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Les nouvelles de la vie
Dimanche 19 décembre 2021
JUSTE UN INSTANT La liseuse, le banc et les poireaux... Ce dessin de Jean-Jacques Sempé est tiré de Carnets de bord, qui vient de paraître aux éditions Les Cahiers dessinés et fait l'objet d'une belle exposition à la Galerie Martine Gossieaux à Paris. Une façon enchanteresse de découvrir pour la première fois le contenu des carnets de Sempé.

Bonne journée, chères lectrices et chers lecteurs !   

C'est, aujourd'hui, la journée nationale des bonbons à sucer, aux Etats-Unis, et selon le calendrier traditionnel Inuit, nous aborderons bientôt la période de Siqinnaarut (janvier-février), « le temps du soleil possible ».
Bienvenue dans le premier numéro de la nouvelle formule de L'Intimiste, la lettre de l'infra-ordinaire et des vies minuscules, désormais dépliable et mensuelle-surprise (pour plus de précisions, c'est ici). Bonne lecture
 

VIES ET DESTINS
Nos épopées « minuscules »
Le cantonnier à la rose 

En prévision de quand sa vie aura passé, Michel Simonet ne demande qu’une chose à ses enfants : conserver entière sa bibliothèque, avec ses quatre cents livres dont bon nombre de prestigieux volumes de La Pléiade acquis à la grâce des poubelles, au rythme d’un ouvrage acheté par mois avec l’argent de la consigne du temps où le système existait encore. Mine de rien, ça lui faisait à peu près 100 francs suisses, toutes ces bouteilles balancées allègrement par le chaland et récupérées au fil des jours par ses soins, puisque c’est son métier, de nettoyer la lie que nous déposons dans la rue.
Michel Simonet est balayeur à la ville de Fribourg depuis trente-cinq ans. Parce qu’il l’a voulu. Après avoir fait ses humanités dans un bon collège, aimé la philosophie, goûté à la théologie (il est profondément croyant), entamé une vie de comptable au chaud en toute saison, tranquillement assis, « formaté au thé-biscuit apporté par une collègue secrétaire ». Mais ça n’était pas pour lui, le travail « in vitro ». Lui préférait être plus autonome et « in vivo », aller le nez au vent, fût-il glacial : « Tête libre et bras occupés me vont mieux que l’inverse », répète volontiers cet homme qui se définit comme un « chasseur-cueilleur de déchets ».
On s’en doute, cela n’allait pas de soi, cette vocation qui sortait des clous dans lesquels nous enferment les stéréotypes. Surtout pas pour les recruteurs de la ville de Fribourg qui ont vu débarquer le jeune lettré d’un œil sceptique en lui donnant six mois de CDD. Ils n’avaient pas le choix : Michel Simonet avait été le seul à répondre à leur petite annonce. Le 1er septembre 1986, il a donc commencé d'avaler son bitume de chaque jour, avec la liberté que donne la certitude de ne pas pouvoir descendre plus bas, professionnellement, dans l’esprit des autres.
« IL FAIT QUOI
LE MONSIEUR IDIOT
 ? »,
DEMANDE L'ENFANT
EN REGARDANT LE BALAYEUR
.
Mais les autres peuvent bien penser ce qu’ils veulent et les petits garçons faire écho au mépris de leurs parents en demandant « Il fait quoi le monsieur idiot ? », Michel Simonet s’amuse de l’aveuglement. Lui trouve certaines échelles imbéciles : « Mon emploi de comptable n’avait techniquement rien de supérieur à celui de manœuvre. » Lui trouve que la voirie n’est pas sans poésie et l’a très vite proclamé en accrochant des fleurs de parterres  (jonquille, narcisse, œillet…) à son chariot, remplacées bientôt par une rose de fleuriste offerte. Lui a écrit deux livres-ovni, où le récit de vie se mêle à la dissertation philosophique et aux poèmes, pour contribuer à changer le regard : Une Rose et un balai, puis Un Couple et sept couffins, qui vient de paraître aux éditions Faim de siècle.

Il n’est pas le premier. D’autres cueilleurs de déchets ont fait bouger les lignes, à commencer par le Français Christophe Clerfeuille. Mais le cantonnier de Fribourg le fait avec un stylo, outil symbolique de l’intelligence qu’on nie à ses semblables. Il ne s’agit pas de taire la dureté du métier, le réveil qui sonne à 4
 h 40, les lendemains de fête qui sont la fête du balayeur, les insultes, les risques que font courir les seringues et les bouteilles cassées, l’odeur qui vire à la puanteur l’été, les effectifs qui se réduisent et les tournées qui rallongent ; ni le froid mordant, l’hiver, « qui nous gagne petit à petit en commençant par les pieds et les mains ». (Il se réchauffe de-ci de-là, sur la bouche d’aération de la cathédrale ou chez une souffleuse de verre, comme le montre ce beau portrait de la télévision suisse.)

Mais rien n’y fait. Michel Simonet se sent le roi. Est-ce donné à tout le monde de sentir à quel point son métier a du sens, d’éprouver cette impression d’utilité immédiate en se retournant sur la tâche accomplie, en l’occurrence un quartier propre ? Et puis, ils ne sont pas nombreux, les salariés qui peuvent méditer en œuvrant car on les laisse encore travailler longuement plutôt qu’à toute vitesse. Michel Simonet préfère à tout autre luxe le privilège (car c'en est un aujourd'hui) de la lenteur, le droit de capter l’instant présent en exerçant « une profession demeurée par son rythme si proche de la nature humaine ». Et de la nature tout court. « J’ai de la camomille qui pousse sur mes pavés », dit-il fiérot comme on vante son jardin
 ; un peu frère d’âme de Marcovaldo, le manœuvre d’Italo Calvino auquel n’échappait « jamais une feuille qui jaunissait sur une branche ».
Et ne lui parlez pas du poids accablant de la routine
 : ces gestes qu'on fait machinalement libèrent l'esprit, dit-il. Comme marcher, « balayer c’est penser ». Michel Simonet est un Sisyphe heureux. A ses yeux, l’éternel retour des jours et des tâches est une manière d’épouser le mouvement du monde : « Il y a tellement de choses qu’on doit recommencer ! »
Mais le plus précieux, ce sont encore les rencontres et les amitiés qui poussent là où on les attend le moins. Avec Roberto, un toxicomane protecteur, par exemple ; ou avec une dame aux pigeons que la terre entière, sauf lui, aimerait étrangler et qui finit par lui rendre au centuple sa patience. Tout comme Marcel, « un clochard bilingue émigré de Berne » dont il faut ramasser régulièrement les bouteilles. Un jour, à la saison des étrennes où l’on valorise les gestes du quotidien, le clochard se lève péniblement de son banc public pour tendre au cantonnier 5 francs, une fortune. Michel Simonet refuse d’abord. Puis se ravise, soudain conscient qu’il est précieux, aussi, d’accorder la possibilité de donner.

Sandrine Tolotti,
sur une suggestion de notre lecteur Pascal Durand

 
ENTRACTE/L'ARCHIVE MINUSCULE

Un jour de 2013, l’archiviste Matthew Cowan ouvre une boîte à chaussures oubliée dans les locaux de l’Oregon Historical Society. Dedans, un lot de photographies que personne n’était venu récupérer : des clichés d'enfants avec le Père Noël. Tous avaient été pris entre 1955 et 1965 dans le grand magasin de la bourgade de Coquille par le photographe attitré de la ville, Earnest Rollins. Il installait là chaque année, à l’approche des fêtes, l’un de ces studios photo par lesquels la plupart d'entre nous sont passés... C’est un trésor de sourires crispés, de mines embarrassées ou de chaudes larmes qui raconte à merveille l’exceptionnel du banal ; et un bout de notre enfance à tous. (Les adultes, eux, s’éclataient bien…) Allez voir !

UN CERTAIN REGARD
Le récit photographique
Un mariage, au Kazakhstan, implique souvent moult voyages pour aller visiter la famille de l’un et de l’autre. Un couple de jeunes mariés est ici accueilli avec confettis et forces embrassades à son arrivée dans la ville natale du garçon.

Le Kazakhstan à fleur de rails  

Le photographe Mario Heller n’en avait sans doute pas l’intention, mais ses images démentent à leur façon Apollinaire ; le poète, dans La tête étoilée-La Victoire, écrit :
 

Nous n’aimons pas assez la joie
De voir les belles choses neuves
Ô mon amie hâte-toi
Crains qu’un jour un train ne t’émeuve
Plus
Regarde-le plus vite pour toi
Ces chemins de fer qui circulent
Sortiront bientôt de la vie
Ils seront beaux et ridicules

 
Plus d’un siècle après, nous n’avons pas fini d’être émus ni fascinés par les trains ; les chemins de fer ne sont jamais sortis de la vie. Surtout pas au Kazakhstan, où ils sont certes beaux, tirés souvent encore par les vieilles locomotives de l’ère soviétique, mais en aucun cas ridicules. Les wagons emportent à travers la steppe qui s’étend à perte de vue une petite humanité qui se déplace pour le travail, pour un mariage ou pour un enterrement, les trois raisons principales du voyage selon le photographe. Ceux qui montent à bord investissent le temps qu’il faut pour cela, en particulier sur les lignes secondaires où les roues vous emportent à un rythme qui donnerait presque à l’équipée un faux-air caravanier. Le conducteur, dit-on, consent parfois à une halte imprévue pour laisser descendre des passagers au plus près de leur destination. Dans ce pays grand comme l’Europe centrale, certains trajets durent 48 heures.

Forcément, le marchepied donne accès à une vraie aventure, où se mêlent événements ordinaires (une partie de cartes dans un compartiment ou une partie de foot dans le couloir) et événements extraordinaires (des femmes accouchent, des vieillards tombent de leur couchette), monde d’hier (avec son content de chansons folkloriques et de souvenirs échangés), d’aujourd’hui (avec l’omniprésence des portables) et de toujours (l’odeur du Bortsch qui flotte dans l’air et la vodka qui coule à flots)...


Pour ceux qui veulent voyager plus loin, ce récit photographique se poursuit par là.

LE GESTE A LA PAROLE
Une chronique de Didier Pourquery
Cette vieille habitude de lever le pouce  

Pouce ! Pouce ! Dans la cour de récréation soudain, le jeu s’interrompait ; suspendu, parce que l’un d’entre nous était égratigné ou qu’il devait remettre sa chaussure. Le pouce servait à ça. Bien sûr, nous avions tous vu, dans les films de guerre aux beaux avions de chasse, les pilotes américains lever le pouce pour signifier qu’on pouvait enlever les cales des roues. Dans les films du Commandant Cousteau, les plongeurs disaient par ce geste qu’ils remontaient à la surface. Et les grands, autour de nous, parlaient de leurs vacances en stop où ils restaient des heures le pouce tendu en direction des plages. Mais pour nous, le pouce était une sorte de baguette magique figeant le temps. Plus tard, au printemps 1970, nos petits frères entonnèrent d’ailleurs la ritournelle « pouce, je passe », tube éphémère inventé par la Sécurité Routière pour inciter les automobilistes à s’arrêter quand des enfants traversaient la rue dans les passages piétons (autre temps…).

Quant à nous, dans les péplums fascinants, nous guettions le moment où le fier gladiateur ayant terrassé son adversaire attendait le verdict de la foule. Le pouce vers le bas condamnait le perdant. Frisson. On n’est plus très sûr aujourd’hui de la vérité historique de ce Pollice Verso puisque les combats de gladiateurs avaient des règles moins barbares, mais le pouce baissé a conservé ce côté dramatique sur nos réseaux sociaux. Il condamne au bashing, véritable mise à mort virtuelle dans certains cas.
Les pouces levés des pilotes de chasse américains eux, remonteraient aux archers anglais du Moyen-Âge qui montraient ainsi qu’ils étaient prêts à tirer. Feu vert donc, « thumbs up », allons-y. Cette façon d'exprimer son accord est devenue aujourd’hui numérique… mais presque universelle, puisque sur Facebook ou YouTube trois milliards d’abonnés peuvent l’utiliser. Presque, mais pas tout à fait : en Chine, on tend plutôt le pouce pour féliciter (tu es le meilleur) et, au Moyen-Orient, du côté du Tigre et de l’Euphrate, ce geste est une insulte, un feu vert pour aller se faire voir ailleurs en quelque sorte.
Reste que ce serait bien de se réapproprier ce pouce levé pour suspendre le temps… en réunion par exemple, ou dans un débat. Pouce ! Pouce ! On arrête de parler, là … Ouf !
Les cadeaux les plus précieux ne sont pas toujours les plus coûteux... Je fais découvrir L'Intimiste à un proche.

ELOGE DE L'ORDINAIRE 
Les coulisses du quotidien
L'empire du paquet 

On l’imagine particulièrement caressant, le geste de la main et du pinceau qui traçait autrefois le pictogramme chinois à l’origine du mot japonais tsutsumu  包 ( « envelopper » ou « emballer »), figurant le ventre d’une femme enceinte. L’écriture s’est beaucoup simplifiée en japonais moderne (on peut voir son évolution ici) mais le sens est resté, qui fait de l’enveloppement un geste protecteur sans être étouffant. Le paquet cadeau japonais est à son image : l’essentiel repose sur l’harmonie du contenant et du contenu. Aucun ne doit dévorer l’autre, et certainement pas le plus matériel des deux.
La chose, d’ailleurs, est souvent en elle-même insignifiante. Comment pourrait-il en aller autrement dans cette société de la politesse qui a fait du cadeau l’une des ancres du savoir-vivre. Au Japon, les présents ponctuent le fil des jours, qu’il s’agisse de ramener un lot de souvenirs au moindre déplacement, de remercier pour chaque service rendu, de s’excuser pour le plus petit dérangement ; ils rythment aussi le fil des saisons, avec les deux grandes périodes d’échanges de cadeaux que sont les fêtes de chûgen en été et de seibo en fin d’année, auxquelles s’ajoutent désormais une Saint-Valentin réinventée, la fête des mères, ou un Noël revu en fête des amoureux et du poulet frit) ; ils marquent aussi, bien sûr, le cycle de la vie, depuis la naissance jusqu'au décès en passant par le mariage, les trois principales « pliures du temps » (rites de passage)
 ; sans oublier les anniversaires importants, bien sûr. On en passe, et beaucoup : dans sa thèse sur la fonction de l’emballage dans la petite ville rurale de Kamikatsu, l’anthropologue Angels Tria-i-valls révèle qu’au cours de ses quinze mois de présence, les familles les plus traditionnelles avaient reçu en moyenne 263 cadeaux, contre 153 tout de même pour les autres !
Dans ces conditions, et même si l’occidentalisation de l’archipel introduit de nouvelles habitudes et davantage de subjectivité dans le choix de certains présents, on trouve volontiers sous l’emballage une gamme impersonnelle de produits alimentaires, bouteilles de saké, bibelots de pacotille, menus ustensiles et argent liquide. Comme si l’objet était la note de bas de page d’un rituel dont la symbolique est la principale raison d’être.
Sur cette photo de studio anonyme des années 1890, une Japonaise, vêtue d’un épais kimono d’hiver et la tête recouverte d’un okosozukin pour se protéger du froid, porte un objet emballé dans un furoshiki. Le tissu qui permet d’empaqueter et transporter aussi bien des vêtements que des cadeaux ou une boîte à bento est alors omniprésent dans la vie quotidienne de l’archipel.
Cette image fait partie de la fabuleuse collection d’images anciennes du Japon (1850-1960) réunie par Kjeld Duits dans sa galerie de Tokyo, chacune étant aussi soigneusement légendée que possible. Une ouverture enchanteresse sur l’histoire des Japonais. (Publié avec l’aimable autorisation de Old Photos Japan.)
L’acte d’offrir se prête dès lors à un festival esthétique qui fascine de plus en plus les Occidentaux, si l’on en juge par le béguin grandissant pour le furoshiki à travers le monde. Il suffit de vagabonder un peu sur l’Internet, ces jours-ci, pour tomber sur une célébration de ce tissu carré de toutes tailles avec lequel on emballe parfois les cadeaux dans l’archipel. Il y a quelques années, une installation artistique en forme de paquet géant témoignait de ce nouvel engouement sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris. Il faut dire que son usage obéit à une science du pli et du nœud qui éblouit ; d’innombrables vidéos en ligne ou ateliers plus incarnés se proposent d’initier les néophytes. Réutilisable à l’infini, anti-gaspi, généreux puisqu'il est à sa manière un premier cadeau, le furoshiki, beau et vertueux à la fois, semble né pour exaucer les désirs des terriens de ce début de XXIe siècle. C’est le shogun Ashikaga Yoshimitsu qui serait surpris.

Le seigneur nippon du XIVe siècle pouvait difficilement imaginer la postérité de l'objet qu'il allait inspirer en édifiant un bain public dans son palais de Kyôto. Le furoshiki a son origine gravée dans son nom : furo, « bain » ; shiku, « étaler ». Un tapis de bain, donc. Car en ce temps-là, les nobles qui fréquentaient les lieux avaient imaginé de mettre leurs kimonos et autres affaires personnelles dans ce baluchon (connu depuis le VIIIe siècle sous le nom de hiratsutsumi pour abriter des objets de valeur), qui portait leurs armoiries. Peu à peu, l’objet sortira des cercles aristocratiques et de l’étuve pour gagner l’ensemble de la société et devenir au XIXe siècle, entre autres choses, un moyen d’emballer les cadeaux.

Après une éclipse dans la seconde moitié du XXe siècle, qui l'a sacrifié sur l’autel d’une modernité plastifiée, le furoshiki a été réhabilité en 2006 par le ministère de l’Environnement pour tenter de lutter contre l’overdose de déchets de l’archipel. Aujourd’hui, il se décline dans un camaïeu d’imprimés et de pliages à la symbolique riche (les motifs de vigne stylisés représentent la fertilité, par exemple). Mais son usage le plus solennel est resté jusqu’à une date récente, sur l’île de Kyushu, son statut d’écrin pour le trousseau de la mariée. Ce minofuroshiki se composait de trois pièces de tissu brodées cousues ensemble et portant le blason de la famille natale de la Dulcinée. Il recouvrait les coffrets qui l'accompagnaient dans son nouveau foyer. Puis, elle l’utilisait pour transporter et protéger les cadeaux rapportés à sa famille lors de chaque visite. A la fin, le précieux tissu coiffait son cercueil, avant d’être transmis de génération en génération, symbole du lien entre deux familles.

Mais la subtilité de langage du furoshiki n’est rien comparée à la sophistication de l’autre technique d’emballage qu’est l’origata, dérivé de l’origami, manière de plier le papier sans découper ni coller. A l’origine, cette fois, étaient les dieux...


Cet article se poursuit pour ceux qui veulent plus de paquets. C'est par ici pour découvrir la plus belle manière de transporter les œufs, l'histoire d’un étudiant blessé et le canular de facétieux Néo-Zélandais… 
ENTRACTE/LE MOMENT LITTERAIRE
Proposé par Anne Dujin

« Il fait bon ici : craquant, crissant,
Le gel chaque matin plus dur,
Flamme blanche un buisson
D’éblouissantes roses de glace s’incline.
Et sur l’épaisse neige d’apparat,
Une trace de skis rappelle
Qu’il y a bien des siècles
Nous avons passé ici, toi et moi. 

Hiver 1922
 
Anna Akhmatova, L’églantier fleurit, traduit par Marion Graf et José-Flore Tappy,
La Dogana, 2010.
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L'ATELIER DES LECTEURS
Une sélection de photos, dessins et autres récits signés de nos abonnés 
La place du village sous la pluie. C’est un coin de campagne comme beaucoup d’autres, dans la France « péri-féérique » que le peintre Bénodet aime raconter en dessins et en peinture, et qu’il partage sur Twitter depuis le premier confinement. « Nul besoin de faire des milliers de kilomètres pour trouver à observer, à relater », dit-il.

ŒUVRES D’AILLEURS
Livres, films, spectacles, expos sans frontières...
LIVRE/CORRESPONDANCE 
D’une écriture soigneuse, au-dessus d’un dessin à la plume joyeusement griffonné pendant la pause-café ou déjeuner sur une feuille arrachée à un bloc de bureau, Charles Phillipson avait rédigé en ce jour historique sa vraie-fausse lettre rituelle à « Master Michael C. Phillipson » dont le nom figurait au verso du feuillet plié, dûment accompagné d’un vrai-faux timbre amusant.


8 mai 1945.
Cher Michael,
Hourra ! Hourra !
C’est un jour dont tu te souviendras tout ta vie.
C’est le jour de la victoire.
Maintenant, tu peux allumer la lumière.
Affectueusement, papa.
 


Cela faisait maintenant trois mois que « Master Michael C. Phillipson », haut comme trois pommes, entré à l’école depuis un an, recevait presque chaque jour cette courte lettre illustrée de son père. Chef de publicité et artiste amateur, Charles avait trouvé ce moyen pour inciter son fils à lire ; essayer de se mettre à sa place ou l’aider au contraire à imaginer ce que faisait son père loin de lui ; ancrer des souvenirs d’enfance, peut-être ; et conjurer, sans doute, cette saleté de sclérose en plaque qu’on lui avait diagnostiquée.
Jusqu’au 29 octobre 1947, Charles allait évoquer là les événements du temps (la victoire, donc, ou l’hiver glacial 1946-47), croquer avec fantaisie les fragments d’une vie ordinaire dans la banlieue de Manchester (aller travailler à pied en mai, réparer un auvent récalcitrant ou faire de sa chaise de bureau un manège), donner quelques leçons de dessin et autres conseils (« les bons livres peuvent faire partie de tes meilleurs amis »), délirer ensemble (est-ce que ce ne serait pas marrant d’aller à l’école en autruche ?) et dire à son fils, par bouchées d’encre, à quel point il l’aimait.
Charles Phillipson est mort en 1974. Ces « lettres à Michael », préfacées par l’enfant devenu grand, sont aujourd’hui réunies dans un livre (en anglais) joliment troussé par les éditions Slightly Foxed. Marjorie, femme de Charles et mère de « Maître Michael », avait conservé précieusement les cent-cinquante courriers qu’aucune Poste n’a jamais acheminés mais qui célèbrent à merveille la correspondance.


FILM/DOCUMENTAIRE 
Pour ne pas devenir l’une de ces personnes invisibles dont la vie peine à laisser une trace dans l'histoire, Belmaya Nepali a décidé de raconter la sienne. Du haut de ses 29 ans, elle n’est pourtant pas bien vieille. Mais la jeune Népalaise, née dans une famille Dalit dite « intouchable », a beaucoup à dire. Parce qu'il y a quinze ans, la cinéaste et photographe britannique Sue Carpenter est venue animer un atelier dans l’orphelinat où elle vivait, à Pokhara, et que ça a tout changé. Belmaya avait 14 ans. Tenir un appareil photo entre ses mains l’a convaincue qu’elle aurait une vie meilleure. Ça n’a pas été simple mais aujourd’hui, elle est l’auteure avec Sue Carpenter de « Je suis Belmaya », récit mêlé de sa misère, de ses batailles (contre un mari violent, entre autres) et de cette seconde chance offerte par la passion de l’image. Ce documentaire a reçu de nombreux prix. Il est disponible sur Netflix.

SPECTACLES/ARTS DE LA RUE 
Il y a quelque chose d’amusant à terminer (ou presque…) cette édition là où elle a commencé : à Fribourg.  Depuis le 1er décembre et jusqu’au 9 janvier, on croise au centre-ville de drôles de zigues. A la manœuvre, deux… cantonniers en habit orange  augmenté d’un chapeau pointu de lutin. « Les réparateurs » sont chargés, chaque soir de 18h30 à 22h00, de remettre d’équerre le patrimoine. Mais les clowns Diptik, dans ces projections imaginées par les cinéastes Sam et Fred Guillaume (le making-of est ici), ne sont pas doués pour les équerres. Ils accumulent les catastrophes en poésie. Même quand on ne peut pas aller à Fribourg, les regarder est assez jouissif.
ET UNE POCHETTE SURPRISE...

Dans chaque numéro, la rédaction vous invite pour finir à savourer un sujet bonus, hors catégorie mais intimiste en diable. Ce mois-ci, trois hommes cherchent leur destin. Une merveille, à découvrir là ! 
Voilà, vous pouvez maintenant reprendre le cours normal de votre dimanche soir et de cette période de fêtes que nous vous souhaitons joyeuses et chaleureuses. Pour un Noël parfait, nous vous invitons à plonger dans le « Noël blanc » imaginé par Frank Kunert au chapitre des petits mondes fantaisistes et absurdes qu'il affectionne dans ses maquettes photographiées. 
On se retrouve un dimanche-surprise de janvier. Si, entretemps, vous souhaitez nous suggérer des sujets ou collaborer à l'atelier des lecteurs, écrivez-nous.
Et notre email-magazine se referme sur une photographie anonyme, parce que les gens normaux ont tout d'exceptionnel. Ces fabricants de sommiers (1933) font partie de la collection de la Galerie Lumière des roses, qui consacre une exposition passionnante aux Visages du monde ouvrier jusqu'au 29 janvier (fermée pendant les fêtes, elle rouvre le 5 janvier). 
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