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N°80
SOMMAIRE
  • In Gratitude, trésor perdu de Glastonbury
  • La playlist de la semaine
  • Yndling, le bonbon norvégien

OLDIES BUT GOLDIES

In Gratitude, le trésor perdu de Glastonbury


Symbole d'une époque révolue, le quatuor du Somerset aurait pu prétendre à une place de choix dans les charts grâce à un sens aiguisé de la pop. Était-il seulement appelé à durer ?


Dans ses Lettres à Lucilius, Sénèque écrit à son correspondant que “la prospérité est un état qui ne connaît pas le repos”. Voilà donc un sacré manque de bol qu’environ deux mille ans plus tard, un tout jeune groupe anglais ne vienne contredire une phrase porteuse d’autant d’optimisme, avant de tomber rapidement aux oubliettes. Car c’est bien sous le prisme du lointain souvenir - et de sa consœur la nostalgie - que l’on peut évoquer avec tendresse In Gratitude, tant il y a à la fois peu et tellement de choses à dire sur ce quatuor qui, tout comme Wolf Am I dont nous vous avions déjà conté l’histoire, n’a lui non plus pas survécu à la chute de la scène britannique des années MySpace. Une si belle épopée leur tendait pourtant les bras.

D’abord, peu de choses à mentionner car peu de sources et d’éléments à traiter. Nous sommes ici face à une formation qui, par ses origines, aurait pu devenir un porte-étendard de choix d’une scène invisibilisée par son illustre et populaire festival depuis plus de cinquante ans. Et aussi parce que le seul héritage que laisse la bande menée par Matthew Guttridge se résume à un EP, petit par la taille, grand par la qualité. Et donc beaucoup à dire il y a aussi, tant les mélodies cristallines qui parcourent ce disque nous sont restées et ont enrichi notre vision de la pop, tel un trésor dont on n’espère qu’une seule chose : qu’il reste entre nos mains.

Du crescendo grandiloquent de Prosperity, qui ouvre le disque avec confiance (peut-être trop?) aux jolies harmonies vocales de Always en passant par le tonitruant single Moving On et sa nappe chevaleresque très bloc partienne en fin de morceau, on pourrait s’arrêter ici en se disant qu’In Gratitude n’est qu’un réplica de ses contemporains trop forts pour lui et qui ont déjà pris la lumière. Il y a pourtant dans ce single ou dans les mélodies salvatrices de In All Dishonesty une force ineffable, de celles qui dopent le corps et l’esprit pour mieux avancer. Comme un signe porteur d’espoir. Leurs productions léchées font cohabiter le meilleur de la folk et du rock de l’époque avec élégance, symbole d’un sens aiguisé de la pop cool mais qui ne tombe pas pour autant sur l’écueil de la facilité commerciale. Et puis il y a ce timbre vocal tendre mais égratigné dans le gosier, qui nous laisse penser que Chris Martin aurait pu ne pas être le seul à posséder l’une des plus belles voix d’Angleterre.

Seulement voilà, les hymnes pop de 2010 lorgnent alors du côté de la dance music (Two Door Cinema Club), certaines figures confirment leur mainmise sur le mélange des genres susmentionnés (Arcade Fire) tandis que d’autres s’imposent comme futurs grands en poursuivant la maturation d’un son reconnaissable aujourd’hui entre mille (Foals et son lumineux Total Life Forever). Puis vient la remise en question et les revirements artistiques. In Gratitude mute alors en Dive In comme un enfant qui passe à l’âge adulte, laissant de côté les guitares dantesques pour une synth-pop sage plus ancrée dans son temps, sans que le succès ne porte pour autant les gars de Glastonbury vers une réussite auprès du grand public. Paradoxe fatal, le titre Only In Youth prend alors tout son sens, comme si les prémices d’une belle carrière se retrouvaient de facto emprisonnées dans la jeunesse et l’insouciance.

Mais en remerciement, le disque est aujourd’hui disponible gratuitement en téléchargement sur la page Bandcamp de leur label Pacific Ridge Records. Alors certes, point de prospérité pour eux au programme, sauf dans le monde des trésors oubliés, connu seulement des plus curieux.euses qui pourront se le partager.
Découvre In Gratitude
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LA PLAYLIST

Beanz & DJ Hoppa - Humble
Hip-Hop
La voltigeuse de la punchline revient avec un titre fort rappelant entre deux-trois rimes qu'il faut parfois faire preuve de caractère pour obtenir ce qu'on veut dans la vie. Jean-Micheline Combattive.
Pour les fans de Young Jasper, JPEGMAFIA, Chrissy
Horsegirl - Billy
Indie-Rock
Avec leur rock grungy cuit à l'étouffée et l'encadrement de John Agnello, producteur entre autres de Dinosaur Jr. ou Sonic Youth, les trois kids de Chicago vont secouer 2022, et au galop.
Pour les fans de Julia Shapiro, Ada Lea, Wednesday
Marjorie - Doesn't Exist
Dream-Pop / Indie
Des saxophones qui virevoltent en fond, des synthés hypnotiques et une voix ensorcelante : de quoi nous extraire de nos enveloppes corporelles tels des fantômes, et nous questionner sur nos existences. Bien trop méta tout ça.
Pour les fans de Alpine, Beach House, Agar Agar
Toteles - Phases
Ambient / Électronique
Ce gosse des 90's qui faisait jadis mumuse sur un Amiga 500 nous propose aujourd'hui un voyage léthargique qui nous emmène en vadrouille sur des vagues synthétiques aériennes. Bonne promenade.
Pour les fans de Rival Consoles, Rone, Floating Points
Ossie - Fly Away
Deep-House
Fermez les yeux, tendez les bras et laissez le producteur londonien vous faire décoller.
Pour les fans de Hagan, Jovonn, Roska
Swoop & Cross - CLVLL
Modern-Classical / Ambient
De l'audace dans la recherche, des formes simplifiées et des contours marqués. Tels sont les caractéristiques du fauvisme, mouvement pictural porté par un certain Matisse. Sur son prochain disque Les Fauves à paraître chez Piano & Coffee Records, le compositeur portugais expatrié en Norvège s'inspirera du peintre français pour dessiner les cloisons d'une musique orchestrale douce, minimaliste et téméraire. Extrait.
Pour les fans de Mike Lazarev, Ocoeur, Taylor Deupree

Clique sur ton service et écoute la playlist


DANS LES BACS

Yndling - Yndling


La nouvelle pépite de la dream-pop nord-européenne sort son premier EP. Et c'est une douceur sucrée qui nous mène aux portes de l'addiction.


Alors que la musique de Silje Espevik émergeait de nos tribulations interneteuses un beau jour d'été 2021, plusieurs sentiments se bousculaient à nos portes. Le bourdon en premier lieu, pour une artiste qui se lance dans une école musicale aux nombreux.euses fidèles certes, mais qui relève aujourd'hui davantage du marché saturé d'offres. Puis vint l'accalmie, la torpeur et le réconfort, accompagnés par des mélodies aux couleurs pastels que l'on retrouve dans un paquet de sucreries piquantes.

C'est à se demander si la dream-pop n'incarne pas un dérivé de drogue : pullulant sur les ondes comme un stupéfiant dans la rue, mais définitivement trop bon et flagorneur pour que l'on s'en affranchisse, les séquelles physiques en moins. On se rend alors compte de toute la portée médicamenteuse de ce premier EP, que la norvégienne a commencé à composer durant un confinement passé sans doute emmitouflée dans une couverture.

Une impression qui se transmet dans ses chansons écrites à cœur ouvert. Comme son lent et vaporeux Out Of My Way narrant la fin d'une relation dont on a déjà vu cent fois les traits, celle dont on est "à moitié dedans et à moitié dehors" comme l'expliquait l'intéressée sur Dusty Organ.

 

"(Lorsque) l'on se rend compte que l'autre a une vision totalement différente de la situation. Le titre de la chanson vient de ce sentiment - [celui] d'avoir fait tout son possible pour faire plaisir à [l'autre et pour que ça fonctionne], en pensant que vous l'avez fait ensemble, et en réalisant [que ça n'allait que dans un sens]."



De l'entraînant Like Love Is Real au single Cotton Candy Sky en passant par Childish Fear et son groove enivrant, Yndling nous tend ici un anti-douleur sucré des plus efficaces, de ceux que même les enfants réclameraient. De ceux dont on peut vraiment abuser.
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