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Odyssée Argentique

Brèves de café ☕🇦🇱

📍 Pogradec (Albanie)
📅 212 jours depuis le départ
🥾 3 955 kilomètres depuis Tours
📓 429 pages de notes consignées dans mon cahier
📸 550 photographies capturées
📖 Le Deuxième Sexe (1949) de Simone de Beauvoir en lecture du moment
🔗 Plus de détails sur l'Odyssée Argentique
📮 Les autres extraits du journal de bord
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J'aime citer le titre du roman que je n'ai toujours pas lu mais que je lirais un jour : What am I doing here ? – Bruce Chatwin, 1988. Quand je quitte Tiranë, mon application météo affiche cinq jours d'incessantes précipitations, ponctuées de vents hurlant jusqu'à cinquante kilomètres par heure et d'orages grondant matins midis et soirs. Alors, pourquoi me suis-je entêté à quitter la bonne humeur de la capitale et, What am I doing here ? Je n'en sais foutrement rien. 
 
À la sortie de la ville, je m'élance sur l'ascension d'une petite colline, trois cent mètres au-delà du niveau zéro. Le ciel lâche des trombes d'eau, à en noyer un anglais. Je ne me rappelais à quel point, sous une pluie diluvienne, la terre pouvait s'engluer et devenir glissante. Sur les derniers mètres d'une pente courte et rude, je pose un premier pied. Je prends appui pour soulever le second quelques centimètres plus haut. C'est la chute. Mon premier pied glisse lamentablement sur la terre trempée. Je perds l'équilibre et termine à plat ventre sur le sol humide. Mon pantalon ainsi que mon t-shirt collent d'une boue fraîche, odeur nature. La pluie ruisselle sur mon visage. Je peine à me relever puisque coincé sous le poids de mon sac-à-dos, mes pieds patinent sur ce sol qui se veut plus glissant que jamais. Je reste allongé au sol, abattu par cette burlesque situation. Un rictus illumine ma pâle expression et un rire frénétique résonne contre la terre. Une fois encore, je m'interroge pourquoi me suis-je entêté à quitter la bonne humeur de la capitale et, What am I doing here ? Je n'en sais foutrement rien.

Trois jours après Tiranë, je longe sans grande conviction la route départementale SH59 qui mène à Gramsh. Le ciel continue de pleurer et ses larmes noient mes souliers. Il en est de même pour le tonerre qui ne s'arrête de gronder. Chaque pas s'entreprend dans un certain floc-floc. Une mélodie humide dont je me passerais volontiers. À cause de cette scabreuse atmosphère, je ne peux pas vraiment me reposer. Sans abri quelconque, le moindre arrêt devient gelé. Souvent, mes dents claquent et je crains d'attraper froid. Alors je pars le matin à huit heures. J'entreprends entre midi et treize heures une pause pour casser la croûte - un pain blanc et rond dans lequel je glisse une cuillère d'huile d'olive, deux tranches d'un jambon et d'un fromage on ne peut plus industriel, accompagné d'une poignée de cacahuètes. Et je reprends jusque seize heures, juste avant le coucher du soleil, pour planter ma tente et enfin trouver un peu de chaleur dans mon duvet qui transpire d'humidité. Je ne prends presque pas le temps de photographier, l'écriture devient un exercice abstrait, et je m'effondre de fatigue quand je plonge dans ma lecture rituelle. Alors une fois encore, je m'interroge pourquoi me suis-je entêté à quitter la bonne humeur de la capitale et, What am I doing here ? Je n'en sais foutrement rien.
Enfin, je gagne la pittoresque citée de Gramsh dans un brouillard dantesque qui laisse difficilement entrevoir, lorsque la ville n'est pas empreinte aux coupures d'électricité, les lueurs jaunies des habitations et commerces qui fleurissent la ville. Je ne l'avais pas prévu mais l'arrêt relève de l'obligation. Mes chaussures noyées et mes sapes dégoulinantes ne me feront pas choisir un autre chemin que celui d'un café où je pourrais trouver chaleur et réconfort. 
 
L'ambiance est sombre. Les rares fenêtres qui habillent les murs du troquet n'ouvrent pas sur la rue où brillent les lampadaires, et le feu qui jaillit de la cheminée n'illumine que partiellement cet antre dédiée au café. Chaque recoin a été décoré à la manière d'une vieille cave à vin. Sous la lumière dansante des flammèches qui s'élèvent du brasier, les tableaux accrochés au-dessus des canapés feutrés s'animent. Les protagonistes, d'inspiration ottomanes, rappellent quelques valeureux guerriers d'une époque disparue. La musique traditionnelle doucement diffusée accentue l'exil dans lequel m'emmène ce lieu. Les voix suaves des chanteurs folkloriques résonnent calmement jusqu'aux confins de l'esprit.
Folklore albanais – Valle e Tropojes
Trois femmes refont probablement le monde auprès de la cheminée qui éclaire radieusement leurs visages. Personne ne maîtrise l'anglais, sauf Arnera, la fille de la patronne. Cheveux sombres, lunettes carrées et appareil dentaire, elle ne m'apparaît dans l'obscurité pas plus âgée de vingt ans. Elle porte simplement un hoodie rouge, un jean bleu et une paire de baskets blanches. Son regard curieux témoigne de la rareté des étrangers au café. Elle m'invite à m'installer près du feu où nous entamons une longue conversation. Elle m'expose la vie en Albanie. Le rôle de la jeunesse, son parcours. L'année prochaine, elle partira comme la majorité des jeunes albanais étudier à Tiranë. Elle hésite encore entre école de médecine, d'ingénieur ou d'architecte. Selon elle, le seul point commun qu'elle prétend trouver à ces trois filières est l'issue. Inexistante. « The country is still very corrupted. Just a few of us can pretend to have a good job with good money. The rest goes abroad. Germany or France for exemple ». Le pays poursuit la route du développement. Mais la pauvreté et le chômage associés à la corruption ne semblent pas aller en faveur du bon développement, économique social et culturel, du pays. Peu d'opportunités sont offertes à la jeunesse. Par ailleurs, pas loin de 50 % de la population active travaillerait dans l'agriculture, un domaine qui n'attire guère une jeunesse fraîchement éduquée et assoiffée d'émancipation. 
 
Elle me propose une aparté sur l'ancien régime, terrible, qui était mené d'une main de fer par les communistes. Beaucoup des anciens se souviennent avec crainte de ces sombres années, où les frontières étaient fermées à l'entrée comme à la sortie, où la nourriture était rationnée, où l'on préférait construire des bunkers plutôt que des écoles et des hôpitaux – un musée à Tiranë indiquait que les communistes avaient construit 160 000 bunkers, soit à l'époque l'équivalent de 11 bunkers par habitant – où la liberté était un concept que l'on approchait uniquement dans les rares livres que le parti n'avait pas fait supprimer. Je l'interroge si la présence des nombreuses Mercedes aurait un lien avec le chute du communisme. « In the nineties, when the communists collapsed, people started to have money. They wanted to show their wealth to the others. So they bought Mercedes, the fanciest brand at that time ». J'en déduis alors que l'ouverture des marchés a permis l'élévation de certains salaires, et aussi l'importation de berlines allemandes. Sacré capitalisme. 
 
Aussi, je lui demande de m'éclairer sur la fréquentation des bars et cafés en Albanie. Depuis mon arrivée, je ne peux m'empêcher de constater que ces établissements sont en très grandes majorité fréquentés par les hommes seulement, et que les rares femmes qui viennent se délecter d'une quelconque boisson ne se mélangent jamais au sexe opposé. Le pays est encore très traditionnel me réplique-t-elle. Chez les anciens, les femmes n'avaient pas l'habitude de fréquenter les cafés. Encore moins de se mélanger aux hommes. « But we, the young generation, are changing the game. Some of my friends are boys. Never my mum would have thought to have a friendship with a boy when she was my age ». N'empêche qu'au café ce soir, je suis le seul homme parmis trois femmes. Le changement prend du temps me reprends-je alors.

J'aurais bien savouré quelques heures supplémentaires à discuter dans ce petit café mais j'ai finalement préféré quitter Gramsh, il y a trois jours, pour une dernière étape à Pogradec d'où je vous écris. Ce matin, je traverse une nouvelle frontière pour me rendre en Macédoine du Nord. Le temps ne va pas franchement à l'amélioration, même si j'ai pu bénéficier d'un azur immaculé sur les dernières journées. Je vous abandonne quelques photographies qui parleront mieux que les mots, j'imagine.
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