que tels, les établissements de crédit des parties n'exerçaient pas de contrainte directe les uns sur les autres (pt. 1973). Mais surtout, la Commission considère que, quand bien même l'entité issue de la concentration serait en mesure d'offrir des conditions de financement meilleures et plus compétitives aux consommateurs qui achètent les véhicules des parties, cela ne serait que bénéfique pour les consommateurs et ne serait donc pas anticoncurrentiel, sauf si tous les concurrents de la nouvelle entité se trouvait, du fait de ces conditions de financement améliorées, marginalisés hors du marché. Toutefois, observe-t-elle, aucun acteur du marché n'a apporté une telle preuve (pt. 1978).

Au final, la Commission craignait que l'opération, telle qu'initialement notifiée, ne porte atteinte à la concurrence sur le marché des petits véhicules utilitaires légers dans neuf États membres de l'EEE (Belgique, Tchéquie, France, Grèce, Italie, Lituanie, Pologne, Portugal et Slovaquie), où les entreprises détiennent des parts de marché cumulées élevées ou très élevées et sont des concurrents particulièrement proches. L'acquisition aurait donc probablement entraîné une hausse des prix pour les clients.

Afin de répondre aux préoccupations de concurrence de la Commission, FCA et PSA ont offert les engagements suivants :

i) une extension de l'accord de coopération actuellement en vigueur entre PSA et Toyota pour les petits véhicules utilitaires légers, en vertu duquel PSA produit les véhicules vendus par Toyota sous la marque Toyota principalement dans l'Union européenne. Cela se fera au moyen d'une augmentation de la capacité disponible pour Toyota et d'une réduction des prix de transfert des véhicules et des pièces de rechange/accessoires correspondants. Selon la Commission, cet engagement reflète la nature omniprésente du partage de plateformes entre marques dans le secteur automobile ;

ii) une modification des accords de réparation et d'entretien des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers en vigueur entre PSA, FCA et leurs réseaux de réparateurs, afin de faciliter l'accès des concurrents aux réseaux de réparation et d'entretien de PSA et de FCA pour les véhicules utilitaires légers. Ainsi, il ne pourra être exigé des réparateurs qu’ils prévoient une zone de réception, d'attente ou d'entrée dédiée aux clients des véhicules utilitaires légers de FCA/PSA. Par ailleurs, toute interdiction faite aux réparateurs d'utiliser les outils et l'équipement de PSA/FCA pour réparer ou entretenir les véhicules utilitaires légers des concurrents sera levée.

La Commission a estimé que la première mesure corrective permettra à Toyota de concurrencer de manière effective l'entité issue de la concentration sur les marchés concernés. Quant à la deuxième mesure corrective, elle aidera les nouveaux entrants à se développer et à être concurrentiels sur les marchés des véhicules utilitaires légers. Pour la Commission, la combinaison de ces engagements permet le maintien d'une concurrence effective sur le marché après l'opération et répond donc pleinement à l'ensemble des préoccupations de la Commission en matière de concurrence.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

 



Le 22 octobre 2021, la Commission européenne a rendu publique la décision datée du 13 janvier 2021 à la faveur de laquelle la Commission a autorisé, sous réserve de la souscription d'une série d’engagements, l'acquisition de Refinitiv par London Stock Exchange Group (LSEG).

London Stock Exchange Group (LSEG) est une société mondiale spécialisée dans l'infrastructure des marchés financiers. Elle propose également des produits liés aux données financières. Refinitiv est, quant à elle, un fournisseur de produits liés aux données financières. Elle contrôle également Tradeweb, qui exploite des plateformes de négociation de valeurs mobilières.

L'enquête de la Commission a principalement porté sur le domaine des services de négociation de titres d'État européens, dans lequel les deux parties à la concentration exercent des activités, et sur le domaine de la fourniture de données financières et de la fourniture de services de négociation et de compensation de dérivés de taux d'intérêt de gré à gré, dans lequel l'une des parties exerce des activités en amont et l'autre le long de la chaîne de valeur.

S’agissant d’abord de la négociation électronique de titres d'État européens, la Commission a identifié ce qu’elle considère comme des effets horizontaux délétères, de nature à conduire à la création ou au renforcement d'une position dominante sur ce marché de la négociation électronique de titres d'État européens et ses sous-segments potentiels.

S’agissant ensuite de la négociation de dérivés de taux d'intérêt de gré à gré entre négociants et clients, la Commission a identifié des effets verticaux non moins délétères : l'opération aurait fourni à LSEG la capacité et les incitations pour évincer les plateformes de négociation concurrentes de Tradeweb, mais aussi les fournisseurs d'intergiciels. Il lui aurait suffi de suspendre les compensations, en augmentant les frais, en réduisant la qualité de ses prestations ou en imposant des conditions désavantageuses pour les échanges réalisés sur les plateformes concurrentes de Tradeweb ou par l'intermédiaire de fournisseurs d'intergiciels, ou encore en détériorant la coopération menée par LSEG avec les concurrents de TradeWeb en ce qui concerne l'introduction de nouveaux produits.

Autres effets verticaux délétères possibles, le contrôle de LSEG sur les données de négociation du London Stock Exchange ainsi générées et sur les indices d'actions britanniques qui sont fournis par FTSE Russell. En effet, ces données sont des intrants incontournables pour ces flux de données et les services au poste de travail, dans la mesure où il n'existe aucun substitut viable à l'offre de LSEG. À cet égard, la Commission est parvenue à la conclusion que l’opération envisagée aurait fourni à LSEG la capacité et les incitations pour refuser ou limiter la possibilité qu'ont les concurrents de Refinitiv d'accéder aux données de LSE liées à la plateforme et aux indices d'actions britanniques fournis par FTSE Russell.

Enfin, la Commission a identifié une troisième série d’effets verticaux délétères, liés ceux-ci à l'octroi de licences pour les indices. En effet, les indices WM/R FX de Refinitiv figurent parmi les intrants les plus importants pour la conception et le calcul des indices, au point qu’ils sont largement adoptés sur le marché et n'ont aucun substitut viable. La Commission a donc estimé qu'à la suite de l'opération, les concurrents sur le marché de l'octroi de licences pour les indices pourraient se voir refuser l'accès aux données d'entrée indispensables dont dispose Refinitiv.

Afin de répondre aux préoccupations de concurrence de la Commission, London Stock Exchange Group a proposé les engagements suibants :

i) Céder sa participation de 99,9 % dans le groupe Borsa Italiana, qui inclut MTS (la plateforme de LSEG où se négocient les titres d'État européens), à un acquéreur approprié, à savoir Euronext. Cet engagement supprime entièrement tout chevauchement horizontal entre les activités exercées par chacune des sociétés dans le domaine de la négociation électronique de titres d'État européens.

ii) Continuer de proposer en libre accès les services de compensation de dérivés de taux d'intérêt de gré à gré fournis par LCH Swapclear et ne pas adopter de stratégies commerciales qui opéreraient une discrimination entre les clients selon la source des échanges de dérivés de taux d'intérêt de gré à gré soumis à la compensation auprès de LSEG. Ce faisant, London Stock Exchange Group ne pratiquera pas de discrimination entre Tradeweb et les plateformes de négociation et fournisseurs d'intergiciels tiers en ce qui concerne les frais de compensation, les niveaux de service, les spécifications techniques et les normes opérationnelles, mais aussi pour ce qui touche à l'introduction de nouveaux produits.

iii) Fournir un accès aux données de la plateforme LSE, aux indices d'actions britanniques de FTSE et aux indices WM/R FX à tout concurrent actuel et futur en aval, et ce sans détériorer les technologies, la qualité ni le service par rapport à ce qui est fourni de manière interne au groupe. LSEG s'engage également à maintenir une séparation, en termes d'informations, entre le personnel chargé du traitement d'informations sensibles sur les clients de LSEG et les activités de Refinitiv dans le domaine des flux de données consolidés en temps réel et des solutions au poste de travail, afin d'éviter tout échange d'informations de ce type avec Refinitiv qui pourrait être préjudiciable pour les vendeurs de données tiers.

La durée des engagements 2 et 3 est de dix ans. Un mécanisme de règlement accéléré et contraignant des différends est aussi prévu à destination des tiers qui estiment que LSEG ne respecte pas ces engagements. Un mandataire veillera à la mise en œuvre des engagements et fera office de point de contact pour les plaignants éventuels, y compris dans le cadre du mécanisme de règlement accéléré des différends.

Estimant que les engagements proposés par LSEG remédient pleinement aux problèmes de concurrence soulevés , la Commission est parvenue à la conclusion que l'opération, telle que modifiée par les engagements, ne poserait plus de problème de concurrence.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

Innovations du droit de la concurrence devant le juge de droit commun

Paris, 17 novembre 2021 de 9h à 18h

 

Bonjour,

Pour la septième édition des Entretiens de la concurrence, la Cour d’appel et le Tribunal de commerce de Paris organisent une manifestation consacrée aux Innovations du droit de la concurrence devant le juge de droit commun.

Cette journée réunissant de nombreux spécialistes du droit de la concurrence se tiendra, le 17 novembre 2021 de 9h00 à 18 h, au Tribunal de commerce dans la grande salle d’audience (1 quai de la Corse - 75004 Paris).

Outre les propos d'accueil de Paul-Louis Netter, président du Tribunal de commerce de Paris et la conclusion de Jean-Michel Hayat, premier président de la Cour d’appel de Paris, cette manifestation abordera les thèmes suivants :
 
— Innover dans les règles de concurrence (l’office du juge, les nouveaux défis), table-ronde animée par Nathalie Dostert, présidente de la 15e Chambre du Tribunal de commerce de Paris

— Innover dans les sanctions judiciaires, table-ronde animée par Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre, coordonnatrice du pôle économique et commercial de la Cour d’appel de Paris

— Innover dans les procédures judiciaires, table-ronde animée par Agnès Maitrepierre, présidente de la Chambre de la régulation économique et financière de la Cour d’appel de Paris
 
Le programme complet de la journée ainsi que les modalités d’inscription sont disponibles ICI.

Bien cordialement,

Muriel Chagny

Président de l'AFEC
Directeur du master Concurrence Contrats (UVSQ Paris-Saclay)
Directeur du laboratoire DANTE

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