Ce mois-ci, nous avons continué à investiguer les liens possibles entre les notions de confiance et de crise. Le 15 janvier, nous avons ainsi découvert avec Machiavel - au travers du professeur Thomas Berns - une vision positive de la "crise".
Selon Machiavel, "Un Prince qui fait ce qu'il veut est fou".
Trump est-il l'héritier de la pensée de Machiavel ou, au contraire, l'anti-machiavel personnifié ?
"Les deux, mon capitaine !" semble nous dire le professeur Berns.
En 2017, David Ignatius a écrit un article dans le Washington Post portant le titre "Trump est le Machiavel américain". En 2018, Michael Wolff a montré au contraire dans son livre "Fire and Fury" (dont on peut trouver un long extrait dans The Intelligencer) que Trump n'avait ni la clarté de jugement, la profondeur analytique, l'intution politique ou le génie de la langue du Florentin. Dans un article de La Voce di New York intitulé "Trump, l'anti-machiavel", Stefano Albertini se range du côté de Wolff.
La conférence "PhiloMa" de Thomas Berns nous permet pourtant de dépasser ce débat un peu réducteur. En effet, pour lui, la pensée de Machiavel est une pensée de l’immédiateté et une critique du « juste milieu », de la prudence, chez Aristote. En cela, Machiavel permet de penser l’efficacité contemporaine des discours de politiciens tels Donald Trump qui favorisent une forme d’hyper-immédiateté. Machiavel fait en effet la part belle à la crise et au conflit au sein de l’ordre politique. Cependant, remarque Thomas Berns, la pensée de Machiavel ne permet pas seulement de comprendre l’habileté d’un Trump à se « nourrir » des conflits qui traversent naturellement toute société. Elle fournit également les arguments pour une critique de la politique conflictuelle que stimule artificiellement ce dernier. En effet, si pour Machiavel il est bon que les conflits s’expriment, cela ne devrait pas être au prix de nuire à l’intégrité d’une Etat ou d’une organisation car il faut qu’il y ait toujours, selon lui, création d’ordre dans le désordre même. La question est donc de quelle manière le conflit peut être maintenu, pour favoriser le changement, sans nuire pour autant à un Etat ou une organisation.
Ainsi, pour Machiavel, il s'agit de faire confiance en la réalité, qui est naturellement conflictuelle et toujours changeante (parce qu'expression entre autres des désirs du peuple, eux-mêmes conflictuels et contradictoires) en vue de garantir la stabilité d'un État ou d'une organisation. Les conflits, les tensions, les crises, sont donc pour Machiavel la condition à la fois de l’évolution et de la durée d’une organisation ou d'un Etat. Les crises ne sont plus vécues comme des exceptions, des anomalies, mais au contraire comme l’expression de la réalité elle-même avec laquelle il s’agit pour un leader d’entrer en adéquation. La qualité d'un Prince, sa "Virtù", est donc de pouvoir répéter la saisie de l’occasion (le "Kairos"), afin de réussir à maintenir l’ordre, malgré le désordre qui traverse la société en permanence (et non grâce à un conflit que le Prince entretiendrait artificiellement pour conquérir le pouvoir ou s'y maintenir).
Cette qualité, qui est la marque d'un grand chef d'Etat ou d'un bon manager, ne semble pas être l'apanage de Trump, malgré son habilité incontestée à être "en adéquation avec son temps". Trump, à l'instar d'un Boris Johnson ou de nombreux managers autocratiques et manipulateurs (qui n'ont probablement pas lu Machiavel et n'ont retenu de lui que l'idée populaire et réductrice selon laquelle "la fin justifie les moyens"), n'est donc qu'un machiavel minable et raté, un Prince d'autant plus fou et dangereux qu'il croit pouvoir faire ce qu'il veut.
Si vous avez manqué cette conférence avec Thomas Berns et que les réflexions ci-dessus vous intéressent, vous pouvez en acquérir la vidéo et le compte-rendu (rédigé par Martin Bolle) pour la modique somme de 20 euro en envoyant un email en ce sens à info@philoma.org.
La suppression de la hiérarchie visible peut-elle induire d'autres formes de pouvoir qui tiennent de la manipulation ? Cela peut-il être évité ? Comment ?
Pour poursuivre nos réflexions sur les concepts de confiance et de crise, joignez-vous à nous pour notre prochaine conférence avec le philosophe en entreprise, Thibaud Brière.
En effet, ce samedi 29 janvier, en continuité cette fois de notre programme parisien avec l'ESCP, Thibaud Brière nous fera le plaisir de continuer l'approche critique de Thomas Berns, avec la présentation de son livre "Toxic Management", sorti en novembre 2021 aux éditions Robert Laffont.
Le titre de l'ouvrage de Thibaud Brière montre bien son intention de frapper fort. Il s'agit de montrer comment les nouvelles formes d'exercice du pouvoir en entreprise - qui accompagnent parfois la mise en place d'un management "collaboratif", "libéré", "opal", "sociocratique" ou "holacratique" - peuvent entraîner paradoxalement une crise de la confiance en son sein. Si les valeurs d'autonomie et d'égalité sont en soi positives, elles peuvent néanmoins être dévoyées si elles ne sont pas vécues authentiquement par leurs promoteurs. Dans le fond, une vision pessimiste de ce management fait penser au "Village", cette île en apparence paradisiaque de l'ancienne série "Le Prisonnier", dans laquelle il est impossible de différencier détenus et geôliers. En somme, ces nouvelles formes de management pourraient confirmer l'adage selon lequel "l'enfer est pavé de bonnes intentions".
Thibaud Brière nous partagera ainsi son expérience de "philosophe en entreprise" dans une organisation prônant la confiance et l'autonomie, afin de nous inviter à la prudence et abordera entre autres les questions suivantes :
- La suppression de la hiérarchie visible peut-elle induire d'autres formes de pouvoir qui tiennent de la manipulation ? Cela peut-il être évité ? Comment ?
- Si un management dit traditionnel est remis en question, ses alternatives pourraient-elles pas avoir leurs propres dérives ? Lesquelles ?
- Quelles sont les conditions qui permettent à une équipe de conserver la confiance envers son "management" qu'il soit traditionnel ou novateur ?
Cette conférence-débat de PhiloMa qui aura lieu le 29/01 de 10:00 à 12:30 sera encore une fois en ligne, étant donné la crise sanitaire actuelle. L'inscription à cette conférence donnera accès à transmission de l'événement en zoom en direct ou en différé et à un compte-rendu écrit par Martin Bolle, docteur en philosophie.
Si vous rencontrez la moindre difficulté pour vous inscrire via Eventbrite, n'hésitez pas à nous contacter.
Alan.eu, une compagnie d'assurance en pleine expansion dont l'objectif est de nous aider à améliorer radicalement notre santé et notre bien-être, recrute pour divers postes, en Belgique, en France et en Espagne. Pour plus d'informations, regardez Emilie, responsable de l'équipe commerciale, dans cette vidéo et/ou consultez cette page pour une description des postes à pourvoir.
Février - Juin 2022
Certificat en Management humain innovant
Aucune organisation n’est immunisée face aux transformations du travail. Dans une société post-covid encore plus individualisée et digitalisée, où le travail et l’entreprise semblent moins porteurs de sens, salariés et managers sont en attente d’un management renouvelé : soutenable, porteur de sens et de reconnaissance.
Le certificat en Management Humain innovant de l’UCLouvain, dans lequel intervient Laurent, s’adresse aux responsables RH et business leaders. En 5 modules de 2,5 jours (jeudi et vendredi) organisés de février à juin 2022, des experts académiques et professionnels vous aident à mettre en œuvre ces nouveaux leviers d’action.
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Laurent Ledoux & Martin Bolle
+32 478 62 14 20
* Ce nouveau cycle de séminaires a été préparé avec Martin Bolle, docteur en philosophie, et Agathe Vidal, philosophe et consultante.
