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Hebdo n° 3/2022
24 janvier 2022
SOMMAIRE
 
INFOS : Benoît Cœuré nommé président de l'Autorité de la concurrence

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice confirme en tous points l’ordonnance par laquelle le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours de la compagnie Lufthansa contre la décision de la Commission qualifiant les mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn d’aides d’État compatibles avec le marché intérieur et constatant l’absence d’aides d’État en faveur des compagnies aériennes utilisatrices de cet aéroport

JURISPRUDENCE UE : Estimant que l’obligation de la Commission de verser des intérêts moratoires, à la suite de la réduction par le juge de l’Union d’une amende infligée par celle-ci, n’affecte en rien la fonction dissuasive des amendes dans les affaires de concurrence, le Tribunal de l’Union accorde à Deutsche Telekom une indemnité 1 750 522 € en réparation du préjudice consécutif au refus de la Commission de lui verser des intérêts moratoires

JURISPRUDENCE : ACTIONS EN DOMMAGES ET INTERETS – PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES – APPLICATION DANS LE TEMPS – PRESCRIPTION – REPERCUSSION DES SURCOUTS — Paris, Pôle 5 ch. 4, 5 janvier 2022, RG n° 19/22293 [Commentaire de Muriel Chagny]

JURISPRUDENCE OVS : La délimitation par le juge des libertés et de la détention du champ, notamment géographique, des opérations de visites et saisies relève de l'appréciation souveraine des juges du fond


INFOS : Estimant que la simple détention par EDF de la base de données des petits consommateurs professionnels concernés par la fin des tarifs réglementés et que le refus d’accès à cette base de données opposé en 2021 aux fournisseurs alternatifs n’étaient pas de nature à entraîner leur éviction, l’Autorité de la concurrence rejette au fond la saisine et, partant, la demande de mesures conservatoires de l’ANODE, association qui regroupe la plupart des fournisseurs alternatifs d’énergie

INFOS UE : Publication des conclusions de l'enquête sectorielle sur les assistants vocaux : identifiant plusieurs problèmes de concurrence, la Commission entend ouvrir des enquêtes contentieuses et utiliser ces conclusions dans le cadre de la discussion en cours sur le DMA


ANNONCE : « Voting is now open for the 2022 Antitrust Writing Awards » [message de Sarah Baharon et de Yasemin Tandogan]

ANNONCE : « Prix de thèse de droit de la concurrence » des éditions Bruylant


ANNONCE WEBINAIRE : « Nomenclature des dommages anticoncurrentiels  » — 26 janvier 2022 [Annonce de Olivier Fréget, Malik Idri et Gildas de Muizon]

ANNONCE WEBINAIRE : « Blockchain + The Law » — 3 février 2022 [message de Thibault Schrepel]

INFOS : Benoît Cœuré nommé président de l'Autorité de la concurrence

 

Sans surprise depuis le vote favorable du Parlement (12 pour, 10 contre au Sénat et 25 favorable, 0 défavorable à l'Assemblée nationale), M. Benoît Cœuré, administrateur de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), a été nommé président de l'Autorité de la concurrence par décret du président de la République en date du 20 janvier 2022 paru au journal officiel n° 0017 daté du 21 janvier 2022.

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice confirme en tous points l’ordonnance par laquelle le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours de la compagnie Lufthansa contre la décision de la Commission qualifiant les mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn d’aides d’État compatibles avec le marché intérieur et constatant l’absence d’aides d’État en faveur des compagnies aériennes utilisatrices de cet aéroport

 

Le 20 janvier 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C‑594/19 (Deutsche Lufthansa AG contre Commission européenne).

Elle y confirme en tous points l’ordonnance par laquelle le Tribunal a déclaré irrecevable le recours de la compagnie Lufthansa contre la décision de la Commission qualifiant les mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn d’aides d’État compatibles avec le marché intérieur et constatant l’absence d’aides d’État en faveur des compagnies aériennes utilisatrices de cet aéroport.

Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal, après avoir constaté que la requérante n’était pas destinataire de la décision litigieuse, a considéré que la situation de la requérante ne pouvait, du fait qu’une procédure formelle d’examen avait été ouverte en l’espèce, être assimilée à celle d’une partie intéressée sollicitant l’annulation d’une décision prise sans procédure formelle d’examen. Il a ainsi jugé qu’il ne lui suffisait pas de se prévaloir de sa qualité de tiers intéressé en tant qu’entreprise concurrente de Ryanair à qui les mesures litigieuses auraient été transférées pour justifier la recevabilité de son recours en annulation. Par ailleurs, il a jugé que la requérante n’avait pas établi, en particulier au regard de sa relation de concurrence avec l’entreprise bénéficiaire des mesures en cause, qu’elle était individuellement concernée par la décision litigieuse, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE. Enfin, le Tribunal, constatant que les mesures en cause n’avaient pas été accordées sur le fondement d’un régime d’aides et revêtaient donc un caractère individuel, en a conclu que la décision litigieuse ne saurait être qualifiée d’« acte réglementaire », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE et que la requérante n’était pas recevable à la contester à ce titre.

Sur les premier et troisième moyens, tirés d’erreurs de droit et d’une violation des droits procéduraux de la requérante, en ce que le Tribunal n’a pas examiné la question de savoir si celle-ci était individuellement concernée par la décision litigieuse au regard du critère ayant trait à la protection des droits procéduraux d’une partie intéressée dans la procédure administrative devant la Commission, la Cour, relevant que la décision litigieuse a été adoptée à l’issue d’une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, § 2, TFUE (pt. 37), le seul fait qu’une entreprise ait joué un rôle actif dans le cadre de la procédure formelle d’examen ne suffit pas à considérer qu’elle est individuellement concernée par la décision mettant fin à cette procédure (pt. 38). Dès lors, rejetant les premier et troisième moyens, la Cour estime que c’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, aux fins de l’examen auquel il a procédé au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE, que la seule participation de la requérante à la procédure administrative ne suffisait pas à établir qu’elle était individuellement concernée par la décision litigieuse, au sens de cette disposition (pt. 43).

Quant au sixième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que le Tribunal a considéré que les mesures visées par la décision litigieuse n’ont pas porté une atteinte substantielle à la position de la requérante sur le marché concerné, il est de la rejeté de la même façon. En effet, la Cour confirme que la seule circonstance, en premier lieu, que l’acte dont ledit requérant poursuit l’annulation est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant au sein du marché concerné et qu’il se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire pour qu’il puisse être considéré comme étant individuellement concerné par ledit acte. En d’autres termes, une entreprise ne saurait se borner à se prévaloir de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire de la mesure visée par l’acte dont elle poursuit l’annulation (pt. 78). En second lieu, elle estime que la démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante, tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide (pt. 79). Dès lors, le Tribunal a pu conclure que la requérante n’avait pas établi une baisse importante de son chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou une diminution significative de ses parts de marché sur le ou les marchés en cause, à la suite de l’adoption des mesures en faveur de l’aéroport de Francfort-Hahn, quand bien même ces dernières auraient été transférées à Ryanair, ou encore que la requérante n’avait pas davantage établi un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qu’elle aurait enregistrée en l’absence de ces mesures (pt. 82).

JURISPRUDENCE UE : Estimant que l’obligation de la Commission de verser des intérêts moratoires, à la suite de la réduction par le juge de l’Union d’une amende infligée par celle-ci, n’affecte en rien la fonction dissuasive des amendes dans les affaires de concurrence, le Tribunal de l’Union accorde à Deutsche Telekom une indemnité 1 750 522 € en réparation du préjudice consécutif au refus de la Commission de lui verser des intérêts moratoires

 

Le 19 janvier 2022, le Tribunal de l’Union a rendu un arrêt dans une affaire T-610/19 (Deutsche Telekom contre Commission européenne) concernant non pas directement un contentieux concurrence mais une importante question pratique tenant au paiement de l’amende infligée, au titre d’une violation des règles de concurrence.

On se souvient que, par arrêt du 13 décembre 2018, le Tribunal de l’Union, exerçant sa compétence de pleine juridiction, a réduit le montant de l’amende infligée à Deutsche Telekom par la Commission pour abus de position dominante sur le marché slovaque des services de télécommunication à haut débit de 12 039 019 euros, la faisant passer de 31 070 000 euros à 19 030 981 euros. Le Tribunal a estimé que la Commission avait omis de démontrer que la pratique tarifaire de Slovak Telekom a.s. avait emporté des effets d’éviction avant le 1er janvier 2006. Par ailleurs, il a jugé que le chiffre d’affaires de la requérante n’était pas de nature à refléter le comportement individuel de celle-ci dans la réalisation de l’infraction en cause et que ledit chiffre d’affaires ne pouvait donc pas servir de fondement pour le calcul d’une amende additionnelle infligée uniquement à celle-ci au titre de la dissuasion.

Le 19 février 2019, la Commission a remboursé un montant de 12 039 019 euros à la requérante correspondant à la valeur nominal de l’amende. En revanche, elle a refusé de verser à Deutsche Telekom des intérêts moratoires pour la période comprise entre la date de paiement de l’amende — le 16 janvier 2015 — et la date de remboursement de la partie de l’amende jugée indue — le 19 février 2019, estimant d’une part que le rendement global obtenu du placement de cette somme pour la période en cause avait été négatif et d’autre part que l’exercice du pouvoir de réduire l’amende par le Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, ne saurait produire que des effets ex nunc, c’est-à-dire au seul jour du jugement du Tribunal réformant le montant de l’amende.

Deutsche Telekom a alors saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision de refus de verser à Deutsche Telekom des intérêts moratoires et tendant à la condamnation de la Commission à payer de tels intérêts.

À la faveur du présent arrêt, le Tribunal, qui accueille partiellement le recours en annulation de Deutsche Telekom, lui accorde au surplus une indemnité de 1 750 522,83 euros à titre de réparation du préjudice qu’elle a subi du fait du refus de la Commission de lui verser des intérêts moratoires sur le montant de l’amende qu’elle a indûment payé dans le contexte d’une infraction aux règles de la concurrence.

Le Tribunal rappelle à la Commission qu’elle est tenue de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant d’une amende qui, à la suite d’un arrêt du juge de l’Union, doit être remboursée à l’entreprise concernée. Ainsi, l’article 266, premier alinéa, TFUE, qui confère des droits aux particuliers, prévoit une obligation absolue et inconditionnelle de l’institution dont émane l’acte annulé de prendre, dans l’intérêt du requérant ayant obtenu gain de cause, les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation, à laquelle correspond un droit du requérant au plein respect de cette obligation (pt. 71). De sorte que, lorsque des sommes ont été perçues en violation du droit de l’Union, il découle de ce droit une obligation de les restituer avec des intérêts. Tel est, notamment, le cas lorsque des sommes ont été perçues en application d’un acte de l’Union déclaré invalide ou annulé par le juge de l’Union (pt. 72). En ce qui concerne la détermination des obligations qui incombent à la Commission au titre de l’article 266 TFUE en exécution d’un arrêt qui annule et réduit le montant d’une amende imposée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence, celles-ci comportent, au premier chef, l’obligation pour la Commission de restituer tout ou partie du montant de l’amende payée par l’entreprise en cause, dans la mesure où ce paiement doit être qualifié d’indu à la suite de l’arrêt. Cette obligation vise non seulement le montant en principal de l’amende indûment payée, mais aussi les intérêts moratoires produits par ce montant (pt. 74). L’octroi d’intérêts moratoires sur le montant indûment versé apparaît comme une composante indispensable de l’obligation de remise en état qui pèse sur la Commission à la suite d’un arrêt d’annulation ou de pleine juridiction (pt. 75). Il s’ensuit que, en n’octroyant aucun intérêt moratoire sur le montant en principal de l’amende remboursé à la suite d’un arrêt annulant ou réduisant le montant d’une amende imposée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence, la Commission s’abstient de prendre une mesure que comporte l’exécution de cet arrêt et méconnaît, de ce fait, les obligations qui lui incombent au titre de l’article 266 TFUE (pt. 76).

Ainsi, l’entreprise qui a payé une amende ultérieurement annulée ou réduite dispose d’un droit au remboursement des montants indûment perçus et donc d’une créance de restitution (pt. 82). À cet égard, le Tribunal rappelle que l’annulation d’une décision de la Commission prononcée par le juge de l’Union, opère ex tunc et non ex nunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique (pt. 85). Par ailleurs, lorsque le juge de l’Union substitue sa propre appréciation à celle de la Commission et qu’il réduit le montant de l’amende dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, il remplace, au sein de la décision de la Commission, le montant initialement fixé dans cette décision par celui qui résulte de sa propre appréciation. Cette réduction opère modification rétroactive de la décision de la Commission. L’amende réduite à la suite de la nouvelle appréciation du juge de l’Union est censée avoir toujours été celle infligée par la Commission (pt. 87).

Dès lors, l’obligation de verser des intérêts moratoires en cas d’annulation et de réduction, par le juge de l’Union, du montant d’une amende infligée par la Commission vise notamment à indemniser forfaitairement un retard objectif qui découle, premièrement, de la durée de la procédure devant le juge de l’Union, deuxièmement, de ce que la réglementation financière pertinente prévoit qu’une société qui a payé à titre provisoire une amende ultérieurement annulée ou réduite dispose d’une créance de restitution et, troisièmement, de la rétroactivité de la réduction du montant de l’amende opérée par le juge de l’Union (pt. 90). Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la Commission,  cette obligation de verser des intérêts moratoires n’affecte en rien la fonction dissuasive des amendes dans les affaires de concurrence (pts. 91-94).

En conclusion, le Tribunal considère que, d’une part, la créance principale détenue par la requérante en l’espèce existait et était certaine quant à son montant maximal ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis à la date du paiement provisoire de l’amende par cette dernière, à savoir le 16 janvier 2015 et que, d’autre part, la Commission était tenue, en application de l’article 266, premier alinéa, TFUE, de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant de l’amende jugée indue par le Tribunal dans l’arrêt du 13 décembre 2018 pour la période comprise entre la date du paiement provisoire de l’amende et la date du remboursement de la partie du montant de l’amende jugée indue (pt. 95). En outre, le Tribunal précise que la Commission ne dispose pas de la compétence pour arrêter, par une décision individuelle, les conditions dans lesquelles elle versera des intérêts moratoires en cas d’annulation de la décision ayant infligé une amende et en cas de réduction du montant de l’amende que cette décision prévoit et qui a été payée à titre provisoire (pt. 104). On n’est donc pas en présence d’intérêts compensatoires, lesquels visent à compenser l’écoulement du temps jusqu’à l’évaluation juridictionnelle du montant du préjudice, indépendamment de tout retard imputable au débiteur (pt. 106), mais bien plutôt en présence d’intérêts moratoires, dans la mesure où la créance principale de la requérante était une créance de restitution qui était liée au paiement d’une amende qui avait été effectué à titre provisoire. Cette créance existait et était certaine quant à son montant maximal ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis à la date dudit paiement et ne devait pas faire l’objet d’une évaluation juridictionnelle (pt. 108). La Commission n’est donc pas fondée à soutenir que les intérêts dont elle pourrait être redevable pour la période comprise entre la date du paiement provisoire de l’amende par la requérante et l’expiration du délai pour exécuter l’arrêt du 13 décembre 2018 doivent être qualifiés d’intérêts compensatoires (pt. 110).

Toutefois, le Tribunal rappelle que la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonnée à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers, la réalité du dommage ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre la violation et le préjudice subi, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver.

Compte tenu de l’obligation absolue et inconditionnelle imposée à la Commission par l’article 266, premier alinéa, TFUE de verser des intérêts moratoires, sans qu’elle dispose d’une marge d’appréciation à cet égard, le Tribunal constate, en l’espèce, l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de cette règle de droit pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union au sens de l’article 266, second alinéa, TFUE, lu conjointement avec l’article 340, deuxième alinéa, TFUE (pt. 113).

Restait à démontrer le préjudice à réparer et le lien de causalité entre celui-ci et l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers.

S’agissant du préjudice à réparer, le Tribunal retient que la requérante est fondée à soutenir qu’elle a subi un préjudice réel et certain qui est équivalent à la perte, au cours de la période comprise entre le 16 janvier 2015 et le 19 février 2019, des intérêts moratoires qui représentent l’indemnisation forfaitaire pour la privation de la jouissance du montant de l’amende indûment payé durant cette même période (pt. 118). Quant au lien de causalité, le Tribunal constate que la méconnaissance, par la Commission, de son obligation d’octroyer des intérêts moratoires au titre de l’article 266, premier alinéa, TFUE présente un lien de cause à effet suffisamment direct avec le préjudice qui consiste dans la perte, au cours de la période comprise entre le 16 janvier 2015 et le 19 février 2019, des intérêts moratoires sur le montant dont la requérante a été indûment privée (pt. 117).

Quant au quantum de la réparation, le Tribunal accorde à Deutsche Telekom une indemnité de 1 750 522,38 euros, calculée au moyen de l’application, par analogie, du taux prévu à l’article 83, § 2, sous b), du règlement délégué n° 1268/2012, à savoir le taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en janvier 2015, soit 0,05 %, majoré de trois points et demi de pourcentage (pt. 136), soit 3,55 % (pt. 137).

En revanche, le Tribunal rejette la demande de Deutsche Telekom tendant à l’indemnisation, au titre de la responsabilité non contractuelle de l’Union, d’un prétendu manque à gagner qu’elle aurait été subi en raison de la privation de jouissance, au cours de la période en cause, de la partie de l’amende indûment payée et qui correspondrait au rendement annuel de ses capitaux engagés ou au coût moyen pondéré de son capital. Sur ce point, la requérante invoquait un manque à gagner au motif que, si elle avait pu continuer à gérer la somme dont elle avait illégalement été privée, elle aurait pu développer des activités économiques et financer des investissements. Par ailleurs, elle se serait procurée moins de capitaux externes (et aurait, de ce fait, économisé des frais de capital) ou aurait pu, avec le montant de l’amende indûment payé, financer des investissements supplémentaires et réaliser un rendement plus important (pt. 35).

Au cas d’espèce, le Tribunal estime que Deutsche Telekom est restée en défaut d’apporter des preuves concluantes du caractère réel et certain du préjudice invoqué. En particulier, Deutsche Telekom n’a ni démontré qu’elle aurait nécessairement investi le montant de l’amende indûment payé dans ses activités (pt. 40) ni que la privation de la jouissance dudit montant l’a conduite à renoncer à des projets spécifiques et concrets (pts. 41-44). Dans ce cadre, Deutsche Telekom n’a pas non plus démontré qu’elle n’aurait pas disposé des fonds nécessaires pour saisir une opportunité d’investissement (pt. 48).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.

JURISPRUDENCE : ACTIONS EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS – PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES – APPLICATION DANS LE TEMPS – PRESCRIPTION – RÉPERCUSSION DES SURCOÛTS — Paris, Pôle 5 ch. 4, 5 janvier 2022, RG n° 19/22293 [Commentaire de Muriel Chagny]

 

Pièce supplémentaire du contentieux indemnitaire français des pratiques anticoncurrentielles, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 5 janvier 2022 (Paris, Pôle 5 ch. 4, 5 janvier 2022, RG n° 19/22293), porte un nouveau témoignage du développement en France des actions privées. En même temps, mettant en évidence les difficultés susceptibles de se présenter sur la voie de l’indemnisation, il contribue utilement à nourrir la réflexion sur la réparation des préjudices concurrentiels, voire plus largement des préjudices économiques.

La juridiction, dont le rôle central en la matière est désormais connu de tous, y statue sur l’appel interjeté par un producteur de produits d’hygiène féminine condamné en première instance à réparer le préjudice causé à plusieurs sociétés d’un même groupe de distribution par l’entente horizontale nouée dans le secteur des produits d’hygiène corporelle et précédemment condamnée par l’Autorité de la concurrence, puis par un arrêt définitif de sa Chambre 5-7 (n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 et Paris Ch. 5-7 27 octobre 2016 ; pour une autre action en dommages et intérêts se rapportant à ce cartel, v. déjà Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 avril 2021, RG n° 19/19448, L’actu-concurrence Hebdo n° 16/2021 du 26 avr. 2021, obs. M. Chagny)

L’appelante soutenait, comme souvent dans le cas des actions consécutives prenant appui sur une procédure engagée devant une autorité de concurrence, que la prescription, obstacle radical à l’exercice de l’action en indemnisation, avait joué. Pour l’essentiel, elle faisait valoir à cet égard que la prescription avait commencé à courir antérieurement à la décision de l’Autorité de la concurrence, l’entente ayant fait l’objet d’articles de presse et le demandeur en réparation ayant été auditionné dans le cadre de la procédure d’instruction. C’était donc une nouvelle fois la détermination du point de départ de l’action en réparation des préjudices causés par les pratiques anticoncurrentielles qui était au cœur de la discussion.

Sans doute, admet la Cour, les articles de presse et l’audition des sociétés de la grande distribution par les services de l’Autorité de la concurrence leur permettaient de « soupçonner avoir été victimes d’une entente ». Pour autant, faute de connaitre « la matérialité des faits » et « l’identification des entreprises ayant pris part à l’entente », celles-ci « n’étaient pas dans la situation de pouvoir exercer une action en justice » (Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 avril 2021, préc. ; rappr. CA Paris, 28 févr. 2018, n° 15/11824, distinguant les « simples soupçons » de la « certitude de nature à permettre d'agir en réparation contre les auteurs des pratiques »).

C’est seulement à partir de la décision par laquelle l’Autorité de la concurrence a « constat(é) et établi dans ses éléments factuels et juridiques la pratique incriminée » que les victimes ont connu « les faits leur permettant d’exercer une action indemnitaire », conclut la Chambre 5-4 au terme d’un raisonnement qui ne surprend guère tant il s’inscrit dans le droit fil d’un corpus jurisprudentiel affiné dont le mérite revient à cette formation.

L’arrêt du 5 janvier 2022 se démarque des décisions précédentes de la même juridiction par sa concision ; il ne revient pas en détail sur les principes dégagés antérieurement pour déterminer le point de départ du délai de prescription en application de l’article 2224 du code civil (V. déjà not. CA Paris, 6 mars 2019, n° 17/21261 ; Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 avril 2021, RG n° 19/19448). Il est vrai que ces principes sont d’autant mieux établis qu’ils ont été confortés par la Cour de cassation (Com. 27 janvier 2021, n° 18-16.279 ; Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-14877).

À vrai dire, l’arrêt retient bien davantage l’attention par ses développements consacrés au champ d’application temporel des dispositions nouvelles issues de la transposition de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014. Son intérêt majeur tient à ce que cette décision comme un précédent arrêt (Paris 24 novembre 2021 RG 20/04265 : L’actu-concurrence Hebdo n° 47/2021 du 13 déc. 2021, obs. R. Amaro), aborde la question aussi délicate que décisive de la nature (procédurale ou substantielle) des règles concernées. En effet, c’est à partir de cette dichotomie que la directive Dommages régit, en son article 22, l'application dans le temps de ses différentes dispositions, mais sans préciser à quelle catégorie celles-ci ressortissent. La difficulté est particulièrement marquée dans le cas des règles relatives à la prescription et à la preuve, à propos desquelles la Cour de justice devrait être appelée à se prononcer prochainement dans l’affaire Volvo DAF Trucks.

L’arrêt d’appel se prononce quant à lui à propos des règles de preuve et plus précisément des dispositions édictant une présomption simple, pour l’une, d’existence du préjudice dans le cas des ententes horizontales et, pour l’autre, de non-répercussion des surcoûts par l’acheteur direct. Pour ce faire, la décision adopte un raisonnement très proche de celui proposé par l’avocat général Rantos, dans ses conclusions (concl. Av. gén. Rantos, aff. C-267/20, 28 octobre 2021). À l’instar de ce dernier, elle considère que la règle, instituant, pour les ententes entre concurrents, une présomption d’existence d’un préjudice, est « de nature substantielle car elle affecte directement la situation juridique de l'auteur de l'infraction concernée ». L’explicitation donnée  à ce propos rappelle fidèlement les conclusions de l’avocat général : « en attribuant la charge de la preuve à l'auteur de l'infraction et en dispensant la victime de l'obligation de prouver l'existence d'un préjudice subi en raison de la pratique anticoncurrentielle ou d'un lien de causalité entre ce préjudice et cette pratique, cette présomption, n'a pas une finalité purement probatoire, mais est directement liée à l'attribution de la responsabilité civile extracontractuelle à l'auteur de l'infraction concernée et, en conséquence, affecte directement sa situation juridique » (rappr. Concl. Pt 81).

Ce raisonnement emporte la conviction en ce qui concerne l’article 17, § 2, de la directive Dommages transposé à l’article L. 481-7 du code de commerce. Comme l’explique l’avocat général, cette règle « ne se limite pas à la répartition de la charge de la preuve relative à l’existence du préjudice (qui est une question d’ordre procédural) » ; « elle établit une présomption réfragable relative à l’existence du préjudice résultant de l’entente (entre concurrents), ce qui porte directement sur la responsabilité extracontractuelle des auteurs d’infractions aux règles du droit de la concurrence ». Nul doute que l’existence d’un préjudice, comme celle d’un lien de causalité, fassent partie des éléments constitutifs de la responsabilité civile extracontractuelle.

Il est en revanche permis de se demander si le même raisonnement vaut dans le cas de l’article L. 481-4 du code de commerce transposant l’article 13 de la directive et se rapportant à la preuve de la répercussion du surcoût. La Directive envisage en effet la question comme un moyen de défense, de sorte que la disposition correspondante pourrait bien se limiter « à une répartition de la charge de la preuve relative à l’existence du préjudice » et être par conséquent d’ordre procédural. À vrai dire, la solution adoptée par la Cour d’appel paraît justifiée au regard du choix effectué, lors de la transposition en droit français, de concevoir la disposition plutôt comme une règle de fond. Reste cependant à savoir quelle est la marge de manœuvre laissée aux États-membres pour déterminer, lors de la transposition, à quelle catégorie (substantielle ou procédurale) appartiennent les dispositions de la directive 2014/104. À suivre l’avocat général Rantos dans ses conclusions, il s’agirait d’une question régie par le droit de l’Union, excluant dès lors toute latitude des États membres à la matière, ce qu’il revient cependant à la Cour de justice de trancher à l’occasion d’une prochaine prise de position.

En tout état de cause, une juridiction, lorsqu’elle conclut qu’au regard du droit transitoire, le litige relève de la loi ancienne, n’en a pas moins la faculté, d’appliquer par anticipation certaines solutions consacrées par les nouvelles règles sous réserve qu’elles ne contreviennent pas aux dispositions légales antérieures sur le fondement desquelles elle statue. Ce mécanisme, déjà mis en œuvre, sous l’impulsion de la Cour de cassation, à l’occasion de la réforme du droit commun des contrats, mais aussi en droit de la concurrence (Com. 15 janvier 2020, n° 18-10512, à propos de la notion de partenaire commercial au sens de l’ancien article L. 442-6 C. com.), est d’autant plus concevable, dans le cas des actions en réparation des préjudices concurrentiels, que, sous l’empire de la loi ancienne, le litige est régi, pour l’essentiel, par le droit commun de la responsabilité civile  (v. à ce propos, nos développements consacrés aux « Actions individuelles et collectives en dommages et intérêts », in Lamy droit économique 2022, spéc. n° 2099). Au demeurant, on en trouve déjà des manifestations dans le contentieux indemnitaire des pratiques anticoncurrentielles, notamment en ce qui concerne la détermination du point de départ du délai de prescription pour laquelle le raisonnement suivi sur le fondement du droit commun semble bien inspiré de la solution nouvellement consacrée dans le code de commerce.

L’examen du bien-fondé de la demande en dommages et intérêts conduit la juridiction à rappeler classiquement le triptyque bien connu, constitué d’« une faute civile, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqué »,  dont la démonstration  incombe à celui qui entend obtenir réparation.

En ce qui concerne, tout d’abord, la faute, le nouvel article L. 481-2 du code de commerce, édictant une présomption irréfragable en présence d’une décision définitive de constat d’infraction adoptée par l’Autorité de la concurrence, ne pouvait s’appliquer à des pratiques antérieures à son entrée en vigueur.

Cela n’empêche pas la Cour d’appel, comme l’avait fait le Tribunal de commerce, de tirer parti des constatations effectuées par l’autorité de concurrence et la Chambre 5-7 pour y trouver des « nombreux indices (…)  mett(a)nt en évidence la réalité de la faute civile imputable » à l’appelante et de considérer « établi à suffisance » le comportement anticoncurrentiel de cette dernière constitutif d’une faute extracontractuelle au sens de l'article 1240 du code civil.

S’employant, ensuite, à vérifier l’existence d’un dommage certain lié à l’entente, autrement dit les deux autres éléments du triptyque, la juridiction souligne qu’il incombe au demandeur à l’indemnisation « de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre la pratique anticoncurrentielle en cause et le dommage allégué », en l’occurrence sous la forme d’une diminution des marges arrière.

Cette exigence – selon laquelle, pour être mis à la charge d’une personne donnée, le préjudice doit trouver son origine dans le fait générateur de responsabilité imputé à cette personne, peut constituer un obstacle sérieux sur la voie de l’indemnisation des victimes de pratiques anticoncurrentielles. En l’espèce, il n’en est rien : la Cour d’appel, prenant appui sur la décision de l’Autorité de la concurrence et sur l’arrêt confirmatif de la Chambre 5-7, estime qu’« il (en) résulte à suffisance un faisceau d’indices permettant d’établir un lien direct entre la perte de marge-arrière et l’entente sanctionnée ». La juridiction expose en quoi la pratique anticoncurrentielle a permis aux entreprises concertistes de « modifier significativement à leur profit le résultat de la négociation », ceci à l’égard de « toutes les entreprises de la grande distribution (qui) ont subi à des degrés divers les effets de l’entente ». Elle écarte également, à cette occasion, l’argument de l’appelante tenant à l’impact des réformes apportées à la loi Galland sur le niveau des marges arrière des distributeurs.

Cependant, un ultime obstacle se présente — décisif celui-là —, sous la forme de la répercussion du manque à gagner résultant de la baisse des marges arrière dans la marge avant pratiquée lors de la revente aux consommateurs.

Emportent pleinement l’approbation les rappels bienvenus, selon lesquels, d’une part, la charge de la preuve d’un préjudice direct et certain pèse sur le demandeur à l’action indemnitaire  et, d’autre part, « il appartient à la Cour de vérifier si le distributeur a, en tout ou partie, répercuté sur les consommateurs les manques à gagner », ceci «  afin de ne pas consacrer un enrichissement sans cause du fait de l'allocation de dommages-intérêts », conformément au principe de réparation intégrale.

Il est permis d’être plus interrogatif en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle l’article L. 481-4 du code de commerce, mettant à la charge du défendeur à l’action la preuve de la répercussion du préjudice, n’est pas applicable ratione temporis. En effet, cette assertion repose sur la prémisse qu’il s’agit d’une règle de fond là où, ainsi qu’on l’a vu, l’hésitation est possible, au regard des conclusions de l’avocat général Rantos, quant à son rattachement à la catégorie des dispositions substantielles ou procédurales.

Statuant dès lors sur le fondement de la loi ancienne, la Cour d’appel, contrairement à ce qu’elle avait semblé faire dans un précédent arrêt, s’abstient de faire usage de la possibilité déjà évoquée, d’appliquer par anticipation la nouvelle solution légale, sous réserve bien évidemment de ne pas statuer contra legem (Comp. CA Paris, 20 sept. 2017, n° 12/04441 écartant le moyen fondé sur une répercussion des surcoûts au motif que les défendeurs à l’action en réparation « ne le démontrent pas » ; v. aussi dans le même sens, CAA Paris 4e ch. 13 juin 2019, n° 14PA02419). Les « demanderesses à l’indemnisation doivent prouver, au titre de la démonstration de leur préjudice, qu’elles n’ont pas répercuté sur le consommateur le manque à gagner résultant des marges arrière minorées du fait de l’entente sanctionnée », énonce la Cour d’appel, s’inscrivant dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-18.495).

Dans le prolongement d’autres décisions, l’arrêt réitère qu’« il était acquis dès avant l’entrée en vigueur de la directive que la répercussion des coûts est la pratique commerciale habituelle et normale », affirmation dont on ne manquera pas de relever la généralité.

On retiendra également les développements étayés consacrés par l’arrêt pour écarter l’argumentation des intimées faisant valoir que le prix de revente au consommateur était contrôlé par le fournisseur et que la répercussion du manque à gagner sur le prix de revente au consommateur était rendue impossible par l’interdiction de la revente à perte telle que prévue par la loi Galland. Pour convaincre, il aurait fallu que les distributeurs montrent que « le seuil de revente à perte était tellement élevé qu’il ne leur permettait pas de fixer un prix de vente aux consommateurs au-dessus de ce seuil, de sorte que la seule marge commerciale qui leur restait acquise était celle correspondant aux marges arrière négociées ».

Les circonstances propres à l’affaire ont manifestement interféré dans la solution retenue, la Cour d’appel soulignant que les intimés, qui indiquent ne plus disposer des données de l’époque des pratiques, « ne produisent aucun autre élément permettant de vérifier qu’elles n’ont pas répercuté le manque à gagner des marges arrière sur leurs marges avant en revendant aux consommateurs les produits ». Par où se confirme, une nouvelle fois, la nécessité, pour les demandeurs en réparation de préjudices concurrentiels de documenter au maximum leurs dossiers.

Si l’arrêt rappelle fort justement l’obligation faite aux juges nationaux, lorsque les règles européennes de concurrence sont applicables, de « vérifier  la compatibilité de la norme nationale applicable avec le principe d’effectivité » du droit de l’Union européenne, il est possible de s’interroger sur la conformité avec cet impératif de la solution faisant peser la charge de la preuve de l’absence de répercussion sur la victime (v. à ce propos, Lamy droit économique, n° 2170 ; CAA Paris 4e ch. 13 juin 2019, n° 14PA02419, estimant qu’une telle solution « ne serait pas conforme au droit de l’Union européenne). La Cour d’appel, précisément saisie d’une demande tendant à voir poser à ce propos une question préjudicielle à la CJUE, refuse d’y faire droit au motif que « la question ne soulève pas une difficulté sérieuse dont la réponse serait nécessaire à la solution du litige dans la mesure où la preuve de la non répercussion du manque à gagner sur le consommateur, qu’il n’y a pas lieu de restreindre à la seule comptabilité, n’est ni impossible ni excessivement difficile » (rappr. CA Paris, 27 févr. 2014, no 10/18285).

Il reste que dans le cas où cette question serait « soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne », à l’instar de la Cour de cassation, celle-ci serait, conformément à l’article 267 TFUE, tenue de saisir la Cour de justice. On peut donc gager, sans grand risque de se tromper que la juridiction européenne pourrait être appelée, dans un avenir proche, à se prononcer sur la compatibilité avec le droit de l’Union européenne du régime français d’attribution de la preuve de la répercussion antérieur à la transposition.

Muriel Chagny
Président de l’AFEC
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay)
Directeur  du master de droit de la concurrence et de droit des contrats


JURISPRUDENCE OVS : La délimitation par le juge des libertés et de la détention du champ, notamment géographique, des opérations de visites et saisies relève de l'appréciation souveraine des juges du fond

 


Peu à peu, au fil des arrêts rendus par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, se dessinent les prérogatives du juge des libertés et de la détention (JLD) s’agissant de la délimitation du champ d'application d'une autorisation de visites et saisies.

Au cas d’espèce des entreprises du secteur de la collecte, de la gestion et du traitement des déchets, qui avaient vu leurs locaux visités en octobre 2018 à la suite de l’autorisation donnée par le JLD du Tribunal de grande instance de Lyon à la demande de la DIRECCTE Auvergne Rhône-Alpes, contestaient les ordonnances autorisant les opérations de visites et de saisies (OVS) au motif qu’elles seraient générales et disproportionnées.

Par ordonnance en date du 26 novembre 2019, le premier président de la Cour d'appel de Lyon a confirmé les ordonnances du JLD autorisant la DIRECCTE Auvergne Rhône-Alpes à effectuer des OVS en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

Les entreprises visitées ont alors introduit un pourvoi en cassation, soutenant en substance que la définition du champ d'application d'une autorisation de visites et saisies ne saurait excéder la portée de l'infraction pouvant être suspectée sur le fondement des indices examinés. Plus précisément, elles reprochaient à la conseillère déléguée par le premier président de la Cour d'appel d’avoir motivé la confirmation de l’autorisation du JLD en jugeant que, « dans le cadre de la recherche d'une entente illicite, il n'est pas nécessaire que l'enquête définisse un marché précis et une zone géographique ». Selon les entreprises visitées, elle aurait dû limiter l'autorisation de visites et saisies aux seuls marchés de la région Rhône-Alpes, dans la mesure où elle ne disposait pas d'indices suffisamment sérieux lui permettant d’aller au-delà.

Dans leur pourvoi, les entreprises visitées faisaient encore valoir que la demande d'autorisation de visites et saisies doit comporter des indices permettant de présumer l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée ; qu'ainsi, l'ordonnance d'autorisation de visites n'est valable que si elle vise à rechercher la preuve d'une entente économique déterminée.

Dès lors, se posait la question de la latitude dont dispose le JLD pour délimiter le champ d’application, notamment géographique, d'une autorisation de visites et saisies.

À la faveur d'un arrêt rendu le 12 janvier 2022, la Chambre criminelle de la Cour de cassation affirme que le JLD dispose d’une latitude certaine pour délimiter le champ des OVS, laquelle relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Ainsi, dès lors que l'ordonnance confirmée précisait le secteur d'activité économique concerné, en l'espèce celui de la collecte, de la gestion et du traitement des déchets, le JLD a pu souverainement apprécier, au vu des indices de pratiques prohibées produits par l'administration, que des agissements analogues étaient susceptibles d'avoir été commis dans ce secteur d'activité, avec d'autres entreprises, et dans d'autres lieux.

En somme, le JLD n’était pas tenu de délimiter un marché précis — ce qui se comprend à ce stade de la procédure —, ni même une zone géographique limitée. Ainsi, il n'avait pas à restreindre son autorisation à la seule région Rhône-Alpes au motif que la requête n'évoquait que des marchés relatifs à cette région, dès lors que cette évocation était faite à titre d'exemples non exhaustifs, et que, du fait de l'envergure nationale de l’entreprise suspectée, il pouvait être envisagé des agissements analogues avec d'autres entreprises, sur d'autres secteurs géographiques, et ce, d’autant plus que la compétence de la DIRECCTE est nationale.

INFOS : Estimant que la simple détention par EDF de la base de données des petits consommateurs professionnels concernés par la fin des tarifs réglementés et le refus d’accès à cette base de données opposé en 2021 aux fournisseurs alternatifs ne sont pas de nature à entraîner leur éviction, l’Autorité de la concurrence rejette au fond la saisine et, partant, la demande de mesures conservatoires de l’ANODE, association qui regroupe la plupart des fournisseurs alternatifs d’énergie

 

Le 20 janvier 2022, l’Autorité de la concurrence a rendu publique une décision n° 22-D-03 adoptée le 18 janvier 2022 à propos de l’accès à la base de données des petits clients non résidentiels concernés par la fin des tarifs réglementés de vente (TRV) de l’électricité.

Pour bien appréhender les enjeux à l’oeuvre dans cette affaire, il est nécessaire de rappeler le contexte dans lequel est intervenue la fin des « TRV Bleus » pour les petites entreprises, c’est-à-dire celles qui emploient dix personnes ou plus, ou qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le bilan annuel excèdent deux millions d’euros, et ce, pour leurs sites de puissance de soutirage inférieure à 36 kVA.

Afin de se conformer aux engagements européens de la France, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite LEC, a prévu qu’à compter du 1er janvier 2021, les tarifs réglementés ne s’appliqueraient plus à ces petits consommateurs d’électricité professionnels, lesquels devaient souscrire un contrat en offre de marché avant cette date chez le fournisseur de leur choix. Toutefois, et à défaut pour ces petits consommateurs professionnels de souscrire une offre de marché avant le 1er janvier 2021, la loi a prévu, afin d’éviter toute interruption dans leur alimentation en électricité, qu’ils seraient basculés, sauf opposition de leur part, vers un contrat dit de « sortie de tarif » (CST) proposé par leur fournisseur historique. Avant que cette bascule automatique vers CST ne se produise, le législateur a cherché à favoriser la souscription par les petits consommateurs professionnels aux offre de marché des opérateurs historiques et alternatifs présents sur le marché. Pour ce faire, et afin que la compétition pour la conquête de ces consommateurs demeure loyale, la LEC a introduit l’obligation, à la charge des fournisseurs historiques, d’accorder, gratuitement à tout fournisseur alternatif qui en ferait la demande, l’accès aux données de contact, de consommation et de tarification des clients concernés par la fin des TRV, pendant une année — l’année 2020 —, et donc jusqu’au 31 décembre 2020, date à laquelle les données transmises devaient être détruites par les fournisseurs alternatifs. En revanche, ces mêmes données sont demeurées en la possession d’EDF (pt. 121), qui n’étaient pas tenue de les détruire dans la mesure où elle en avait besoin pour gérer les offres de bascule et éviter ainsi toute interruption dans l’alimentation en électricité de ces petits consommateurs professionnels (pt. 145).

Résultats des courses : selon les termes mêmes d’une délibération de la CRE du 18 mars 2021, au 1er janvier 2021, sur les 1 166 000 sites ne pouvant plus, à cette date, bénéficier du TRV Bleus, 657 000 sites, soit 56,35 %, ont souscrit librement une offre de marché chez un fournisseur (alternatif ou historique) au cours de l’année 2020, tandis que 509 000, soit 43,65 %, ont été basculés automatiquement au 1er janvier 2021 dans l’offre CST d’EDF prévue au VI de l’article 64 de la LEC (offre dite « de bascule »). Par ailleurs, sur le nombre de sites passés en offres de marché, 47 % des souscriptions ont été faites auprès de fournisseurs alternatifs et 53 % auprès d’EDF.

Estimant que le dispositif prévu par la LEC n’avait pas fonctionné correctement, dès lors qu’une proportion importante — 43,65 % — des sites devenus non éligibles au TRV Bleus n’avait pas opté pour une offre de marché, basculant dès lors, du fait de leur inertie, dans l’offre de bascule « régulée » d’EDF et constatant par ailleurs qu’aucune communication d’envergure n’avait été menée par les pouvoirs publics et que la crise sanitaire a probablement été, et continue d’être, un frein à la proactivité des consommateurs pour souscrire une offre de marché, la CRE a recommandé, au terme de sa délibération du 18 mars 2021 que les fournisseurs historiques prolongent de leur propre initiative, pour les fournisseurs qui le souhaitent, l’accès aux données des consommateurs en offre de bascule chez EDF et les entreprises locales de distribution (ELD), précisant toutefois que ce partage d’informations ne devrait porter que sur les données de consommation, utiles pour l’identification des sites concernés par les fournisseurs alternatifs, mais en aucun cas sur les données à caractère personnel dont le partage nécessiterait de s’assurer une nouvelle fois de l’absence d’opposition des clients concernés. Dans l’esprit de la CRE, la poursuite du partage d’informations avec les fournisseurs alternatifs aurait dû être circonscrite à l’année 2021, année pendant laquelle les consommateurs avait la possibilité de résilier l’offre de bascule à tout moment et sans pénalité conformément à l’article 64 de la LEC.

Visiblement, ni EDF ni les ELD n’ont suivi la recommandation de la CRE.

Forte de cette recommandation de la CRE, l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie — l’ANODE — qui regroupe la plupart des fournisseurs alternatifs d’énergie, a sollicité auprès d’EDF la poursuite du partage d’informations avec les fournisseurs alternatifs. Elle s’est heurtée à un refus catégorique de l’opérateur historique de donner accès à la base de données des clients en offre de bascule par un courrier en date du 13 juillet 2021 (pt. 88).

Sur quoi l’ANODE a alors saisi, le 24 septembre 2021, l’Autorité de la concurrence, dénonçant principalement le refus opposé par EDF aux fournisseurs alternatifs d’électricité, de leur donner accès à la base de données des petits consommateurs d’électricité professionnels (sites C5) concernés par la fin des tarifs réglementés de vente (TRV Bleus) et ayant basculé automatiquement, au 31 décembre 2020, vers un contrat de sortie de tarif (CST), laquelle base de données est qualifiée par la saisissante d’infrastructure essentielle. Selon elle, EDF aurait exploité abusivement des données relatives aux sites de ces petits consommateurs professionnels, bénéficiant à compter du 1er janvier 2021 du CST proposé par EDF et aurait procédé à une confusion générale de moyens lors de la commercialisation de ses offres de marché.

Selon l’ANODE, les pratiques dénoncées devraient être qualifiées d’abus de position dominante, en ce qu’elles entraîneraient un effet d'éviction vis-à-vis des fournisseurs alternatifs, dans une période particulièrement sensible et propice au développement de la concurrence.

Accessoirement à sa saisine, l’ANODE a déposé une demande de mesures conservatoires visant principalement à ce que soit enjoint à EDF de donner accès à la base de données litigieuse.

Saisi pour avis dans la présente affaire, la CRE a rendu le 28 octobre 2021 une délibération n° 2021-329 (non encore publiée), aux termes de laquelle elle semble avoir réitérer sa recommandation tendant à la poursuite du partage d’informations. C’est du moins ce qui découle de la lecture du point 142 de la présente décision, à la faveur duquel l’Autorité indique que, si elle
partage le constat de la CRE selon lequel le jeu concurrentiel serait nécessairement plus animé en cas d’accès prolongé des fournisseurs alternatifs à la base concernée, il ne lui appartient pas ici de formuler des recommandations relatives au secteur de l’électricité, mais d’examiner la probabilité d’un risque d’éviction anticoncurrentielle.

Dès lors se posait la question de savoir si le fait pour EDF de disposer seule, à partir du 1er janvier 2021 des données des clients en offre de bascule, alors même que ces données sont issues de l’ancien monopole d’EDF et, dès lors, n’ont pas été obtenues par les mérites, ne constitue pas pour l’opérateur historique un avantage concurrentiel non réplicable par les fournisseurs alternatifs.

Or, constatant, au terme de son analyse, qu’aucun élément probant ne permettait d’établir que les refus d’accès opposés en 2021 par EDF aux fournisseurs alternatifs seraient susceptibles de constituer un abus de position dominante (pt. 143), l’Autorité a estimé, sans qu’il soit nécessaire d’analyser les critères relatifs aux mesures conservatoires, que les faits invoqués par l’ANODE n’étaient pas appuyés d’éléments suffisamment probants pour étayer l’existence des pratiques dénoncées.

L’Autorité relève à cet égard que la simple détention de la base de données par EDF et le refus d’accès opposé en 2021 aux fournisseurs alternatifs n’étaient pas susceptibles d’entraîner un risque d’éviction anticoncurrentielle de ses concurrents. Pour parvenir à cette conclusion, alors même qu’elle relève que la base de données litigieuse sont issues de l’ancien monopole d’EDF et de ses missions de service public et que les données y figurant, pas intégralement reproductibles par les concurrents d’EDF, sont stratégiques puisqu’elles permettent aux fournisseurs d’électricité de faire des propositions commerciales adaptées aux besoins des consommateurs concernés (pt. 112), l’Autorité de la concurrence commence par évaluer la probabilité d’éviction résultant des refus d’EDF d’ouvrir l’accès à la base de données litigieuse. Dès l’abord, elle retient que les CST constituent des offres de marché et non des offres régulées (pt. 113). Estimant que l’animation concurrentielle du marché a été effective en 2020 dans la mesure où les fournisseurs alternatifs ont eu un égal accès à la base de données des clients concernés par la fin des TRV (pt. 120) et que les clients passés en offre de bascule l’ont fait en connaissance de cause (pt. 122) après avoir reçu une information neutre, compréhensible et visible, de la fin de leur éligibilité aux TRV, de la disponibilité des offres de marché et de l’existence du comparateur d’offres (pt. 123). De sorte qu’il ne peut être considéré que les clients ayant basculé en CST auraient été induits en erreur sur leur passage des TRV en offre CST et sur l’existence de concurrents d’EDF sur leur segment de marché (pt. 124). Par ailleurs, l’Autorité observe que les clients en offre de bascule ont bénéficié et bénéficient de plusieurs fenêtres pendant lesquelles la résiliation est possible à tout moment et sans indemnité, sous réserve d’un préavis de 15 jours (pts. 125 et 127) et que les conditions contractuelles de l’offre de bascule d’EDF ne rendent pas les clients captifs et leurs permettent de changer aisément de fournisseurs (pt. 129). En outre, et toujours dans l’optique d’évaluer la probabilité d’éviction des fournisseurs alternatifs, l’Autorité, qui constate une progression de leurs parts de marché estime que cette progression sur le marché concerné permet de relativiser l’importance de l’accès au fichier des clients en CST pour conquérir des clients d’EDF. La prospection active ciblée des clients ne constitue pas le seul facteur d’animation concurrentielle, les clients dûment informés pouvant choisir spontanément de changer de fournisseur (pt. 131). Ainsi, l’Autorité relève qu’en 2021, alors même que les opérateurs alternatifs n’avait plus accès à la base de données relative aux clients concernés par la fin des TRV, ils ont quand même pu conquérir des clients ayant basculé en CST. Ainsi, d’après les éléments fournis par EDF, entre le 1er janvier et le 30 septembre 2021, 36 113 sites ayant basculé en CST ont souscrit une offre de marché auprès d’EDF, tandis que 36 043 sites ont souscrit une nouvelle offre de marché auprès des fournisseurs alternatifs, de sorte ces derniers ont capté près de 50 % des sites en CST, ce dont l’Autorité déduit qu’ils ont pu, sur cette période, exercer une pression concurrentielle sur l’entreprise dominante (pt. 134). Selon l’Autorité, il en résulte qu’aucun effet d’éviction n’est susceptible de découler des seuls refus d’accès d’EDF à ses bases de données clients en CST en 2021 (pt. 138), ni même une fragilisation des fournisseurs alternatifs (pt. 137).

Par ailleurs, à propos de l’impact de la crise sanitaire avancée par la saisissante, qui aurait empêché le libre exercice du jeu concurrentiel organisé par le législateur en 2020 et rendrait indispensable un accès à la base des clients au CST, l’Autorité estime que cet impact mérite d’être nuancé et ne saurait rendre abusifs les refus d’EDF en 2021 (pt. 139).

S’agissant à présent de l’exploitation abusive des données des clients en Offre de bascule à des fins susceptibles d’être anticoncurrentielles, l’Autorité retient que les documents internes produits par EDF ont permis de constater que des précautions particulières avaient été prises par cet opérateur pour ne pas exploiter en 2021 ces données issues de son ancien monopole légal et ainsi, ne pas engager d’action commerciale ciblée (pts. 151-153).

Enfin, l’Autorité écarte toute pratique d’EDF tendant à introduire une confusion entre ces différents services et prestations. Ainsi, estime-t-elle que le simple fait pour EDF de permettre à ses clients ayant basculé en CST d’accéder à leur espace client sur son site Internet et de souscrire directement une autre offre de marché que celle dans laquelle ils se trouvent depuis cet espace ne peut équivaloir à une exploitation abusive des données relatives à ces clients pour promouvoir ses offres de marché en électricité. C’est en effet à l’initiative du consommateur qu’un passage du CST à une offre de marché différente peut intervenir via ce canal (pt. 164).

INFOS UE : Publication des conclusions de l'enquête sectorielle sur les assistants vocaux : identifiant plusieurs problèmes de concurrence, la Commission entend ouvrir des enquêtes contentieuses et utiliser ces conclusions dans le cadre de la discussion en cours sur le DMA

 

Le 20 janvier 2022, la Commission européenne a publié les conclusions de son enquête sectorielle sur l'internet des objets (IDO) pour les consommateurs. Le rapport final et le document de travail des services de la Commission qui l'accompagne recensent plusieurs problèmes de concurrence potentiels sur les marchés en forte croissance des produits et des services liés à l'IDO dans l'Union européenne.

L’un des principaux obstacles à l'entrée ou à l'expansion dans le secteur est le coût des investissements technologiques, qui est particulièrement élevé sur le marché des assistants vocaux, de sorte que concurrencer les entreprises intégrées verticalement qui ont construit leurs propres écosystèmes au sein et au-delà du secteur de l'IDO pour les consommateurs (par exemple Google, Amazon ou Apple) s’avère particulièrement difficile.

Les sources principales de problèmes potentiels concernent :
 
— l’existence de certaines pratiques d'exclusivité et de vente liée pour les assistants vocaux, ainsi que de pratiques limitant la possibilité d'utiliser différents assistants vocaux sur le même dispositif intelligent ;

— la position des assistants vocaux et des systèmes d'exploitation de dispositifs intelligents en tant qu'intermédiaires entre les utilisateurs, d'une part, et les dispositifs intelligents ou les services de l'IDO pour les consommateurs, de l'autre. Cette position, associée à leur rôle clé dans la production et la collecte de données, leur permettrait de contrôler les relations avec les utilisateurs ;

— l’accès étendu des fournisseurs d'assistants vocaux aux données, notamment aux informations sur les interactions des utilisateurs avec les dispositifs intelligents et les services de l'IDO pour les consommateurs proposés par des tiers ;

— le manque d'interopérabilité dans le secteur de l'IDO pour les consommateurs en raison de la prédominance des technologies propriétaires, qui conduit parfois à la création de normes « de fait ».

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

 

Bonjour,

Voting is now open for the 2022 Antitrust Writing Awards.

For this 11th edition, the Editorial Committee received a record-breaking 1,200+ submissions during the nominations period, out of which it selected:

- 100+ Academic Articles
- 130+ Business Articles
- 42 Soft Laws
- 20 Student Papers

As a reader, you can vote online for your favorite writings in all 4 categories from today, January 21 until March 25, 2022.

The Jury voting will also take place during this period - first with the Academic Steering Committee, Business Steering Committee, and Student Committee, then with the Board. To learn more about the prominent antitrust enforcers, academics, in-house counsel, and students in the 2022 Jury, see here.

Winners will be announced by Bill Kovacic and the Board members at the Gala Dinner on April 5th, in Washington DC. Early Bird tickets for the Gala Dinner are available until February 5th.

Now in their 11th year, the Antitrust Writing Awards are the field’s largest awards for written thought. Participation in the Awards process, whether as an author, jury member, or reader, helps highlight the best antitrust ideas of the past year.

We would like to express our congratulations to all of the 2022 nominees, invite you to read their articles, and vote for your favorites, all of which you can do below.

Best regards,

Sarah Baharon - Yasemin Tandogan
Global Events Manager - Events Coordinator
For the 2022 Antitrust Writing Awards Editorial Committee
awards.concurrences.com

« Prix de thèse de droit de la concurrence » des éditions Bruylant

 

Bonjour,

Les éditions Bruylant et les cabinets d’avocats Gide et Van Bael & Bellis décernent le « Prix de thèse de droit de la concurrence ». Ce prix récompense la meilleure thèse de droit de la concurrence soutenue entre le 1er février 2021 et le 1er mars 2022.

Récompensée de 10 000 euros, la thèse primée sera publiée, en exclusivité, aux éditions Bruylant dans la Collection « Competition Law/Droit de la concurrence ».

Peuvent uniquement candidater les travaux de langue française ou anglaise.

Le jury est composé d’éminents spécialistes en droit de la concurrence.

Les candidatures sont à adresser par E-MAIL au plus tard le 1er mars 2022. Chaque candidature contient une lettre de motivation, le travail de thèse, le rapport de soutenance (s’il est déjà disponible) et le curriculum vitae de l’auteur.

Cordialement,

Nicolas Cassart
Legal Publishing Manager, Larcier (Lefebvre Sarrut Belgium s.a.)

 

Bonjour,

Les cabinets Deloitte, Fréget Glaser & Associés et Orrick, en partenariat avec la Revue Concurrences, ont le plaisir de vous inviter au prochain webinaire « Droit et économie de la concurrence » qui aura lieu le mercredi 26 janvier 2022 de 9h30 à 11h :

« Nomenclature des dommages anticoncurrentiels »

À cette occasion, nous aurons le plaisir d'accueillir Sophie Depelley (Cour d’appel de Paris), Nathalie Dostert (Tribunal de commerce de Paris) ainsi que Sylvaine Poillot-Peruzetto (Cour de cassation) à nos côtés.

Le panel sera modéré par Rafael Amaro, Professeur à l'Université de Caen Normandie.

Le programme ainsi que les inscriptions, gratuites et ouvertes à tous, sont disponibles sur le site dédié.

Pour toute question, merci de nous contacter par E-MAIL.

Nous espérons vous accueillir — virtuellement — nombreux le mercredi 26 janvier 2022 pour ce webinaire.

Meilleures salutations,

Olivier Fréget | Associé, Fréget Glaser & Associés, Paris
Gildas de Muizon | Associé - Economic Advisory, Deloitte, Paris
Malik Idri | Of Counsel, Orrick, Paris

 

Bonjour,

Le 3 février 2022, j’organise une conférence intitulée « Blockchain + The Law » et consacrée à l'exploration des synergies entre les deux. D’éminents spécialistes des États-Unis et de l'Union européenne se joindront à la conversation pour ce qui promet d'être un événement révolutionnaire.

La manifestation comporte un panel dédié au droit de la concurrence.

Les inscriptions se font ICI.

Bien cordialement,

Thibault Schrepel

Associate Professor of Law at VU Amsterdam | Faculty Affiliate at the CodeX Center (Stanford University)
Invited Professor at Sciences Po Paris & University Paris Panthéon-Sorbonne

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