Copy
View this email in your browser
 

La chronique de Clément Magneau
Libraire au Temps Retrouvé


La septième fonction du langage de Laurent Binet

ou le triomphe du logos au pays des moulins à paroles


 

"Pablo Neruda ? Un superbe moulin à paroles qui moud très peu de grain." 
Claude Roy
"Le Verbe est esprit dans sa tête." Juan Ramon Jimenez
"Il y a si longtemps que le Verbe n'est plus qu'une arme faussée dans la main des charlatans" 
Georges Darien


La septième fonction du langage, Laurent Binet
Prix Interallié 2015 et Prix du Roman Fnac 2015
Le Livre de Poche
Date de parution : 31 août 2016 et le 19 août 2015 chez Grasset
ISBN : 9782253066248, 480 pages, 9.48€

Le deuxième roman de Laurent Binet est une satyre d'un rare brio. L'oeuvre d'un écrivain qui ne s'en laisse pas conter et qui tout au long des 478 pages de son livre s'amuse comme un petit fou à déconstruire les déconstructeurs et à ridiculiser les esbroufeurs. Il nous rappelle qu'aujourd'hui comme hier, le roi est nu. Bref, c'est un chef-d'oeuvre du genre qu'il faut lire avec une totale liberté d'esprit si l'on veut pleinement l'apprécier, et rire avec l'auteur au spectacle des clowns plastronnant chacun à son tour pour son heure sur la scène. 
En France, c'est le régime de la parole et des effets de la parole qui s'imposent dans tous les domaines de la vie publique, phénomène que l'on peut dater assez précisément de l'époque de la Troisième République, avec l'avènement de l'école gratuite et obligatoire, qui allait permettre à la majorité des citoyens d''avoir accès à un minimum de culture générale grâce à l'apprentissage de la lecture. Ainsi, comme l'observe Valéry, désormais " Tout est relatif aux impressions d'un public. Ce sont les lois du théâtre qui s'appliquent. Simplification, illusion perpétuelle sous peine de rire ou de mort. Ce qui est difficile à entendre proscrit. Ce qui est difficile à exprimer n'existe pas. Ce qui demande de longs préparatifs, une attention prolongée, une mémoire exacte, l'indifférence au temps et à l'éclairage se fait impossible." Il faut ajouter à cela que chez la personne qui parle l'honnêteté intellectuelle est rarement mise en question. On part du principe que tout ce qui est dit correspond à quelque chose de réel et de vérifiable, alors que trop souvent il ne s'agit que de mots. Cette façon de faire est vieille comme l'humanité. Toutefois, les choses se sont emballées avec l'apparition des médias modernes et de la publicité devenue omniprésente, cette apparition coïncidant à peu de chose près avec l'irruption de l'idéologie dans la vie quotidienne des gens même les plus modestes, après la Révolution d'Octobre en Russie. Dès lors, la parole va jouer un rôle de plus en plus prépondérant et devenir un véritable poison pour les esprits, une tyrannie n'osant pas dire son nom, le langage étant sacralisé, et avec lui ses grands prêtres, les intellectuels et autres faiseurs d'opinion patentés, qui vont tout régenter dans le champ de la culture et de la pensée politique réduite le plus souvent à une forme de propagande grossière. Un poison qui allait vite gagner tous les esprits, à bien peu d'exception près. On en a vu le résultat avec la mise en pratique du communisme en Russie et son fiasco final, pour ne rien dire des nombreux ismes de l'Histoire, tous plus calamiteux les uns que les autres. Et cela continue de nos jours, sous une forme atténuée, plus sournoise, moins agressive, mais toujours active. Difficile de changer ses habitudes de pensée et de comportement dans un pays comme la France, où le culte de l'intellect et des apparences règne suprême. 
On l'aura compris, cette fameuse "Septième fonction du langage", désignée aussi par l'auteur "fonction magique ou incantatoire", n'existe qu'à l'état de virtualité, et qu'elle "ne fonctionne que dans les contes par définition." Ce qui exclut la réalité dans laquelle nous fonctionnons, nous, êtres sensibles, désirants, délirants, etc. Et l'auteur d'ajouter : "D'ailleurs Jakobson ne l'évoque que par acquis de conscience, par souci d'objectivité, avant de reprendre le cours sérieux de son analyse." Donc, pour Jakobson il n'y a pas de septième fonction sinon sous forme de jeu. Toutefois, Laurent Binet l'évoque à nouveau, page 251 de son livre, lorsqu'il fait dire à Umberto Eco : "Imaginons une fonction du langage qui permette de convaincre n'importe qui de faire n'importe quoi dans n'importe quelle situation. Celui qui aurait la connaissance et la maitrise absolue d'une telle fonction serait virtuellement le maître du monde. Il pourrait se faire élire à toutes les élections, soulever les foules, provoquer des révolutions, séduire toutes les femmes, obtenir tout ce qu'il veut en n'importe quelle circonstance." Bref, une fonction proprement magique qui ferait effet dans la réalité comme dans les contes. De quoi faire rêver nombre d'entre nous en mal de pouvoir et de puissance. De fait, il est plutôt triste, pour ne pas dire consternant, de voir tous ces personnages du roman, issus pour la plupart du monde réel, et que nous connaissons tous plus ou moins pour ce qu'ils sont, à travers leurs oeuvres et leur image publique véhiculée par les médias, de les voir, donc, ces personnages, ou ces masques, car il ne sont rien d'autre que des masques, de les voir, donc, tous ces masques, prêts à s'entretuer afin de se procurer cette fonction magique, soit-disant source de toute puissance. En somme, ce que nous dit Laurent Binet, c'est que l'homme a bien peu changé, au fond, au cours des siècles, et qu'à la veille des années 2000, à l'heure où il écrivait son roman, il est encore ce qu'il a toujours été, à savoir une pauvre créature en proie aux mêmes affres, aux mêmes peurs, aux mêmes désirs, mêmes démons et mêmes rêves de surpuissance et d'immortalité que depuis toujours.  Comment, dans ces conditions, pouvons-nous encore nous prendre pour des demi-dieux ? Il y a très peu de dignité en l'homme et beaucoup de vanité, très peu d'amour et beaucoup de sentimentalité. D'où la médiocrité de ce qu'il produit et de ce qu'il dit, en général. D'où aussi la banalité de ses ambitions et de ses rêves. Pourquoi s'en étonner et à quoi bon le déplorer ? Désirer la toute-puissance, n'est-ce pas ce qui fut de tout temps le rêve premier de l'homme ? Dieu merci, il n'existe pas de formule magique qui puisse réaliser un tel rêve. Cela n'est pas non plus donné à la naissance, au contraire du charisme qui permet d'exercer un ascendant, une autorité sur ses semblables, avec le plus souvent les conséquences calamiteuses que l'on sait. Maintenant, vouloir compenser le manque de charisme et de séduction par une quelconque formule magique, qu'en penser ? Ne serait-ce pas tout simplement le rêve banal de tout intellectuel ou pseudo-philosophe en mal de gloire médiatique ? Je pose la question, comme dirait l'autre. Et je remercie Laurent Binet de m'avoir donné l'occasion d'en rire avec son roman, dont je me suis régalé à sucer la substantifique moelle.
" Alors dist Pantagruel, si les signes vous faschent, ô quand vous fascheront les choses signifiées ! " François Rabelais
Clément Magneau, libraire au Temps Retrouvé
 

 

Les soirées de l'Échappée Belle


Nous sommes heureux de vous annoncer la reprise des soirées littéraires de l'Échappée Belle auxquelles notre librairie apporte son soutien. La première soirée de la saison 2022 sera consacrée à l'écrivain Yasmina Khadra. Elle aura lieu le vendredi 18 mars 2022 à l'Amstelkerk à 19:00 heures.



 
 

Yasmina Khadra 

Le vendredi 18 mars 2022

À 19:00 heures

Amstelkerk

Amstelveld 10, 1017 JD Amsterdam

 

Un entretien mené par Pierre-Pascal Bruneau
de la librairie Le Temps Retrouvé



Crédit photo, Copyright © Tous droits réservés Géraldine Bruneel

"En 1964, un enfant algérien entre dans une école militaire oranaise. Son père a pour lui les plus hautes ambitions. Excellente recrue, on se méfie cependant d'un cadet passionné par le théâtre et la littérature. Comment le métier des armes peut-il s'accorder avec celui d'écrivain ? Trente ans plus tard, le nom de Yasmina Khadra apparaît dans les librairies. Au plus fort de la tragédie algérienne, ses romans témoignent de l'horreur. Qui massacre des innocents par milliers ? Pourquoi ne veut-on pas entendre la vérité ? " L'écrivain (Julliard, 2001)

Pour cette première soirée littéraire de l'année, j'ai le grand plaisir de recevoir Yasmina Khadra. Romancier algérien, Yasmina Khadra est célèbre pour ses romans qui dénoncent la dictature militaire et l'oppression de la femme. Fils de militaire, entré à l'école des cadets à 9 ans, il n'aura de cesse de proclamer son indépendance et son goût pour la littérature. Il écrira un premier recueil de nouvelles à l'âge de 18 ans. Yasmina Khadra, pseudonyme inspiré par les prénoms de son épouse, a publié à ce jour près de quarante romans. Ses six premiers ouvrages, trois recueils de nouvelles et trois romans, ont été publiés entre 1984 et 1989 sous son nom de naissance, Mohammed Moulessehoul. Yasmina Khadra a reçu de nombreux prix littéraires. Ce que le jour doit à la nuit a été élu meilleur livre de l’année 2008 par le magazine Lire et a reçu le prix France Télévisions. Adaptés au cinéma, au théâtre (en Amérique latine, en Afrique et en Europe) et en bandes dessinées, ses livres sont traduits en une cinquantaine de langues.

Yasmina Khadra traduit brillamment, avec sensibilité et pertinence, l'incompréhension et la tension qui régissent les échanges entre l'Orient et l'Occident, et ce en particulier dans sa trilogie : Les hirondelles de Kaboul (Julliard, 2002), L'attentat (Julliard, 2005) (Pocket 2003)et les sirènes de Bagdad (Julliard, 2006). En 2019 il publie, L’outrage fait à Sarah Ikker (Éditions Casbah et Julliard, 2019), qui est le premier tome d'une nouvelle trilogie. En 2020, parait, Le sel de tous les oublis (Julliard), un très beau roman qui se déroule en Algérie en 1963. Le personnage principal est un jeune instituteur, de la région de Blida, qui traverse une crise existentielle. Son dernier livre, Pour l'amour d'Éléna, paru en 2021 (Éditions Mialet Barrault), raconte l'histoire d'amour de deux adolescents qui se débattent dans l'enfer de la pauvreté et des trafiquants de drogue de Ciudad Juárez, une des villes les plus dangereuses du Mexique.

Yasmina Khadra milite activement en faveur de l'émancipation de la femme musulmane :  "Le malheur déploie sa patrie là où la femme est bafouée"  Yasmina Khadra (Entretien pour L'Express, supplément spécial Aix en Provence, 2 avril 2009)
 

RÉSERVATIONS


Amstelkerk, Amstelveld 10
1017 JD Amsterdam

LE VENDREDI 18 MARS 2022 À 19:00 HEURES

Afficher la carte

Réservations
Réservez vos places sur le site  ou en cliquant sur ce lien :   EVENTBRITE RÉSERVATION
 
Programme/Programma
Les livres de Yasmina Khadra seront disponibles à la vente dès après l'entretien. Yasmina Khadra les dédicacera pour vous.

18h45 Entrée et vérification des CoronaPass / Inloop en CoronaPass check/ Port du masque obligatoire /Mondkapje verplicht
19h05 - 20h05– Entretien / Gesprek (in het Frans)
20h05 - 20h20 – Vraag & Antwoord
20h20 - 21h20 – Vente des livres et dédicace / Boekenverkoop en signeersessie)
21h30 -  Fin/ EINDE  
 
Les places annulées moins de vingt-quatre (24) heures avant la soirée littéraire ne pourront faire l’objet d’un remboursement. Les places annulées avant ce délai pourront être remboursées sous déduction des frais de la centrale de réservation . Les places sont nominatives et personnelles et ne peuvent être revendues.

Cette soirée a été organisée grâce aux dons des Amis donateurs de l'Échappée Belle et en association avec la librairie Le Temps Retrouvé.


 
Le temps retrouve
Keizersgracht 529 - 1017 DP, Amsterdam
Tél. +31(0)20 3376125
BTW/TVA N° : NL 8527 65149 B01
Copyright © Le Temps Retrouvé, tous droits réservés
Contact : info@letempsretrouve.nl
Si vous souhaitez ne plus recevoir nos communications cliquez sur ce lien : unsubscribe from this 
 






This email was sent to <<Email Address>>
why did I get this?    unsubscribe from this list    update subscription preferences
Le Temps Retrouvé · Keizersgracht 529 · Amsterdam, Amsterdam 1017 DP · Netherlands

Email Marketing Powered by Mailchimp